VERS UNE PROBLEMATIQUE DE L’INTERCULTUREL

par Claude CLANET, Maître-Assistant, U.E.R. des Sciences du Comportement et de l’Education, Université de Toulouse Le Mirail . in Homo, XXIV, Toulouse : Université Toulouse le Mirail, 1984, pp. 5-32

Le terme interculturel est de plus en plus fréquemment employé, à tel point qu’on a pu se demander si la notion appartenait à une problématique de recherche ou n’était pas seulement un thème journalistique à la mode (J. A. Bizet, 1984). La présente publication s’ajoute en effet à d’autres relativement récentes, comportant le mot « interculturel » dans leur titre (1).

Au-delà d’un effet de mode probable, on ne peut nier que les problèmes générés par les interpénétrations de cultures soient devenus l’une des préoccupations de notre époque. A ceci, des causes socio-économiques : modes de production nouveaux, développement des moyens de communication, intensification des échanges internationaux et intercontinentaux … échanges de biens, mais aussi échange d’hommes avec une amplification des déplacements et des migrations. Sans doute aussi des causes axiologiques dans la mesure ou se cherchent et se structurent des modes nouveaux de vie en société qu’il s’agit de repérer, de décrire, de comprendre et (peut-être) d’infléchir en fonction des conceptions que nous pouvons avoir de l’humain…

C’est donc de l’avènement d’une problématique de l’interculturel en sciences humaines – particulièrement en psychologie – dont il est question dans cette introduction.

Après avoir repéré une évolution dans les représentations des contacts interculturels, nous envisagerons la position de la personne en situation interculturelle, avant de proposer, dans une dernière partie quelques éléments d’une problématique de recherches.

1 – DE L’EVOLUTION DE QUELQUES IDEES OU REPRESENTATIONS :

– CULTURE :

D’une manière nouvelle de percevoir et d’appréhender le champ interculturel, témoigne le changement de sens du mot culture. Comme l’indique Camilleri (1982, P. 16) jusqu’à une période récente on a employé le mot culture en référence aux savoirs et aux oeuvres des gens cultivés – on pouvait avoir une bonne culture générale, ou littéraire, ou scientifique …- A propos des collectivités on employait le mot civilisation – la civilisation grecque, ou occidentale, ou négro-africaine … – Les deux termes, culture et civilisation impliquaient des jugements de valeur. S’agissant de culture on classait les oeuvres selon une hiérarchie que renforçait au niveau individuel le quantitatif – on pouvait être plus ou moins cultivé -. De même existaient des civilisations primitives et des civilisations évoluées … on pouvait être plus ou moins civilisé … (2)

Le sens actuel du mot culture s’est peu à peu imposé au cours de ce siècle lorsque les travaux des ethnologues se sont développés, en particulier avec les colonisations des peuples dits aujourd’hui du Tiers-Monde. Sens élargi, consacré par l’école anthropologique américaine appelée culturaliste, pour laquelle la culture devient « l’ensemble des techniques, des outils, des idées, des schèmes de comportements et de conduites, inconscients ou non, qu’un certain nombre de personnes formant une société ont en commun et qui constituent des procédés pratiques et psychologiques par lesquels ces personnes ajustent leur existence au milieu humain et au mystère de la destinée » (G. Mbodj, 1982, P. 39).

Le sens du mot culture en vient donc à recouvrir plus ou moins celui de civilisation et il faut souligner que « l’évolution de civilisation à culture s’est faite, à mesure que l’Occident a commencé à douter lui-même de sa propre civilisation et de son progrès » (Camilleri, 1982, P. 16). Désignant l’ensemble des comportements actualisés dans une société, la notion de culture se détache des systèmes de valeur et des hiérarchies (3). Il ne saurait y avoir en principe une supériorité d’une culture par rapport à une autre ni d’« avance » ou de « retard », sinon sectoriels en fonction de critères précisés par rapport à un projet – avance ou retard d’une technologie par exemple -. Par ailleurs, en englobant de manière paradoxale les conduites humaines d’une part, les codes, les techniques, les outils de l’autre, cette conception de la culture, d’une certaine manière estompe les frontières entre individu et milieu, ou du moins nous incite à les percevoir comme tributaires l’un de l’autre. Comme tendent à apparaître tributaires les unes des autres les différentes sciences humaines et les frontières, entre elles à devenir perméables … mais là-dessus nous allons revenir.

– ACCULTURATION :

Simultanément ont évolué les conceptions des relations entre cultures et la notion même d’acculturation (4). Les relations entre cultures sont en effet perçues à travers le prisme socio-politique et le regard sur ces relations évolue avec l’évolution des rapports de domination entre états et avec l’évolution des formes de vie sociétale. Il semble que dans ces relations entre cultures – ou du moins dans les représentations qu’on a pu se faire de ces relations – deux modèles polarisés et antagonistes aient longtemps prévalu.

* Le modèle de l’assimilation qui suppose une déculturation – la disparition d’une culture – et l’acceptation intégrale des valeurs d’une autre culture dans un rapport de domination. Cette représentation est sous tendue par l’idée d’une hiérarchie entre cultures, quelle qu’en soit l’origine : idéologique (sauvage-civilisé), politique (annexions de territoires) technologique (efficacité de machines) etc. … Vision réductrice en ce sens qu’un rapport de domination possible dans un secteur donné tend à induire une valorisation généralisée de la culture dominante et une dévalorisation non moins généralisée de la culture dominée précédant sa disparition. A noter toutefois que cette assimilation se produit souvent dans le cas de populations migrantes dès la deuxième ou troisième génération et que ce modèle est loin d’être absent de nos représentations (5).

Mais, ainsi que l’indique Roland Colin (1982, P. 43) lorsque cette conception assimilationniste devient stratégie, elle échoue si au moins deux conditions strictement nécessaires ne sont pas remplies : d’une part « qu’elle corresponde à une option individuelle ou de groupe claire et vigoureuse pour les sujets candidats à l’intégration », d’autrepart « qu’elle corresponde à une option collective suffisamment ferme, explicite et signifiante de la société d’accueil » qui doit payer le prix, reconnaître le statut d’identité et d’égalité des nouveaux intégrés. Conditions difficiles et peut-être d’ailleurs dans l’absolu impossibles à réaliser (6).

* Le modèle de la ségrégation qui implique une séparation des cultures, un apartheid. C’est un modèle de non-acculturation dans lequel les cultures se développent en parallèle avec un minimum de contacts. Ici encore, à cette représentation ségrégative nous pouvons trouver des justifications idéologiques ou religieuses, politiques (préservation d’identités …), économiques (spécialisations dans les productions) etc … justifications qui visent souvent à maintenir les privilèges d’une culture dominante (diviser, isoler pour régner …) ou le pouvoir de certains sous-ensembles a l’intérieur même des cultures (7).

