Alain FINKIELKRAUT : « Le Juif imaginaire »

Editions du Seuil, Points, Paris, 1980.

Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud (où il est entré en 1969), agrégé de Lettres modernes et titulaire d’une maîtrise en philosophie, Alain FINKIELKRAUT est le fils unique d’un maroquinier juif polonais rescapé d’Auschwitz. Dans Le Juif imaginaire, il interroge cette identité des Juifs de sa génération, athées et nés après la guerre, ainsi que l’histoire de cette mémoire qui implique toujours de garder une distance, sans identification, sans appropriation.

Alain Finkielkraut questionne le paradoxe de la judéité : la judéité se définit par le malheur et le traumatisme, qui va lui-même s’avérer être une bannière contre l’antisémitisme. Finkielkraut nous fait part du vécu de sa propre judéité, en montrant comment il est passé de l’ostentation à la fidélité. Entre le Juif authentique et le Juif inauthentique du paradigme sartrien, Finkielkraut se voit comme le juif imaginaire, celui qui a brandi le drapeau de la souffrance de ses ancêtres, s’accordant toute la souffrance de son peuple : « Le Juif errant, c’est moi ; le détenu famélique au pyjama rayé, c’est moi ; moi, le torturé de l’Inquisition, moi Dreyfus à l’île du Diable ». Ce sentiment de judéité est celui d’une appartenance à toutes les douleurs d’un peuple, permettant alors au petit étudiant parisien « studieux et sage » de se distinguer.

Nous pouvons observer dans cette œuvre une dénonciation de l’utilisation de la Shoah à des fins identitaires. Se servir du judaïsme de manière identitaire donne lieu à une folklorisation massive du judaïsme. Finkielkraut précise que le judaïsme est une religion et une culture aux formes très diverses, riches et variées. Il condamne ce sentiment de judéité qui après la Shoah se sert de clichés dans un processus identitaire. La Shoah est utilisée, ses morts sont instrumentalisés à des fins identitaires.
Le judaïsme est d’abord une foi, et surtout une mémoire, « le combat incessant que nous devons mener contre la mémoire majoritaire, afin d’arracher les morts du génocide au conformisme qui tend à s’emparer d’eux et les déguise, pour la postérité, en suppliciés consentants et ahuris » [3].
La finalité de cet essai se trouve être finalement le réajustement de la lutte contre l’antisémitisme.

La dimension contestataire de cet essai a donné lieu à de nombreux débats sur la question juive.

Note :

1. p. 57.

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