Améliorer les politiques de recherche sur la santé des immigrantes et des réfugiés au Canada. Par Mary Ann Mulvihill, Louise Mailloux et Wendy Atkin.

Préparé pour les Centres d’excellence pour la santé des femmes.

Financés par le Bureau pour la santé des femmes et la Division de gestion et diffusion de la recherche, Santé Canada.

But :

Ce document fournit un aperçu de la recherche canadienne sur la santé de immigrantes et des réfugiées. Il puise dans les travaux antérieurs de Kinnon (1999) e de Janzen (1998), de même que dans la recherche menée par les centres d’excellence pour la santé des femmes (CESF) du Canada et les centres d’excellence de Metropolis (CEM). Il présente les questions stratégiques préliminaires, les enjeux de recherche et les incidences sur les politiques découlant de la recherche. Il propose de plus des mesures pour engager un dialogue stratégique visant l’élaboration de politiques et le développement de la recherche sur la santé des immigrantes et des réfugiées. Le rapport peut aider les décideurs à évaluer leurs politiques et leurs programmes, et favoriser la discussion et l’action dans ce domaine. C’est aussi un document d’intérêt pour les responsables des politiques à l’échelle municipale, régionale, provinciale et fédérale, et pour les chercheurs et les organismes non gouvernementaux qui participent au processus stratégique.

Démarche :

En général, les « immigrants » sont considérés comme des migrants volontaires, et les « réfugiés », comme des migrants involontaires. Cependant, ces termes reflètent aussi des réalités sociales complexes et diverses. Au Canada, non seulement la population des immigrantes et des réfugiées diffère de la population générale à maints égards mais elle compte aussi sa propre diversité interne. En conséquence, les politiques et la recherche concernant leur santé doivent prendre en compte les questions relatives au sexe et à la diversité, la perspective sur les déterminants de la santé et la démarche en matière de santé publique. Ensemble, ces points de vue indiquent que la santé est le résultat d’une interaction complexe des facteurs socio-économiques et que les questions relatives à la santé ainsi qu’aux soins de santé peuvent influer différemment sur différents groupes de femmes.

Thèmes de la recherche :

Le dépouillement d’ouvrages canadiens récents sur la santé des immigrantes et des réfugiées a révélé que la recherche porte sur un certain nombre de thèmes principaux, sous lesquels sont également regroupées les conclusions de ce document-ci :

• l’état de santé et le contexte de vie des immigrantes ;

• le revenu et l’emploi ;

• la santé mentale ;

• le vieillissement de la population ;

• l’accessibilité des soins de santé ;

• les répercussions de la réforme de la santé.

Appliqués aux résultats de la recherche, les instruments d’analyse et la démarche indiqués précédemment ont mis en lumière certains thèmes de recherche, enjeux stratégiques et retombées politiques à considérer. Ces éléments sont illustrés dans u tableau qui figure à la fin de chaque section consacrée à un thème de la recherche.

Principaux enjeux stratégiques et de recherche :

Le contexte socioculturel de la vie des immigrantes et des réfugiées.

La recherche menée dans ce domaine porte sur la façon dont des variables comme le pays d’origine, l’âge, les circonstances de l’immigration, les changements apportés au mode de vie et la situation économique influent sur la santé1. Il importe également de savoir si cette influence persiste ou évolue et comment. Il faudrait entreprendre des recherches pour déterminer si les immigrantes et les réfugiées sous-utilisent les services préventifs en raison d’une conception différente de la santé et des soins de santé ou à cause d’obstacles structurels. La promotion de la santé, la prévention de maladies et l’amélioration des services sociaux et de santé destinés aux immigrantes et aux réfugiées exigent l’attribution de ressources, ce qui se répercute sur les politiques.

Le revenu et l’emploi.

De nombreuses études se sont penchées sur l’intégration économique des immigrantes et des réfugiées au Canada. Il faudrait cependant effectuer de plus amples recherches pour étudier les liens entre le bien-être économique et l’état de santé. La conclusion selon laquelle l’état de santé s’améliore à chaque échelon de l’échelle socioéconomique pour la population en général2 indique que les politiques et les programmes visant améliorer la situation économique des immigrantes et des réfugiées, comme les programmes de langues et d’emploi, peuvent influer sensiblement sur leur état de santé.

Repenser la santé mentale.

Des études récentes ont révélé que, bien qu’habituellement considérées comme personnelles, les questions relatives à la santé mentale des immigrantes et de réfugiées comportent d’importantes dimensions sociales. Cette constatation accroît le besoin de mener de plus amples recherches sur l’accessibilité des services de santé mentale, en particulier pour les réfugiées ayant subi un traumatisme prémigratoire. On a déterminé que la réduction de l’isolement social à la faveur d’initiatives comm l’établissement de centres pour immigrantes, de réseaux d’entraide et de programmes de mentorat, de langues, d’emploi et de recyclage constituait une question stratégique importante en matière de santé mentale. Il convient également d’examiner plus en profondeur l’incidence des lois, des politiques et des programmes sur la vulnérabilité des immigrantes et des réfugiées à la violence familiale

L’immigration et le vieillissement :

Les études sur l’immigration et le vieillissement de la population comptent encore d nombreuses lacunes, notamment en ce qui concerne les populations d’immigrés et de réfugiés récents, ainsi que l’approche communautaire. Il faut élaborer des programmes et des services ciblés pour promouvoir et maintenir la santé et le bien-être de cette population. Il faut également tenir compte de façon particulière du rôle d’aidante naturelle des femmes au moment de concevoir et de fournir des services de santé communautaires et de soins à domicile.

L’accessibilité des services de santé :

La connaissance du contexte complexe de la vie des immigrantes et des réfugiées est indispensable pour mettre au point des pratiques et des programmes de soins de santé accessibles et adaptés aux cultures. Pour accroître l’accessibilité aux services de santé, il faut améliorer la compétence culturelle à tous les échelons du système de santé examiner les obstacles linguistiques, la diversité culturelle, le jumelage d’usagers et de prestataires de soins de santé en fonction de l’origine ethnique et du sexe ou l’efficacité d’une telle mesure, l’utilisation de méthodes parallèles ou traditionnelles de guérison ; et investir dans des stratégies d’information. Les effets de la réforme du système de santé

La recherche dans ce domaine souligne l’existence de quelques lacunes au chapitre des politiques principales, dont un manque de points de repère pour saisir les effets réels ou possibles de la réforme de la santé pour les immigrantes et les réfugiées. Il faut examiner de plus près certains aspects de la réforme en tenant compte des différences entre les sexes et de la diversité culturelle, notamment en ce qui touche la promotion de la santé et l’éducation préventive, les incidences du virage ambulatoire, la pression croissante sur les organisations communautaires et les femmes qui travaillent comme aidantes naturelles (bénévolement). La réforme de la santé doit inclure la mise sur pied de programmes d’action communautaire assortis d’initiatives tel que le recours aux services de travailleurs de diverses origines ethniques ou d’agents de liaison multiculturelle. Les prochaines étapes

Il est clair qu’on pourra mieux combler les besoins des immigrantes et des réfugiées en resserrant les liens entre la recherche et l’élaboration des politiques, et en favorisant la participation de la collectivité au deux processus. Compte tenu de la complexité des politiques de santé, on recommande ici d’adopter une approche coordonnée par étape. La première étape consiste à recenser et à réunir les principaux intervenants des CESF et des CEM, les ministères fédéraux concernés et les groupes d’immigrantes et de réfugiées. La deuxième concerne l’élaboration d’une approche en matière de planification stratégique qui dénombre les priorités du gouvernement de même que les mécanismes actuels, -ou requis-, pour que la recherche se répercute sur l’élaboration de politiques en matière de santé respectueuses des disparités entre les sexes et de la diversité culturelle. La troisième étape consiste à diffuser les conclusions de c document afin d’accroître le degré de sensibilisation des intervenants régionaux, provinciaux, municipaux et communautaires, et de promouvoir l’élaboration de politiques et de programmes appropriés. Les CESF et les CEM sont bien placés pour prendre en main l’élaboration d’une démarche intégrée. Une démarche multi niveau coordonnée est susceptible d’améliorer l’état de santé à court et à long terme d’u groupe de plus en plus important au Canada, soit les immigrantes et les réfugiées.

