Christian LACHAL : « Le partage du traumatisme. Contre-transferts avec les patients traumatisés »

Grenoble : La Pensée Sauvage. Bibliothèque de L’autre, collection trauma, 2006.

Christian LACHAL est psychiatre et psychanalyste à Clermond-Ferrand.

Le contre-transfert est pour le clinicien le complément nécessaire du transfert, instrument central de la relation thérapeutique, ainsi que Freud l’avait montré, en en faisant l’axe du traitement psychanalytique. Mais on parle en fait souvent plus de transfert que de contre-transfert, même si, selon la formule classique de Neyraut [1], « … le contre-transfert précède le transfert ». D’importants débats ont pourtant surgi dans l’histoire de la psychanalyse sur ce que l’on pouvait faire de cette composante de la cure [2], peut-être la plus embarrassante. En fait, transfert et contre-transfert sont bien un couple indissociable dont les mouvements sont des instruments particulièrement révélateurs de la vie psychique du patient. Georges Devereux fut l’un des rares auteurs à montrer le côté très actif, et non pas seulement réactif, du contre-transfert en situation clinique, mais plus largement dans les « sciences du comportement », en particulier dans un cadre transculturel, où il apparaît sans doute de manière la plus flagrante.
C’est aussi spécialement le cas pour la clinique humanitaire à laquelle Christian Lachal se réfère plus spécialement ici, quand il s’agit de soigner des patients traumatisés sur les terrains de guerre qu’il connaît bien ayant mené nombre de missions pour le compte de MSF. L’originalité et le talent de son auteur, bien connus par les lecteurs de L’autre, sont de reprendre la définition du couple transfert/contre-transfert dans sa dimension transculturelle et de montrer ce qu’il induit chez le thérapeute, confronté à des blessures psychiques extrêmes. Ceci n’avait jamais été vraiment étudié avec cette intensité et cette minutie. Outre l’utilité pour les cliniciens amenés à travailler dans ce cadre, ceci permet aux autres d’approfondir une notion qui, bien qu’on en parle souvent avec légèreté, ne peut être que dérangeante, dans quelque situation où l’on se trouve.
L’analyse de l’auteur est extrêmement précise, son texte dense, toujours lisible. Le travail clinique s’appuie sur des théorisations très actuelles, comme celle de Daniel Stem. Avec Christian Lachal, nous sommes en présence d’une psychanalyse qui ne se paye pas de mots, nourrie de concepts dont la scientificité ne provient pas d’a priori mais d’abord de l’exigence descriptive. La notion de « scénario émergent », construite dans la continuité de l’expérience narrative de Ricœur, clarifie ce que fait le psychanalyste, en présence de patients marqués par un vécu proprement intransmissible. Et c’est d’abord dans la deuxième partie du livre, consacrée au contre-transfert dans la clinique des dyades mères-bébés ayant vécu ce type d’expérience que ce travail donne toute sa mesure. S’interrogeant sur la part de chacun des partenaires de cette dyade, il combine une science très fine des interactions précoces, à chaque stade de la petite enfance, avec les réactions du thérapeute, y compris quand il est seul avec l’enfant. L’analyse de ce qui est, en fait, une triade en terrain humanitaire apparaît donc, au-delà de sa spécificité, comme un enrichissement remarquable à une clinique plus quotidienne, que jadis Serge Lebovici illustra avec le talent que l’on sait.

François GIRAUD, in : L’autre. Cliniques, cultures et sociétés, 2007, vol. 8, n° 2 : 295

Notes :

1. Michel Neyraut, Le transfert. Paris : P. U. F., Le fil rouge ; 1974.
2. P Heimann, M. Little, L. Tower, A. Reich Le contre-transfert, Paris : Navarin éditeur ; 1987.

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