Joyce AÏN (dir.) : « Passions : Aliénation et liberté »

Érès, 2001. 140 p. Prix : 15 €

Joyce Aïn, Jean Bégoin, Lionel Bénichou, PierreYves Bourdil, Malek Chebel, Jacquy Chémouni, Henri Guérin, Philippe Gutton, Jean Bernard Paturet, Serge Vallon, Jean Didier Vincent.

Si le mot « Passion » peut paraître aujourd’hui désuet ou terriblement d’actualité, est-ce du à son caractère essentiellement paradoxal, positif et/ou négatif, créateur et/ou destructeur, ou plutôt à la difficulté de notre vie contemporaine qui nous rend plus aptes à subir, et donc à nous aliéner, qu’à assumer, développer notre liberté de choix et d’investissement ? Dans un monde où le pouvoir économique dicte les règles, va jusqu’à se substituer au désir en le soumettant, en le domestiquant, dans un monde où le politiquement correct tient lieu de raison, de sagesse, de bon aloi.il demeure cependant des êtres qui vivent leur passion, s’abandonnent à leur folie, à leur rêve, et continuent de créer dans leur sphère les substrats indispensables au maintien d’une vie désirante, délirante dans tout ce qu’elle révèle d’outrancier, de hors-temps, de hors limite, comme débordé par le désir. De ces êtres-là, ceux qui sont parfois saisis par un sentiment de lassitude, d’usure, envient la force intense qui les anime et les fait rayonner. Car la passion vient s’alimenter au feu nourricier de la pulsion en éveil. Et, bien qu’elle exprime, dans son sens propre, un état négatif fait de passivité, de souffrance, d’excès condamnable, elle apparaît comme la plus enviable des chances.

Mais l’essence de la passion est d’être paradoxale : passion qui enferme et détruit et passion moteur qui fait vivre, sublime.

Pour que la passion soit féconde elle doit s’exprimer dans la liaison, dans la déliaison elle devient destructrice. Entre les deux il y a peut-être aussi la souffrance de n’être pas dans la toute puissance. Pour fuir le conflit et écarter, ne serait-ce qu’un temps, le risque de souffrance psychique, faut-il se jeter à corps perdu dans l’alcool, la drogue, le jeu, l’exploit insensé ou la passion amoureuse ? « Toute liaison passionnée, nous dit J.-D.VINCENT, est réversible dans le vivant et suscite d’elle-même la force qui s’y oppose : l’aversion au plaisir, la haine à l’amour, la satiété à la faim, le dégoût à l’envie ». Signifiant une attention aiguë à l’existence, la passion définirait-elle la vie de l’homme livrant le seul combat intéressant entre plaisir et souffrance ? Question essentielle qui est abordée, à travers des exemples multiples, dans ces Actes du Carrefour Passion professionnelle, sportive, artistique, amoureuse, orgasmique ou religieuse, elle est implacable comme le temps qu’elle tente de nier et peut se figurer comme une poussée constante, pulsion qui ne cesse de cerner un objet, dans une quête quasi interminable.

Mais dans cette ouverture offerte par la passion, il y a peut-être l’espérance de la liberté. être libre, se croire libre, se vouloir libre.

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