1. INTRODUCTION :

1.1. Portée et méthode :

Ce rapport donne un aperçu de la recherche canadienne sur la santé des immigrantes et des réfugiées. Il puise dans les travaux de Kinnon3 (1999) et de Janzen4 (1998), de même que dans la recherche menée par les centres d’excellence pour la santé des femmes (CESF) du Canada et les centres d’excellence Metropolis (CEM). Il présente les enjeux stratégiques préliminaires, les questions de recherche et les incidences de celle-ci sur les politiques. Il propose de plus les mesures à prendre pour fair progresser la recherche et élaborer des politiques relatives à la santé des immigrante et des réfugiées. Ce rapport est en outre susceptible de favoriser la discussion et l’action dans ce domaine, ainsi que d’intéresser les décideurs de tous les ordres de gouvernement, les chercheurs et les ONG qui participent au processus d’élaboration de politique.

La section 2 expose en détail les thèmes clés de la recherche, c’est-à-dire la santé, le revenu et l’emploi des immigrantes et des réfugiées, la santé mentale, le vieillissement, l’accessibilité des services de santé et la réforme de la santé. La section 3 examine les façons de resserrer les liens entre la recherche et les politiques afin que la recherche s‘applique davantage aux politiques et que ces dernières soient davantage fondées sur les résultats des recherches. La section 4 propose une approche coordonnée par étape pour aider les intervenants à élaborer une méthode stratégique de recensement de priorités en matière de politiques et les mécanismes susceptibles d’accroître l’incidence de la recherche sur l’élaboration de politiques de santé sensibles à la disparité entre les sexes et à la diversité culturelle

1.2 Analyse des sexes et de la diversité :

Ce document et les idées qu’il met de l’avant sont guidés par les principes de l’analyse comparative des sexes et de la diversité. La première constate l’inégalité systémique entre les hommes et les femmes dans la société, tandis que la deuxième reconnaît que différents groupes, y compris les immigrantes et les réfugiées, évoluent dans des cadres sociaux, culturels et économique distincts qui peuvent nécessiter l’adoption de politiques particulières.

La Stratégie pour la santé des femmes, de Santé Canada, constate que les normes fondées sur le sexe façonnent la nature des questions relatives à la santé et influent sur les pratiques et les priorités du système de santé ; et de plus, que l’adoption de mesures visant à aplanir les inégalités et le sexisme au sein et à l’extérieur du système de santé améliorera la santé de la population5. Santé Canada s’est engagé à veiller à ce que les effets des interprétations ou des changements de politiques sur les femmes soient pleinement évaluées » et à intégrer « une analyse d’impact comparative sur les femmes et sur les hommes dans sa contribution à l’élaboration des cadres d’imputabilité d système de santé »6. Selon Vissandjée et autres (2000)7, l’analyse comparative entre les sexes en matière de santé a révélé la présence d’un fossé entre les sexes chez les immigrants et les réfugiés, ainsi que l’existence de processus sociaux de nature à le creuser. À l’instar de l’égalité des sexes, la diversité constitue une importante catégorie d’analyse. On tient souvent pour acquis que les immigrantes et les réfugiées présentent les mêmes caractéristiques que la population en général et qu’elles forment un groupe homogène. Elles ont certes des points communs, mais diffèrent selon l’âge, le statut économique, social et politique, le niveau de scolarité, le pays d’origine, la culture et l’identité ethnique et raciale. En conséquence, l’expression « immigrantes et réfugiées » ne désigne pas simplement le statut juridique, mais comprend un ensemble de réalités et d’expériences complexes.

Habituellement, les immigrants sont perçus comme des migrants volontaires et les réfugiés, comme des migrants involontaires, bien que la distinction soit parfois floue. La position dominante des hommes au sein des ménages et leur poids dans la décision d’émigrer donne à penser que les femmes ne sont peut-être pas toutes consentantes8. En outre, on considère souvent les femmes comme des personnes à charge d demandeurs mâles au cours du processus d’immigration9. Bannerjee (1985)10 observ un nombre croissant de ressemblances entre les immigrantes et les réfugiées en ce qui concerne leur exploitation en tant que femmes et travailleuses, la violence, les tensions entre les générations, l’isolement causé par des facteurs linguistiques, culturels et économiques, ainsi que l’évolution des responsabilités et des rôles familiaux. Bien qu’elles partagent un nombre appréciable de caractéristiques, immigrantes et réfugiées demeurent des groupes distincts à plusieurs égards.

Il est clair qu’aucune stratégie ou programme de soins de santé ne saurait seul répondre adéquatement aux divers besoins des immigrantes et des réfugiées ; ce qui révèle la complexité des enjeux et la pertinence du recours à l’analyse comparative entre les sexes et celle de la diversité.

Pour effectuer des analyses comparatives entre les sexes ou de la diversité, il faut dans les deux cas recueillir des données qualitatives et quantitatives, vérifier les hypothèses de base et comprendre les effets différents des facteurs socio-économiques sur les hommes et sur les femmes. Lorsque appliquées au processus d’élaboration des politiques, à la fois l’analyse comparative entre les sexes et l’analyse de la diversité commencent par reconnaître ces réalités économiques et sociales distinctes ; et elles en tiennent compte dans l’évaluation des politiques, des programmes et des lois en vigueur ou projetés. Ce document est axé sur une vue des déterminants de la santé selon laquelle la santé est le résultat de l’interaction d’une série de facteurs, y compris les caractéristiques individuelles, le milieu physique, et les facteurs sociaux, économiques et culturels.

2. PRINCIPAUX ENJEUX STRATÉGIQUES ET DE RECHERCHE :

Comme nous l’avons déjà indiqué, Kinnon souligne le rôle clé des CESF et des CEM dans la santé des femmes et des immigrantes11, et une attention particulière a été accordée ici à la recherche menée par ces centres. Il convient cependant de noter que les résultats d’un certain nombre de projets en cours étaient inconnus au moment de l’impression de ce document.

Les résultats de recherche présentés ici proviennent d’analyses comparatives de l’égalité des sexes et de la diversité, des procédés qui ont mis en lumière les questions stratégiques et des possibilités de recherche. Les données sont présentées selon les thèmes clés que les résultats de recherche ont permis de dégager :

• l’état de santé et le contexte socioculturel de la vie des immigrantes ;

• le revenu et l’emploi ;

• la santé mentale ;

• les personnes âgées ;

• l’accessibilité des services de santé ;

• les effets de la réforme de la santé ;

• des considérations sur la recherche à venir.

Appliqués aux résultats de la recherche, les instruments analytiques et les approches indiqués précédemment ont mis en lumière nombre de thèmes pour la recherche venir et les incidences sur les politiques, qui sont illustrés à l’aide d’un tableau à la fin de chaque section consacrée à un thème de recherche. Il convient de souligner que la structure du rapport reflète les études canadiennes sélectionnées portant sur la santé des immigrantes et des réfugiées, et non sur l’état de la question elle-même ou un cadre particulier. 2.1 Le contexte socioculturel de la vie des immigrantes et des réfugiée Répercussions sur l’état de santé

Les résultats de l’Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-95 indiquent que les femmes émigrantes ou immigrantes « volontaires » récemment arrivées au Canada sont, en moyenne, en meilleure santé que les Canadiennes nées au pays. Les chercheurs attribuent ce phénomène à un certain nombre de facteurs, notamment :

• les personnes en meilleure santé tendent à émigrer davantage ;

• les immigrants doivent respecter les normes de santé fixées par le gouvernement canadien et subir un examen médical ;

• le taux de tabagisme est inférieur chez les immigrantes ;

• l’effet des outils de recherche et des méthodes employés peut varier d’une culture à l’autre12.

On a étudié le lien entre la santé et le temps écoulé depuis l’arrivée au pays. Chen, Ng et Wilkins (1996)13 signalent que les immigrées ayant vécu au Canada depuis moins de 11 ans étaient en meilleure santé que les immigrantes qui résidaient au pays depuis plus longtemps. Il se peut que cette association dépende des différences en ce qui a trait aux régions et pays d’origine des immigrantes au fil du temps ; mais ces résultats indiquent qu’il faudra mener d’autres études pour établir le lien entre divers facteurs sociaux, culturels, psychologiques, comportementaux et économiques, et les variations, favorables et défavorables, de l’état de santé des immigrantes au fil du temps14.

