Esquisse d’une formulation en fonction de la culture et Glossaire des syndromes propres à une culture donnée

DSM-IV Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4ème édition, Paris, Masson, American Psychiatric Association, 1996

Cette annexe est divisée en deux sections. La première section fournit l’esquisse d’une formulation culturelle destinée à aider le clinicien qui évalue systématiquement et qui rend compte de l’impact du contexte culturel sur l’individu. La seconde est un glossaire des syndromes spécifiques d’une culture donnée.

Esquisse d’une formulation en fonction de la culture

Cette esquisse d’une formulation en fonction de la culture est censée compléter 1’évaluation diagnostique multiaxiale et relever les difficultés qui pourraient être rencontrées en appliquant les critères du DSM-IV dans un environnement multiculturel. La formulation en fonction de la culture fournit une revue systématique de l’origine culturelle d’un individu, le rô1e du contexte culturel dans l’expression et l’évaluation des symptômes et des dysfonctionnements, et l’effet que les différences culturelles peuvent induire sur la relation entre l’individu et le clinicien.

Comme cela a été indiqué dans l’introduction du manuel (voir p. XXVII), il est important que le clinicien prenne en compte le contexte ethnique et culturel d’un individu dans l’évaluation de chacun des axes du DSM-IV. De plus, la formulation en fonction de la culture suggérée ci-dessous donne l’opportunité de décrire systématiquement le groupe culturel et social de référence d’un individu, et d’indiquer à quel point le contexte culturel est important pour la prise en charge. Le clinicien peut donner un résumé narratif pour chacune des catégories suivantes :

Identité culturelle d’un individu. Noter le groupe ethnique ou culturel de référence de l’individu. Pour les immigrants et les minorités ethniques, noter séparément le degré de participation de la culture d’origine et de la culture d’accueil (si applicable). Noter aussi les capacités, l’usage et la préférence linguistique (y compris le multilinguisme).

Explications culturelles de la maladie de 1’indi-vidu. Ce qui suit peut être identifié : les idiotismes principaux de la souffrance grâce auxquels les symptômes ou le besoin d’un soutien social sont communiqués (ex., « les nerfs », la possession, les plaintes somatiques, le malheur inexplicable), la signification et la perception de la sévérité des symptômes d’un individu par rapport aux normes du groupe de référence culturelle, la terminologie médicale locale utilisée par la famille d’un individu ou la communauté pour identifier l’affection (voir « Glossaire des syndromes propres à une culture donnée » ci-dessous), les causes perçues ou les modèles explicatifs que l’individu et le groupe de référence utilisent pour expliquer la maladie, et les expériences antérieures ainsi que la préférence actuelle pour une prise en charge par des méthodes conformes ou non aux usages de la profession médicale.

Facteurs culturels en relation avec l’environnement psychosocial et les niveaux de fonctionnement. Noter les interprétations culturelles pertinentes des facteurs de stress sociaux, du support social disponible et des niveaux de fonctionnement et du handicap. Cela devrait inclure les stress dans l’environnement social immédiat et le rô1e de la religion et du réseau familial comme source de soutien émotionnel, matériel ou informatif.

Eléments culturels dans la relation entre l’individu et le clinicien. Indiquer les différences de culture et de statut social entre l’individu et le clinicien, et les problèmes que ces différences pourraient causer dans le diagnostic et le traitement (p. ex., difficultés de communiquer dans la langue maternelle de l’individu, difficultés à identifier les symptômes et à comprendre leur signification culturelle, difficultés à établir une relation appropriée ou un certain degré d’intimité, difficultés à déterminer si un comportement est pathologique ou normal).

Evaluation culturelle globale pour le diagnostic et la prise en charge. La formulation conclut avec une discussion sur la façon dont les considérations culturelles influencent de façon spécifique la complétude du diagnostic et de la prise en charge.

Glossaire des syndromes propres à une culture donnée

Le terme syndrome propre à la culture dénote la survenue répétée de schémas de comportements aberrants et d’expériences perturbantes qui sont spécifiques d’une région et peuvent être liés ou non à une catégorie diagnostique particulière du DSM-IV. Beaucoup de ces schémas sont considérés par les autochtones comme des « maladies » ou au moins des affections, et la plupart ont des noms locaux. Bien que les présentations cliniques se rapportant aux catégories majeures du DSM-IV soient retrouvées dans le monde entier, les symptômes particuliers, 1’évolution et la réponse sociale sont souvent influencés par des facteurs culturels locaux. Au contraire, les syndromes spécifiques d’une culture donnée sont généralement limités à des sociétés spécifiques ou à des zones de culture, et correspondent à des catégories diagnostiques locales et traditionnelles qui correspondent de façon cohérente à certaines observations et expériences répétitives, stéréotypées et perturbantes.

