Immigrés de la deuxième génération et déliquance

Paru dans « Actes du colloque de Syracuse, décembre 1982 : Socialisation et déviance des jeunes immigrés »

Problèmes relatifs aux migrants ( de la première ou de la deuxième génération) en tant qu’auteurs ou victimes de criminalité – conclusions qui se dégagent des travaux du conseil de l’Europe.

Résumé

Approché sous l’angle de la théorie de la communication de Paul WATZLAWICK exposée ici dans ses grandes lignes, l’immigré maghrébin en Europe occidentale apparaît prises avec deux doubles messages contraignants. Société d’origine et société d’accueil lui adressent en est des messages ambivalents de rejet et de récupération, lui signifiant en même temps son appartenance et sa non appartenance à l’une et à l’autre sociétés. Certaines manifestations comportementales, dont la délinquance ou la criminalité, peuvent alors être interprétées comme le signe des difficultés et du malaise ressentis par l’immigré face à cette situation doublement paradoxale. Cette approche est illustrée par deux brèves présentations de cas cliniques observés l’un à l’h6pital psychiatrique de Tunis et l’autre dans un centre d’action éducative pour jeunes délinquants à Tunis.

Plan

Introduction

La situation objective des immigrés.

Les attitudes des pays d’émigration

Les attitudes des pays d’immigration

Le vécu subjectif des immigrés

Premières remarques sur « La délinquance des immigrés »

La théorie de la communication de Paul WATZLAWICK

Application à la situation des immigrés.

Dans la présente communication, je vais tenter une analyse de la situation des immigrés en référence à une théorie de la communication élaborée par une équipe de psychothérapeutes dont Paul WATZLAWICK peut être considéré comme le porte parole.

Parler d’emblée de psychothérapie ne fait que renforcer la gêne que ne peut manquer de susciter en mi le titre même de cette communication, liant dès le départ immigration et délinquance. De même, l’on peut se demander en quoi peut être utile une théorie de la communication pour la compréhension de la position et des problèmes des immigrés. Des dimensions délinquance, psychothérapie et communication sont elles vraiment les dimensions adéquates et pertinentes pour l’ étude de la question (lui nous intéresse ?

Nous espérons lever ces réserves en précisant que WATZLAWICK fonde sa théorie de la communication sur la théorie des systèmes (cybernétique) et sur la théorie des ensembles (mathématiques) et que, par conséquent, cette théorie qui fait une large place au raisonnement analogique, a une visée beaucoup plus générale et prétend être applicable à un matériel nettement plus étendu que les strictes données de la psychopathologie. Il ne s’agit donc pas de psychopathologiser le comportement et la personne de l’immigré et encore moins de considérer que l’immigré est par nature un délinquant,

Il est utile de préciser aussi que WATZLAWICK lui même a souligné à maintes reprises dans ses écrits la possibilité et l’intérêt qu’il y a à recourir à cette théorie pour l’analyse non seulement des cas individuels mais aussi des situations collectives et des problèmes politiques. C’est ainsi qu’il affirme par exemple :

« du point de vue pragmatique, il y a plus de différence, s’il y en a, entre les Interactions mettant en jeu des nations et des individus, quand une ponctuation discordante a mené à des conceptions différentes du réel, dont la nature même de la relation, et par suite à des conflits internationaux ou interpersonnels (1) ».

Mais avant d’aller plus loin dans la présentation de cette théorie et avant de l’appliquer à l’analyse (le la situation des immigrés, il est utile de rappeler brièvement les caractéristiques principales de cette situation aux plans objectif et subjectif. Pour ce faire, je combinerai les approches documentaire et clinique.

Je ferai d’abord de larges emprunts à des documents écrits, textes de communications consacrées à l’analyse socio démographique et psychologique de la situation des immigrés de la deuxième génération et présentées à un colloque organisé récemment sur le thème  »Jeunesse et changement social ». Ensuite je me réfèrerai à mon expérience et, à mes observations personnelles afin d’illustrer la manière dont la théorie de la communication de WX17ZLAWICK, dont je ferai une présentation plus complète, peut aider à la compréhension des situations concrètes et difficiles en rapport avec la question de l’intégration des immigrés.