Vissandjée et autres (2000)15 soulèvent un point majeur pour les décideurs en faisan valoir que le véritable enjeu n’est pas tant de savoir si les immigrantes sont en meilleure santé que les Canadiennes nées au pays, mais plutôt de déterminer quelles sont les conditions de vie au Canada qui accroissent l’incidence de diverses maladies chez les immigrants. À la lumière de leur examen de la documentation, Vissandjée et autres (2000) concluent qu’il n’est pas facile de déterminer dans quelle mesure la détérioration relative de la santé des immigrants est causée par l’adoption d’habitudes de vie nordaméricaines nocives et dans quelle mesure cette détérioration est due à l’incapacité des systèmes de santé nord-américains de répondre adéquatement aux besoins des immigrants, surtout ceux qui sont issus de cultures non européennes. Cela indique une lacune importante de la documentation qu’il faut combler.

Comprendre la variabilité de l’état de santé.

Janzen (1998) conclut en affirmant qu’il faut étudier la variabilité de la santé des immigrantes et des réfugiées, et que la recherche doit notamment examiner « comment les facteurs sociaux, économiques, comportementaux et psychologiques s’associent, la longue, aux changements de l’état de santé des immigrantes et des réfugiées »16. Il semble que l’on déploie présentement des efforts pour combler les lacunes de la documentation à cet égard.

Le travail de Bowen (1998)17 auprès de femmes salvadoriennes de Winnipeg, dont l pays d’origine a été déchiré par la guerre civile de 1979 à 1992, a cherché à déterminer comment les femmes définissent la santé, comment elles prennent soin de la leur et ce qu’elles considèrent comme les principales causes de la maladie. Voici les principale constatations :

• Les femmes établissaient un lien direct entre la santé psychologique et les symptômes physiques.

• Le climat psychologique et les ennuis familiaux étaient considérés comme des causes majeures de la maladie.

• Le stress et la dépression étaient des facteurs majeurs dans la vie des femmes dont plusieurs croyaient que ceux-ci sont les principales sources de plaintes en matière de santé.

• Les participantes faisaient confiance au système de santé pour trouver une solution aux problèmes physiologiques, mais elles avaient tendance à taire leur passé et étaient frustrées d’avoir à solutionner des problèmes qu’elles considéraient comme étant affectifs.

• Dans l’ensemble, les femmes ont déclaré préférer recourir à des professionnels canadiens plutôt qu’espagnols pour les problèmes d’ordre psychologique ou délicats pour la famille.

• La question de la confidentialité dans ses propres rangs continuait d’inquiéter la collectivité salvadorienne.

• La polarisation et le manque de confiance de la collectivité à cause d’événements prémigratoires affectaient, selon elles, la santé actuelle plus que les traumatismes antérieurs18.

En documentant les enjeux en matière de santé du point de vue des femmes salvadoriennes elles-mêmes, l’étude présente des renseignements utiles pour la conception de services de santé efficaces et sensibles aux différences culturelles, et de programmes de promotion de la santé destinés à ce groupe de femmes. En outre, en examinant un plus grand nombre de déterminants de la santé, l’étude révèle le besoin de solutions communautaires pour soigner des problèmes qui ont leur origine dans le passé, mais qui continuent d’affecter l’état de santé actuel.

Les avantages d’une analyse élargie de l’état de santé sont illustrés par Battaglini et autres (1999)19, qui ont recensé les facteurs de vulnérabilité chez les immigrantes nouvellement arrivées et les réfugiées ainsi que leurs familles au Québec. En voici les principales constatations :

• La plupart des outils actuels d’évaluation psychologique et socio-économique définissent mal les facteurs de risque chez les immigrantes, car ils ne prennent pas en considération le processus de migration ou les différences culturelles.

• Dans la population, l’isolement social est souvent associé à un faible revenu, à une faible scolarité et à la dépendance économique. Chez les immigrantes et les réfugiées, les principales causes de l’isolement sont liés au processus de migration et incluent les problèmes de communication, la méconnaissance du pays hôte, la perte des réseaux socio-économique et familial ainsi que la non-reconnaissance de diplômes et de titres professionnels.

• Les obstacles les plus fréquents à l’intégration sociale cités par les immigrantes sont le manque de rapports sociaux avec des membres de la collectivité hôte, le racisme et la discrimination, les différences culturelles et la méconnaissance des deux langues officielles du Canada.

• L’insuffisance du revenu inquiète le plus les immigrantes nouvellement arrivées au pays. La plupart des femmes indiquent avoir eu de la difficulté à trouver un travail et un logement adéquats ainsi que des ressources disponibles en matière de soins de santé.

• Dans l’ensemble, les immigrantes n’ont pas davantage de problèmes d’accouchement que les autres Canadiennes, même qu’elles donnent naissance à des bébés en meilleure santé que la population générale.

• Le pays d’origine ne présente aucun risque en soi ; les circonstances du départ importent, et les migrants déclarent des niveaux élevés de stress, d’inquiétude et d’anxiété.

• Les réfugiées non parrainées sont plus enclines à déclarer une détérioration de leur santé que d’autres catégories d’immigrantes ; par ailleurs, les immigrantes involontaires et leurs bébés sont les plus susceptibles de se présenter à un centre de santé communautaire pour y être soignés20.

Ce travail illustre le besoin d’inclure le cadre économique, culturel, social et psychologique de la vie passée et présente des immigrantes et des réfugiées ainsi que leur expérience de migration à l’évaluation des besoins, à la mise en œuvre des programmes et à la prestation des services.

Incidences sur les initiatives en matière de soins et de promotion de la santé :

L’importance du cadre de vie des immigrantes ressort clairement dans les résultats d’une récente étude21 qui se penche sur la définition des immigrantes de la santé, le efforts qu’elles déploient pour le rester ainsi que leur expérience du système de santé. Les résultats indiquent que les besoins de santé des immigrantes et des réfugiées sont semblables à ceux des femmes nées au Canada, mais que les ressources disponibles sont nettement moins nombreuses (emploi, revenu, réseau familial et social, aptitude linguistique), ce qui souligne le manque de politiques et de programmes publics aptes à satisfaire aux besoins des immigrantes22.

L’étude conclut en affirmant que les pratiques stratégiques et financières doivent refléter une sensibilité aux questions de culture et d’égalité des sexes, et porter davantage sur les programmes liés aux déterminants de la santé. Les constatations révèlent également le besoin de concevoir ou d’améliorer :

• des programmes de formation linguistique et d’emploi ;

• des programmes de soins de santé et de soutien social ;

• des interprètes et des services attentifs à la diversité culturelle23. En outre, il faut fournir aux immigrantes et aux réfugiées nouvellement arrivées un accès à l’information sur le système de santé, les lois canadiennes et les droits des femmes.

Selon l’étude, il faut poursuivre la recherche dans :

• les meilleures pratiques en matière de programmes d’interprétation ;

• l’influence des aptitudes linguistiques sur la santé ;

• l’effet des déterminants sociaux sur la santé des immigrantes24.

Dans l’ensemble, les conclusions de la recherche sur le cadre socioculturel et la santé des immigrantes ne sont toujours pas probantes ; elles se contredisent même l’occasion. Certaines études indiquent que les besoins de santé ainsi que les idées des femmes immigrantes et réfugiées sur la promotion de la santé et de la prévention sont similaires à ceux des Canadiennes d’origine, d’autres indiquent des différences importantes. Ainsi, on ignore si les immigrantes et les réfugiées sous-utilisent les services de prévention à cause d’une conception différente de la santé et de la promotion de la santé ou en raison d’obstacles systémiques, incluant ceux du système de santé, de même que divers facteurs socio-économiques et linguistiques25.

Contexte socioculturel de la vie des immigrantes et des réfugiée : incidences sur la recherche et les politiques : Principaux résultats de recherche :

Selon l’Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-1995, les immigrantes récemment arrivées sont, en général, en meilleure santé que les Canadiennes de naissance.

Les réfugiées non parrainées sont plus nettement enclines à déclarer une détérioration de leur santé que les immigrantes involontaires et autres catégories de femmes immigrantes20, 26

Thèmes de la recherche à venir :

Quel lien existe-t-il entre l’état de santé et les différents pays ou régions d’origine, les circonstances de migration, le statut au moment de l’entrée au pays, l’âge au moment de la migration ?