Il existe rarement une équivalence univoque entre un syndrome lié à la culture et une entité diagnostique du DSM. Un comportement anormal pouvant être inclus dans une seule catégorie diagnostique traditionnelle pourrait être classé, par un clinicien utilisant le DSM-IV, dans plusieurs catégories diagnostiques, et les tableaux cliniques pouvant être inclus dans une seule catégorie diagnostique par un clinicien utilisant le DSM-IV pourraient être classés dans plusieurs catégories par un clinicien autochtone. De plus, certains troubles et affections ont été considérés comme des syndromes propres à une culture donnée et, en l’occurrence spécifiques de la culture industrialisée (p. ex., Anorexie mentale, Trouble dissociatif de 1’identité) du fait de leur apparente rareté ou de leur absence dans d’autres cultures. Il faut aussi noter que toutes les sociétés industrialisées comprennent des subcultures distinctes et des groupes d’immigrants d’origines diverses qui peuvent se présenter avec des syndromes spécifiques d’une culture donnée.

Ce glossaire dresse la liste des quelques syndromes les mieux étudiés propres à une culture donnée, et des idiotismes de la souffrance que l’on peut rencontrer en pratique clinique en Amérique du Nord ; il inclut les catégories du DSM-IV les concernant lorsque les données suggèrent de les prendre en compte pour une formulation diagnostique.

amok Episode dissociatif caractérisé par une période de cafard suivi par un comportement extrêmement violent, agressif ou homicide envers des personnes et des objets. L’épisode semble être déclenché par un affront ou une insulte et semble n’atteindre que des hommes. L’épisode est souvent accompagné par des idées de persécution, de l’automatisme, de l’amnésie, un état d’épuisement avec retour à l’état prémorbide après l’épisode. Dans certains cas, l’amok peut se produire durant un épisode psychotique bref ou constituer le début ou une exacerbation d’un processus psychotique chronique. Les comptes-rendus originels qui utilisaient ce terme provenaient de Malaisie. Un schéma de comportement identique est retrouvé au Laos, aux Philippines, en Polynésie (cafard ou cathard), en Papouasie-Nouvelle Guinée et A Porto Rico (mal de pelea) ainsi que parmi les Navajo (iich’aa).

ataque de nervios Idiotisme de souffrance principalement décrit parmi les Latinos des Caraïbes, mais identifié parmi de nombreux groupes de Latino-américains et de Latino-méditerranéens. Habituellement, les symptômes comprennent : cris incontrô1ables, crises de pleurs, tremblements, sensation de chaleur dans le thorax montant à la tête et agression physique ou verbale. Des expériences dissociatives, des épisodes de perte de connaissance ou ressemblant à des convulsions, des gestes suicidaires sont présents lors de certaines attaques mais pas dans d’autres. Une caractéristique générale d’une ataque de nervios est la sensation d’être hors de contrô1e. Les ataques de nervios se présentent fréquemment comme le résultat direct d’un évènement stressant concernant la famille (p. ex., ]a nouvelle du décès d’un être très proche, la séparation ou le divorce d’avec le conjoint, des conflits avec le conjoint ou les enfants, ou le fait d’être le témoin d’un accident impliquant un membre de la famille). Les personnes peuvent éprouver de l’amnésie pour ce qui s’est passé pendant l’ataque de nervios, mais ils retournent rapidement à leur niveau de fonctionnement habituel. Bien que la description de certaines ataques de nervios corresponde à celle de l’attaque de panique du DSM-IV, l’association de la plupart des ataques avec un évènement déclenchant et l’absence fréquente de symptômes-clés de peur intense ou d’appréhension les distinguent du Trouble panique. L’Ataque va de l’expression normale de la souffrance non associée à un trouble mental aux présentations symptomatiques associées aux diagnostics de Trouble anxieux, Trouble de l’humeur, Trouble dissociatif ou Trouble somatoforme.

bilis et colera (aussi désigné muina) On pense que la cause sous-jacente de ce syndrome est le fait de ressentir une colère extrêmement forte ou de la rage. La colère est considérée parmi de nombreux groupes Latinos comme une émotion particulièrement puissante qui peut avoir des effets directs sur le corps et qui peut exacerber des symptômes existants. L’effet majeur de la colère est de perturber l’équilibre du centre du corps (qui est compris comme un équilibre entre les valences chaudes et froides et entre les aspects matériels et spirituels du corps). Les symptômes peuvent inclure : brusque tension nerveuse, céphalées, tremblements, hurlements, problèmes gastriques, et, clans les cas plus sévères, perte de conscience. Une fatigue chronique peut être la conséquence de cet épisode aigu.