1 LA SITUATION OBJECTIVE DES IMMIGRES et des immigrés de la deuxième génération dans les pays d’accueil en Europe et principalement en France est caractérisée par :

1. de mauvaises conditions de logement : concentration dans les quartiers les moins intéressants, cités dortoirs et H.L.M. seulement lorsque la phase de dépendance vis à vis des marchands de sommeil est dépassée,

2. une mauvaise scolarisation avec entassement dans les classes de rattrapage : classes de transition, classes allégées et classes pré profesionnelles de niveau ainsi qu’ une orientation préférentielle vers l’enseignement professionnel court,

3. au niveau de l’emploi, un taux élevé de chômage, une occupation massive des postes les moins qualifiés, manoeuvre et O.S., pour les 3/4 des travailleurs immigrés, la faiblesse et le manque de la formation continue principalement du fait du manque de motivation des employeurs à investir dans la formation d’une main d’oeuvre qui risque de partir,

4. des problèmes particuliers de santé : pathologie professionnelle et psychopathologie de l’immigré qui, à partir de problèmes d’adaptation, vit un malaise diffus, somatise et a ml partout, Certains médecins le prennent pour un simulateur qui veut abuser du système de protection sociale : congés de maladie et primes d’invalidité…

5. démographiquement, le taux de masculinité au sein de la population immigrée est très élevé et ce malgré la politique de regroupement familial récemment adoptée. Ce phénomène, joint à la représentation que se font les immigrés du libéralisme dans les moeurs sexuelles en Europe engendre forcément des délits sexuels.

En conclusion de ce premier paragraphe l’on retiendra que les immigrés vivent une situation difficile du fait de leur double appartenance à un groupe scolairement, socioprofessionnellement et économiquement défavorisé et à une culture minoritaire. Dans ces conditions, il leur est difficile de ne pas ressentir un sentiment de frustration qui, et ceci est bien connu, engendre à son tour des comportements agressifs, d’où fréquence des délits, des placements dans les centres de rééducation (2) et l’image qu’on a fréquemment de l’immigré, en faisant un délinquant actuel ou potentiel …

II LES ATTITUDES DES PAYS D’EMIGRATION vis à vis de la question ne sont pas exemptes de contradictions.

A. d’un côté, l’on se plaint de ce que

1. l’émigration nous prive d’une population d’âge actif pour la formation de laquelle nous avons investi et qui va nous quitter pour travailler et produire ailleurs,

2. l’émigration nous crée une situation de pénurie en main d’oeuvre dans certains secteurs,

3. l’émigration étant fort majoritairement masculine, le taux de masculinité dans certains villages et villes t(i be assez bas : des filles ne trouvent pas à se marier, des femmes restent des années sans voir leur mari, des enfants grandissent sans la présence régulière de. leur père au foyer et l’on a souligné à ce niveau « les répercussions néfastes sur le développement de la personnalité de l’enfant (3) »

4, le transfert de technologie escompte ne se réalise pas ou se réalise peu par le biais du retour des travailleurs émigrés et cela parce que les travailleurs émigrés sont peu familiarisés avec la technologie moderne et la maitrisent encore moins du fait des Postes auxquels ils sont affectés et qui sont le plus fréquemment non qualifié

5. à un niveau plus sédimentaire et plus profond à la fois et de manière pas toujours explicite ni même conscient, la société d’émigration et les individus à l’intérieur de cette société ont un vécu proche de celui de la névrose d’abandon ou de deuil. Dans ce cadre, l’enseignement de l’arabe dispensé aux enfants d’immigrés essentiellement par les soins et grâce au concours des autorités des pays d’émigration peut être interprété comme une réaction de lutte contre le risque d’abandon. Il en est de même de la naturalisation. Les immigrés qui obtiennent la nationalité du pays d’accueil le savaient bien et c’est pour cela qu’ils ont honte de montrer, à l’occasion d’un voyage dans leur pays d’origine, un passeport étranger. Mère poule ? Peut être, mais aussi, très probablement, certains émigrants eux mêmes vivent le changement de nationalité comme un problème, une espèce, non d’enrichissement, mais de renonciation à soi.