Quels sont les effets potentiels sur la santé des diverses expériences d’adaptation et d’intégration des immigrantes et des réfugiées ? Est-ce que les diverses expériences améliorent, conservent ou détériorent la santé ?

Quels facteurs sont-ils aptes à promouvoir ou à inhiber l’adoption d’un mode de vie nord-américain (sain ou non) ?

Quels connaissances et comportements de promotion de la santé peut-on tirer des immigrantes et des réfugiées ? Quels principaux besoins d’accessibilité et de capacité des immigrantes et des réfugiées les services sociaux et de santé ne comblent-ils pas à l’heure actuelle ? Quels sont les effets éventuels sur la santé ?

La santé de femmes non parrainées est sous-étudiée et il faut approfondir la recherche en la matière pour mieux saisir l’influence que les differences sexuelles exercent sur la santé et pour établir les ressemblances et les differences entre les sexes relativement aux principaux déterminants de la santé30 .

Des études en cours des CESF et des CEM sont destinées à combler certaines lacunes de la recherche.

2.2 Le revenu et l’emploi :

L’accès à l’emploi et à un revenu est au cœur des préoccupations des immigrantes et des réfugiées, et les études abondent sur les facteurs liés à leur intégration économique au Canada. La recherche renseigne en particulier sur certains groupes d’immigrantes et de réfugiées, et illustre les différences entre ces groupes de femmes. Un examen de cette documentation excédait la portée du présent rapport, mais un premier dépouillement n’a pas révélé de publication récente liant l’emploi ou le revenu à la santé des immigrantes et des réfugiées.

L’absence d’étude récente sur le lien entre le revenu et l’emploi et la santé des immigrantes ainsi que des réfugiées constitue une lacune importante, à la lumière des constatations du Deuxième rapport sur la santé des Canadiens préparé par le Comité consultatif fédéral, provincial et territorial sur la santé de la population, selon lequel « l’état de santé des Canadiennes et Canadiens à faible revenu et peu scolarisés, (deux facteurs liés) est plus susceptible d’être piètre, peu importe la façon de le mesurer. Ils sont également plus susceptibles de mourir plus tôt que les autres Canadiens, peu importe la cause du décès »31.

Même s’il y a relativement peu de différences globales entre les immigrantes et les autres Canadiennes concernant le niveau de scolarité, le pourcentage de salariées et leur revenu moyen, on a recensé des sous-groupes vulnérables d’immigrantes. Environ 20 p. 100 des immigrantes gagnent un revenu inférieur au seuil de faible revenu de Statistique Canada, contre 16 p. 100 des autres Canadiennes32. Selon Janzen (1998), la recherche documentaire démontre un solide lien entre le statut socio-économique et la santé33. On pourrait s’attendre à un résultat semblable en ce qui concerne les immigrantes à faible revenu.

Le fait que « l’état de santé de tous les Canadiens s’améliore à chaque échelon de l’échelle socio-économique »34 indique qu’il s’agit d’un lien dynamique qui répondr vraisemblablement aux mesures destinées à améliorer le revenu et le niveau de scolarité. Il faut examiner plus en profondeur les liens entre le bien-être économique des immigrantes et des réfugiées ainsi que leur état de santé, tout comme l’effet de changements avec le temps (p. ex., intervention volontaire ou par l’entremise d’un programme). Il importe également de souligner que l’absence de consensus dans les milieux professionnel, scolaire et gouvernemental quant à la reconnaissance ou à l’équivalence de titres étrangers ainsi que l’exigence, de la part des employeurs, d’expérience de travail au Canada créent des obstacles aux possibilités d’emploi et de revenu des immigrantes et des réfugiées35.

Les aptitudes linguistiques sont un important facteur d’intégration économique et sociale des immigrantes et des réfugiées. Plusieurs études démontrent que les emplois auxquels ont accès les femmes qui ne s’expriment dans aucune des langues officielles du pays sont exigeants sur le plan physique et mal rémunérés, comptent de longues heures et se trouvent surtout dans le secteur manufacturier et celui des services36.

Le revenu et l’emploi : incidences sur la recherche et les politiques :

Principaux résultats de recherché :

Environ 20 p. 100 des immigrantes gagnent un revenu inférieur au seuil de revenu de Statistique Canada, contre 16 p. cent des autres Canadiennes32 . La recherche indique qu’il y a un lien important entre le revenu et l’état de santé33 .

La capacité de s’exprimer en français ou en anglais est un net déterminant de la santé des immigrantes et des refugiées36 . Les aptitudes linguistiques sont un facteur important de l’intégration économique et sociale des immigrantes et des réfugiées.

Thèmes de la recherche à venir :

La recherche abonde sur les facteurs liés à l’intégration économique des immigrantes et des réfugiées au Canada. Il faut cependant poursuivre l’étude des liens entre le bienêtre économique entre et l’état de santé des immigrantes et des réfugiées. Il faut examiner en particulier les incidences de la santé sur la scolarité, en général, et sur l’apprentissage du français ou de l’anglais comme langue seconde. Il faut aussi étudier les liens entre la scolarité, le chômage ou le sous-emploi, les revenus, la santé et le bien-être, ainsi que l’influence de la scolarité sur les comportements en matière de santé et de prévention de la maladie des immigrantes et des réfugiées37 .

Incidences et conseils sur les politiques :

Les politiques et programmes destinés à améliorer la situation économique des immigrantes et des réfugiées, comme ceux d’apprentissage d’une langue et d’emploi, peuvent avoir un effet important sur la santé et le bien-être de ces femmes. Inversement, il se peut que les services et les politiques de promotion de la santé destinés aux immigrantes et aux réfugiées aient peu d’effet à moins d’être assortis de stratégies de lutte contre le chômage, le sous-emploi et la pauvreté. Un meilleur accès des immigrantes et des réfugiées aux programmes de français ou d’anglais comme langue seconde, leur participation accrue en mettant à leur disposition des services comme la garderie, et la multiplication d’occasions d’interaction sociale peuvent influer favorablement sur l’intégration, la santé et le bien-être.

Les initiatives qui intègrent l’information et les activités de promotion de la santé aux cours de langue sont susceptibles d’améliorer des comportements et de favoriser l’utilisation indiquée d’un vaste éventail de services de santé.

2.3 Repenser la santé mentale :

Comme l’indiquent Janzen38 et Kinnon39, la recherche sur la santé des immigrantes a surtout porté sur le bien-être psychologique et affectif, et la tendance se poursuit. La recherche confirme que le contexte de la migration des femmes est une variable importante40 ; en effet, des chercheurs ont recensé des aspects de société et de structure de ce que l’on tient souvent pour des problèmes psychologiques personnels. Cette constatation s’applique particulièrement aux immigrantes et aux réfugiées e provenance de pays en proie à l’instabilité politique, économique et sociale.

Une étude récente sur les immigrantes dans les Maritimes révèle que l’isolement de ces femmes est souvent considéré comme un problème psychologique, alors qu’il s’agit d’un problème social41. L’étude souligne la façon dont cet isolement est renforcé par le manque de possibilités d’emploi, la non-reconnaissance des diplômes et des titres professionnels étrangers, la discrimination sexuelle sur le marché du travail, la nature du travail domestique, le mode d’organisation des quartiers, la prédominance de vastes ensembles commerciaux centraux et le climat canadien. Ces facteurs sociaux peuvent avoir un effet sur la santé des immigrantes, surtout les chefs de famille monoparentale. Plusieurs autres études corroborent ces constatations.

Parin Dossa affirme que le immigrantes iraniennes maintiennent santé mentale et bien-être grâce à un procédé dynamique qui consiste à « redonner un sens » et à « reconstruire sa vie »42. Le travail souligne l’importance de l’interaction sociale et le besoin d’établir des tribunes pour l’apprentissage et la validation des expériences de vie. Une étude de 1998, sur les Salvadoriennes de Winnipeg, dénonce l’importance accordée au diagnostic individuel des troubles psychologiques et suggère de se pencher sur les répercussions sociale de la méfiance et de la violence43. Les participantes ont dessiné le portrait d’une collectivité marquée par une méfiance intense, parfois débilitante, issue des conflits sociaux et du terrorisme dans leur pays natal.