Dans le cas des populations migrantes, la ligne de ségrégation culturelle ne passe pas entre le groupe des migrants et la population d’accueil mais à l’intérieur même du groupe des Migrants et avec une frontière différente selon la génération – les enfants, en particulier par la scolarisation sont plus fortement « pris » dans la culture de la société d’accueil – et selon le sexe – les hommes sur leur lieu de travail sont davantage que les femmes au contact de la culture de la société d’accueil -. Mais, quel u’en soit l’emplacement, dans ce modèle de représentation, une ligne de se ségrégation, quasiment spatiale sépare la culture du pays d’origine de la culture du pays d’accueil, sans que les modes d’articulation entre ces deux cultures soient pris en compte de quelque façon que ce soit. Ligne de contradiction culturelle qui traverse aussi l’être psychique, de façon parfois douloureuse dans la mesure où, au niveau institutionnel ou socio-culturel, rien n’est susceptible de donner une forme et un sens a des processus intra-psychiques conflictuels.

L’idée est désormais admise que les relations entre cultures sont des phénomènes complexes qui ne peuvent être réduits aux modèles radicaux et schématiques de l’assimilation et de la ségrégation ou de leur combinaison en savants dosages. Les culturalistes américains soulignaient déjà que le résultat de relations entre cultures est une culture nouvelle qui ne peut être considérée comme un ensemble de traits disparates qui s’ajouteraient les uns aux autres en une « mosaïque » de traits anciens et de traits nouveaux, mais qu’il faut parler au contraire de synthèses vivantes de traits culturels inédits nécessitant des actes de créativité de la part des individus et des groupes. Linton parle même de « mutations », c’est-à-dire de l’apparition d’espèces entièrement nouvelles résultant du métissage des cultures en interpénétration, cultures métisses qu’il s’agit d’étudier comme une réalité originale.

Ainsi se trouve substituée, à un point de vue statique, une conception dynamique des relations interculturelles.

Toutefois un ethnocentrisme – lié à l’idée au moins implicite de la supériorité de la culture occidentale – nous a, jusqu’à ces derniers temps,empêché de voir et/ou d’accepter que les processus découverts par les anthropologues à propos de cultures exotiques valaient aussi pour notre culture et qu’il devenait urgent de reléguer définitivement aux archives de nos stratégies et de nos représentations les modèles néo-assimilationnistes ou néo-ségrégationnistes et de les remplacer par de nouvelles représentations et de nouvelles stratégies. Ces nouveaux modèles nous ne pouvons pas en rendre compte ; là-dessus, un travail est à poursuivre auquel nous comptons apporter une contribution. Nous pouvons cependant souligner certaines de leurs caractéristiques nécessaires :

– la complexité : Une culture peut être considérée comme un ensemble de niveaux et de systèmes. Les relations interculturelles doivent être pensées comme interrelations entre niveaux et entre systèmes hétérogènes.

– les interactions dynamiques : Les relations entre niveaux et entre systèmes hétérogènes introduisent des perturbations, des déséquilibres générateurs de mouvements vers un équilibre dynamique ou a l’origine de ruptures.

– Les paradoxes : Dans ces relations entre cultures, les contraintes de la vie, font tenir ensemble des dimensions contradictoires. Une représentation des relations interculturelles doit donc être à même d’intégrer le paradoxe. De ces caractéristiques, nous tenterons de fournir une illustration dans la troisième partie.

– SCIENCES HUMAINES :

Cette évolution des représentations de la culture et des relations interculturelles va de pair avec une évolution de l’approche des relations interculturelles en sciences humaines. Ou plutôt, les premières précèdent la seconde, car s’il est un champ de la culture occidentale où l’ethnocentrisme est aussi inébranlable que la foi du charbonnier, c’est bien celui de la Science. Le discours de celle-ci devient plus ou moins synonyme de Vérité. Et effectivement les lois de chute des corps, de l’assimilation chlorophyllienne, de la fission de l’atome … sont vérifiables sous toutes les latitudes. Mais il faut distinguer ici entre sciences de la nature et sciences de l’homme. Si les premières introduisent une distinction radicale entre le chercheur et l’objet étudié, se pose pour les secondes la vieille question de savoir si l’être humain peut se poser à la fois comme sujet et objet de connaissance, créateur des sciences humaines et objet de ces sciences. Ce que met en doute Gusdorf : « Les sciences humaines mettent en oeuvre des procédures objectives et parviennent à des résultats certains ; mais l’homme en sa réalité dernière n’est pas un objet parmi les objets. A la fois sujet et objet, auteur des sciences de l’homme, l’être humain se dérobe à toute entreprise qui prétend l’emprisonner dans un statut d’objet » (Gusdorf, 1977, P 771).

Interférences entre sujet et objet que va particulièrement révéler l’approche interculturelle, dans la mesure ou c’est avec un mode de pensée, un code culturel – ceux de la culture occidentale que le chercheur va devoir rendre compte d’autres modes de pensée, d’autres codes culturels … Et le fait que le chercheur appartienne ou ait appartenu a l’autre culture ne résout pas – pas totalement – le problème. Nous trouvons, à propos des sciences humaines, entre le discours du chercheur occidental et la réalité qu’il prétend signifier, un décalage qui rappelle celui que Sartre évoquait il y a déjà plus de 30 ans chez l’africain acculturé utilisant le français « le noir y est (dans l’utilisation du français) parfaitement à son aise dès qu’il parle en technicien, en savant ou en politique. Il faudrait plutôt parler du décalage léger et constant qui sépare ce qu’il dit de ce qu’il voudrait dire dès qu’il parle de lui. I1 lui semble qu’un esprit septentrional lui vole ses idées, les infléchit doucement à signifier plus ou moins autre chose ce qu’il voulait, que les mots blancs boivent sa pensée comme le sable boit son sang » (Sartre, 1949, P. 245).

Se pose donc la question de savoir si le discours des sciences humaines est susceptible de rendre compte, sans se « déplacer », de codes culturels qualitativement différents.

A cette question des réponses affirmatives sont encore souvent données, justifiées par deux motifs fondamentaux :

- Celui de l’universalité de la Science et de la Raison : on étend aux sciences humaines le caractère d’objectivité et de vérité absolue qu’on attribue volontiers aux sciences de la nature. Partant de là, l’être humain, quelle que soit sa culture, peut être étudié à travers les modèles et méthodes des sciences humaines.
- Celui de l’universalité du sujet humain : on suppose qu’un sujet parlant, quelle que soit sa culture, peut être entendu et compris par tout autre sujet parlant (8) pour peu que l’un et l’autre parviennent à avoir en commun un code … ce qui ne manque jamais d’advenir.

L’évolution qui se dessine dans l’approche de l’interculturel va dans le sens d’une mise en question de ces caractères d’universalité totale dans l’étude et la compréhension de l’humain. Structuré et constitué par les codes d’une culture, l’être ne peut être approché et compris que de manière biaisée à travers les modèles, les codes … d’une autre culture. Il devient dès lors nécessaire de référer les phénomènes et les processus, non seulement à des lois et des caractéristiques universelles, mais aussi à des lois et des caractéristiques relatives à un contexte culturel. D’où une mise en relation de différentes sciences humaines avec l’ethnologie : ethno-psychanalyse, ethno-psychologie , ethno-sociologie ; ethnologie de l’éducation … (9)

En définitive, les sciences humaines tentent d’intégrer avec un temps (ou deux) de retard la complexité systémique, les interactions dynamiques, les paradoxes … repérés dans les processus d’acculturation. Dans cette perspective et très pragmatiquement, l’ethnologie peut apparaître comme « une discipline destinée à rapprocher et à intégrer des données qui appartiennent à des champs épistémologiques différents, mais (qui) se rapportent à des entités particulières à fondement ethnique : tribus, peuples, nations, Etats » (P. Erny, 1981, P 34).