B. D’un autre côté, l’on encourage l’émigration parce que :

1. c’est une manière de lutter contre le sous emploi et le chômage qui sévissent dans les pays d’émigration,

2. l’on apprécie les rentrées régulières de devises provenant des envois d’argent que font à leur famille les travailleurs émigrés,

Au niveau individuel, la principale motivation à l’émigration est le désir quelquefois mythique de gagner rapidement beaucoup d’argent. Le milieu familial et les amis ont, vis à vis de l’émigré, des attentes très élevées en ce domine, Dans ces conditions, l’on ne s’étonnera pas des fabulations présentant des gens qui gagnent à peine leur vie à l’étranger comme des millionnaires, ni du refus de certains travailleurs, pendant des années, de rentrer en vacances au pays, estimant ne pas avoir gagné suffisamment d’argent, ni enfin des conduites d’étalage de leur richesse et d’ostentation de ceux qui rentrent, ayant placé toutes leurs économies dans l’achat d’une belle voiture,

3. 1’on espère toujours que le retour des émigrés constitue un des modes de transfert de technologie et, plus généralement, certains voient dans l’émigration un des modes de l’enrichissement de la culture nationale. Dans le cadre de la nécessaire ouverture sur le monde moderne, il est bon qu’il y ait des émigrés qui aillent observer de près comment les Européens travaillent et quelle éducation ils donnent à leurs enfants

III LES PAYS D’MIGRATION, quant à eux,

1. semblent comme pris au dépourvu par la réalité et l’ampleur du phénomène immigration. N’en ayant pratiquement saisi que la dimension énomique, ils ont favorisé l’immigration à, une époque d’expansion économique. Ils se dotaient ainsi d’une main d’oeuvre jeune, abondante et bon marché. Les dimensions culturelles et sociales de l’immigration n’ont véritablement surgi que plus tard, lorsque cette première génération de travailleurs devait prendre la retraite et lorsque leurs familles, leurs épouses et leurs enfants les ont rejoints et ont cherché à leur tour à s’intégrer dans cette société alors que, justement, elle amorçait une phase de récession économique.

2. Ces pays connaissent périodiquement des vagues de montée de xénophobie et de racisme avec les manifestations corrélatives de violence et d’escalade de la violence. De tels phénomènes ont été portés à l’écran et dénoncés dans des films en France notamment.

Tout récemment et pour donner un exemple concernant le pays qui accueille notre colloque, l’on a parlé dans le milieu des travailleurs tunisiens immigrés en Sicile de l’expulsion de près de 1500 travailleurs tunisiens sans papiers et par conséquent en situation administrative ,irrégulière parce que les autorités tunisiennes avaient arraisonné et et pris des mesures contre des bâteaux de pêche qui étaient venus pêcher dans les eaux territoriales tunisiennes.

3. Les efforts consentis en faveur de l’intégration sociale des immigrés en situation régulière ne doivent alors en aucune manière servir à justifier l’acharnement mis à refouler les immigrés en situation irrégulière (dont certains sont pourtant des immigrés de la deuxième génération). Ces efforts ne doivent pas occulter le mouvement et les mesures aussi importants, d’exclusion des immigrés.

4. Structurellement, toutefois, 1’économie des pays industrialisés d’Europe Occidentale continue (le faire appel à une certaine masse de main d’oeuvre immigrée. Certains emplois, difficilement acceptables par les européens, continuent d’être réservés. Certains employeurs ont encore intérêt à faire appel à une main d’oeuvre vulnérable et qui accepte de travailler au noir. Le taux de syndicalisation parmi les travailleurs maghrébins immigrés est relativement faible.

