CULTURE PSY Neurosciences, n° 6

Ardix MÉDICAL. 12 p.

ÉDITORIAL

Parmi les disciplines médicales, la psychiatrie est sans conteste celle qui est la plus nécessairement ouverte vers les sciences humaines tout en ne pouvant plus faire l’impasse sur les progrès des neurosciences. Les capacités d’adaptation propres à chaque individu sont sous-tendues par la plasticité des circuits neuronaux : lorsque celle-ci faiblit, par exemple sous l’effet du vieillissement, les risques sont grands d’émergence de signes émotionnels qui précèdent de quelques années les manifestations du déclin cognitif. Les événements de vie sont négatifs dès lors qu’ils font particulièrement appel à la résilience nécessaire pour éviter un processus psychopathologique. Chaque événement a biensûr l’impact que le sujet y accorde en fonction de son histoire personnelle mais aussi en fonction de ses capacités d’adaptation. Toutes les enquêtes montrent le poids des événements de vie dans les mois qui précèdent l’éclosion des syndromes psychiatriques, dépressifs, anxieux, psychotiques ou autres. Lorsque ce processus est enclenché, la place des événements devient différente, voire accessoire pour son déterminisme évolutif. Comprendre la trajectoire de l’individu malade devient alors utile pour comprendre le contenu des souffrances, beaucoup moins pour en infléchir véritablement le cours.
La neuroplasticité est une résultante de paramètres innés (génétiques), développementaux précoces et contextuels. Il est acquis que les facteurs de stress ont des effets délétères sur les mécanismes qui la sous-tendent. Une bonne hygiène de vie est donc utile : la définition en est complexe et la diversité des choix individuels l’illustre. Ceci n’empêche pas d’identifier ce qui peut être commun à chacun de nous. L’exercice physique et intellectuel, l’initiative, un respect suffisant des rythmes biologiques, un environnement ni trop ni trop peu stimulant… sont autant d’évidences. Ce sont autant de conditions vers lesquelles nous tentons de réorienter les malades ayant guéri d’un épisode dépressif, anxieux ou en rémission dans le cours d’un processus psychotique.
La place que peut tenir telle ou telle technique psychothérapique doit assurément être appréciée à cette aune : savoir mieux gérer émotions ou cognitions, se connaître mieux soi-même et avoir ainsi acquis davantage d’estime de soi ne sont pas un luxe mais une nécessité surtout lorsqu’il existe des éléments de vulnérabilité d’origine génétique ou autre.
On doit se souvenir du résultat de cette étude nord-américaine ayant montré que les vétérans du Viêtnam présentant des signes d’anxiété pathologique avaient une atrophie hippocampique, avant de s’apercevoir que cette atrophie existait aussi chez les jumeaux de ces sujets dont la vulnérabilité avait donc été au moins aussi déterminante que le stress de la guerre. Le cas des enfants hyperactifs illustre tout ceci : on ne peut ignorer que ces enfants se trouvent en difficulté pour s’adapter aux conditions d’une indispensable vie en société. Cette condition indique-t-elle des accrocs de stabilisation des réseaux neuronaux ? Indique-t-elle un handicap par déficit de la résilience nécessaire devant certains événements de vie ?
Le stress et les taux élevés de glucocorticoïdes ont un effet délétère sur la plasticité neuronale, la sécrétion de facteurs neurotrophiques a des effets favorables. On a appris que certains psychotropes ont aussi un effet favorable. Parmi les antidépresseurs, l’un a particulièrement démontré un effet pro-neuroplasticité qualitativement et quantitativement supérieur à ce qui est rapporté avec d’autres. Quelle corrélation peut-il exister entre effet activateur des processus de neuroplasticité (arborescence et longueur des dendrites, sécrétion de Brain Derived Neurotrophic Factor, volume des neurones…) et efficacité thérapeutique ? Cette question reste ouverte comme bien d’autres, notamment la valeur préventive de ce type de molécule sur les effets déstabilisants de l’environnement.

Pr Jean-Pierre OLIÉ – Hôpital Sainte-Anne, Paris

- SOMMAIRE

Questions de pratique : Neurotoxicité et prodromes de la schizophrénie. Interview de Philippe NUSS

Parcours de vie : De la médecine à l’édition : comprendre l’humain. Dr Philippe BRENOT

Interface : Quand les enfants hyperactifs deviennent adultes. Dr Pierre OSWALD

Culture-Psy : Le bien, le mal et la neuroplasticité. Dr Jean-Albert MEYNARD

Bibliographie.

Cas clinique : Troubles thymiques et infanticide. Dr Sophie CHRISTOPHE

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