bouffée délirante Syndrome observé en Afrique de l’Ouest et à Haiti. Ce terme français fait référence à une explosion brutale d’un comportement agité et agressif, d’une confusion marquée, d’une agitation psychomotrice et est parfois accompagné d’hallucinations visuelles et auditives ou d’idéation persécutoire. Ces épisodes peuvent ressembler à un épisode de Trouble psychotique bref.

brain fag Terme initialement utilisé en Afrique de l’Ouest faisant référence aux condition subies par les étudiants des collèges ou universités face aux défis de l’enseignement. Les symptômes comportent des difficultés de concentration, de mémoire, d’idéation. Les étudiants disent souvent que leur cerveau est « fatigué ». D’autres symptômes somatiques sont habituellement centré sur la tête et le cou : douleur, pression ou raideur, vision trouble, chaleur ou brûlure. « Lassitude du cerveau » ou fatigue « de trop penser » est un idiotisme de souffrance dans de nombreuses cultures et les syndromes qui en résultent peuvent ressembler à certains Troubles anxieux, dépressifs et somatoformes.

dhat Terme diagnostique populaire utilisé en Inde pour faire référence à une anxiété sévère et des préoccupations hypocondriaques associées à la perte de sperme, à une décoloration blanchâtre des urines et à des sensations de faiblesse et d’épuisement. Similaire au jiryan (Inde), sukra prameha (Sri Lanka) et shen-k’uei (Chine).

falling out ou blacking out Ces épisodes se rencontrent principalement dans le Sud des Etats-Unis et clans les Antilles. Ils sont caractérisés par une perte de connaissance soudaine, qui se produit parfois sans prodromes, mais qui est parfois précédée par des sensations d’étourdissement ou de « nager » dans-la tête. L’individu garde généralement les yeux ouverts, mais il prétend ne rien pouvoir voir. L’individu habituellement entend et comprend ce qui se passe autour de lui mais se sent incapable de bouger. Ceci peut correspondre à un diagnostic de Trouble de conversion ou de Trouble dissociatif.

ghost sickness Préoccupation par la mort et les défunts (parfois associée a 1a sorcellerie) fréquemment observée parmi les membres de nombreuses tribus indiennes américaines. Des symptômes variés peuvent être attribués à la ghost sickness, incluant mauvais rêves, faiblesse, sensation de danger, perte d’appétit, évanouissement, étourdissement, peur, anxiété, hallucinations, perte de conscience, confusion, sentiments d’impuissance et sensation de suffocation.

hwa-byung (aussi connu sous le nom de wool-hwa-byung) Syndrome populaire coréen traduit littéralement en français comme « syndrome de colère » et attribué à la suppression de la colère. Les symptômes comprennent : insomnie, fatigue, panique, peur d’une mort imminente, dysphorie, indigestion, anorexie, dyspnée, palpitations, douleurs et souffrances généralisées et sensation d’une masse dans l’épigastre.

koro Terme probablement d’origine malaise qui se réfère à un épisode d’anxiété aiguë et soudaine liée à la crainte que le pénis (ou chez les femmes, la vulve et les seins) ne pénètre dans le corps entraînant éventuellement la mort. Le syndrome est rapporté dans le sud et l’est de l’Asie où il est décrit par une variété de termes locaux comme shuk yang, shook yong et suo yang (chinois), jinjinia bemar (Assam) ou ro-joo (Thaïlande). On le trouve occasionnellement A l’ouest. A certains moments, le Koro se produit sous formes d’épidémies locales dans des régions est-asiatiques. Ce diagnostic est inclus dans la Classification Chinoise des Troubles Mentaux, deuxième édition (CCTM-2).

latah Hypersensibilité à une frayeur soudaine, souvent avec échopraxie, écholalie, suggestibilité, et comportement dissociatif ou état ressemblant à des transes. Le terme latah est originaire de Malaisie ou d’lndonésie, mais le syndrome a été identifié dans de nombreux endroits du monde. D’autres termes pour cet état sont amurakh, irkhnii, ikota, olan, myriachit et menkeiti (groupes sibériens), bah tschi, bah-tsi, baah-ji (Thaïlande), imu (Ainu, Sakhaline, Japon), et mali-mali et silok (Philippines). En Malaisie, ce trouble est plus fréquent chez les femmes d’âge moyen.

locura Terme utilisé par les Latinos des Etats-Unis et d’Amérique latine pour désigner une forme sévère de psychose chronique. Cet état est attribué à une vulnérabilité héréditaire, aux conséquences des multiples difficultés de la vie ou à une combinaison de ces deux facteurs. Les symptômes présentés par les individus atteints de locura comprennent : incohérence, agitation, hallucinations auditives et visuelles, incapacité à suivre les règles de la vie en société, comportement imprévisible et parfois violence.

