Dirigé par Paul Sidoun : Guérir… mais de quoi ? Les psys face au doute

Entretiens avec Ami Bouganim, Tobie Nathan, Marc-Alain Ouaknin, Jean Pisanté, Marc-Alain Wolf, Edouard Zarifian.

Editions Autrement, Collection Mutations n° 229

In Nervure, septembre 2004, n°6

www.nervure-psy.com

Paul Sidoun s’interroge en tant que psychiatre et il n’y va pas de main morte : « La scientificité dont nous continuons à nous targuer a été dans sa mise en oeuvre un des plus gigantesques leurres du XXe siècle. De la même ampleur que celui du communisme et vraisemblablement avec les mêmes mécanismes totalitaires, ceux de la tautologie des explications et ceux de la tentative démiurgique de définir le même idéal pour tous. Ni la psychiatrie médicalisante, ni la psychanalyse et ses variantes n’ont été scientifiques. En osant affirmer le contraire, elles ont fabriqué une barbarie sans nom, se croyant affranchies de toute considération morale ». Un peu plus loin, on peut lire dans son avant-propos : « C’est pour cela qu’il est temps que le monde psy quitte son colloque singulier, ses face-à-face confidentiels, sa pseudo-scientificité ou son inepte neutralité puisqu’il diagnostique ce qu’il induit au moins en partie et qu’il se refuse à observer ou à intervenir dans ce qui conditionne son action ».

Paul Sidoun regrette que la psychothérapie ne prenne pas en compte des analyses philosophiques et sociologiques sur l’air du temps « parce qu’elle n’avait affaire qu’au privé, un privé totalement en apesanteur de tout ce qui se passait autour. C’était peut-être le cas de la Vienne de Freud ; franchement, ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est contre tout cela que nous nous élevons parce que nous en avons la preuve tous les jours : le privé est largement public et réciproquement ».

Des entretiens ont été menés avec un philosophe : Ami Bouganim, le promoteur de la bibliothérapie : Marc-Alain Ouaknin, un psychanalyste : Jean Pisanté, un psychiatre : Marc-Alain Wolf, un ethnopsychiatre : Tobie Nathan, un psychiatre universitaire : Edouard Zarifian.

Ami Bouganim pense que la psychothérapie a un devoir de pédagogie et qu’il faut revenir à des méthodes de traitement moral des passions mais en retenant les découvertes fondamentales de la psychanalyse, à commencer par le rôle de la sexualité et la notion de sublimation. Marc-Alain Wolf relève que quand il rencontre un thérapeute, il ne s’intéresse pas à la façon dont il se définit mais à celle dont il travaille : une démarche uniquement pharmacologique est psychothérapeutique lorsqu’elle est fondée sur une ferme conviction.

Tobie Nathan relève une évolution marquée par des patients devenus « savants », pas encore organisés mais susceptibles de le devenir, confrontés à des thérapeutes tout aussi savants reliés à des mondes cohérents. Pour lui, lorsqu’une psychothérapie devient, à un moment, un rapport d’argumentations alors que les patients ne croient en rien : « ce sont les thérapeutes qui sont croyants », l’évaluation devant être une sorte d’éthique.

Edouard Zarifian constate que la psychiatrie a disparu puisque l’enseignement de la psychiatrie n’aborde pas l’approche du psychisme qui est récupérée par les psychologues dès lors que la prescription des psychotropes est banalisée et est effectuée à 80% ou 90% par les médecins généralistes.

En épilogue, Paul Sidoun appelle à un travail de révision épistémologique, revenant à ce qui dépend d’un positionnement face aux évolutions du sens de l’existence.

La psychiatrie doit, alors, se repositionner, en fonction des bouleversements modernes du sens, bases mouvantes de son champ d’intérêt. Un nouveau dialogue entre le monde psy et le social pourrait tenir compte de plusieurs bouleversements actuels : la liberté individuelle, la communication à la fois instrument et conséquence de la liberté, l’évolution du sentiment de responsabilité, l’épanouissement impressionnant de la position d’être désirant de l’homme moderne.

On ne peut que conseiller la lecture d’un tel livre.

G. Massé

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