Les auteurs d’une étude portant sur les effets de la violence sur la santé mentale des réfugiées péruviennes et chiliennes ont examiné les expériences prémigratoires et postmigratoires44. Ils ont constaté que l’exposition à la violence avant la migration, le manque de familiarisation avec un nouveau milieu et l’isolement des réfugiées sudaméricaines à leur arrivée au pays accroissent leur vulnérabilité à la violence familiale, le nombre de familles monoparentales et la souffrance morale. D’autres études corroborent l’exacerbation de l’isolement et de la vulnérabilité par la dépendance d’un conjoint, ce qui cause un partage de pouvoir inégal et un risque d’abus45. Selon une étude récente de la prestation de soins de santé aux immigrantes et aux réfugiées, les dispensateurs de soins doivent être sensibilisés aux incidences de la violence sur la santé. L’étude suggère aux médecins d’employer un modèle socioécologique pour comprendre et soigner les effets de la violence sur la santé. Tout indique qu’un grand nombre de réfugiées souffrent de problèmes de santé mentale attribuables à des traumatismes multiples comme la torture ou le viol souffert avan l’émigration.

L’élaboration et l’amélioration de services de santé mentale accessibles constituent une politique essentielle et une priorité en ce qui concerne ce groupe. Dans une vaste analyse quantitative, il est difficile de saisir l’effet complexe des facteurs prémigratoires et postmigratoires sur la santé mentale, bien que certaines études qualitatives de moindre envergure remettent en question l’importance de ces variables. Il est toutefois clair que la santé mentale des immigrantes et des réfugiées profiterait d’une meilleure intégration des deux méthodes de recherche.

2.4 L’immigration et le vieillissement :

Les études portant sur les immigrants âgés sont relativement récentes. En 1999, l’Alliance des communautés culturelles pour l’égalité dans la santé et les services sociaux (ACCESSS) du Québec a beaucoup contribué à la recherche canadienne dans ce domaine en publiant une étude sur l’immigration et le vieillissement, en mettant l’accent sur les immigrantes. En voici les principales conclusions.

• Les plus grands défis qui attendent les immigrants âgés consistent à surmonter les barrières linguistiques, les obstacles à la communication et les difficultés liées à l’accès au système de santé.

• Tous les aspects de la vie des immigrants et réfugiés âgés sont bouleversés, à un moment où ils ont une vulnérabilité accrue et une moindre résistance.

• L’adaptation est particulièrement difficile si l’immigration est involontaire ou lorsque les différences entre la société canadienne et le pays d’origine sont prononcées.

• La perte des réseaux de soutien social peut s’avérer plus démoralisante pour les femmes que pour les hommes âgés puisque ces réseaux occupent souvent une place prépondérante dans la vie des femmes.

• Les immigrantes et les réfugiées âgées de plus de 65 ans figurent parmi les populations les plus pauvres du Canada et elles sont nettement plus vulnérables à la pauvreté que les hommes de leur catégorie

• Dans 70 à 80 p. 100 des familles, les femmes jouent le rôle d’aidante naturelle.

• Il faut étudier le rôle d’aidantes naturelles des immigrantes âgées dans le cadre de leur adaptation à un nouveau pays.

• Les stratégies axées sur la famille font défaut dans le domaine des soins gériatriques, surtout en ce qui concerne les soins de santé mentale et les cas de maladies graves ou terminales.

• Il faudrait évaluer et accroître la capacité des institutions, notamment celle des résidences pour personnes âgées, de répondre aux besoins des immigrants qui exigent des soins en milieu hospitalier46.

L’apport de cette étude est considérable dans le domaine de la santé des immigrantes et des réfugiées, car elle met en lumière la vulnérabilité des immigrantes âgées à l’isolement social et à la pauvreté ainsi que leur rôle d’aidantes naturelles. Il faudra mener d’autres études sur ce sujet et dans d’autres domaines touchant les personnes âgées et l’immigration47 ; Il faudra aussi porter une attention particulière aux communautés d’immigrants arrivés après 1970, au vieillissement des populations de réfugiés et aux répercussions de l’immigration sur les personnes âgées.

2.5 Accessibilité des services de santé :

Les rôles multiples et les réalités complexes de la vie des immigrantes et des réfugiées :

Dans sa recherche sur l’immigration et la santé, Kinnon a conclu qu’en raison de leurs responsabilités familiales et professionnelles, de nombreuses immigrantes ont souvent de la difficulté à recourir aux soins de santé48. Des études récentes menées au Canada indiquent également qu’elles sont souvent victimes de discrimination ethnoculturelle et sexuelle, et qu’elles connaissent des conflits de rôles et des conflits culturels. Ces situations complexes peuvent réduire l’accessibilité des services de santé, ce qui pousse les immigrantes et les réfugiées à placer les problèmes de santé des autres membres de leur famille avant les leurs.

Un dépouillement récent de la documentation consacrée à l’accessibilité des soins de santé selon les différentes catégories de revenu et de groupes ethniques menée dans la région de l’Atlantique49 a permis de recueillir les données suivantes

• Les systèmes et services de santé reflètent les perceptions, les valeurs et les priorités des cultures dominantes, et il faut combler les besoins de santé des communautés ethniques actuelles et des populations d’immigrants récents, dont la diversité ne cesse d’augmenter. Pour les minorités visibles, cette situation se traduit par un accès inégal aux soins de santé et des soins de moindre qualité.

• Les barrières linguistiques et les obstacles à la communication signifient que des minorités formées d’immigrants sont souvent mal renseignées sur les services de santé disponibles et leurs avantages, ce en qui réduit l’utilisation et l’accessibilité50.

Le rapport recense aussi des thèmes importants pour la recherche à venir.

• Recherches quantitatives et qualitatives systématiques sur les facteurs qui déterminent l’accessibilité des soins en considérant une vaste gamme de services et de programmes de santé et en portant une attention particulière aux liens entre le revenu, l’emplacement, la culture, l’expérience d’immigration à court et à long terme et l’utilisation des soins de santé.

• Cueillette de plus d’informations sur les différents problèmes et besoins de santé des minorités ethniques, en particulier à l’égard des immigrants récemment arrivés en tenant compte du rôle joué par les différences sexuelles.

• Plus d’analyses des nouveaux problèmes liés aux soins à domicile et de l’influence de variables comme le revenu, le lieu (régions rurales et moins peuplées), l’origine ethnique et le sexe.

Les incidences de la culture et de la langue :

La culture et la langue influent fortement sur l’utilisation des soins de santé et la façon d’y accéder. On rencontre les mêmes problèmes au sein des différentes communautés culturelles et des milieux de soins. Ainsi, une recherche menée auprès de la communauté arabe de Toronto a permis de répertorier les obstacles suivants : insuffisance de travailleurs de la santé parlant arabe, particulièrement chez les femmes médecins, pénurie de services d’interprétation en arabe, et de services de santé adaptés à la culture51. Les femmes de langue arabe habitant Montréal ont également indiqué que la ville manquait de médecins parlant arabe52.

La recherche fait également état de la complexité des obstacles linguistiques et du besoin essentiel de tenir compte de l’âge, du sexe et des rapports entre classes sociales dans le procédé d’interprétation53. Même si des efforts sont consentis pour surmonter les obstacles linguistiques, les milieux institutionnels peuvent présenter un obstacle à la communication. Les hôpitaux, plus particulièrement les salles d’urgence, sont souvent intimidants, car ils manquent d’intimité et sont bondés.54 Lorsqu’on recourt aux services d’interprètes, l’information est souvent filtrée, surtout s’il s’agit de membres de la famille55.

L’écart culturel peut aussi accroître la complexité des communications interculturelles et la prestation de soins adéquats aux immigrantes et aux réfugiées. Une recherche auprès de Somaliennes habitant les basses terres de la Colombie-Britannique56 révélé leur désir d’avoir accès à des soins de santé appropriés, liés à la fonction reproductrice et fournis par un personnel compétent et respectueux des femmes ayant subi la mutilation de leurs organes génitaux.