Nous l’avons dit ailleurs : « une recherche dans l’interculturel … aboutit (devrait nécessairement aboutir) à une acculturation de la connaissance » (C. Clanet, 1982, P 26).

II – L’APPROCHE DU CHANT INTERCULTUREL

Ces représentations et perspectives nouvelles dans le champ interculturel conduisent à l’élaboration de nouveaux modes d’approche. Comme point de départ de notre réflexion, nous rapporterons brièvement le schéma d’analyse socio-culturel présenté par Roland Colin (1982, P. 30-47), schéma d’analyse qu’il conviendra ensuite d’orienter en fonction de nos objets de recherche dans les secteurs de la psychologie et de l’éducation.

– I – UN MODELE SOCIO-CULTUREL :

Roland Colin décompose le champ socio-culturel en différents espaces de production, en se donnant comme règle de couvrir tout le champ socio-culturel, l’omission d’un sous espace faussant la dynamique de l’ensemble. Le champ socio-culturel est ainsi découpé en six espaces secondaires, six paliers ayant deux à deux des affinités particulières. Ce découpage part du niveau le plus proche de la nature, du champ écologique brut, pour aller progressivement vers les niveaux les plus « travaillés » par les hommes.

– l° niveau : la technologie, les techniques :

Ce sont les procédés de travail, transformant les données naturelles pour qu’elles répondent à des besoins ou à des objectifs humains : l’agriculture, l’habitat, le vêtement …

– 2° niveau : l’économie :

Les produits sont « comptabilisés » par le groupe social comme biens ou « service , avec lesquels le groupe va faire des opérations (production, répartition, consommation … ) organises en fonction de ses objectifs.

Ces deux niveaux, technologique et économique, apparaissent comme étroitement liés et sont considérés comme le soubassement – l’infrastructure – sur lequel s’appuie la construction sociale.

– 3° niveau : le politique :

Il existe toujours un système de pouvoir qui établit un ordre social en définissant les rapports entre l’ensemble des membres du groupe. Le système de pouvoir concerne les problèmes situés en infrastructure, mais aussi les forces situées aux autres niveaux.

– 4° niveau : le système socio-familial :

C’est la structure de la famille, cellule élémentaire de la société. Ce niveau se situe très proche du politique et se confond presque parfois avec lui, dans les sociétés « sans Etat » où le chef de clan familial possède aussi le pouvoir politique.

Le 3° et le 4° niveaux sont les « structures de milieu » – les méso-structures – qui touchent de près a la fois l’infrastructure et la superstructure, jouant un rôle plus ou moins lié à l’une ou à l’autre selon les types de société.

5° niveau : l’organisation psychologique :

Les unités sociales de base sont composées de personnes, c’est-à-dire d’êtres humains avec leurs structures psychologiques propres – cognitives, affectives, relationnelles … – produites ou reproduites par le système d’éducation et présentant donc des caractéristiques différentes d’un ensemble culturel à l’autre.

6° niveau : idéologies, valeurs :

C’est le niveau de la « représentation du monde » qui prend une forme « idéologique » ou philosophique ou religieuse… C’est le niveau des « valeurs » qui donnent au monde son sens, selon la perception qu’en a le groupe social.

Les niveaux 5 et 6 sont souvent appelés « superstructures » parce que les constructions « les plus élevées » du modèle socio-culturel.

Tous ces niveaux ou « instances » -qui sont d’ailleurs le résultat d’une démarche d’analyse présentent des relations étroites et constantes les uns avec les autres ; il y a entre eux des « interactions ». Lorsque quelque chose change à un niveau, c’est l’ensemble qui est concerné : ou bien les autres niveaux changent pour se mettre en cohérence, ou bien ils stoppent ou réduisent le changement du niveau de départ. Il y a régulation. On constate que, dans un modèle à 6 niveaux, il y a 15 « couples d’interaction à considérer ». (R. Colin, 1982, p. 37).

Ces mouvements à l’intérieur d’un même système peuvent être envisagés comme les contradictions internes du système.

Ces contradictions existent entre les niveaux repérés ci-dessus, i l’intérieur du modèle socio-culturel considéré comme système, et à l’intérieur de chacun de ces niveaux. Toutefois il existe, à l’intérieur de chaque système, un seuil de contradictions tolérables, au-delà duquel la régulation ne peut plus être assurée et les besoins essentiels ne peuvent plus être couverts. Le système entre lors en crise, à la recherche d’un autre mode de régulation. Ainsi peuvent être interprétées les crises des systèmes à différents niveaux, des crises socio-politiques aux crises personnelles.

Mais, nous l’avons souligné, un système, à quelque niveau on le prenne n’existe pas de manière isolée. Il existe entre systèmes des échanges, des communications, des influences et ces apports se marquent souvent par un mode de régulation d’un système sur l’autre. Autrement dit, -et c’est toujours le cas des situations interculturelles- tout système socio-culturel doit aussi réguler des contradictions externes.

Dans la situation interculturelle, on peut dire de manière schématique qu’on a à tous les niveaux deux systèmes en présence, chaque système ayant son contenu distinct, son identité, son mode de régulation. Ce sont des interactions entre systèmes, des interférences entre contradictions internes et contradictions externes qui créent la problématique de la situation interculturelle

– 2 – LA PERSONNE EN SITUATION INTERCULTURELLE :

Les contradictions internes et externes qui sous-tendent la dynamique du modèle socio-culturel général peuvent donc être repérées et étudiées sur différents « objets » du champ : une société, une ethnie, une institution, un groupe, un individu… Chaque objet a sans doute des affinités électives avec un niveau particulier (par exemple niveau politique -> société, niveau psychologique -> individu …) mais ceci ne doit jamais nous faire oublier les interrelations entre niveaux et leur interdépendance.

Nous choisissons ici, de nous centrer sur l’individu humain en tant qu’être social, sur la personne. La personne peut être considérée comme un système complexe, correspondant à un niveau d’analyse du champ socio-culturel, possédant une certaine autonomie de structure(s) et aussi comme un centre actif et intégrateur de tous les autres niveaux du système. Ce qui signifie que les autres secteurs du champ ne nous intéressent pas en eux-mêmes mais d’abord en tant qu’ils sont susceptibles d’être traduits et intégrés -et sont effectivement traduits et intégrés- par le système étudié.

Cette traduction et cette intégration se font, chez l’être humain en termes de sens ou de signification (10).

L’individu attribue à toute chose une signification -consciente ou inconsciente- qui décide de sa conduite. Ce qui est donc décisif pour l’homme, ce ne sont pas les événements « objectifs » vus à travers les lunettes d’une rationalité universelle, mais le sens qu’il leur donne (11). Et ce sens que crée l’être ou qui se crée en l’être à tout moment face aux événements résulte d’interrelations de deux systèmes antagonistes :

- Le système de significations propre à l’individu, tributaire de son histoire personnelle, des événements particuliers et des avatars de sa vie…

- Le système de significations propre au groupe, qui sélectionne et conserve un ensemble de significations prépondérantes qui apparaissent comme valeurs donnant naissance à des règles et à des normes.

