Gallimard, 1972. 210 p. Première édition : 1964.
Jean-Paul SARTRE émerge probablement comme la personnalité littéraire et intellectuelle la plus marquante du 20ème siècle. Romancier, dramaturge, philosophe, auteur d’essais et d’ouvrages critiques, militant politique, Jean-Paul SARTRE est un point par rapport auquel on se situe. Modèle de l’écrivain engagé, après Hugo, Zola, Malraux, Sartre est aussi le philosophe du choix, celui que doit faire l’homme face à ses responsabilités, affirmant ainsi sa liberté.
« Le lecteur a compris que je déteste mon enfance et tout ce qui en survit. » Loin de l’autobiographie conventionnelle qui avec nostalgie ferait l’éloge des belles années perdues, il s’agit ici pour Sartre d’enterrer son enfance au son d’un requiem acerbe et grinçant. Au-delà de ce regard aigu et distant qu’il porte sur ses souvenirs et qui constitue la trame de l’ouvrage et non pas son propos, l’auteur s’en prend à l’écrivain qui germe en lui. Pêle-mêle, il rabroue et piétine les illusions d’une vocation littéraire, le mythe de l’écrivain, la sacralisation de la littérature dans un procès dont il est à la fois juge et partie. Ainsi, « l’écrivain engagé » dénonce ce risible sacerdoce, cette religion absurde héritée d’un autre siècle.
« Du crépuscule à l’aube, un travailleur en chambre avait lutté pour écrire une page immortelle qui nous valait ce sursis d’un jour. Je prendrais la relève : moi aussi, je retiendrais l’espèce au bord du gouffre par mon offrande mystique, par mon oeuvre. »
On ne peut s’empêcher de sourire devant tant d’ironie, et l’on sent l’auteur s’y amuse aussi lorsque, avec cette langue parfaite et cette brillante érudition, il joue les pasticheurs.
Lenaïc GRAVIS et Jocelyn BLÉRIOT
Les Mots est le dernier ouvrage littéraire de Sartre, qui reçoit le Prix Nobel peu après sa publication. Toutefois, Sartre refuse cette prestigieuse récompense.