IV JE PARTIRAI, AU NIVEAU DE L’ESQUISSE D’ANALYSE du vécu, subjectif des immigrés, DE MON EXPERIENCE CLINIQUE

1. En tant que psychothérapeute de groupe à l’hôpital psychiatrique de Tunis, j’ai eu parmi mes clients., un malade éthylique qui était un homme d’un âge assez avancé qui avait passé une bonne partie de sa vie professionnelle en Europe (Allemagne Fédérale) comme boucher clans les abattoirs d’une grande ville (il tuait, entre autres, des porcs). Il venait de rentrer en Tunisie et avait amorcé un travail de liquidation de son ancienne identité d’immigré, ambivalent vis à vis de l’Occident, il a tenu un discours très emporté et a parlé pendant longtemps et avec verve, en des termes hautement péjoratifs, de ces détestables mangeurs de cochons. En fait, il luttait ainsi contre la tentation de l’assimilation et de la fusion dans l’autre et il le faisait à un niveau qui engageait les couches profondes de sa personnalité : plan religieux et plan oral. L’ambiance de groupe était d’autant plus tendue que nous étions, les deux animateurs du groupe, assistés par une observatrice qui était une femme française, mariée à un Tunisien et établie à Tunis.

2. L’autre cas dont je parlerai est relatif à un jeune que j’ai vu dans le cadre d’une consultation psychologique que j’assurais dans un Centre d’Action Educative relevant du Ministère de l’Intérieur (appellation des centres accueillant les jeunes délinquants en Tunisie). Il s’agissait d’un jeune immigré de la deuxième génération dont le père s’était établi depuis longtemps en France et qui avait lui même fait ses études et grandi en France. Pour des raisons qu’on peut deviner, son père avait demandé son placement dans le centre en question après qu’il ait été pris en charge pendant quelques mois par les structures équivalentes en France. Un fait m’a particulièrement impressionné : en nie faisant part de son expérience du milieu de la rééducation des jeunes délinquants en France et en Tunisie, milieu jugé très différent dans l’un et l’autre pays, ce jeune était réellement très désolé comme s’il avait peur de paraître rejeter, d’une certaine manière, la culture du pays d’origine, Il se sentait coupable en observant que, là bas, les éducateurs, étaient beaucoup plus permissifs. Mais aussi ce jeune m’a paru tout à fait désorienté face aux deux systèmes sociaux et culturels qu’il avait essayés, ne percevant entre eux que différences et se déclarant inapte à choisir par lui même.

3. la délinquance et la criminalité relèvent de la psychopathologie lorsqu’elles sont le fait d’individus présentant des personnalités psychopathiques. De ce point de vue, on comprend plus facilement l’existence de délinquants et de criminels dans tous les pays et dans toutes les sociétés. L’explication du comportement délinquant ou criminel est alors à rechercher plus au niveau de l’histoire personnelle du délinquant qu’à celui des conditions sociales, économiques, ou culturelles dans lesquelles il vit. Mais lorsque tout un groupe, aussi large (lue celui des immigrés, est suspecté de délinquance, par une partie de l’opinion publique, la notion même de délinquance mérite un réexamen et il s’agit de savoir qui est anormal en l’occurence, les individus ou le tissu social dans son ensemble .

Mon expérience personnelle avec les jeunes délinquants en Tunisie nie porte à croire que, très fréquemment, le délit a valeur d’appel au secours de la part d’une personne jeune et en désarroi devant des difficultés familiales (comme la désunion des parents) ou sociales (comme l’échec scolaire, les difficultés d’intégration professionnelle et le désoeuvrement). Le délit peut être alors une façon de se porter marginal, une façon de refuser ou de remettre en question les règles du jeu social. Pour que cette révolte aboutisse et soit créatrice de changement, il faut toutefois que les griefs de tout le groupe soient formulés explicitement (verbalisés), il faut une prise de conscience, une minorité active et une organisation, il faut qu’un chef surgisse qui puisse proposer des solutions de rechange et une stratégie (4). L’opposition n’est pas la délinquance.

4. Autrement toute l’action de prophylaxie et d’éducation dans les centres spécialisés pour jeunes délinquants restera susceptible de comparaison avec la pedagogie compensatoire à laquelle on a reproché de traiter le symptôme au lieu de s’attaquer à I ‘origine du mal

La politique en matière de prophylaxie de la déliquance ne peut être que globale et doit être équilibrée en ce sens qu’elle doit viser l’amélioration des conditions économiques et sociales des immigrés en même temps que la reconnaissance de la spécificité, de la légitimité, de l’intérêt et de la richesse de la culture propre à ce groupe minoritaire (bi appartenance culturelle, subculture ou encore mieux « interculture, » )(5).