Ce code collectif de significations prévalentes que conserve et transmet le groupe et amène, dans une certaine mesure, les individus à percevoir, penser et agir de façon semblable, nous amène à définir la culture en termes de significations. La culture apparaît comme « … la création d’un ensemble plus ou moins lié de significations relativement persistantes que les membres d’un groupe, de par leur appartenance à celui-ci, sont amenés à distribuer de façon privilégiée sur les stimuli provenant de leur environnement et d’eux-mêmes, induisant vis a vis de ces stimuli des représentations, attitudes et comportements communs dont ils cherchent a assurer la reproduction ». (Camilleri, 1982, p. 17).

Le sens naît donc d’une mise en relation du système de significations propre au sujet et du système de significations propre au groupe (12).

Entre ces systèmes existent à la fois des différences, des écarts, mais aussi des analogies, des similitudes. Des différences, parce que le développement de chaque individu est unique et que le sujet se pose -dans une certaine mesure- comme créateur de son propre système de significations. Des analogies parce que les systèmes procèdent en grande partie l’un de l’autre : c’est le système de significations propre au groupe que l’individu intériorise au cours de son développement.

Ainsi, au sein d’une même culture, des relations s’instaurent entre le système de significations propre au groupe -le code culturel- et le système de significations propre au sujet. Propos sans doute à nuancer selon les cultures (13) mais on peut dire globalement que le sens naît de cette dialectique entre systèmes de significations -celui du sujet et celui du groupe-. On peut dire aussi que les conflits intra-psychiques ont leur équivalent culturel, ou encore que le code culturel apporte -est susceptible d’apporter- une solution aux conflits intra-psychiques.

Il en va autrement en situation interculturelle. Par exemple dans le cas extrême de l’immigré, les systèmes de significations de l’individu et celui du groupe ne se correspondent que partiellement et dans certains secteurs ne se correspondent pas du tout. Il y a alors rupture de la signification ou pire l’instauration de relations inadéquates, la survenue du non-sens, ou encore sa perversion, le malentendu (14). On peut dire ici que les conflits intra-psychiques ne trouvent plus leur équivalent culturel, que le code culturel n’est plus susceptible d’apporter une solution adaptée aux conflits intrapsychiques.

Rupture entre codes pouvant susciter selon les sujets -ou selon les circonstances- soit un repli narcissique sur soi, une érotisation intense de ses propres productions, soit la tentative maniaque d’incorporer l’objet, de l’instaurer de force à l’intérieur à la place de sa subjectivité (allégeance au code externe et constitution d’un faux soi), soit plus vraisemblablement une oscillation entre ces deux attitudes.

La situation interculturelle, en particulier dans le cas de l’immigré mais probablement, de manière atténuée dans toute autre circonstance apparaît donc, par les ruptures qu’elle introduit dans le cours des choses, comme génératrice de crises. Toute expérience de rupture vient, pour le sujet « mettre en cause douloureusement la continuité de soi (15), l’organisation de ses identifications et de ses idéaux, l’usage de ses mécanismes de défense (16), la cohérence de son mode personnel de sentir, d’agir et de penser, la fiabilité de ses liens d’appartenance à des groupes (17), l’efficacité du code commun à tous ceux qui, avec Fui, participent d’une même socialité et d’une même culture » (16). (Kaes, 1979, p. 21).

Cette rupture entre systèmes de significations, ici évoquée à un niveau général, traverse bien sûr l’ensemble des secteurs d’activité et des conduites techniques, économiques, politiques, familiales, scolaires, relationnelles, religieuses… C’est dire que, du point de vue sujet, les ruptures de significations peuvent et doivent être étudiées aux différents niveaux du champ socioculturel.

III -ELEMENTS POUR L’APPROCHE DE LA PERSONNE EN SITUATION INTERCULTURELLE :

– L’APPROCHE DU DEVELOPPEMENT ET/OU DES TRANSFORMATIONS DE LA PERSONNE DOIT ETRE ENVISAGEE DANS UNE PERSPECTIVE SYSTEMIQUE :

Nous venons de le voir, la difficulté ou même l’impossibilité d’adaptation -de changement- de la personne en situation interculturelle provient d’une rupture entre systèmes de significations (personnel et culturel) hétérogènes. L’établissement de relations entre deux systèmes hétérogènes (18) va nécessiter des transformations de l’un et de l’autre, par leur fonctionnement comme systèmes ouverts. Plus concrètement, cela signifie qu’il ne suffit pas de prendre seulement en considération les transformations de la personne, ni seulement les transformations du contexte socio-culturel (19) mais les transformations des deux et leurs inter-relations dans leur ouverture l’un sur l’autre.

A propos de ces transformations et interrelations systémiques, il faut évoquer l’école de Palo Alto, où Watzlawick et ses collaborateurs définissent deux niveaux de changement (E. Marc et D. Picard, 1984, p. 86 et suivantes) :

a/ Un changement de niveau I qui est pratiquement sans effet sur le système a l’intérieur duquel il opère, changement intra-systémique,- qui obéit à une structure de groupe (au sens de la théorie des groupes) et qui peut comporter plusieurs aspects :

- Le changement peut être une donnée intrinsèque du système impliquant des positions différentes pour un même objet. Exemple : La structure maniaco-dépressive qui fait que le sujet passe par des états très contrastés d’exaltation et de mélancolie, puis ce changement intervient à l’intérieur d’une structure de personnalité permanente.

- Le changement peut être une donnée évolutive inhérente au système. Exemple : tout organisme passe par des phases de croissance, de maturité, de vieillissement, en quelque sorte programmées dans l’état initial du système.

- Le changement peut aussi consister en un processus de régulation, destiné précisément à assurer la permanence du système « Plus ça change et plus c’est la même chose », ce qu’en termes plus scientifiques on repère par la notion d’équilibre homéostatique : le système est capable d’exercer des effets auto-correcteurs sur les éléments internes ou externes qui menacent son équilibre. Le modèle le plus élémentaire de régulation homéostatique est celui du thermostat, mais on pourrait observer que dans des situations de communications perturbées (de l’intérieur ou de l’extérieur) des changements interviennent pour assurer la constance du système relationnel.

Dans tous ces changements de niveau 1, le système considéré demeure relativement stable.

b/ Un changement de niveau 2 qui oblige à sortir du système à l’intérieur duquel le changement opère. Ici c’est le système lui-même qui se modifie ; i1 y a passage à un autre système. Ainsi le rêveur peut liquider son angoisse a travers les images et les scènes du rêve (niveau 1) il peut aussi sortir du rêve et se réveiller (niveau 2). Ce changement de système peut revêtir plusieurs formes :

- Ce peut être une mutation dont la biologie fournit des exemples : les caractéristiques d’un organisme se modifient de manière irréversible a la suite du bouleversement spontané ou provoqué du nombre ou de la qualité des gènes.

- Ce peut être une rupture lorsque une transformation interne au système provoque, au-delà d’un certain seuil une transformation totale de celui-ci. Ainsi les historiens expliquent-ils l’effondrement de l’empire Maya au IXè siècle : la croissance rapide des villes ne s’est pas accompagnée d’une progression simultanée de la technologie agricole ce qui a amené le système socio-technique à un seuil de rupture à partir duquel, n’importe quel traumatisme a fait basculer l’ensemble.

