Gül METE-YUVA : « La littérature turque et ses sources françaises »

Paris : L’Hamattan, 2006. 324 p.

La Turquie est un pays sans doute trop mal connu en France, et trop souvent caricaturé. Surtout lorsque, comme dans la dernière campagne du référendum européen, elle a été instrumentalisée à des fins très largement étrangères à elle-même.
Pourtant les liens entre la France, l’Europe et la Turquie ne sont pas nouveaux. On connaît l’inspiration politique qu’Atatürk trouva en France dans une entreprise de modernisation et de transformation politique de son pays, qui eut peu d’équivalents dans sa radicalité. Mais comme toujours, ce mouvement n’est pas séparable d’un mouvement culturel profond dont témoigne ce livre.
L’auteur montre de manière particulièrement riche, érudite et, de ce fait, passionnante la place prééminente de l’inspiration littéraire française dans la modernité littéraire turque au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. La France pourrait en tirer gloire, légitimement, mais ce qui frappe est l’extrême curiosité et ouverture internationale de ces auteurs turcs qui nous sont très largement inconnus, au contraire de quelques auteurs plus récents, comme Yachar Kémal. Nous pourrions ressentir quelque honte de notre ignorance, mais il faut dire que les traductions sont peu nombreuses.
Aussi ne pourrons-nous être que reconnaissants à une passeuse comme Gül Mete-Yuva de nous faire percevoir ce continent littéraire et ces passerelles. De même qu’il ne faut pas oublier que, avec chaque migrant turc arrivé en France (même s’ils ne sont pas aussi nombreux qu’en Allemagne, ils comptent), c’est un peu de cette culture qui se profile. En attendant qu’un jour, l’Europe ayant digéré sa crise d’identité et la Turquie ses tentations régressives, des liens plus étroits puissent être établis. Soyons patients, et jouissons de ce récit d’une rencontre dont Gül Meta-Yuva nous fait ici cadeau, comme elle nous offre souvent son talent d’interprète-traductrice, là où il y a souffrance et espoir.

François GIRAUD, in : L’autre. Cliniques, cultures et sociétés, 2007, vol. 8, n° 2 : 297

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