Dossier coordonné par Catherine Quiminal et Mahamet TIMERA.
Paru dans : Hommes & Migrations, N° 1239 – Septembre – Octobre 2002.
Un kaléidoscope africain par Philippe Dewitte
En France, ces dernières décennies, « l’Africain » est devenu l’une des figures emblématiques de « l’immigré », dans toutes ses variantes : travailleur non- qualifié, résident de foyer, clandestin… À cette imagerie traditionnelle, si l’on ose dire, attachée à toutes les migrations du passé, sont venues s’agréger quelques traits supplémentaires attribués en propre aux Subsahariens : la polygamie, l’excision, autant de caractéristiques culturelles qu’ils étaient tous plus ou moins censés partager et qui ne pouvaient que freiner, pour ne pas dire empêcher, leur intégration. Et puis, au début des années quatre-vingt-dix, les africains – en fait essentiellement des Maliens et des Zaïrois – ont encore aggravé leur cas en constituant le gros des cohortes de « faux réfugiés », alors même que la demande d’asile commençait à être considérée, un peu partout en Europe, comme un nouveau moyen de gagner illégalement l’eldorado.
Pourtant, les populations originaires du sud du Sahara ne se diversifièrent jamais autant que durant ces années où l’opinion française les « découvrait » et se faisait d’elles une image passablement réductrice et monolithique. Aujourd’hui, en effet, les Africains ne sont plus seulement des Sahéliens, des ruraux, des hommes, des ouvriers spécialisés et des musulmans. Ils sont encore cela, mais ils sont aussi, et de plus en plus, des diplômés, des cadres et des personnes exerçant des professions libérales, des femmes et des familles, des citadins, des chrétiens, des artistes et des intellectuels, originaires d’Afrique de l’Ouest, mais aussi d’Afrique centrale, de Madagascar ou de l’île Maurice.
Les « sans- voix » se retrouvent à l’avant-garde des nouvelles formes de citoyennetés. Ils disent que l’on peut à la fois participer à la vie de la cité sans être national, concilier des allégeances multiples, et être citoyen de jure là-bas et de facto ici.
Par ailleurs, l’histoire des mouvements sociaux portés par les Africains, depuis les luttes des sans-logis jusqu’à celles des sans-papiers, en passant par les projets en faveur du développement de leurs régions d’origine, montrent à ceux qui pouvaient en douter que leur vitalité citoyenne n’est pas un vain mot. De même, l’action spécifique des femmes dans les associations de quartier, leur rôle de trait d’union entre l’école et la famille ont considérablement modifié la physionomie des communautés africaines. Désormais, quoique l’on en dise ici et là, intégration est en marche, même si elle ne se fera pas sans difficultés.
Sommaire
Un kaléidoscope africain par Philippe DEWITTE
Participation aux mouvements sociaux du pays d’accueil, mise sur pied de projets en faveur du développement du pays d’origine, actions spécifiques des femmes dans les associations de quartier l’intégration des Africains subsahariens est bel et bien en marche.
Les immigrations africaines en France au tournant du siècle par Jacques BAROU
Qui sont aujourd’hui les immigrés d’Afrique subsaharienne ? Plus nombreux et plus jeunes que leurs aînés, ils comptent plus de femmes et de familles. sont plus qualifiés et demandent plus souvent la naturalisation française. Portrait de ces immigrations.
1974-2002, les mutations de l’immigration ouest- africaine par Catherine QUIMINAL et Mahamet TIMERA
Victimes de ségrégations multiples, les ressortissants d’Afrique subsaharienne n’ont pas attendu qu’elle les invite pour forcer la main de la démocratie française interrogeant l’essence même de la citoyenneté et revendiquant l’égalité.
Entre Saint-Denis et le Mali, une citoyenneté sur deux continents par Céline Le GUAY
L’association malienne Guidimakha djikké et la mairie de Saint-Denis font depuis dix ans le pari de combiner les synergies entre actions de développement et politiques d’intégration. Une réflexion logique et efficace.
Aides au « retour volontaire » et réinsertion au Mali : un bilan critique par Christophe DAUM
Près de la moitié des migrants repartent un jour ou l’autre. Mais il s’agit là de projets personnels et les aides au « retour volontaire » ne les rejoignent que rarement. Ce système d’aides peut-il alors s’inscrire dans une perspective de développement local ?
La campagne présidentielle sénégalaise en France par Monika SALZBRUNN
En 2000, la communauté sénégalaise de France joue un rôle clef lors de l’élection présidentielle. Tablant sur le double registre de son appartenance au Sénégal et de l’expatrié qui a réussi en France, Abdoulaye Wade gagne ainsi les élections.
Harrisme et kimbanguisme : deux Eglises afro- chrétiennes en île- de – France par Aurélien MOKOKO-GAMPIOT
En France les Églises harriste et kimbanguiste sont constituées en associations. Leurs fidèles forment des micro-sociétés et vivent dans la continuité des pratiques du pays d’origine. Un groupe de migrants qui s’adapte, plus qu’il ne s’insère.
La littérature des Africains de France, de la « post colonie » à l’immigration par Boniface MONGO-MBOUSSA
Après la négritude, la littérature de la « post colonie » et la problématique du retour au pays natal, est venue l’écriture des »négropolitains ». Aujourd’hui, une littérature liée à l’immigration et à la condition des Africains de France voit le jour.
Des cinéastes habités par l’Afrique par Olivier BARLET
Qu’ il s’agisse du cinéma français ou des films je réalisateurs d’ascendance africaine, le Septième art a du mal à rendre compte de la relation au pays d’origine comme de la réalité immigrée. Et ce malgré les stratégies réfléchies des cinéastes africains.
HORS- DOSSIER
Être de parents « blanc » et « noir » dans la France d’aujourd’hui par Sandrine VALCKE
Comment les personnes issues d’un couple « blanc-noir » vivent leur dualité ? Le regard de l’Autre, l’identification au camp des dominés conduit beaucoup à se penser d’abord comme « Noir ». Par ailleurs, se revendiquer comme métis devient valorisant.
L’emploi des femmes étrangères et issues de l’immigration par Odile MERCKLING
L’évolution de la situation de ces femmes, main-d’oeuvre corvéable dans l’industrie il y a vingt ans devenues salariées malléables – et souvent intérimaires – dans le secteur tertiaire. Une mutation où seules les rémunérations – basses – restent stables.
CHRONIQUES
INITIATIVES
Deux décennies de combats pour survivre au sida par Reda SADKI et Jamai El BAOUCH
MUSIQUES
Les nuits de la Méditerranée par François BENSIGNOR
MÉDIAS
La saga de l’immigration et des cités sur France 3 par Mogniss H. ABDALLAH
AGAPES
Les douceurs de la table mexicaine par Marin WAGDA
CINÉMA
Le défi : Freestyle ; La saison des goyaves ; Salvajes ; Sia, le rêve du python ; Sucre amer par André VIDEAU
LIVRES
Le Paris noir
Le Paris des Africains
Immigration : le défi mondial
Motivés, motivées, soyons motivées
La maladie de l’lslam
Takfir sentinelle
Cayenne mon tombeau
Je rêve d’une autre vie (moi, le clandestin de l’écriture)
Zoos humains. De la Vénus hottentote aux reality shows