- Ce peut être, dans le domaine social une révolution. L’analyse marxiste montre que des contradictions internes entre modes de production et ra ports sociaux entraînent, au-delà d’un certain seuil une transformation globale de l’ensemble du système social et un changement de système, le passage du capitalisme au socialisme par exemple.

- L’école de Palo Alto propose une autre configuration du changement systémique : le recadrage qui consiste à changer les prémisses qui gouvernent le système en tant que totalité (20). Il n’est pas question d’agir sur les choses mais de les éclairer d’une façon nouvelle de manière à transformer, dans le sens de l’ouverture, le rapport à une situation et la signification qu’elle revêt.

- Le recadrage, parce qu’il amène justement la restructuration d’un système de significations, nous intéresse particulièrement dans le champ interculturel. Avec ses limites soulignées par l’école de Palo Alto : le recadrage ne peut s’effectuer que dans un éventail limité de possibilités, dont le trait commun est d’être compatible avec l’image du monde de la personne, de s’intégrer à sa vision subjective de l’univers.

- Ainsi se trouve posé le problème des relations entre le niveau 1 de changement -celui qui tend à la conservation du système- car si les changements vécus par la personne à l’intérieur de sa propre culture participent, en dehors des situations de crise, du niveau 1, les processus d’acculturation, dans la mesure où ils introduisent une rupture paraissent se rapporter au niveau 2. Cette articulation entre le niveau I et le niveau 2 est de nature paradoxale.

– L’APPROCHE DES TRANSFORMATIONS DE LA PERSONNE EN SITUATION INTERCULTURELLE DOIT PRENDRE EN COMPTE LES PARADOXES :

En situation interculturelle, la personne se trouve confrontée à des contraintes contradictoires qui peuvent être ramenées à la double contrainte : conserver un système de significations/transformer ce système de significations par l’intégration de significations contradictoires. Conserver le système de significations original (changement de niveau I) permet de conserver une identité mais équivaut à se couper de la réalité socio-culturelle ambiante. Intégrer -tenter d’intégrer- le système de significations de la culture ambiante (changement de niveau 2) peut équivaloir a une perte d’identité. La tolérance et la prise en compte du paradoxe permettent que l’unité soit maintenue et que la continuité psychique s’établisse.

Le paradoxe qui participe de deux niveaux différents est la formation du saut logique d’un niveau à un autre, d’un système a un autre. Le niveau paradoxal est un niveau intermédiaire entre le niveau 1 et le niveau 2, niveau où s’établit une coexistence et une continuité entre les deux niveaux. (Kaës, 1979, p. 54).

Le paradoxe permet donc le dépassement du dilemme, mais ainsi formulée cette solution peut sembler une pirouette logique ou idéologique. Le paradoxe peut-il, dans la réalité établir une continuité entre le niveau 1 et le niveau 2 ? Peut-il maintenir une unité à l’occasion d’une rupture réelle ? On pense ici à la structure paradoxale de l’objet transitionnel décrit par Winnicott (21) et dont la fonction est précisément en tant qu’objet intermédiaire -à la fois prolongement du corps et symbole de la mère absente- d’établir continuité entre la mère et l’enfant entre le moi et le non-moi, d’être un « entre-deux », mais à un autre niveau dans la rupture (22).

Entre l’universitaire qui dépasse la rupture par la vertu du mot paradoxe et le tout jeune enfant qui rétablit un lien a travers un objet, la personne en situation interculturelle est donc condamnée à créer dans son expérience de rupture des symboles d’union, sous peine de se vivre extérieure à son environnement et séparée de lui. (23)

Avec l’hypothèse que la rupture socio-culturelle actuelle renvoie à des ruptures antérieures et même à une rupture fondamentale qui a déjà eu lieu, et dans laquelle l’être s’est trouvé sans secours et sans recours. Rupture fondamentale liée à l’état de rématuration spécifique de l’humain, à l’état de dépendance vitale de l’enfant par rapport à la mère et dont l’issue est modelée et modulée par l’environnement culturel. Ce qui introduit ici une perspective génétique par la nécessité de resituer la rupture actuelle dans sa dimension génétique et culturelle qui permette de la comprendre et d’en favoriser le dépassement, en particulier à travers les processus et structures de transitionalité.

– LA DYNAMIQUE DE LA PERSONNE EN SITUATION INTERCULTURELLE EST TRIBUTAIRE DE L’EXISTENCE D’UN ESPACE POTENTIEL :

L’espace transitionnel -ou potentiel- est une zone intermédiaire d’expérience où Winnicott situe le jeu et ce qu’il nomme l’expérience culturelle, c’est-à-dire un rapport créatif aux codes culturels (24). Cette zone s’instaure dès les premières relations du sujet à l’environnement et dépend de ces premières relations. « Si l’on veut étudier le jeu, puis la vie culturelle de l’individu, on doit envisager le destin de l’espace potentiel entre n’importe quel bébé et la figure maternelle humaine (faillible en tant que telle) que l’amour rend capable d’adaptation » (Winnicott, 1971, p. 140). C’est dans cet espace intermédiaire que se situent les processus de rupture et de passage entre deux états subjectifs, ensemble de processus que Kaës appelle « transitionalité » et qu’il définit comme « l’aménagement d’une expérience de rupture dans la continuité » (Kaës 1979, p. 60).

La transitionalité peut être caractérisée par une alternance entre trois modes d’élaboration :

- Un premier concerne la capacité du sujet d’inventer dans cette situation intermédiaire un champ de l’illusion, ce que Green appelle le temps transitionnel, « temps hors du temps, temps potentiel s’instaurant (…) à l’instant inaugural de la séparation d’avec l’objet, transformant la séparation en réunion » (Green, 1975, p. 107). Bref, un temps de réunion fusionnelle, un temps où l’être crée ou recrée sa relation au monde.

- Un second mode d’élaboration de la transitionalité est l’avènement « d’un espace vide, temps du rien et de la mort psychique » où passé, présent et avenir se télescopent (Kaës, p. 60). « On fait le vide lorsque les cloisons s’abattent et que les limites fondent. On est sidéré, sans réaction et sans affect. Ce n’est pas seulement un lieu qui se déshabite, c’est aussi un temps qui s’évanouit » (Green, 1975, p. 108).

- Un troisième mode d’élaboration se caractérise par l’émergence d’un espace objectivé et réifie, un temps plein, sans trou, où tantôt l’objet le réel, l’autre et tantôt le délire occupent tout l’espace. (Kaës, p. 60).

Modes d’élaboration de la transitionalité qui constituent des moments aux limites desquels se déforme ou se transforme le sujet. Les deux derniers constituent bien sûr des impasses dans l’aménagement des expériences de rupture. Sans doute y a-t-il oscillation nécessaire entre ces moments et la capacité de former des symboles d’union après la rupture, suppose probablement l’éprouve du vide et du trop plein.

Pour la personne en situation interculturelle, l’existence d’un espace potentiel et la possibilité d’accéder à cet espace paraît être la condition nécessaire pour que puisse être aménagée dans la continuité une expérience de rupture. C’est dans cet espace que peuvent être crées des symboles d’union entre niveaux ou entre systèmes disjoints.

