Ce livre vient interroger la psychiatrie, les psychiatres, mais aussi les usagers des soins et les décideurs du domaine de la santé publique.
Il est d’un contenu clair, élégant, facile à lire. Il resitue, avec simplicité, la psychiatrie d’aujourd’hui dans sa continuité historique et sociale et pose le problème d’une psychiatrie riche de savoirs mais ne mettant pas à profit son savoir-faire pour proposer une lecture plus concrète des approches thérapeutiques qu’elle utilise.
Les questions que pose cet ouvrage, les constats que font ses auteurs, reprennent des problèmes récurrents dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale. Est fortement présent, dans ces lignes, le paradoxe qui se devine d’une opposition entre le pragmatisme de la prise en charge de la souffrance du sujet et de son entourage dans leurs relations avec le ou les soignants, et l’apragmatisme des outils servant à décrire la réalisation des soins, ceux-ci ne se limitant pas à l’application de traitements. En particulier, la dimension de l’accompagnement du sujet dans sa construction ou sa reconstruction qui peut aboutir à recevoir une réponse qui s’appelle le réseau de soins, n’arrive pas à s’asseoir sur les bases théoriques nécessaires.
Les auteurs repèrent que la psychiatrie est abondamment décrite par des opinions, décrite par des pratiques, par des expériences, des sommes de cas, décrite par des théories d’écoles. La psychiatrie donnerait, à cause de cela, l’image d’une dispersion du savoir et des pratiques, ce qui la dessert et brouille ou embrouille son image. Dans le même temps, ils placent la pauvreté du système d’information décrivant la psychiatrie et ses actions dans le contexte des difficultés de la profession à élaborer les contours de ses compétences et, surtout, à s’arrêter aux limites d’une compétence définie par la discipline elle-même. Ce livre aborde une question, celle des contours ou des limites de la psychiatrie dans un ensemble plus vaste qui est celui de la santé mentale. Son contenu apporte quelques propositions nécessaires pour mettre en pratique une progression sur plusieurs points : une progression qualitative de la description de ses ressources thérapeutiques, une progression de l’accessibilité aux soins, donc une amélioration de l’image de la psychiatrie et des résultats qu’elle peut fournir.
Il paraît indispensable, aux auteurs, de devoir proposer un nouveau modèle de références cliniques plus proches des soins mis en uvre et moins dépendant des théories étiologiques. Leur constat est, en effet, celui d’une défaillance ou d’une impasse des théories étiologiques. Leur critique du DSM est intéressante et bien argumentée, il est cependant dommage que le lecteur puisse retirer l’impression d’une assimilation entre DSM et CIM qui, pourtant, ne poursuivent pas les mêmes objectifs.
L’expérience relatée du réseau santé mentale Yvelines-Sud est un encouragement fort à multiplier ce type d’expérience. L’effet refondateur sur la pratique de chaque partenaire du réseau n’est pas le moindre des bénéfices qu’apporte un réseau réellement fonctionnel. En proposant une ouverture vers une nouvelle clinique, une ouverture vers une nouvelle pratique, mais surtout en suggérant la recherche de nouvelles valeurs pour la psychiatrie, les auteurs encouragent cette discipline à améliorer la lisibilité de ses offres de soins.