Amélioration de l’accessibilité des services de santé :

L’amélioration de l’accès aux soins de santé pour les immigrantes et les réfugiées est un champ d’étude important. Un examen des travaux de recherche canadiens menés récemment sur ce thème a permis de recenser 13 nouvelles publications57. D’après les conclusions de l’étude, l’adaptation des soins de santé aux différences culturelles et les initiatives de promotion de la santé permettent d’améliorer non seulement l’accessibilité des services de santé, mais aussi l’état de santé des immigrantes et des réfugiées ainsi que leurs comportements liés à la santé. L’étude indique aussi que pour mettre au point des pratiques et des programmes de soins de santé accessibles et adaptés aux différences culturelles, il faut connaître les conditions de vie des immigrantes et des réfugiées (p. ex., compétences linguistiques, niveau d’acculturation, traumatisme vécu avant d’émigrer58). D’autres études démontrent également la nécessité d’élaborer des initiatives d sensibilisation et de promotion de la santé qui permettent aux femmes de se réunir afin de combattre l’isolement, de faire part de leurs expériences et d’établir des réseaux de soutien social59. Ces initiatives prennent souvent beaucoup de temps et exigent l’intervention d’animateurs, de traducteurs et d’interprètes culturels. Ces femmes profitent aussi d’une approche axée sur le développement communautaire, qui vise établir des liens de confiance et à aider le groupe à repérer les problèmes les plus urgents et à trouver des solutions60.

Jumelage des sexes et des ethnies :

Dans un article paru récemment, Vissandjée et autres (2000)61 affirment que les soin de santé adaptés à la culture doivent tenir compte, tant chez les utilisateurs que chez les dispensateurs de soins, des expériences propres à chaque sexe et des besoins des femmes selon leur appartenance à un groupe d’immigrants ou à une ethnie. La notion de jumelage ethnique provient de la documentation consacrée à la santé mentale ; et selon Weinfeld (1998)62, elle peut être conceptualisée selon trois axes : l’origine ethnique du personnel professionnel, l’orientation ethnique de l’organisme prestataire des soins et l’usage réel. Ce modèle peut être élargi afin de tenir compte du sexe, même si cela entraîne des problèmes de recherche et de pratique. Au Canada, on a publié très peu d’études quantitatives sur le jumelage des sexes ou des ethnies. Il serait utile de déterminer si les femmes appartenant à un groupe ethnique donné ont droit à un meilleur service lorsqu’elles reçoivent des soins d’un professionnel appartenant au même groupe ou d’un organisme ethnospécifique, ou qu’elles ont accès à des pratiques adaptées à leur sexe63. La question centrale consiste à savoir si, à long terme, le jumelage des sexes ou des ethnies peut avoir des effets favorables et importants sur la santé.

Il faudra également évaluer les avantages du jumelage des sexes ou des ethnies à la lumière de la recherche qui révèle que les immigrantes et les réfugiées préfèrent les professionnels « canadiens », particulièrement si des questions de confidentialité ou de conflit de normes sexuelles ou culturelles sont en jeu. Ainsi, une recherche menée par Gastaldo et autres (1998) auprès d’immigrantes musulmanes du Québec montre que, si les femmes avaient des avis partagés concernant le sexe de leur gynécologue, la grande majorité d’entre elles (80 p. 100) préféraient consulter des médecins « canadiens » plutôt que leurs collègues d’origine « arabe »64. Bowen (1998) souligne également cette préférence pour les spécialistes « canadiens » de la santé mentale65.

Un projet de recherche-action mené à Edmonton66 témoigne du potentiel du jumelage ethnique et de la valeur des partenariats de recherche. Dans le cadre d’un programme des services de prévention et de promotion de la santé communautaire d’Edmonton visant à améliorer l’accès des familles chinoises et vietnamiennes aux services de périnatalité et de consultation pédiatrique, trois infirmières, elles-mêmes immigrantes ont été engagées pour travailler avec ces familles.

Le projet de cette équipe d’infirmières, qu’on a plus tard nommées « l’équipe de santé du réveil du Dragon », a permis de faire les constations suivantes :

• les familles d’origine chinoise et vietnamienne ont de beaucoup préféré recourir aux services de l’équipe ;

• l’attitude du personnel à l’égard de l’équipe a évolué, passant de la résistance à l’intégration, à l’acceptation puis à la reconnaissance de ses compétences ;

• la familiarisation du personnel avec l’expérience vécue des immigrants, les croyances et pratiques ethnoculturelles de ceux-ci ainsi que la communication interculturelle se sont améliorées.

Cette expérience démontre qu’il faut s’attaquer aux obstacles culturels et linguistiques liés à la prestation de soins de santé et à la valeur des soins adaptés à la culture67. Elle illustre aussi les problèmes d’acceptation et de crédibilité en milieu de travail auxquels sont confrontés les travailleurs de la santé issus de minorités ethniques ou de famille d’immigrants. Ce projet souligne en outre la nécessité de soutenir leur intégration afin que tout le personnel puisse profiter des compétences et de l’expérience qu’ils apportent en milieu de travail68.

L’importance de la famille et de la collectivité La recherche indique également la nécessité de comprendre l’importance et le rôle central joué par la famille et la collectivité dans la conservation de l’identité et le bien être des immigrants69. Il serait, en effet, préférable d’adopter des stratégies axées sur la famille plutôt que d’opter pour l’approche individualiste qui prime généralement au Canada. De même, les institutions comme les résidences pour personnes âgées sont rarement en mesure de satisfaire adéquatement aux besoins des immigrants parce que leurs principes directeurs s’inspirent des modèles de soins de la culture dominante.

Parmi les approches proposées pour améliorer la prestation des services de santé figurent les stratégies de promotion de la santé faisant appel aux organisations ethnoculturelles de la communauté. Mayetela et autres (1999)70 sont d’avis que pour s’adapter et répondre aux besoins des patients, un système de santé doit devenir multiculturel, c’est-à-dire qu’il doit finir par intégrer la diversité culturelle à l’élaboration des politiques de façon à influer sur l’ensemble des services sociaux et du système de santé.

L’accessibilité des services de santé : incidences sur la recherche et les politiques : principaux résultats de recherche :

La recherche indique qu’en raison de leurs responsabilités familiales et professionnelles, de nombreuses femmes immigrantes et réfugiées ont de la difficulté à utiliser les services de santé existants.

Les mesures de promotion de la santé et les soins adaptés à la culture permettent d’améliorer l’accessibilité des services et l’état de santé des immigrantes et des réfugiées ainsi que leurs comportements en matière de santé.

Les obstacles linguistiques et les différences culturelles peuvent empêcher certains groupes d’immigrantes et de réfugiées d’être bien informées sur les services de santé et les avantages auxquels elles ont droit. L’interprétation est un processus complexe que peuvent teinter des facteurs comme l’âge, le sexe et la classe sociale.

Thèmes de la recherche à venir :

Un des principaux domaines pour la recherche à venir concerne les conditions de vie des immigrantes et des réfugiées, et leurs répercussions sur l’accessibilité des services et des programmes de santé.

Les variables à considérer incluent :

- l’âge ; le temps écoulé depuis l’immigration ; le pays d’origine ;

- les circonstances entourant l’émigration ;

- l’expérience de la migration ;

- le niveau d’acculturation ;

- les valeurs propres à la culture et les notions de santé et de promotion de la santé ;

- le statut migratoire ; le droit de s’établir et l’admissibilité aux programmes d’intégration la scolarité, la classe sociale et l’emploi dans le pays d’origine, et le nouveau statut par suite de l’immigration ;

- l’emplacement des proches et de famille élargie.

Il faudra procéder à des analyses comparatives entre les sexes et à des études sur la diversité à tous les niveaux du système de santé. La recherche peut aider à définir ou à élaborer des modèles de meilleures pratiques en matière de formation, d’élaboration de politiques, de programmes et de services adaptés aux différences entre les sexes et à la culture.

D’autres recherches s’imposent pour vérifier l’efficacité du jumelage des sexes et des ethnies auprès des fournisseurs et des utilisateurs de soins de santé, et les effets à long terme de cette mesure sur la santé.

Il faudra examiner de plus près le recours aux médecines traditionnelles et parallèles (qui, quand et pourquoi) ainsi que leur interaction avec la médecine dite « occidentale » et les répercussions sur la santé.

On peut demander aux immigrantes et aux réfugiées ce qu’elles savent du système de santé canadien, étudier les écarts majeurs et définir les stratégies susceptibles de les combler Il faudra entreprendre des recherches portant sur l’interaction des médecins et des travailleurs de la santé, des interprètes bénévoles et des utilisateurs de services afin de vérifier si l’interprétation sélective peut affecter, voire compromettre les soins de santé, notamment dans les cas de violence familiale.