L’espace potentiel est bien sûr à considérer comme un espace imaginaire, un lieu où se métabolisent et se dynamisent des processus intra-psychiques pour partie inconscients. Mais l’être psychique n’est pas un système clos, et ses processus participent aussi d’espaces relationnels (interindividuels ou groupaux), d’espaces institutionnels… et des homologies de structure et de processus existent entre systèmes intra-psychiques et systèmes extra-psychiques. En d’autres termes, l’accès à un espace potentiel intrapsychique susceptible d’aménager des expériences de rupture sera facilité -ou du moins rendu possible- dans certaines structures et conditions relationnelles, groupales, institutionnelles… celles qui, ne comportant ni un plein ni un vide permanents, laissent une place a la création du sujet entre des pleins et des vides.

De ces structures relationnelles, groupales, institutionnelles, il n’est pas possible de faire ici le tour. Elles sont d’ailleurs relatives aux codes relationnels et culturels en présence (25). Nous soulignerons cependant certaines fonctions qu’elles doivent être a même de remplir dans un processus de transformation.

a/ La fonction cadre :

Selon Bleger (1966), le cadre est l’organisation la plus primitive de la personnalité, « c’est l’élément fusionnel moi-corps-monde, de l’immuabilité de laquelle dépendent la formation, l’existence et la différenciation … »( p. 265). Le cadre est la présence permanente, le non processus, les invariants a l’intérieur desquels les processus se développent. Le cadre est « muet » et nous ne pouvons pas le percevoir tant qu’il ne fait pas défaut. En définitive le cadre est une institution (l’institution ?) et « toute institution est une partie de la personnalité de l’individu ; et cela au point que l’identité est toujours entièrement ou en partie institutionnelle … » (p. 257).

Car l’institution est le dépositaire « de la partie psychotique de la personnalité c’est-à-dire de la partie non différenciée et non dissoute des liens symbiotiques primitifs » (p. 263). En ce sens, le cadre -l’institution- est l’expression de la fusion la plus primitive du sujet avec le corps de la mère et la question se pose de savoir si peut être rétablie la symbiose originelle et le cadre modifié.

Ainsi une situation thérapeutique, une cure psychanalytique, un groupe de formation, un psychodrame… comportent un cadre spécifique dont fait partie le rôle du thérapeute ou du moniteur, les facteurs qui affectent l’espace et le temps, la technique… Cadre dont la rupture a des effets menaçants pour la sécurité et l’identité du sujet dans la mesure où il reçoit en dépôt la partie immobile et stable de la personnalité, la partie psychotique et symbiotique de la personne. Dans le meilleur des cas, la défaillance ou la rupture du cadre provoque une recherche d’autres cadres : défenses (projection, repli sur soi, régression …), acting-out, fuite dans une autre structure (26)…

S’agissant de la personne en situation interculturelle, la notion du cadre introduit plusieurs interrogations : Comment percevoir et situer le cadre d’un individu originaire d’une autre culture ? Dans quelle mesure les situations de formation ou de thérapie peuvent-elles permettre de travailler sur la fonction dépositaire du cadre ? Comment les espaces réels (relationnel, social, institutionnel… peuvent-ils s’articuler sur le cadre et « jouer » à l’intérieur ? …

b/ La fonction conteneur

Si le cadre est le support de la partie immobile de la personnalité, le conteneur représente le support actif et transformateur des projections imaginaires du sujet. Le conteneur rend possibles, tolérables et fructueuses ces -projections imaginaires ; il doit être apte à les recevoir, à les élaborer et à les resituer le cas échéant.

La fonction de conteneur peut être assurée par toute personne qui accepte de recevoir et de transformer les projections du sujet en crise ; en fin de compte la personne à laquelle l’individu en crise trouve à qui parler. La situation de groupe, lorsque est bien repérée sa fonction cadre, constitue aussi une situation favorable à l’invention d’un espace potentiel dans lequel peuvent être reconnues et articulées les structures paradoxales de niveaux différents qui constituent le statut paradoxal de tout sujet transitionnel.

Cette fonction de conteneur doit se manifester a la fois comme réparatrice et constructrice : « Il importe aussi que cet espace de rupture et d’union s’articule sur l’énoncé et la pratique d’une Loi qui manifeste et suscite un horizon extra-maternel, paternel- à l’élaboration de la rupture » (Kaës, 1979, p. 71). Ce qui revient à dire que la fonction de conteneur ne peut consister à réparer indéfiniment les blessures résultant de la séparation et de la détresse mais que le sujet doit aussi s’articuler sur un système de structures symboliques qui sont à proprement parler, selon l’expression de Jean Oury « la loi du Père » (27), c’est-à-dire avec une loi qui règle les signifiants du contexte socio-culturel ambiant.

c/ La fonction transitionnelle

Elle est la conséquence ou la résultante des deux autres. Toutefois, il ne suffit pas de rétablir un cadre et d’instaurer un conteneur pour qu’intervienne la capacité d’articuler des symboles d’union dans un espace paradoxal, c’est-à-dire pour qu’intervienne un jeu créatif établissant une continuité entre des systèmes en rupture. L’avènement de la création dépend de la place que le sujet occupe dans le système, de la capacité de l’autre -des autres- d’exercer la fonction de conteneur, de promouvoir l’espace et de s’y mouvoir, de jouer dans un système de structures symboliques… autrement dit il faut que s’instaure non seulement la dynamique d’un système mais la dynamique de l’ensemble des systèmes en interrelation.

Ce qui signifie que l’autre, les autres, les groupes, les institutions… -ceux qui exercent une fonction de cadre et de conteneur doivent mettre en oeuvre leurs propres processus de transitionalité.

– 4 – EN RESUME, LA PRISE EN COMPTE DE L’INTERCULTUREL INTRODUIT UNE CONCEPTION AUTRE DE LA PERSONNE ET DES CHANGEMENTS DANS L’APPROCHE DE CELLE-CI :

Une conception autre de la personne : Ceci est contenu dans tout ce qui précède et peut d’ailleurs être très simplement formulé : il s’agit de reconnaître, à l’autre différent, la qualité pleine et entière de sujet, c’est-à-dire un droit à la parole, à l’initiative, à l’affirmation de soi égal à celui que je détiens de moi-même.

Mais l’autre différent, même si je le considère dans sa singularité n’est pas seulement un être individuel, mais un être psycho-relationnel, psycho-social, psycho-institutionnel… En d’autres mots, la dynamique qui permettre de dépasser sa situation de crise ne le concerne pas lui seul -sauf à le renvoyer aux modèles de l’assimilation ou de l’apartheid- mais aussi tous les systèmes -relationnels, groupaux, institutionnels…- desquels et auxquels l’autre et moi participons.

C’est dire que si moi-même, ces groupes, ces institutions… ne savons ou ne pouvons nous situer dans une problématique de changement systémique et de transitionalité, nous dénions à l’autre en situation de rupture le droit a la parole, à l’initiative, à l’affirmation de soi -le statut de sujet- que généreusement nous lui avons accordé au plan idéologique.

