La question de la psychothérapie par G. Massé

Paru dans : Nervure : Journal de psychiatrie, avril 2004, p1 et p.4.

Disponible à l’adresse : http://www.nervure-psy.com/

Les transformations profondes des contextes de traitement en psychiatrie ont modifié, en retour, les pratiques et les traitements eux-mêmes. L’exercice de la psychothérapie* a pris toute sa place dans cette transformation, dans le secteur public mais non uniquement, car les conditions de la rencontre intime entre praticien et patient se sont transformées. La forme et le sens de la clinique, y compris pour les maladies mentales graves, s’en sont trouvées profondément modifiées, et la prédominance ou le quasi monopole des traitements chimiothérapiques dans la thérapeutique en général doivent être relativisés.

En même temps, si ce dernier point concerne presque exclusivement le métier de médecin comme prescripteur, ou de spécialiste qu’est le psychiatre, l’exercice de la psychothérapie n’est pas son apanage. Ceci interroge le rôle respectif des psychiatres et des autres métiers intervenant en santé mentale, au moment où le nombre de psychiatres va diminuer, dans une évolution où, malgré les apparences, la part des traitements proposés et nécessaires devient de plus en plus psychothérapique ou encore, pour le formuler autrement, moins dédiée, proportionnellement, aux psychotropes.

On assiste, donc, à un double mouvement contradictoire : d’un côté la demande de psychothérapie ou d’écoute qualifiée (au sens où elle nécessite un savoir-faire particulier obtenu par un apprentissage codifié, qui ne peut se confondre avec la qualité basique et humaine d’empathie) ne cesse de croître. Elle n’a jamais été aussi élevée, ce qui peut nécessiter d’encadrer ce champ d’activité. De l’autre, les promesses de la chimiothérapie et la question de la psychothérapie de son contexte, la neurobiologie, la génétique moléculaire ou l’imagerie médicale, les neurosciences, n’ont jamais été autant considérées comme la seule source sérieuse de progrès en psychiatrie et autant l’objet de recherches et donc de financements appropriés, au moins au niveau international. C’est pourquoi, la question de la psychothérapie représente un enjeu extrêmement important, à la fois comme participant, elle aussi, à l’amélioration continue de la qualité et de l’efficience des soins et au maintien du caractère humain de la psychiatrie (et peut-être, au delà, de la médecine et de la santé). C’est ainsi qu’il faut comprendre la résonance de l’amendement Accoyer et son parallèle dans le rapport Cléry-Melin. On doit mesurer cet enjeu à travers l’évolution qui traverse la discipline.

* Nous nous référons à une définition très proche de celle que comporte le rapport Cléry-Melin : il s’agit d’interventions ou d’actes relationnels, s’appuyant sur des mécanismes psychologiques aux formes et à partir de modèles multiples, utilisant des techniques suffisamment standardisées et éprouvées à partir d’évaluations, structurées dans le temps et susceptibles d’obtenir des résultats, inscrites dans un contexte de soins ou de santé, défini et reconnu comme tel au regard d’une réglementation publique.

Aller au contenu principal