Incidences et conseils sur les politiques :

Une meilleure connaissance de la situation favorisera l’élaboration de nouveaux services de santé et la modification des services actuels en les adaptant à la culture et en les rendant plus accessibles.

Compte tenu de la diversité au sein des collectivités d’immigrantes et de réfugiées, de nombreux services et stratégies adaptés aux différences culturelles s’imposent.

Il est primordial de connaître et d’aplanir les obstacles à l’accès aux services de santé si l’on veut :

- conserver et améliorer la santé des immigrantes et des réfugiées ;

- assurer l’accessibilité des soins de santé, comme le stipule la Loi canadienne sur la santé.

Les stratégies et services qui améliorent l’accès des immigrantes et des réfugiées aux services de santé devraient aussi profiter à d’autres groupes.

Les décideurs peuvent contribuer grandement au maintien ou à l’amélioration de l’état de santé des immigrantes et des réfugiées en appuyant l’élaboration et la promotion de pratiques, de programmes, de politiques et de services de santé adaptés aux différences entre les sexes et à la culture.

Les responsables de l’élaboration des politiques et les décideurs peuvent d’abord se concentrer sur les priorités indiquées par les immigrantes et les réfugiées dans les travaux de recherche :

- soins, en matière de reproduction, à la fois indiqués et respectueux, fournis par un personnel qualifié et destinés particulièrement aux femmes ayant subi la mutilation d’organes génitaux ;

- services de santé mentale ;

- services d’interprétation linguistique et culturelle ; initiatives de sensibilisation et de promotion de la santé destinées à permettre aux femmes de se réunir, de façon à combattre l’isolement, de partager leurs expériences et d’établir des réseaux de soutien social.

Il faudra accroître la sensibilité aux questions reliées au sexe et les connaissances culturelles à tous les niveaux du système de santé. Il faudra, pour ce faire, que les travailleurs de la santé et le système de santé en général :

- soient mieux informés et sensibles aux besoins et aux perceptions d’une clientèle d’origines culturelles différentes ;

- se familiarisent avec les maladies et les médecines propres aux groupes et sous-groupes des minorités ethnoculturelles.

Le milieu de la santé devrait pouvoir compter sur des interprètes de langue ou, si possible, culturels pour assurer la clarté et la confidentialité des communications.

2.6 Les effets de la réforme des soins de santé :

Toute étude portant sur les besoins des immigrantes et des réfugiées en matière de santé doit tenir compte des récentes politiques de restructuration du système de santé et du climat de concurrence qui prévaut en raison de la rareté des ressources. Il est important de noter que les effets de la réforme des soins de santé peuvent être différents pour les communautés d’immigrantes et de réfugiées par comparaison avec la population en général.

Vissandjée et autres (2000) estiment qu’il faudra mener des recherches en fonction du sexe et des différences culturelles pour cerner les facteurs contextuels et environnementaux inhérents aux nouvelles conditions de vie des immigrantes. La réforme des soins de santé compte parmi les plus importants de ces changements. Les principaux domaines de recherche et les questions stratégiques incluent :

• les effets du virage ambulatoire ;

• le recours croissant aux organisations communautaires et aux femmes à titre d’aidantes naturelles non rémunérées ;

• la transformation de l’économie et l’augmentation de la pauvreté 71.

On a constaté que les effets de la réforme des soins de santé dans les salles d’obstétrique des hôpitaux ont accru le fardeau qui pèse sur les services offerts aux femmes des minorités en raison du manque de temps et de politiques hospitalières qui limitent l’accès aux soins infirmiers et à l’information »72. Les hôpitaux qui appliquent la réforme de la santé, en normalisant les interactions avec les patients, confondent le traitement égal et le traitement équitable, — une formule qui nie les besoins différents et de la nature hétérogène des patients. Dans ce contexte, les immigrantes et les réfugiées sont de plus en plus marginalisées ; et elles ont de plus en plus besoin de nouveaux programmes communautaires leur permettant, notamment, de compter sur des travailleurs sociaux bilingues et biculturels ainsi que sur des agents de liaison multiculturelle capables de les assister depuis leur grossesse jusqu’au terme du post-partum73.

Anderson et autres (1999)74 et Weinfield (1997) montrent l’importance d’analyser les différentes cultures des organisations de soins de santé et le contexte social élargi. Les résultats de l’étude d’Anderson indiquent qu’il ne suffit pas d’axer l’action sur les dispensateurs de soins de santé pour adapter le système à la culture, mais qu’il faut tenir compte du contexte social et culturel des organismes de soins de santé et de tout le milieu social et culturel de la société ; c’est l à un point repris par Mayetela et autres (1999)75.

Comme Spitzer (2000), Anderson et autres (1999) illustrent la pression qui s’exerce sur le système de soins de santé, tiraillé entre les mesures destinées à en accroître l’accessibilité pour les groupes mal desservis et les objectifs de compression des coûts76. Dans ce climat, il faut se rappeler que l’expérience démontre que « les immigrants sont des contributeurs nets aux programmes gouvernementaux » et que « la contribution des nouveaux immigrants en impôt et en productivité est supérieure à ce qu’ils consomment en paiements de transfert gouvernementaux et en soins de santé »77.

Effets de la réforme des soins de santé : incidences sur la recherche et les politiques : principaux résultats de recherché :

La restructuration des soins de santé peut avoir des répercussions différentes sur les immigrantes et les réfugiées. Par exemple, la réforme des soins de santé en milieu hospitalier, visant à limiter et à normaliser l’accès à l’information et aux soins, ne tient pas compte de la diversité de la clientèle hospitalière et de ses besoins. Dans ce contexte, il est particulièrement difficile de satisfaire aux besoins des immigrantes et des réfugiées, surtout si elles ne sont pas de culture européenne.

Thèmes de la recherche à venir :

Quels sont les effets de la réforme des soins de santé sur les immigrantes et les réfugiées, notamment en ce qui a trait à :

- leur utilisation des services de santé, y compris les services de promotion, de prévention, de diagnostic et de traitement ; la capacité du système de santé à satisfaire aux besoins majeurs en matière de soins ;

- leur rôle d’aidantes naturelles (non rémunérées) ?

Incidences et conseils sur la politique :

La réforme des soins de santé peut avoir des effets très négatifs sur les immigrantes et les réfugiées, en particulier celles qui ont des problèmes de langue et de communication, qui sont isolées ou qui ne peuvent pas compter sur la présence d’un membre de la famille élargie. Il faut, par conséquent, appuyer les programmes communautaires qui offrent les services de travailleurs biculturels ou pluriethniques, d’agents de liaison multiculturelle bilingues et des programmes de santé adaptés aux différences culturelles et linguistiques.

Il faut trouver un juste équilibre entre les objectifs de limitation des coûts et les mesures visant à rendre le système de santé plus accessible aux groupes qui ont été ou qui continuent d’être mal desservis. Autrement, les économies que permet de réaliser la réforme de la santé, à court terme, risquent d’être englouties par les coûts associés au défaut de répondre aux besoins de santé actuels de populations importantes.

2.7 Nouveaux enjeux :

Ce survol de la recherche au Canada montre qu’on cerne de mieux en mieux les obstacles auxquels font face les immigrantes et les réfugiées en matière de soins de santé et les mesures aptes à les surmonter. Des progrès importants ont été réalisés dans la recherche sur la santé mentale, le vieillissement et les répercussions de la réforme des soins de santé. Des initiatives visent à sensibiliser davantage les professionnels de la santé aux réalités culturelles en leur offrant, notamment, la formation sur la communication interculturelle ; il reste toutefois beaucoup de travail faire.

Les résultats de ces études soulignent l’importance des analyses comparatives entre les sexes et de la diversité dans la recherche et l’élaboration des politiques. La documentation indique également que la résolution des problèmes relatifs à la santé des immigrantes et des réfugiées nécessite une approche adaptée aux différences culturelles, qui consiste notamment à consulter ces communautés et à les inviter participer activement à la recherche et à l’élaboration des politiques. On dénombre de nouveaux enjeux qui n’entrent pas dans le cadre du présent document, mais auxquels pourraient se consacrer les chercheurs sur la santé des immigrantes et des réfugiées. En voici quelques-uns :

• les médecines douces et parallèles ;

• le recrutement des immigrantes et des réfugiées à des essais cliniques ;

• le dépistage génétique dans les cas d’états pathologiques particuliers ;

• le trafic des femmes ;

• le VIH -sida et les femmes immigrantes et réfugiées (p. ex. les questions d’éthique et de droit de la personne quant au dépistage obligatoire du VIH/sida des immigrants) ;

• la résurgence de la tuberculose par suite de l’immigration au Canada.