V Afin de montrer l’utilité DE LA THEORIE DE LA COMMUNICATION DE PAULWATZLAWICK POUR LA COMPREHENSION DE LA SITUATION DE L’IMMIGRE maghrébin en Europe 0ccidentale, je vais en compléter rapidement la présentation.

1. On part du constat que toute personne communique constamment avec son entourage et qu’on ne peut pas ne pas communiquer. M&ne le silence est significatif et est continuellement interprété par l’entourage, de même que tout le comportement relevant du langage non verbal.

« On a toujours prêté aux enfants, aux fous et aux animaux une intuition particulière de la sincérité ou de l’insincérité des attitudes humaines. Il est en effet facile de professer quelque chose verbalement, mais il est difficile de mentir dans le domine analogique (6) »

Toutefois, il arrive que l’on soit pris dans le jeu de la double contrainte et qu’on s’enlise par exemple dans une relation durable caractérisée par une complémentarité rigide dans l’inégalité, l’un des membres du couple en relation étant dans une situation supérieure, l’autre dans une situation inférieure, cette relation fonctionnant comme un système auto-régulé et stable, ayant une grande capacité d’absorption et d’annulation de l’effet de toute mesure introduite en principe pour corriger le système et changer la nature de la relation (plus le membre inférieur veut atténuer son infériorité, plus l’autre membre ressent le besoin d’affirmer sa supériorité) et l’un en arrive ainsi à une espèce de surenchère et d’emballement du système .

WATZLAWICK illustre cette situation A l’aide d’un exemple qui a trait justement à la délinquance juvénile :

« lorsque le comportement d’un délinquant juvénile s’améliore, il arrive que les parents découvrent qu’un autre de leurs enfants, qu’ils considéraient jusque là comme le meilleur, se comporte à son tour d’une manière répréhensible. Il ne s’agit pas seulement d’un fantasme ; l’expérience clinique montre, en effet, que l’attitude de celui qu’on appelle le contre – délinquant peut subir de profonds changements dès que son frère marche droit. Au lieu, comme auparavant, de critiquer son frère pour ses mauvaises actions, il va se mettre à le couvrir de sarcasmes pour s’être rangé, rétablissant ainsi la situation antérieure, il arrive aussi qu’il devienne délinquant à son tour ».

4. Afin d’aider quelqu’un à se sortir d’une situation caractérisée par la double contrainte, on doit l’amener à voir la réalité autrement, à recadrer la situation, à adopter un comportement qui introduit dans le système de la relation un changement non de type 1, comme dit WATZLAWICK, mais de type 2. Expliquons ce jargon. Partant d’un point de vue relativiste, on accorde plus d’importance à l’image qu’on se fait de la réalité qu’à la réalité elle même (qui n’existe, pour ainsi dire, (lue par l’image qu’on s’en fait ou que dans sa relation au sujet qui la vit). Le recadrage

 » brise le cadre illusoire propre à toute image du monde, et révèle par ce biais les possibilités réelles de changer de ce qui semblait immuable, ainsi que l’existence d’alternatives d’ordre supérieur « 

Dans l’exemple précédent, tout changement de type 1 dans la relation entre les deux frères ne peut qu’amener l’un ou l’autre à se percevoir comme supérieur ou inférieur, plus fort ou plus faible que l’autre. Un changement de type 2, ou un recadrage doivent amener les deux frères à changer la nature de leur relation, à la sortir du contexte de la compétition et à lui donner une autre signification.

5. Des modifications aussi importantes ne peuvent être introduites dans une relation que lorsque la métacommunication est possible, c’est à dire lorsqu’on prend le temps et lorsqu’on se donne les moyens (le communiquer sur la communication ou, en d’autres termes, d’analyser la relation tout en vivant la relation. Ceci est souvent difficile perce (lue cela implique une certaine souplesse et une certaine perméabilité entre le dedans et le dehors : on vit une relation du dedans et on réfléchit sur la situation du dehors pour pouvoir éventuellement la recadrer, la changer de contexte.

