La dynamique des tensions : Un itinéraire pour « les migrations internationales ».

Rédigée par la Cimade, Justice et Paix, le MCC, le Service National de la Pastorale des Migrants.

« Mettre en scène les désaccords, c’est notre fonds de commerce » (Timothy Radcliffe)

En préalable :

L’objectif poursuivi par les Assises, qu’elles soient territoriales ou nationales, est de faire ressortir, dans chacun des domaines majeurs où la mondialisation s’exerce (les domaines auxquels s’adressent les fiches-thèmes) :

* les enjeux humains (politiques, économiques, sociaux, culturels) qui émergent

* les différentes manières dont la société et les groupes qui la composent appréhendent et traitent ces enjeux.

En effet, l’impact de la mondialisation diffère selon la situation particulière, selon l’histoire de ces sociétés et groupes sociaux. Le but étant (Assises « chrétiennes ») de mettre en regard réciproque et de confronter la vision et le vécu que nous avons de la mondialisation, et les expériences spirituelles qu’elle nous a donné de vivre.

Afin de lancer le processus rapidement et de lui donner le maximum de chances de se dérouler le plus loin possible, il est suggéré de mettre entre les mains des organisateurs d’ATM :

* un descriptif du paysage où on se situe (la « fiche thème »),

* ainsi que les lieux majeurs à visiter (la « dynamique des tensions »).

* En invitant le regard à en scruter de préférence les édifices les plus significatifs, symboliques des réponses les plus fortes.

Proposition d’itinéraire :

1. Dans cette perspective, on n’échappe pas, au préalable, à une appréciation globale de la portée du phénomène. Est-il aussi évolutif, dans ce domaine où la mondialisation s’exerce, aussi déstructurant, aussi porteur de nouveauté qu’on veut bien le dire ? A-t-on des éléments, (dans l’observation de ce qui se passe, dans l’appréciation de la situation personnelle ou collective, dans l’intelligence que l’on cherche à avoir de la situation, dans les répercussions fantasmatiques), qui nous permettent de déclarer la signifiance de la problématique ?

* oui, ce domaine dans lequel se déverse la mondialisation est bien un enjeu fondamental.

* oui, il met en branle certaines forces, il en étouffe d’autres qui ensemble bouleversent les équilibres.

* oui, dans son côté brutal et ambigu il va déchirer les consciences, balayer les consensus.

Bref, il faut interpeller le public à la fois sur la portée du phénomène et sur les champs sur lesquels il s’étend.

2. Il convient ensuite d’aller, au delà de l’ébranlement ressenti, aux réponses immédiates que le phénomène suggère ; réponses instinctives, liées à l’instinct de survie pour certains, aux valeurs sociales pour d’autres, aux convictions idéologiques ou religieuses pour d’autres encore. Chacune ayant sa logique propre, qu’il convient de laisser se dérouler le plus loin possible afin d’en saisir la légitimité, mais aussi d’en exposer les conséquences.

3. Est-il possible, alors, dans le chantier qui s’ouvre, d’identifier les bases d’un diagnostic ? On reconnaîtra, tout d’abord, des éléments incontournables qui font la réalité d’aujourd’hui ; puis on partira à la recherche des repères de notre temps, sur lesquels un large accord est implicite ; mais il faut ensuite reconnaître les contraires conplémentaires, dont les termes s’opposent chacun contradictoirement mais sont simultanément indissociables ; la question étant alors de s’interroger sur une règle qui puisse réguler le jeu de leur action.

C’est de l’identification et de la reconnaissance tant des éléments incontournables que des repères de notre temps que peut s’ouvrir un espace de débat et d’évolution ; cet espace étant prioritairement consacré, pour chacun, pour chaque institution, pour chaque groupe social, à la mise en jeu des contraires complémentaires et à l’appréciation de leur articulation.

1. Appréciation globale de la portée du phénomène :

Deux questions principales à ce sujet :

- Est-ce aujourd’hui, pour nos civilisations, pour notre nation, pour nos vies, un phénomène majeur et nouveau (c’est à dire devant lequel nous sommes démunis) ? ou un thème périphérique, important certes, mais qui a plus ou moins toujours existé et avec lequel nous avons déjà des approches , des politiques, voire des sagesses ?

- A-t-il un rapport réel avec la mondialisation, c’est à dire procède-t-il de cet ébranlement considérable que nous constatons aujourd’hui et dont nous pressentons qu’il modèle en profondeur le monde présent et futur ?

Quelques propositions sur lesquelles réagir :

- les chiffres nous obligent à considérer que les migrations sont un phénomène majeur de notre temps et en croissance

- quelles que soient les causes des migrations, les déplacements de masse de pays à pays, de continent à continent sont un phénomème mondial en tant que tel

- La France est le plus vieux pays d’immigration en Europe. Les immigrés, on connaît ça et on sait le gérer. Pour le plus grand bien de tous.

