Anxiété, Anxiolytiques et Troubles Cognitifs

Paru dans : Journal de Nervure, avril 2004, p. 19 . Disponible en ligne : http://www.nervure-psy.com/

D’après les interventions de : Yvette Akwa (Le Kremlin-Bicêtre), Catherine Belzung (Tours), Olivier Blin (Marseille), Michel Bourin (Nantes), Maurice Ferreri (Paris), Charles-Siegfried Peretti (Reims), Joëlle Proust (Paris), Martial Van der Linden (Genève), Pierre Vidailhet (Strasbourg).

Symposium des Laboratoires Biocodex : « Anxiété, Anxiolytiques et Troubles Cognitifs », Paris, 26 mars 2004.

Anxiété, Anxiolytiques et Troubles Cognitifs entretiennent d’étroites relations.

Les effets amnésiants des benzodiazépines sont connus depuis longtemps, et l’anxiété exerce sur les fonctions cognitives des effets paradoxaux, fonction de son intensité : alors qu’une anxiété mineure peut « stimuler » les capacités attentionnelles, une anxiété plus importante peut, au contraire, les altérer.

Des données expérimentales et cliniques permettent d’éclairer la physiopathologie des troubles cognitifs liés à l’anxiété ou aux médicaments chargés de l’améliorer.

L’enjeu est important : si la pathologie anxieuse est susceptible de nuire aux performances cognitives d’un individu, il convient de ne pas les aggraver par la molécule anxiolytique que l’on aura choisie.

Au cours de ce symposium, présidé par le Pr Maurice Ferreri (St Antoine, Paris) sous l’égide des Laboratoires Biocodex, divers spécialistes ont confronté leurs connaissances à propos de trois grands thèmes : les cognitions, les bases neurobiologiques du débat « Anxiété, Anxiolytiques et Cognitions », enfin les données expérimentales et cliniques s’y rapportant.

La psychopathologie cognitive, approche moderne de l’anxiété

Au cours de la première partie consacrée aux cognitions, le Pr M. Van der Linder (Genève), a considéré que selon la psychopathologie cognitive, les dysfonctionnements cognitifs contribuent à l’apparition et au maintien des états psychopathologiques. Cette approche permet de guider les recherches neurobiologiques et de proposer de nouvelles méthodes d’évaluation ou de traitement. Emotion dite « de base », la peur peut entraîner des dysfonctionnements cognitifs, comme le précise

J. Proust (Institut Nicod, Paris). L’anxiété se distingue de la peur par le fait qu’elle ne repose sur aucun objet spécifique, et par le biais cognitif qu’elle entraîne : l’anxieux s’attend à vivre des événements de vie négatifs, et se comporte de manière à confirmer ses attentes.

GABA et neurostéroïdes, éléments clés de la neurobiologie des cognitions

Afin de comprendre le retentissement de l’anxiété ou des anxiolytiques sur les fonctions cognitives, il importe d’en connaître les bases neurobiologiques, thème de la seconde partie. Le Pr M. Bourin (Nantes) a expliqué que l’un des premiers acteurs est le GABA, neurotransmetteur inhibiteur dont l’activité apparaît étroitement liée à la conformation allostérique du complexe GABA. Dès lors, les différents ligands de ce complexe GABA, qu’il s’agisse des benzodiazépines, des barbituriques ou de l’étifoxine, vont être capables de moduler ce récepteur et donc l’activité inhibitrice du GABA.

Mme Y. Akwa (Le Kremlin-Bicêtre) a souligné que les neurostéroïdes sont également impliqués dans le contrôle cognitif. Ainsi l’alloprégnanolone exerce un puissant effet anxiolytique, tandis que le sulfate de prégnènolone améliore les performances mnésiques dans divers modèles expérimentaux : c’est dire l’importance de cette voie de re-cherche pour la correction des troubles cognitifs liés au vieillissement ou à une pathologie dégénérative.

Anxiété, anxiolytiques et mémoire : des interactions nombreuses et complexes

La troisième partie a abordé les données expérimentales et cliniques relatives aux liens qui unissent anxiété, anxiolytiques et fonctions cognitives.

Le Pr C. Belzung (Tours) a posé, tout d’abord, la question du rôle paradoxal de l’anxiété sur la mémoire : tandis qu’une anxiété modérée favorise l’apprentissage, une anxiété importante peut perturber les fonctions mnésiques. Les modèles expérimentaux sont d’une grande aide pour la compréhension de ces mécanismes.

Chez l’homme, comme l’a expliqué le Pr .S. Peretti (Reims), un stimulus menaçant peut perturber les fonctions cognitives et ralentir le traitement de l’information chez un sujet anxieux. En fait, tout se passe comme si ce dernier était en situation de double tache, devant traiter, à la fois, l’information pertinente et l’information non pertinente générée par l’anxiété.

Le Dr P. Vidailhet (Strasbourg), a décrit l’apport de la psychopharmacologie cognitive à la compréhension du lien existant entre anxiolytiques et mémoire. Ainsi, l’étude de l’amnésie pharmaco-induite par les benzodiazépines a permis de mieux connaître leurs répercussions sur la vie quotidienne, mais aussi d’interpréter le fonctionnement mnésique normal.

Selon le Pr O. Blin (Marseille), la pharmacologie de l’anxiolytique idéal devrait conjuguer efficacité et tolérance, tant à court terme qu’à long terme. Les benzodiazépines ont permis une amélioration du rapport bénéfice/risque, mais cette classe de molécules reste associée à des problèmes de diminution de la vigilance et des performances, à la survenue de troubles mnésiques et de syndromes de sevrage. L’étifoxine est un anxiolytique non benzodiazépinique qui, en interagissant avec le canal chlore du récepteur GABA A, facilite la transmission GABAergique et son effet inhibiteur.

Des travaux complémentaires précisent que l’étifoxine exerce sur ce même récepteur GABA un effet indirect impliquant la synthèse de neurostéroïdes.

Une étude pharmacoclinique, réalisée en double aveugle contre placebo et comparant les effets psychomoteurs et mnésiques de l’étifoxine et du lorazépam, montre qu’une dose unique de 50 ou 100 mg d’étifoxine n’entraîne pas d’amnésie et de sédation, comparativement au lorazépam.

Ces nouvelles données de pharmacologie expérimentale et clinique contribuent à distinguer des molécules anxiolytiques originales, capables d’améliorer la symptomatologie anxieuse des patients sans perturber leur fonctionnement cognitif.

F.C.

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