3. ACCROÎTRE LES INCIDENCES DE LA RECHERCHE SUR LES POLITIQUES.

Il y a des avantages manifestes à tirer de l’amélioration des liens entre la recherche et les politiques, c’est-à-dire entre la recherche orientée sur les politiques et les politiques fondées sur les résultats. Le défi consiste à trouver des moyens efficaces et adaptés aux différences culturelles afin de promouvoir et de maintenir la collaboration ainsi que la coordination entre la recherche et l’élaboration des politiques. Une telle synergie est susceptible d’avoir un effet très favorable sur la santé des immigrantes et des réfugiées.

Les mandats confiés aux centres d’excellence pour la santé des femmes et les centres d’excellence de Metropolis (CEM) leur permettent de servir de catalyseur de l recherche et de l’élaboration des politiques sur les problèmes liés à la santé des femmes.

Les mandats et programmes de tous les CESF accordent une importance continue aux travaux de recherche pertinents sur l’élaboration des politiques. Les centres appuient les projets de recherche axés sur les politiques, l’analyse des mesures gouvernementales et la formulation de recommandations en matière de politiques et de programmes publics pour favoriser l’action et le changement constructif. Le questions relatives à la santé des immigrantes et des réfugiées sont au cœur des activités des centres et figurent parmi les priorités de recherche. En outre, les centres travaillent en partenariat avec de nombreux groupes et individus, notamment des universitaires issus de diverses disciplines, différents organismes communautaires, des dispensateurs de soins de santé ainsi que des conseillers politiques et des décideurs de différents ordres de gouvernement. La création et le maintien de ces réseaux ainsi que la diffusion des résultats de recherche sous-tendent toutes les activités des centres.

La recherche axée sur les politiques compte parmi les principaux objectifs continus du Projet Metropolis, lequel vise à accroître la capacité du gouvernement à élaborer des politiques fondées sur des données probantes, en matière d’immigration et d’intégration. Tous les centres de Metropolis mènent des recherches sur la santé. Un relevé rapide de la recherche sur la santé des immigrantes et des réfugiées permet de constater qu’au moins le quart des projets terminés ou en cours sont consacrés à des analyses en fonction du sexe, portent expressément sur les femmes ou présentent une analyse comparative entre les sexes78. Les centres de Metropolis soutiennent également la recherche pluridisciplinaire et travaillent en collaboration avec de nombreux organismes, y compris des ONG, des organismes d’accueil ainsi que des administrations provinciales et municipales. En outre, le projet Metropolis bénéficie, au Canada, de l’appui de nombreux ministères et organismes du gouvernement fédéral*. Il reste cependant à employer ce soutien pour accéder aux tribunes politiques et aux décideurs, ce qui constitue un défi majeur.

Les rapports sur les projets des CESF et des CEM indiquent que ces centres ont réussi à intervenir dans le procédé d’élaboration des politiques à l’échelle régionale et provinciale, mais qu’ils n’ont pas eu autant de succès au niveau fédéral. Le Programme des centres d’excellence pour la santé des femmes de Santé Canada (PCESF) et le groupe de travail Metropolis (HCWG) ont uni leurs efforts afin de déterminer et d’élaborer des mécanismes susceptibles d’aider les décideurs à assimiler la recherche et l’information au cours du procédé d’élaboration des politiques. Les chercheurs du PCESF et des CEM s’intéressent aussi à la création ou à l’amélioration des partenariats dans le secteur de la recherche ainsi qu’aux initiatives stratégiques.

Dans le cadre de la 4e conférence nationale de Metropolis, organisée en mars 2000, on a fait une synthèse de la recherche menée par les CESF sur la santé des immigrantes et des réfugiées et recensé les projets des CEM consacrés à des analyses, en fonction du sexe, qui portent expressément sur les femmes ou qui incluent une analyse comparative entre les sexes. Le PCESF a également présenté un document d synthèse et certains projets de recherche dans le cadre d’un atelier de la conférence ; cette initiative a mis en lumière les questions liées à la santé des immigrantes et des réfugiées de même que les travaux des chercheurs du Projet Metropolis.

Par suite de l’atelier, le Bureau pour la santé des femmes a commandé la rédaction de ce document, susceptible d’inspirer d’éventuels projets de recherche. Il peut servir aux analystes et aux responsables des politiques sur la santé à l’échelle institutionnelle, municipale, régionale, provinciale et fédérale pour classer les questions stratégiques par ordre de priorité, définir les résultats des politiques souhaités et élaborer des stratégies. Le document peut aussi assister les ONG dans leur travail sur les politiques.

Ce tour d’horizon de la recherche canadienne sur la santé des immigrantes et des réfugiées révèle que l’analyse comparative entre les sexes et l’analyse de la diversité produisent de nouvelles données. La multiplication des sources de recherche, d’information et de savoir n’est cependant pas suffisante. Il faut aussi veiller à ce qu’elles fassent l’objet d’une diffusion et d’une d’utilisation maximales dans l’élaboration des politiques et au sein des collectivités.

4. AGIR : SUGGESTIONS POUR LES PROCHAINES ÉTAPE.

Les plus grands défis qui attendent les chercheurs et les décideurs consistent échanger l’information de façon efficace et en temps utile. Des recherches de qualité favorisent l’élaboration de politiques publiques efficaces et inversement. Nulle part cela n’est-il plus vrai que dans le domaine des politiques en matière de santé. En outre, la présente étude a prouvé que, si l’on veut tenir compte de l’expérience des immigrantes et des réfugiées et combler leurs besoins en santé, il faudra apporter des changements à tous les niveaux du système et revoir l’élaboration des politiques.

L’approche graduelle permet de relever les défis suivants :

1) Repérer les principaux acteurs : Un projet ne peut progresser sans la participation, dès le début, des principaux intervenants. Comme première étape, ce document recommande donc de réunir les chercheurs médicaux des CESF et des CEM qui s’intéressent à la santé des femmes (immigrantes et réfugiées) et les représentants de ministères désignés et de groupes d’immigrantes et de réfugiées. Cet aperçu de la recherche indique clairement de quels groupes, personnes et ministères il s’agit.

2) Procédé de planification stratégique : Cette réunion d’intervenants devrait comporter trois objectifs :

- établir de bons modèles de communication et s’entendre sur une mission commune ;

- cerner les orientations prioritaires du gouvernement fédéral ;

- repérer les mécanismes existants ou envisager d’en créer de nouveaux afin que la recherche puisse continuer d’influer sur l’élaboration des politiques en matière de santé.

Il serait utile d’assortir ces mécanismes au programme, proposé par Citoyenneté et Immigration Canada et le CRSH, aux fins d’élaborer et d’améliorer les programmes de recherche sur la politique. Le financement de ces programmes est prévu à la 2e phase du Projet Metropolis, lequel prendra fin à la conférence nationale de 2001, à Ottawa.

3) Procédé de planification parallèle : Les changements requis pour satisfaire aux besoins de santé des immigrantes et des réfugiées nécessitent l’intervention de nombre de compétences, d’institutions et de groupes d’intérêt. Pour réussir à long terme dans un contexte politique aussi complexe, il est essentiel d’adopter une approche coordonnée. Ce document propose d’établir un dialogue stratégique en partageant le contenu du rapport avec les intervenants et les représentants d’autres ordres de gouvernement, une mesure apte à favoriser la sensibilisation, le dialogue et la planification adéquate des politiques et des programmes. Évidemment, tout effort multi niveau concerté prendra un certain temps. Cependant, le travail peut et doit commencer en marquant les premiers pas importants.

Le CESF et le CEM sont bien placés pour diriger les échanges stratégiques et coordonner, grâce à leur expertise, les recherches et le travail d’élaboration des politiques sur la santé des immigrantes et des réfugiées au Canada. Ces organismes constituent d’importantes sources de recherche, d’information et de savoir. Nombre de ministères et de tribunes politiques leur confient des mandats, auxquels ils ont d’ailleurs accès. Par conséquent, ils sont en mesure d’assurer un leadership ferme dans une variété de cadres politiques concernant la santé des immigrantes et des réfugiées.

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