L’idée d’une double inscription est présente dans les mythes d’origine des sociétés africaines, chaque ethnie affirmant que ses ancêtres sont venus d’ailleurs. En général, ils étaient d’une autre ethnie et ont fondé celle-ci en s’établissant au lieu où vit le groupe maintenant. Dans la plupart des cas, ces étrangers, arrivés dans une brousse, nouent des alliances avec les génies tutélaires, qui leur permettent de s’y établir et de fonder des villages. Dans certains cas, des étrangers arrivés dans un lieu, y trouvent des autochtones auxquels ils imposent leur mode de vie et d’organisation sociale et culturelle. Ces étrangers accaparent le pouvoir politique et laissent, aux premiers occupants, les fonctions religieuses.
Les étrangers imposent leurs ancêtres aux autochtones qui, plus proches de la nature, s’occupent des cultes réservés aux génies. Certains vont même jusqu’à dire que leurs ancêtres sont tombés du ciel. On trouve aussi des « mythes de la caverne » : des étrangers civilisés, dotés de culture, arrivent dans un lieu, y trouvent des troglodytes, des hommes primitifs, des êtres mi-animaux, mi-humains, ne possédant pas le langage articulé, avec qui ils réussissent à entrer en communication, et c’est de cet échange que naît le groupe (fécondation par la parole). La première partie de ce livre propose une interprétation symbolique de ces théories de la double origine du groupe.
La seconde partie porte sur des « données », présentes dans les rites et mythes étudiés par les anthropologues et dans les écrits de Lévi- Strauss, dont on peut déduire une conception de l’identité humaine construite à partir d’une représentation biologique de l’homme. L’être humain apparaît comme étant composé de deux parties sexuellement différentes, animé par un principe double, et les règles matrimoniales semblent animées du souci d’éviter la double inscription du même dans le temps ou dans l’espace.