Érès, 2004. 175 p. 15 €
Ont collaboré à cet ouvrage :
Joyce AÏN, Jacques BIROUSTE, Philippe BRENOT, Christophe DEJOURS, Catherine FARUCH, Bernard Golse, Lin GRIMAUD, David Le BRETON, Gérard Pirlot, Jeanne POURRINET et Marie Lise ROUX
Notre compréhension du corps a beaucoup changé au niveau biologique. Les progrès des sciences « dures » (biologie moléculaire, génétique, embryologie, immunologie, pour ne citer qu’elles…) ont conduit les biologistes à dessiner une nouvelle image du corps comme un ensemble de systèmes biologiques contrôlé par une commande centrale située dans le cerveau. Ainsi, la maladie organique se manifesterait lors d’un déséquilibre entre les attaques qui menacent le corps et les défenses qui en assurent l’intégrité biologique.
Dans le même temps, les recherches psychanalytiques concernant les premières étapes du développement psychique ont beaucoup fait pour approfondir notre connaissance de la vie psychique du bébé. Elles ont porté davantage leur attention sur les rencontres entre le sujet en devenir et ses objets, tout autant que l’influence de ces rencontres, à chaque étape, sur son développement physique et psychique. Les recherches à venir ne devraient-elles pas s’orienter vers les traces qui s’inscrivent sur et dans le corps en tant que résonances du passé à l’avenir dans les transmissions générationnelles ? Sont-elles à entendre dans la normalité ou dans la pathologie ?
Car le corps est, en psychanalyse, une réalité difficile à penser qui défie les approches physiologiques et philosophiques. Réalité décisive pourtant, puisque la sexualité humaine, (tant dans la jouissance que dans des activités sublimatoires) a pour terrain, le corps érogène, le corps capable d’angoisse et de plaisir. « Nous vivons simultanément dans deux corps, nous dit Christophe Dejours, le corps biologique et le corps « érotique », qui loin de n’être que des concepts, correspondent à deux réalités distinctes. Entre ces deux corps, il existe cependant des liens, mais leur forme n’est jamais définitive : ils sont à reconstruire et à confirmer par chaque sujet tout au long de sa vie. Le corps érotique, qui relève de l’acquis, est progressivement construit à partir du corps biologique, qui relève, lui de l’inné. Peu à peu le corps érotique se décolle du corps biologique. De la qualité et de la progression de ce processus dépend l’avènement du corps érogène qui est l’une des formes sous laquelle l’enfance est mémorisée dans l’adulte ».
Que se passe t-il quand ce processus rencontre des obstacles qui le mettent en échec ? Une vulnérabilité du corps s’installe, qui peut se manifester par la formation de symptômes somatiques mais aussi par des manifestations psychopathologiques, ou encore des aménagements défensifs réduisant la sensibilité à la souffrance…
Faut-il alors qu’une lésion, un dysfonctionnement survienne pour que la question des résonances de l’un sur l’autre se pose ? Comment peut-on y répondre ?