Flammarion, 2007. 453 p. 24 €
Didier FASSIN est anthropologue, sociologue et médecin, professeur à l’Université de Paris Nord et directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales ; il dirige l’IRIS, Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux.
Richard RECHTMAN est psychiatre et anthropologue, médecin chef de l’Institut Marcel Rivière ; il est chercheur au CESAMES, Centre de recherche sur la Santé Mentale, et rédacteur en chef de la revue L’Évolution psychiatrique.
Des attentats aux catastrophes naturelles, des accidents d’avion aux prises d’otages, des massacres de populations aux suicides d’adolescents dans des établissements scolaires, chaque événement violent appelle la présence de psychiatres et de psychologues. Ils viennent prendre en charge les rescapés, les sinistrés, les témoins. Ils interviennent au nom de la trace psychique du drame : le traumatisme. Longtemps cette notion a servi à disqualifier soldats et ouvriers dont on mettait en doute l’authenticité de la souffrance. Désormais, grâce au traumatisme, les victimes trouvent une reconnaissance sociale.
Ce livre relate ce renversement en liant deux histoires. L’une, intellectuelle, qui va des travaux de Charcot, Janet et Freud à l’invention de l’état de stress post-traumatique aux Etats-Unis et à sa difficile adoption en France. L’autre, morale, qui fait succéder à un siècle de suspicion à l’égard des blessures psychiques une ère de réhabilitation et, avec elle, l’émergence d’une nouvelle subjectivité politique : celle de la victime.
Les auteurs, qui ont enquêté sur la genèse, l’expansion et les multiples usages du traumatisme, en explorent trois développements emblématiques : la victimologie psychiatrique, dans les suites de l’explosion de l’usine AZF, à Toulouse ; la psychiatrie humanitaire, présente dans les territoires palestiniens durant la seconde Intifada ; la psychotraumatologie de l’exil, au sein des associations uvrant auprès des demandeurs d’asile. Ils décrivent ainsi trois politiques – de la réparation, du témoignage et de la preuve – dans lesquelles le traumatisme est moins une donnée psychologique qu’une ressource sociale ambiguë. S’il permet de défendre des causes, de revendiquer des droits, de justifier des actions publiques, il conduit aussi à exclure des groupes humains, à occulter des inégalités sociales et à produire de nouvelles hiérarchies d’humanités.