mal de ojo Concept retrouvé largement dans les cultures méditerranéennes et dans d’autres endroits du monde. Mal de ojo est un terme espagnol qui a été traduit en français par « mauvais œil ». Les enfants sont spécialement à risques. Les symptômes comprennent : sommeil agité, pleurs sans cause apparente, diarrhées, vomissements et fièvre chez l’enfant ou le nourrisson. Parfois, les adultes (plutôt les femmes) peuvent être atteints.

nervios Idiotisme commun de souffrance parmi les Latinos des Etats-Unis et d’Amérique latine. Dans un certain nombre d’autres groupes ethniques, on trouve des concepts apparentés au nervios, bien qu’ils soient souvent quelque peu différents (comme le nevra chez les grecs d’Amérique du nord). Nervios fait référence à la fois à un état général de vulnérabilité aux expériences de vie stressantes et à un syndrome occasionné par les circonstances d’une vie difficile. Le terme nervios inclut une grande variété de symptômes de souffrance émotionnelle de malaises somatiques et d’incapacité fonctionnelle. Les symptômes les plus communs comportent : céphalées et « douleur au cerveau », irritabilité, problèmes gastriques, problèmes de sommeil, nervosité, pleurs faciles, troubles de la concentration, tremblements, bourdonnements d’oreilles, et mareos (étourdissement avec occasionnellement des exacerbations ressemblant à un vertige). Le nervios a tendance à être un problème continu, bien qu’il y ait des différences dans le degré d’incapacité manifesté. Le nervios est un syndrome très vaste qui va des cas sans trouble mental à des présentations cliniques qui ressemblent aux Troubles de l’adaptation, aux Troubles anxieux, aux Troubles dépressifs, aux Troubles dissociatifs, aux Troubles somatoformes ou aux Troubles psychotiques. Le diagnostic différentiel se fondera sur la constellation de symptômes présentés, sur la nature des évènements sociaux associés à la survenue et à l’évolution du Nervios et sur le niveau d’incapacité éprouvé.

pibloktoq Episode dissociatif aigu accompagné d’agitation extrême, pouvant durer jusqu’à 30 minutes et suivi fréquemment de convulsions et de coma pouvant durer jusqu’à 12 heures. Bien que des variations régionales existent dans la terminologie du trouble, il a essentiellement été observé dans les communautés esquimaudes arctiques et subarctiques. L’individu peut se replier sur lui-même ou être 1égèrement irritable quelques heures ou quelques jours avant la crise dont, typiquement, il gardera une amnésie complète. Pendant la crise, l’individu peut arracher ses vêtements, casser des objets, crier des obscénités, manger des excréments, s’enfuir d’un abri protecteur ou réaliser d’autres actes irrationnels ou dangereux.

réaction psychotique de qi-gong Terme décrivant un épisode aigu et limité dans le temps, caractérisé par des symptômes dissociatifs, paranoïaques et par d’autres symptômes psychotiques ou non-psychotiques qui peuvent se produire après la participation à une pratique hygiénique populaire : le qi-gong (« exercice d’énergie vitale »). Les individus excessivement impliqués dans cette pratique sont particulièrement vulnérables. Ce diagnostic est inclus dans la deuxième édition de la Classification Chinoise des Troubles Mentaux (CCTM-2).

rootwork Interprétations d’origine culturelle qui attribuent une maladie à des sortilèges, de la magie, de la sorcellerie ou à la mauvaise influence d’une autre personne. Les symptômes peuvent comporter de 1’anxiété généralisée et des plaintes gastro-intestinales (p. ex., nausées, vomissements, diarrhée), de la faiblesse, des étourdissements, une peur d’être empoisonné et parfois une peur d’être tué (« mort voodoo »). Les « roots », « maléfices » ou « sortilèges » peuvent être « mis » ou placés sur d’autres personnes, provoquant une série de problèmes émotionnels et psychologiques. La personne ensorcelée peut même craindre la mort jusqu’à ce que la « root » ait été « enlevée » (é1iminée), habituellement grâce à l’intervention d’un médecin des « roots » (un guérisseur selon cette tradition), qui peut aussi être appe1é pour ensorceler un ennemi. Le « Rootwork » est trouvé dans le sud des Etats-Unis parmi les populations américaines d’origine africaine et européenne, ainsi que dans les sociétés caraïbes. On le connaît également dans les sociétés latinos comme mal puesto ou brujeria.

sangue dormias (« le sang dormant ») Ce syndrome est trouvé parmi les Portugais du Cap Vert (et les immigrants du Cap Vert aux Etats-Unis) et comporte douleur, engourdissement, tremblements, paralysie, convulsions, apoplexie, cécité, crises cardiaques, infections et fausses couches.