Et par ce déni, je perds moi-même le statut de sujet, incapable que je suis de prendre en compte le paradoxe de ma rupture avec l’autre. En situation de rupture par rapport au système culturel ambiant, car l’autre différent, que je le souhaite ou non, fait partie de ce système. (28)

La prise en compte de la dimension interculturelle nous amène donc à concevoir la personne comme un système en rupture par rapport à d’autres systèmes. Le propos de l’éducation et des sciences humaines n’est pas de nier ou de masquer ces ruptures mais de comprendre à quelles conditions ces systèmes peuvent s’ouvrir les uns les autres, créer des symboles d’union, élaborer des systèmes nouveaux.

- D’où de nouvelles perspectives dans l’approche de la personne : La crise manifeste ou latente d’un système personnologique ne pouvant être élaborée par un changement intra-systémique, devient nécessaire de mettre en oeuvre les conditions d’un travail psychologique à d’autres niveaux systémiques. Ce saut extra-systémique, ainsi que le montrent les travaux de l’école de Palo Alto implique une phase paradoxale et exprime le statut paradoxal de la personne en état de crise. Paradoxe dont nous avons entrevu, à partir du modèle de l’objet transitionnel et de l’espace potentiel de Winnicott quelque possibilité de le surmonter si peuvent être mis en oeuvre des processus que Kaës appelle de transitionalité.

Une approche de la personne qui ne se situe ni du côté du sens, ni du côté de la structure mais à la limite des deux, ou de l’un et de l’autre côté. Une approche théorique de la crise qui relève elle aussi du paradoxe dans la mesure où se trouvent conjuguées une approche des structures -systémique- et une approche du sens -psychologie clinique, psychanalyse.-

Un peu comme l’immigré par rapport à la culture d’accueil, le chercheur de l’interculturel se trouve souvent en situation de rupture par rapport aux modèles et aux codes des sciences humaines. Son existence comme chercheur dans ce champ dépend, au moins en partie, de sa capacité à affronter cette rupture, elle aussi paradoxale.

Février-Mars 1984

NOTES

(1) Nous citerons seulement le numéro spécial de la revue POUR, n° 86 « Vers une société interculturelle », Nov. Déc. 82, Ed. Privat ainsi que le numéro de la revue « Les amis de Sèvres » consacré à « la communication interculturelle » n°4, 1982.

(2) En écrivant ceci, nous nous demandons d’ailleurs si l’utilisation du passé est tout à fait adéquate, ou, en d’autres mots, si les sens anciens et les hiérarchies ont totalement disparu.

(3) Cette évolution de civilisation à culture est fort différente et en un sens opposée à celle que mentionne entre 1845 et 1858 Alexandre de Humbolt qui souligne une progression qui va de l’homme civilisé, policé (stade de la civilisation), à l’homme savant, artiste, cultivé (stade de la Kultur) et enfin au stade supérieur, à l’homme formé, éduqué (stade de la Bildung). Il y a ici une hiérarchie entre niveaux d’une évolution, alors que l’évolution actuelle aboutissant au sens anthropologique du mot culture abolit toute hiérarchie (selon P. H. CHOMBART DE LAUWE, 1966, p. 15). A cette suppression de toute hiérarchie, l’anthropologie culturelle américaine a beaucoup contribué, manifestant entre autres la réaction et l’opposition des Etats-Unis au colonialisme européen… pour des motifs qui n’étaient pas d’ailleurs seulement humanistes.

(4) « … l’ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l’un ou des autres groupes » (LINTON et BERSKOVITS).

(5) Témoin un commentaire à la télévision, après une interview de deux lycéennes (une française et une africaine), du ministre de la culture disant en substance « Vous voyez bien que les choses évoluent ; toutes les deux parlent français et elles réussissent aussi bien l’une que l’autre au lycée … » Point de vue nettement assimilateur qui pourrait laisser supposer que l’assimilation est le résultat à atteindre.

(6) En effet, dans une stratégie assimilationniste, s’il est possible de percevoir les dimensions conscientes et explicites des options, il est beaucoup plus difficile de repérer leurs dimensions inconscientes et latentes… qui peuvent contrecarrer les premières.

(7) En fait il est impossible de maintenir l’apartheid. Des interférences « sauvages » se produisent, dont on laisse au hasard ou au rapport de forces le soin de trouver l’issue.

(8) Ce qu’affirmait un étudiant du DESS de psychologie clinique, s’adressant à un étudiant du DESS interculturel : « Pourquoi créer un DESS interculturel qui sectorise davantage encore les sciences humaines, alors que moi, clinicien, je suis à l’écoute d’un sujet, quelle que soit sa culture … » Autrement dit, j’ai la capacité de comprendre un universel humain. Peut-on sérieusement affirmer que l’expression du sujet et l’écoute du psychologue -fût-il clinicien- ne soient pas fortement tributaires de leurs cultures respectives, même s’ils sont tous deux, fondamentalement, sujets parlants.

(9) Cette mise en relation réciproque de l’ethnologie et des autres sciences humaines est d’ailleurs ancienne, mais elle était essentiellement le fait des « généralistes » que sont les ethnologues : cf par exemple DEVEREUX (G) Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, 1972 ou ROHEIM (G) Psychanalyse et anthropologie, Paris, Gallimard, 1967 etc… Ces mises en relation sont de plus en plus le fait de « spécialistes » ou de praticiens des sciences humaines qui éprouvent de plus en plus la nécessité de relativiser leurs approches par rapport à la dimension culturelle : cf par exemple ERNY (P) Ethnologie de l’Education, Paris, PUF, 1981.

(10) Il est difficile de définir des termes tels que sens ou signification. Nous dirons, pour aller vite que le sens est pour un sujet ce que les choses veulent dire et la signification ce que les choses peuvent dire. La signification renvoie en effet à l’ordre des signes et peut être définie, après SAUSSURE comme un « rapport d’évocation réciproque qui unit le signifiant et le signifié » (in LAFON, 1969, p. 647). Le sens renvoie à un au-delà du discours. Le sens d’un phénomène psychique « n’est autre chose que l’intention à laquelle il sert et la place qu’il occupe dans la série psychique » JANKELEVITCH) ou comme le dit HEGEL « la vie renvoie à autre chose que ce qu’elle est », elle renvoie au sens de la vie, mais le sens de la vie s’éprouve dans autre chose que la vie, dans la constitution d’un Moi étranger (LAFON, p. 641) Moi étranger qui a probablement beaucoup à voir avec l’Autre de LACAN, « lieu de cette mémoire qu’il (FREUD) a découverte sous Le nom d’inconscient, mémoire qu’il considère comme l’objet d’une question restée ouverte, en tant qu’elle conditionne l’indestructibilité de certains désirs ». L’Autre est désigné par LACAN comme lieu de Parole où la métonymie introduit le manque à être comme signifiant du désir.

(11) Ceci peut apparaître comme une évidence qu’il faut cependant se garder de banaliser, car, dans un souci d’objectivité ou de scientificité, on tend, presque toujours en éducation ou en psychologie à supplanter le sens (vérité individuelle) par la rationalité (vérité collective).

(12) Ce que souligne René KAES à propos des articulations entre formations inconscientes et formations sociales « l’héritage culturel ne trouve sa valeur et son utilité psycho-sociale qu’à fournir une articulation réciproque des formations inconscientes et des formations sociales : le mythe est l’une de ces articulations privilégiées tout comme dans son ordre propre, le rite. Un tel code repose sur une relative congruence entre le Moi des sociétaires et les qualités de l’environnement matériel et humain » (R. KAES, 1979, p. 27).