VI ON POURRAIT APPLIQUER, POINT PAR POINT, CES ELEMENTS DE LA THEORIE DE LA COMMUNICATION A L’ANALYSE DE LA SITUATION DES IMMIGRES ; JE ME LIMITERAI AU DEVELOPPEMENT DES IMPLICATIONS DE DEUX D’ENTRE EUX SEULEMENT

1. Actuellement, l’immigré maghrébin me semble souvent confronté deux fois à un double message contraignant double – bind. La société d’origine lui dit qu’il aurait tort de rentrer au pays et qu’il aurait tort aussi de rester à 11étranger (tort de rentrer tant qu’il ne s’est pas enrichi et tant qu’il n’a pas acquis une grande qualification professionnelle, il aurait tort de rentrer au pays rechercher du travail alors que ceux qui sont sur place n’en ont pas tous., il aurait tort de rester à l’étranger, d’adopter les manières européennes et la nationalité du pays d’accueil : réveil du phantasme de collaboration avec le pays colonisateur… ). D’une certaine manière, la société d’origine semble lui dire « tu ne pars que si tu restes » ou encore : « tu ne pars que si tu ne pars pas ». La société d’immigration lui tient un langage similaire lui signifiant qu’il a tort de rester (chi5mage, mauvaises condition de vie, racisme…) et aussi, d’une certaine manière, qu’il aurait tort de partir (on continue bien d’employer les immigrés dans certains secteurs et de mettre en place, à leur intention, des programmes d’insertion sociale, puisqu’il s’agit de pays démocratiques qui seraient culpabilisés si on venait à leur reprocher de chasser purement et simplement les immigrés) Traduit en langage logique, cela signifie : « tu ne restes ici que si tu pars » ou mieux encore : « tu ne restes ici que si tu ne restes pas ici » . Voilà deux conclusions logiques mis paradoxales qui ne pourraient manquer de laisser perplexe le plus sain et le plus équilibré des immigrés !

(1) P. WATZLAWICK, J . HELWICK BEAVIN, D. JACKSON, Une logique de £a cOmmunication, p. 95.

(2) ce phénomène de délinquance et de réactionnelles serait seulement amplifié au niveau des statistiques criminelles par le phénomène de la visibilité sociale, la criminalité étant d’autant plus facilement stigmatisée qu’elle est le fait d’individus appartenant à des catégories sociales défavorisées, telle la catégorie des immigrés.

(3) Mélika ZAMITI : Identité culturelle des jeunes migrant e la deuxième génération.

(4) Ceci n’est évidemment qu’un scénario possible mais c’est aussi un scénario plus probable qu’un autre, quoique peu démocratique.

(5) Interculture est un néologisme que je propose pour désigner la construction résultant du contact de deux (ou plusieurs) cultures, sans préjuger du type de rapports entretenus par ces deux cultures. L’interculture est différente de la subculture qui s’élabore par différenciation au sein mêtme d’une culture mère et avec laquelle elle partage la mtme structure. L’acculturation, désignant généralement l’action univoque d’une culture sur une autre, est insuffisante pour signifier ce qui est entendu ici par interculture. De m9me, l’expression bi appartenance culturelle omet l’aspect interactif entre les deux cultures.

(6) P. WATZLAWICK, J. HELMICK BEAVIN , D. JACKSON, Ûne togique de la communicatiOn, p.C ,’

2. Les jeunes en France ont obtenu récemment l’abaissement de l’âge d’obtention du droit de vote. Beaucoup de femmes crient qu’elles en ont assez du « sois belle et tais – toi » et Les immigrés en ont sûrement assez du : « travaille et tais – toi » ». Reste à savoir s’ils ont réellement ou s’ils peuvent obtenir le droit à la métacommunication, c’est à dire à l’analyse de leur situation et de la relation qui les lie à leurs principaux interlocuteurs : leur société d’origine et la société du pays d’accueil. Un début d’organisation semble se faire actuellement. L’Association Culturelle des Immigrés en est un exemple.

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