- les migrations contemporaines « dérivent-elles » vraiment de la mondialisation ? ne serait-ce pas plutôt un phénomène essentiellement politique, et de ce fait relativement permanent dans l’histoire ?

- les migrations ont deux composantes (réfugiés/migrants, économique/politique) qui, de plus en plus, interfèrent l’une sur l’autre. Comme articuler ces deux composantes ? Comment comprendre le lien qui les unit, mais aussi les réalités qui les opposent.

- On constate, dans les pays occidentaux, l’envahissement du droit d’asile par les migrants . Cet envahissement résulte du refus d’accorder le droit au travail aux étrangers ; le problème majeur ne se situerait-il pas à ce dernier niveau ?

- Dans le domaine culturel, les migrations, par l’ampleur qu’elles revêtent désormais, sont et seront à l’origine d’un métissage à échelle mondiale. Mais aussi de « chocs culturels » qui vont ébranler durablement les sociétés. Comment les vivre ?

2. Les réponses immédiates que le phénomène suggère :

La peur : le fantasme de Charles Martel

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Le jugement :

- C’est bien parce que les pays du Sud sont incapables de se gérer que l’on voit arriver ces multitudes en recherche d’emploi ;

- C’est bien parce que les gouvernements des pays du Sud sont corrompus, dictatoriaux, que la demande en droit d’asile croît en de telles proportions ;


Le racisme :

- je n’ai fondamentalement aucun désir de rencontrer (épouser, partager, discuter…) celui ou celle qui n’est pas mon semblable et qui vient abusivement dans mon pays.

- je me sens en situation difficile face à celui que je ne connais pas, qui ne réagis pas comme moi, qui conteste mes valeurs, mon mode de vie.


Le souci de la préservation de l’identité nationale :

- Nous allons être noyés et perdre notre identité ;

- Comment vivrai-je français dans une France qui change tant et si vite ?

- nous sommes tous structurés par notre passé, notre histoire, nos valeurs ; il est légitime de désirer le maintien de ce patrimoine.


L’attachement à notre enracinement religieux :

- le refus d’une arrivée massive de religions étrangères ;

- la peur de perdre l’identité chrétienne de la Nation ;


L’emploi et les acquis sociaux :

- les immigrés prennent le travail des français : la préférence nationale

- nous avons déjà nos exclus

- on ne peut prendre toute la misère du Monde

- tout ça va encore creuser le trou de la Sécu

- comment apprendre dans une école où 40% des enfants viennent d’ailleurs ?


L’obligation d’intégration :

- Que ceux qui frappent à notre porte apprennent à vivre comme nous. Pas de voile islamique en France.

- La république est universelle, ses valeurs doivent convenir à tous ceux qui en font partie.

- La France offre largement la naturalisation. Qu’attendent-ils pour la demander ?


L’intérêt bien compris :

- Dans nos sociétés vieillissantes, l’apport d’éléments jeunes, étrangers, dynamiques nous apporte les solutions démographiques et économiques

- Il est clair qu’aujourd’hui comme avant 1974, nos économies ont un besoin criant de main d’œuvre (dans certains secteurs).


Le souci de l’aide au développement :

- l’aide aux pays du sud tarira ou au moins réduira les migrations économiques ;

- ce n’est que justice, les pays riches recevant plus qu’ils ne donnent ;

- la mondialisation, dans sa phase actuelle néo-libérale, en déstructurant les pays du sud, est la cause première des migrations.


L’enrichissement :

- c’est le monde qui vient à nous, nous offre ses sagesses, ses cultures

- enfin les cultures, les religions pourront (devront) se parler (s’interroger).


La fraternité :

- tous les hommes sont frères ;

- je suis solidaire ;

- la détresse de l’étranger me touche, car il est un autre moi-même.


L’identité Chrétienne :

- Souvenez-vous que vous étiez étrangers dans le Pays d’Egypte.

- Nous sommes des migrants sur la terre.

- J’étais étranger et vous m’avez accueilli.

3. le diagnostic :

* Les éléments incontournables

- les transformations techniques (développement des transports, des médias internationaux, des moyens de communication) ;

- la mondialisation commerciale (désenclavement des économies, circulation des hommes, des marchandises) ;

- la disparité profonde des conditions de vie entre le Nord et le Sud ;

- le « métissage des cultures » ;

- le « choc des cultures » ;

- la démographie dans le monde ;

- le vieillissement des populations du Nord ;

*Les « repères de notre temps »

- Le respect de la législation française à l’égard des migrants

- La responsabilité de l’Etat dans la gestion des migrations

- les droits humains (droit d’asile, droit d’être traité humainement)

- la solidarité internationale

- les valeurs de la République

- les réalités de l’économie au regard de l’immigration.

*Les contraires complémentaires

Avant le départ :

- aide au développement/concurrence internationale

- gouvernance mondiale/souveraineté

Lors des migrations :

- « maîtrise des flux migratoires »/accueil

- intérêt national/droit des étrangers

Une fois arrivés :

- intégration/assimilation

- sécurité/accueil

- identité nationale/métissage

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