shenfing shuairo (« neurasthénie ») En Chine, état caractérisé par une fatigue physique et mentale, des étourdissements, des céphalées, d’autres douleurs, des difficultés de concentration, des perturbations du sommeil et des pertes de mémoire. D’autres symptômes comprennent : problèmes gastro-intestinaux, dysfonctionnement sexuel, irritabilité, émotivité et divers signes suggérant des troubles du système nerveux autonome. Dans de nombreux cas, les symptômes correspondraient aux critères d’un Trouble anxieux et d’un Trouble de l’humeur du DSM-IV. Ce diagnostic est inclus dans la deuxième édition de la Classification Chinoise des Troubles Mentaux (CCTM-2).

shen-k’vei (Talwan) ; shenkvi (Chine) Désignation populaire chinoise décrivant une anxiété marquée ou des symptômes de panique accompagnés de plaintes somatiques pour lesquelles aucune cause physique ne peut être démontrée. Les symptômes incluent étourdissements, mal de dos, fatigabilité, faiblesse générale, insomnie, rêves fréquents et plaintes de dysfonctionnement sexuel (éjaculation précoce et impuissance). Les symptômes sont attribués à une perte excessive de sperme lors de relations sexuelles trop fréquentes, de masturbation, d’émissions nocturnes, ou la miction d’une « urine blanche et trouble » interprétée comme contenant du sperme. La perte du sperme est angoissante parce que, selon la croyance, elle représente la perte de l’essence vitale d’un individu et peut, par conséquent, menacer la vie.

shin-byung Dénomination coréenne pour un syndrome dans lequel les phases initiales sont caractérisées par de 1’anxiété et des plaintes somatiques (faiblesse généralisée, étourdissements, peur, anorexie, insomnie, problèmes gastro-intestinaux) avec ensuite dissociation et possession par des esprits ancestraux.

spel1 Etat de transe dans lequel les individus – communiquent – avec : des proches décédés ou avec des esprits. Parfois, cet état est associé à de brèves périodes de changement de personnalité. Ce syndrome spécifique d’une culture donnée se rencontre parmi les américains d’origine africaine et européenne dans le sud des Etats-Unis. Les spells ne sont pas considérés comme des phénomènes médicaux dans la tradition populaire, mais ils peuvent être interprétés à tort comme des épisodes psychotiques en pratique clinique.

susto (« peur » ou « perte de l’âme ») Maladie populaire prévalant chez certains Latinos (aux Etats-Unis et parmi les populations du Mexique, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Le susto est aussi appe1é espanto, pasmo, tripa ida, perdida del alma ou chibih. Le susto est une maladie attribuée à un événement effrayant qui provoque le départ de l’âme hors du corps, ce qui cause malheur et maladie. Les personnes atteintes de susto éprouvent aussi des tensions importantes dans leurs contacts sociaux. Les symptômes peuvent apparaître n’importe quand, des jours ou des années après l’évènement effrayant. Dans des cas extrêmes, le susto pourrait – pense-t-on – entraîner la mort. Les symptômes typiques comprennent des troubles de l’appétit, un sommeil insuffisant ou excessif, un sommeil perturbé ou des rêves, une sensation de tristesse, un manque de motivation pour faire quoi que ce soit, des sentiments de dévalorisation et de malpropreté. Les symptômes somatiques accompagnant le susto incluent : douleurs musculaires, céphalées, douleurs gastriques et diarrhées. Les guérisons rituelles se concentrent sur le rappel de l’âme dans le corps et la purification de la personne pour rétablir l’équilibre corporel et spirituel. Différentes présentations de susto peuvent s’apparenter au Trouble dépressif majeur, à l’Etat de stress post-traumatique et aux Troubles somatoformes. Des croyances étiologiques et des tableaux symptomatiques similaires sont trouvés dans de nombreux endroits du monde.

taijin kyofusho Phobie culturellement distincte au Japon, qui ressemble d’une certaine façon aux Phobies sociales du DSM-IV. Ce syndrome concerne le comportement de certains individus craignant intensément que leur corps, une partie de leur corps ou le fonctionnement de leur corps ne déplaise, n’embarrasse ou n’agresse les autres par l’apparence, l’odeur, les expressions faciales ou les mouvements. Ce syndrome est inclus dans le système diagnostique officiel japonais des troubles mentaux.

Zar Terme général employé en Ethiopie, Somalie, Egypte, Soudan, Iran et dans d’autres sociétés d’Afrique du Nord et du Moyen Orient en rapport avec la possession d’un individu par les esprits. Les personnes possédées par un esprit peuvent subir des épisodes dissociatifs qui peuvent se manifester par des cris, des rires, le fait de se cogner la tête contre un mur, de chanter ou pleurer. Ces personnes peuvent être apathiques ou rep1iées sur elles-mêmes, refuser de manger ou d’accomplir les tâches quotidiennes ou elles peuvent développer à long terme une relation avec l’esprit possesseur. Localement, un tel comportement n’est pas considéré comme pathologique.

