Jaeger M. L’articulation du sanitaire et du social. Travail social et psychiatrie. Préface de Jean-François Bauduret. Paris : Dunod ; 2000. 172 p.

Mieux encore que le titre ne l’indique, le dernier livre de Marcel Jaeger étudie la position respective et les rapports de la psychiatrie, du secteur médicosocial et du travail social. L’histoire des dispositifs explique leur séparation et leurs orientations diverses. La place des Jean-Pierre Falret, Édouard Toulouse et Robert Lafon est rappelée dans une perspective précise et documentée. Gladys Swain, dont Marcel Jaeger a été le collaborateur (en sa qualité d’infirmier de secteur psychiatrique) et l’élève (en tant que doctorant en sociologie), disait que la psychiatrie est appelée en permanence à se situer entre « la tentation médicale » et « la tentation sociale ». La situation présente est décrite en référence aux rapports officiels, aux ouvrages récents les plus significatifs et aux textes législatifs et réglementaires, sans perdre l’attrait d’un style vivant et concis. Ainsi, Marcel Jaeger met à notre disposition une mise au point synthétique des plus complètes, en nous épargnant la longueur des traités et l’éparpillement des compilations d’auteurs variés.

Le sujet traité est particulièrement important, car une même personne souffre bien souvent de difficultés diverses dont l’enchaînement et l’imbrication imposent le recours successif, voire simultané à plusieurs dispositifs d’aide et de soins. Sont ainsi mises à l’épreuve les missions de la psychiatrie et son aptitude à s’articuler aux autres intervenants. Dans cette mise à l’épreuve se jouent le bien-être des personnes en souffrance et l’avenir de la psychiatrie. La force de l’ouvrage consiste à toujours préférer le constat des réalités à la construction d’opinions plus ou moins émotionnelles. Pour autant, Marcel Jaeger ne part pas de la situation contemporaine comme d’un donné auquel il conviendrait de s’adapter au mieux. Son travail d’exposition est un effort d’élucidation. Ceci le conduit à prendre position, par exemple dans le chapitre 3 « Un argument écran : la psychiatrisation et la souffrance sociale ».

L’organisation des politiques d’aide et de soins repose sur le principe de « populations cibles », dont chacune se définit par un problème principal. Les intéressés sont ainsi conduits à l’orientation vers une filière ou bien « un choix de carrière » (RMI ou AAH, p. 76). Le Cloisonnement si développé dans notre pays se heurte au constat du cumul des difficultés : plus une personne est en souffrance, plus elle risque de rencontrer au même moment des problèmes abordés par différents dispositifs. Ce heurt, maintenant bien connu. est l’un des fils conducteurs de l’ouvrage, en vue de montrer les niveaux où s’enracine de longue date le cloisonnement, et où il faut donc travailler pour évoluer. Des exemples de ce travail sont donnés. Les risques d’impasse et de confusion sont soulignés. La faible volonté des décideurs politiques n’est pas dissimulée.

La classification des conséquences des maladies de l’Organisation Mondiale de la Santé (appelée par les traducteurs français Classification Internationale des Handicaps) a pour principe l’existence chez une même personne et au même moment de difficultés sur des plans distincts, mais en relation les uns avec les autres et avec l’environnement. La CIH veut poser les questions à partir de la personne et non à partir des dispositifs. Or, dans sa préface, Jean-François Bauduret justifie par la CIH l’article 51 de l’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 (qui autorise un établissement sanitaire de gérer une structure médicosociale). Ainsi, beaucoup reste à faire ! Quand les lecteurs demanderont-ils que le titre d’un livre de cette qualité parle des personnes en souffrance et non plus des dispositifs d’aide et de soins ?

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