« On ne voulait pas de nous. Il y en a même qui voulaient nous jeter à la mer. » Cette affirmation abrupte reste la phrase la plus fortement ancrée dans la mémoire des Pieds-Noirs, et c’est à Marseille, plus qu’ailleurs, qu’elle se cristallise. Rapidement, devant un accueil frileux à la générosité plus que mesurée, la ville phocéenne apparaît à ceux qui y débarquent comme un espace de rejet, un lieu où l’on se sent éclaté, dispersé, décharné. L’événement traumatisme de l’été 1962 va accentuer la fusion des mémoires jetant l’opprobre sur une ville manifestement peu préparée au choc de la décolonisation. Mieux, ce rejet de Marseille se retrouve aussi parmi ceux qui n’y sont pas passés ! Toutes mémoires écorchées qui se traduisent souvent par une violence des mots qui ont aussi l’accent de l’humour déçu dans ce lieu d’exil, désormais, plus que patrie retrouvée.
Jean-Jacques JORDI : « 1962 : l’arrivée des Pieds-Noirs »
Editions Autrement, coll. Français d’ailleurs, peuple d’ici, 2002. 144 p. 13,95 €