Groupe A des troubles de la personnalité

F60.0 [301.01] Personnalité paranoïaque

Caractéristiques diagnostiques

La caractéristique essentielle de la Personnalité paranoïaque est un mode général de méfiance soupçonneuse à l’égard des autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes. Le trouble apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers.

Les sujets paranoïaques s’attendent à ce que les autres les exploitent, leur nuisent ou les trompent, même si aucune preuve ne vient étayer ces attentes (Critère A1). Avec peu ou pas d’indices, ils soupçonnent les autres de conspirer contre eux et de pouvoir les attaquer sans raison à tout moment. Ils ont souvent l’impression d’avoir été blessés gravement et irrémédiablement par une, ou plusieurs personnes, même en l’absence de toute preuve objective. Ils sont préoccupés par des doutes injustif1és sur la loyauté ou 1’honnêteté de leurs amis ou de leurs associés et passent les faits et gestes de ceux-ci à la loupe en quête de preuves de mauvaises intentions (Critère A2). Tout ce qui est perçu comme un manquement à la confiance ou à la loyauté vient renforcer leurs soupçons latents. Ils sont surpris si un ami ou un associé se montre réellement loyal au point de ne pas arriver à y croire. S’ils sont en difficulté, ils s’attendent à ce que leurs amis ou leurs associés les attaquent ou les abandonnent.

Les sujets paranoïaques ont du mal à se confier à autrui ou à nouer des relations proches par crainte de voir l’information partagée voire utilisée contre eux (Critère A3). Ils refusent parfois de répondre à des questions personnelles, prétextant que « ça ne regarde personne ». Ils discernent des sens cachés, menaçants ou humiliants dans des commentaires ou des événements anodins (Critère A4). Par exemple, une personne paranoïaque peut penser que l’erreur d’un caissier est une tentative délibérée de le voler et que le commentaire humoristique d’un collègue est une critique grave de sa personne. Les compliments sont souvent mal interprétés (p. ex., un compliment sur un nouvel achat est interprété comme une critique de son égoïsme ; un compliment sur une réalisation est interprété comme une incitation à travailler encore plus). Ces sujets peuvent penser qu’une offre d’assistance est une manière de leur dire qu’ils ne sont pas capables de se débrouiller seuls.

Les sujets paranoïaques gardent rancune et ne pardonnent pas facilement ce qu’ils ont perçu comme une insulte, une attaque ou du mépris (Critère A5). Des manques d’égard mineurs provoquent des réactions hostiles majeures et les sentiments d’hostilité persistent pendant longtemps. Comme ils sont toujours à l’affût des intentions malveillantes des autres, ils ont souvent le sentiment que l’on attente à leur caractère ou leur réputation ou qu’ils ont été insultés d’une manière ou d’une autre. Ils sont prompts à la contre-attaque et réagissent avec colère à, ce qu’ils ont perçu comme des agressions. Les sujets présentant ce trouble peuvent faire preuve d’une jalousie pathologique et soupçonner, en l’absence de toute preuve, leur époux ou partenaire de les tromper (Critère A7). Ils étayent parfois leurs soupçons avec des é1éments indirects ou anodins qui deviennent des « preuves ». Ils veulent garder un contrô1e total des relations intimes pour ne pas être trompés et cuisinent souvent leur partenaire sur leur emploi du temps, faits et gestes, intentions ou fidélité.

On ne doit pas porter un diagnostic de Personnalité paranoïaque si ce type de comportement survient exclusivement au cours de l’évolution d’une Schizophrénie, d’un Trouble de l’humeur avec caractéristiques psychotiques, ou d’un autre Trouble psychotique, ou s’il est dû aux effets physiologiques directs d’un trouble neurologique (p, et, épilepsie temporale) ou d’une affection médicale générale (Critère B).

Caractéristiques et troubles associés

Les individus présentant une personnalité paranoïaque sont habituellement difficiles à supporter et ont souvent des difficultés dans leurs relations proches. Leur coté soupçonneux et hostile peut s’exprimer sous la forme d’une quérulence déclarée, par des plaintes répétées ou par une réserve sourde et hostile. Comme ils sont à l’affût de menaces potentielles, ils peuvent se comporter de manière méfiante, dissimulée ou sournoise et paraître « froids » et sans émotions. Bien qu’ils puissent sembler objectifs, rationnels et rigoureux, ils font en fait souvent preuve d’une labilité affective marquée par la prédominance d’expressions hostiles, entêtées et sarcastiques. Leur nature combative et méfiante peut induire des réactions hostiles chez les autres, ce qui confirme d’autant plus leurs doutes initiaux.