(13) Dans une culture traditionnelle, il v a apparemment une emprise plus étendue du code commun qui tend à restreindre les significations à prédominance individuelle, régissant un maximum de détails et de conduites par des significations communes, articulant les sous ensembles de significations, de façon cohérente, systématique et explicite. Dans les sociétés industrialisées, des sous ensembles se différencient et tendent à s’autonomiser, produisant des sub-cultures qui peuvent apparaître comme autant de systèmes de signification relativement autonomes, parfois contradictoires, qui ne peuvent donc plus être coordonnés en système global et qui de ce fait deviennent des « ensembles » ou des groupements de systèmes. Ce qui revient à dire que, même si les individus naissent et grandissent dans ce type de culture composite, se posent toujours pour eux, peu ou prou, des problèmes d’acculturation.

(14) Un exemple simple de rupture de signification entre systèmes est celui de la rupture entre systèmes linguistiques lorsque le migrant ignore la langue du pays d’accueil. Mais il s’agit là d’une rupture sans ambiguïté, repérée, et comme telle peu dangereuse. Il en va autrement dans le cas de pseudo-ruptures, comme dans l’exemple rapporté par Edgard WEBER (voir plus loin dans ce numéro) de l’immigré qui débarque dans un occident apparemment sans barrières et à portée de la main, et qui se retrouve seul « avec ses désirs restés sans réponse ».

(15) « Pour un immigré, un exilé, un déculturé, perdre le code c’est s’exposer à la mort, tout comme un être exclu du groupe d’appartenance. (…) C’est essentiellement de l’irruption forces de déliaison qu’il s’agit et la destruction subjective du code est vécue comme un effet de la pulsion de mort » (KAES, 1979, p. 33).

16) « Toute culture encode par des rites et des procédures à finalité normative les significations fiées à l’amour et à la haine » (p. 32).

17) « … d’abord la réaction de rejet de suspicion ou d’attaque vis à vis de l’étrange, de ce qui est radicalement autre et n’est pas identifié comme un autre… En outre, l’imprévisibilité de la conduite de l’autre suscite aussi le rejet et finit, par accréditer chez l’autre son propre caractère dangereux ». (p. 33).

18) Nous employons le mot système en un sens tris général « Ensemble d’éléments, matériels ou non, qui dépendent réciproquement les uns des autres de manière à former un tout organisé ». (LALANDE, vocabulaire de philosophie) d’où il résulte que tout système présente des lois et des propriétés de totalité, distinctes des lois ou des propriétés des éléments même du système.

19) Il peut paraître utopique de parler des transformations d’un contexte socio-culturel car on ne change pas facilement des significations déterminées par un contexte, une histoire… Nous persistons à penser que certains changements sont possibles, car il s’agit moins de bouleversements que d’une « lecture » autre, d’une interprétation nouvelle d’une même réalité. A cet égard, les sciences humaines nous paraissent manquer singulièrement de « tonus » dans une approche critique des réalités socio-culturelles.

20) Dans le domaine de la psychothérapie, « re-cadrer signifie (…) modifier un contexte conceptuel et/ou émotionnel d’une situation ou le point de vue selon lequel elle est vécue en la plaçant dans un autre cadre, qui correspond aussi bien et même mieux aux « faits » de cette situation concrète, dont le sens par conséquent change complètement » (WATZLAWICK et coll., 1975, p. 116).

(21) « J’ai introduit les termes d’ « objets transitionnels » et de « phénomènes transitionnels » pour désigner l’aire intermédiaire d’expérience qui se situe entre le pouce et l’ours en peluche, entre l’érotisme oral et la véritable relation d’objet, entre l’activité créatrice primaire et la projection de ce qui a été introjecté, entre l’ignorance primaire de la dette et la reconnaissance de celle-ci » (WINNICOTT, 1971, p. 8).

(22) « L’objet est un symbole de l’union du bébé et de la mère (ou d’une partie de la mère) (…) – L’utilisation d’un objet symbolise l’union de deux choses désormais séparées, le bébé et la mère, en ce point dans le temps et dans l’espace où s’inaugure leur état de séparation » (WINNICOTT, 1971, p. 134, souligné par l’auteur).

(23) Peu importent les « objets transitionnels » qui réalisent cette union. Ils peuvent être de nature symbolique -langage, arts…- mais aussi très concrète -nourriture, vêtements, activités…- mais aussi, et peut être surtout, relationnelle… L’important -nous allons revenir là-dessus- est que ces symboles d’union soient fortement intégrés aux structures de la personnalité et non plaqués sur elle.

(24) « La place où se situe l’expérience culturelle est l’espace potentiel entre l’individu et son environnement (originellement l’objet). On peut en dire autant du jeu. L’expérience culturelle commence avec un mode de vie créatif qui se manifeste d’abord dans le jeu » (WINNICOTT, 1971, p. 139).

(25) A titre d’exemple, nous retiendrons dans la culture occidentale certaines situations susceptibles de permettre l’accès à un espace potentiel. Au niveau de la relation duelle, nous pensons à l’entretien centré sur le client (souvent appelé non directif) sans doute aussi à la cure psychanalytique, au niveau du groupe nous pensons plus particulièrement au T Group ou au Psychodrame, au niveau institutionnel à certaines organisations intermédiaires (transitionnelles) entre le sujet et la vie sociale, économique, culturelle comme certaines associations ou certains centres dits culturels. Mais ces situations ou organisations n’ont pas de vertus par elles-mêmes. Tout dépend de la position qu’y occupe le sujet et de la dynamique qui s’y instaure. Tous les espaces cités peuvent être en effet quasiment vides ou quasiment pleins.

(26) La plupart des animateurs « non directifs » ont pu être témoins, au moins une fois, de phénomènes dits de décompensation, certain participants ne supportant pas la rupture de leur cadre institutionnel dans une situation de non directivité. Recherche d’un autre cadre « réussie » puisque aboutissant à une prise en charge thérapeutique, parfois dans le « cadre sécurisant de la clinique psychiatrique.

(27) « … Un piège est ici tendu dans lequel se trouvent prises nombre de personnes pourtant bien intentionnées (exemple, cas de régression incoercible vers une désorganisation de la personnalité en rapport avec un vide ; l’individu atteint cette zone du sans recours … Qu’une image maternelle se présente à ce moment là ne fait souvent qu’accentuer le processus de désorganisation. Le contrôle thérapeutique n’est efficace que s’il est la mise en acte d’un système de structures symboliques, représentant d’une Loi qui, pour l’individu, est à proprement parler la Loi du père. Cette position d’accueil du « sans recours » nécessite donc l’articulation du sujet thérapeute (individu ou groupe) avec une loi qui, dans ce cas particulier, a quelque chose à voir avec la loi qui règle le signifiant local ». (OURY J., Psychothérapie institutionnelle. Compléments théoriques, Encyclopédie médicochirurgicale, Psychiatrie, II, 1968).

(28) Je suis donc, moi l’aborigène en rupture par rapport à mon propre système culturel, ou plutôt par rapport à des sous-ensembles ; de ce système. Rupture plus facilement supportable que celle de l’immigré, coupé lui des systèmes dominants. Rupture quand même …

BIBLIOGRAPHIE

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