« De la grossesse à l’accouchement », voilà comment pourrait s’intituler un travail d’une importance capitale, d’une grande ambition vu le caractère plutôt épars et surtout accidentel des informations touchant d’une manière ou d’une autre à la question. Pourtant le texte qui suit est loin d’en présenter une vue globale, car il l’examine sous un angle particulier. En effet, c’est par une approche ethnologique, plus particulièrement à travers les croyances et pratiques d’ordre magico-religieux que nous tentons de l’étudier. Il va sans dire que des considérations aussi importantes que l’obstétrique proprement dite, la part de l’empirisme populaire dans les remèdes, le « statut » des femmes enceintes selon qu’elles sont mariées ou non, le contexte d’un pays en pleine mutation où la médecine moderne a réalisé desprogrès notables, etc., ne sont pas abordées.
N’est pas non plus abordée la littérature ésotérique, pourtant religieuse, sur la genèse et le développement du ftus. Elle est essentiellement métaphysique et savante et, de ce fait, ne saurait toucher la masse. La population demeure fidèle à l' »animisme » – qui plonge ses racines dans la nuit des temps -, chaque fois qu’elle est confrontée aux problèmes les plus immédiats, d’ordre non spirituel. Dépouillé de tous les éléments ayant contribué au cours de l’histoire à façonner la culture cambodgienne, cet « animisme » n’est pas spécifiquement khmer. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter aux coutumes relatives à la grossesse et à l’accouchement observées chez bien des populations de l’Asie du Sud-Est pour constater l’étonnante homogénéité dse croyances qui y règnent. A titre d’exemple, citons l’ouvrage Southeast Asian Birth Customs qui se rapporte, a priori, à trois mondes différents : Philippines, Thaïlande et Viêtnam, autrement dit à des populations respectivement christianisée, indianisée et sinisée. A quelques exceptions près, forcenous est de constater des similitudes frappantes entre ces croyances respectives, croyances que l’on retrouve pour la plupart chez les Cambodgiens. Ainsi, à travers les grandes religions – dont il ne convient pas de négliger les apports spirituels, moraux et autres -, transparaît un ensemble de croyances que nous qualifions d' »animisme » pour des raisons pratiques et qui est répandu dans une région du monde aussi vaste qu’est l’Asie du Sud-Est […] »
Ang CHOULEAN : « Grossesse et accouchement au Cambodge : aspects rituels »
In : ASEMI, vol. XIII, 1-4, 1982 : 88-109