Comme les individus paranoïaques manquent de confiance envers autrui, ils ont un besoin exagéré d’être autonomes et ont un sens aigu de leur indépendance. Ils ont un grand besoin de contrôler leur entourage. Ils sont souvent rigides, critiques vis-à-vis des autres et incapables de collaborer, tout en ayant de grandes difficultés à accepter eux-mêmes la critique. Ils peuvent reprocher aux autres leurs propres déficiences. En raison de leur rapidité à contre-attaquer face à ce qu’ils perçoivent comme des menaces, ils sont souvent procéduriers et se trouvent impliqués dans des litiges. Ils cherchent à confirmer les préjugés négatifs qu’ils ont sur autrui ou sur différentes affaires et ils attribuent aux autres des intentions malveillantes qui sont les projections de leurs propres craintes. Ils peuvent poursuivre, de manière à peine dissimulée, des fantasmes grandioses et irréalistes, accordant beaucoup de poids aux domaines ayant trait au pouvoir ou à la hiérarchie. Leur image des autres, notamment de ceux qui appartiennent à des groupes de population différents, répond souvent à des stéréotypes négatifs. Ils sont attirés par des visions simples et manichéennes du monde et ne sont pas à 1’aise dans les situations ambiguës. Ils paraissent souvent « fanatiques » et forment souvent des groupes fermés ou des « sectes » avec des personnes qui partagent leur système de croyance paranoïaque.

Les sujets ayant une personnalité paranoïaque peuvent présenter des épisodes psychotiques très brefs (pendant quelques minutes à quelques heures) notamment en réponse à des facteurs de stress. Dans certains cas, la personnalité paranoïaque peut sembler être 1’antécédent prémorbide d’un Trouble délirant ou d’une Schizophrénie.

Les sujets ayant ce trouble peuvent parfois présenter un Trouble dépressif majeur ou un risque accru d’Agoraphobie et de Trouble obsessionnel-compulsif. On observe souvent un Abus ou une Dépendance concernant l’alcool ou d’autres substances. Les Troubles de la personnalité qui sont le plus souvent associés à la personnalité paranoïaque semblent être les Personnalités schizotypiques, schizoïdes, narcissiques, évitantes et borderline.

Caractéristiques liées à la culture, à l’âge et au sexe

Certains comportements qui sont influencés par le contexte socioculturel ou par les circonstances particulières de l’existence peuvent être qualifiés, à tort, de paranoïaques et peuvent même être aggravés par la situation d’examen. Les membres de groupes minoritaires, les immigrants, les réfugiés politiques ou économiques, les sujets venant de groupes ethniques différents peuvent adopter un comportement réservé ou défensif face à une situation non familière (barrière linguistique ou ignorance des règles et des lois) ou face à ce qui est perçu comme un rejet ou une indifférence de la part du groupe majoritaire. Ces comportements peuvent à leur tour provoquer de la colère ou de la frustration chez ceux qui entrent en contact avec ces personnes et cela aboutit à un cercle vicieux de méfiance réciproque qui ne doit pas être mis sur le compte d’une Personnalité paranoïaque. Certains groupes ethniques ont d’autre part des comportements liés à leur culture qui peuvent être interprétés à tort comme paranoïaques.

La Personnalité paranoïaque peut se manifester initialement pendant l’enfance ou l’adolescence par une attitude solitaire, une mauvaise relation avec les pairs, une anxiété sociale, de mauvais résultats scolaires, une hypersensibilité, des pensées ou un langage particuliers et des fantasmes idiosyncrasiques. Ces enfants peuvent sembler « bizarres » ou « excentriques » et faire l’objet de moqueries de la part d’autrui. Dans les échantillons cliniques, le diagnostic semble plus fréquent chez l’homme.

Prévalence

La prévalence de la Personnalité paranoïaque serait de 0,5 A 2,5 % dans la population générale, de 10 A 30 % parmi les patients psychiatriques hospitalisés et de 2 A 10 % parmi les patients psychiatriques vus en consultation.

Aspects familiaux

Certains indices sont en faveur d’un risque accru de Personnalité paranoïaque chez les parents des sujets schizophrènes et d’une relation familiale plus spécifique avec le Trouble délirant à type de persécution.

Diagnostic différentiel

La Personnalité paranoïaque peut être distinguée du Trouble délirant à type de persécution de la Schizophrénie de type paranoïde et du Trouble de l’humeur avec caractéristiques psychotiques par le fait que ces troubles sont tous caractérisés par une période de symptômes psychotiques persistants (p. ex, des idées délirantes et des hallucinations). On ne peut porter un diagnostic additionnel de Personnalité paranoïaque que si le Trouble de la personnalité a été présent avant le début des symptômes psychotiques et a persisté après leur rémission. Quand un Trouble psychotique chronique de l’Axe I (p. ex, une Schizophrénie) a été précédé par une Personnalité paranoïaque, le Trouble de la personnalité doit être noté sur l’Axe II, suivi de la mention « prémorbide » entre parenthèses.

