« Dans les conduites actuelles de certains garçons engagés dans la délinquance, que nous avons interviewés, s’affirme moins un défaut de contrôle de soi qu’une tendance à compenser une perception de soi dégradée ou infériorisée. Celle-ci s’énonce volontiers par antiphrase dans une attitude arrogante, une ignorance des attentes des autres et une absence de réciprocité. Ces garçons ont du mal à concevoir la liberté qui fait de l’autre un autrui, la possibilité qu’il (elle) se refuse à leur désir, comme ils ont du mal à se saisir de leur propre liberté. Ces phénomènes ne sont pas inédits. Ils sont accentués chez les garçons, qui, ne parvenant pas à dépasser la coïncidence à soi, essaient, pour compenser ce sentiment d’une dilution de l’être, de se prouver à eux-mêmes qu’ils existent de manière distincte, par toutes sortes de moyens à leur portée, dans des transgressions et des passages à la limite. »
Hugues Lagrange De l’affrontement à l’esquive, Syros, Paris 2001, chap. 10 Crise de la masculinité et violences sexuelles
Hugues Lagrange est un sociologue qui a beaucoup travaillé avec des jeunes des cités du Mantais (Mantes la Jolie, Mantes la Ville) et étudie les conditions des comportements déviants. Il a écrit à propos des relations garçons/filles, en resituant ces propos dans la perspective d’une crise de la masculinité réelle pour tout le monde, mais vécue sur des modes particuliers dans les quartiers populaires. voir aussi Hugues Lagrange 1999.