La Personnalité paranoïaque doit être distinguée des Modifications de la personnalité dues à une affection médicale générale où les traits de personnalité résultent des effets directs d’une affection médicale sur le système nerveux central. Elle doit aussi être distinguée des symptômes qui peuvent se développer en association avec 1’utilisation chronique d’une substance (p. ex., Trouble lié à la cocaïne, non spécifié). Enfin, elle doit aussi être distinguée des autraits paranoïaques associés au développement d’une infirmité physique (p. ex., un déficit de l’ouïe).

D’autres Troubles de la personnalité ont certaines caractéristiques en commun avec la Personnalité paranoïaque et peuvent être confondus avec elle. I1 est donc important de distinguer ces troubles en se fondant sur les é1éments caractéristiques qui les différencient les uns des autres. Cependant, si une personne présente des traits de personnalité qui répondent aux critères d’un ou de plusieurs Troubles de la personnalité, en plus de la Personnalité paranoïaque, tous les diagnostics peuvent être portés simultanément. La Personnalité paranoïaque et schizotypique ont en commun la méfiance soupçonneuse, la mise à distance dans les relations interpersonnelles et l’idéation persécutoire, mais la Personnalité schizotypique comporte par ailleurs des symptômes tels que la pensée magique, des perceptions inhabituelles et une pensée et un langage bizarres. Les personnes dont le comportement répond aux critères de la Personnalité schizoïde paraissent souvent étranges, excentriques, froids et distants mais elles ne présentent habituellement pas une idéation persécutoire majeure. La tendance des individus paranoïaques à réagir avec colère à des stimulus mineurs existe aussi chez les Personnalités borderline et histrioniques. Toutefois ces deux troubles ne sont pas forcément associés à une méfiance envahissante. Les personnes qui ont une Personnalité évitante peuvent aussi être réticentes à se confier à autrui mais c’est plus par crainte d’être dans 1’embarras ou de ne pas être à la hauteur que par un souci des éventuelles intentions mauvaises des autres. Un comportement antisocial peut exister chez certains individus paranoïaques. Toutefois, il n’est pas sous-tendu par le désir de gagner quelque chose ou d’exploiter autrui, comme c’est le cas dans la Personnalité antisociale, mais répond plutôt au désir de se venger. Les personnes qui ont une Personnalité narcissique peuvent parfois se montrer suspicieuses, repliées sur elles-mêmes ou coupées des autres mais cela résulte surtout d’une crainte que leurs imperfections ou leurs défauts soient révé1és.

Les traits paranoïaques peuvent être adaptatifs, notamment dans des environnements menaçants. Un diagnostic de Personnalité paranoïaque ne doit être porté que lorsque ces traits sont rigides, inadaptés, persistants et qu’ils causent une souffrance subjective ou une altération significative du fonctionnement.

Correspondance avec les Critères diagnostiques pour la recherche de la CIM-10

Les critères diagnostiques pour la recherche de la CIM-10 et les critères du DSM-IV pour la Personnalité paranoïaque sont différents mais définissent pour l’essentiel le même état.

Critères diagnostiques de F60.0 [301.00] La personnalité paranoïaque

A. Méfiance soupçonneuse envahissante envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présente dans divers contextes, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes :

(1) le sujet s’attend sans raison suffisante à ce que les autres l’exploitent, lui nuisent ou le trompent

(2) est préoccupé par des doutes injustifiés concernant la loyauté ou la fidé1ité de ses amis ou associés

(3) est réticent à se confier à autrui en raison d’une crainte injustifiée que 1’information soit utilisée de manière perfide contre lui

(4) discerne des significations cachées, humiliantes ou menaçantes dans des commentaires ou des événements anodins

(5) garde rancune, c’est-à-dire ne pardonne pas d’être blessé, insulté ou dédaigné

(6) perçoit des attaques contre sa personne ou sa réputation, alors que ce n’est pas apparent pour les autres, et est prompt à la contre-attaque ou réagit avec colère

(7) met en doute de manière répétée et sans justification la fidé1ité de son conjoint ou de son partenaire sexuel.

B. Ne survient pas exclusivement pendant l’évolution d’une Schizophrénie, d’un Trouble de l’humeur avec caractéristiques psychotiques ou d’un autre Trouble psychotique et n’est pas dû aux effets physiologiques directs d’une affection médicale générale.

N.B. : si les critères sont remplis avant l’apparition d’une Schizophrénie, indiquer « prémorbide », par exemple : « Personnalité paranoïaque (prémorbide) ».

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