La schizophrénie, une pathologie aussi fréquente que mal connue.

Ce dossier a été réalisé en collaboration avec :
- Pr Marion Leboyer,
- Dr Bruno Giros,
- Françoise Casadebaig,
- Pr Marc Jeannerod,
- Jean-Luc Martinot,
- Nicolas Dantchev.

Texte rédigé par Corinne Dupuy

Publié en mars 2002 sur le site web : http://www.frm.org.

La schizophrénie est une pathologie qui touche 1 % de la population mondiale, soit 600 000 personnes en France, et pour laquelle on enregistre un taux de suicide 20 fois supérieur à celui de la population générale. Pourtant, et malgré les grands progrès réalisés depuis dix ans grâce à la neurobiologie, la pharmacologie et la génétique, ce véritable problème de santé publique, particulièrement dévastateur pour les jeunes entre 16 et 30 ans, est encore très discuté sur le plan fondamental, psychopathologique et clinique : ses mécanismes complexes restent non élucidés, ses formes multiples peuvent varier d’un individu à l’autre, ses traitements partiels n’améliorent que certains symptômes. C’est en 1896 que le psychiatre allemand Emil Kraepelin posa les fondations de ce que le Français Bénédicte Augustin Morel avait appelé avant lui la “ démence précoce ”. Kraepelin fut le premier à établir une entité pathologique unique à partir de trois états jusque-là considérés comme distincts :

- l’hébéphrénie, marquée par un comportement désorganisé et incongru,

- la catatonie, caractérisant une personne alternativement négativiste et immobile, agitée et incohérente,

- la démence paranoïde , dominée par le délire de persécution et de grandeur. Quelques années plus tard, en 1911, le psychiatre suisse Eugen Bleuler allait consolider ce concept en lui attribuant sa dénomination définitive de “ schizophrénie ” (du grec schizo, “ séparé ”, et phrên esprit ”) : “ Je nomme la dementia præcox, schizophrénie, parce que la dissociation des fonctions psychiques en est l’une des caractéristiques les plus importantes ”. Jusqu’à la fin des années 1960, la clinique de la schizophrénie reposait sur des diagnostics dits “ subjectifs ”, placés sous l’égide de deux mouvances : celle des psychiatres européens, qui l’inscrivaient dans une approche de type psychanalytique, plutôt attachée à identifier l’évolution du trouble, celle des psychiatres américains qui adoptaient un point de vue plus large, de type symptomatologique, cherchant plutôt à caractériser les déficits spécifiques, point de vue qui les amenait à poser ce diagnostic deux fois plus souvent que leurs confrères européens. Ce n’est que dans le courant des années 1970 que, pour répondre aux exigences de reproductibilité de la recherche, des systèmes internationaux de diagnostic opérationnel standardisés furent mis au point et adoptés.

Aujourd’hui, deux classifications internationales dominent :

- le Diagnostic and statistical manual of mental disorders (élaboré par des psychiatres américains et paru au milieu des années 1970, il en est à sa 4e édition : DSM IV), la Classification internationale des maladies (élaborée par l’organisation mondiale de la santé OMS, qui en est à sa 10e éditio : CIM 10).

Depuis, ces approches diagnostiques “ objectives ” ont notamment permis de distinguer la psychose maniacodépressive de la schizophrénie. Parallèlement, des échelles d’appréciation des symptômes ont été créées pour homogénéiser le recueil d’informations cliniques.

Qu’est-ce que la schizophrénie ?

La schizophrénie est un syndrome physiopathologique plurifactoriel complexe, débutant souvent à l’adolescence (parfois même avant) ou chez le jeune adulte et évoluant vers une « dissociation » progressive de la personnalité. Cliniciens et chercheurs en ignorent le trouble cognitif principal, mais s’accordent sur la description de ses symptômes psychotiques, classés aujourd’hui en deux catégories :

- les symptômes dits “ positifs ”, ou “ productifs ” marqués par des comportements influencés,

- les symptômes dits “ négatifs ” ou “ déficitaires ” marqués par des comportements passifs.

Les symptômes positifs “ produisent ” des idées délirantes, des hallucinations, des troubles du cours de la pensée, des comportements incompréhensibles. Les délires se traduisent par des idées fausses, notamment de persécution (espionnage, vol de la pensée, idées imposées…), qui sont une interprétation ou une reconstruction de la réalité. Les hallucinations prennent souvent la forme de voix commentant les comportements du sujet, l’insultant ou lui donnant des ordres. Les troubles de la pensée peuvent provoquer une grande confusion dans le discours et l’action. Compte tenu de l’intensité de ces manifestations et parfois de leur fréquence, des signes de dépression et d’anxiété les accompagnent souvent.

Les symptômes négatifs, sont dominés par des “ déficits ” de la communication : retrait, diminution des capacités à entrer en communication avec autrui et à partager le même référentiel rationnel, manque de motivation, dysharmonie affective et motrice conduisant à une perturbation du fonctionnement social pouvant aller jusqu’à l’isolement total. Ces symptômes constituent le noyau clinique des patients les plus chroniques. Cette conception bipolarisée, si elle permet d’identifier des groupes de symptômes homogènes, ne rend pas compte de la réalité de la maladie qui, dans la pratique, associe les deux formes dans une symptomatologie caractérisée par des délires, des distorsions de la pensée et de la perception, ainsi que par une discordance et une désorganisation comportementales, des affects inappropriés et émoussés, l’ensemble entraînant une détérioration majeure du fonctionnement social et intellectuel. La maladie se déclare souvent lentement. Au début, elle se manifeste par une difficulté à se relaxer, à se concentrer ou à trouver le sommeil. Progressivement, les patients fuient leurs amis, négligent leur apparence physique ; leur discours se dégrade, des perceptions inhabituelles surviennent, finalement, il ne leur devient plus possible, par exemple, de poursuivre des études. Une fois déclaré, le syndrome est installé pour la vie et devient chronique, avec récurrence d’épisodes aigus nécessitant une prise en charge d’urgence (hospitalisation).

Quelle est l’approche scientifique de la schizophrénie aujourd’hui ?

Aujourd’hui, on sait que la schizophrénie n’est pas une maladie psycho-génique, c’est-à-dire mettant avant tout en jeu des facteurs psycho- ou socio-environnementaux (comme le comportement des parents, des amis, des collègues…), mais une psychose neuro-développementale se manifestant à la fin de la maturation du cerveau et exprimant un déficit de développement du système nerveux central. “ Cette donnée est très importante car elle ouvre la porte à une nouvelle approche de la pathologie fondée sur une classification claire et objective des malades permettant de mettre en œuvre, comme pour toute recherche portant sur des pathologies cognitives, des approches méthodologiques de type neuropsychologique ”, souligne le Pr Marc Jeannerod, directeur de l’Institut des sciences cognitives de Lyon.

Voilà donc qui a de quoi à la fois déculpabiliser les familles et motiver les chercheurs. La schizophrénie n’est donc pas un trouble généralisé, un trouble motivationnel ou un déficit lié à la tâche, puisqu’on a montré que les patients sont capables de réaliser de bonnes performances sur une grande variété de tâches cognitives complexes. Elle serait une atteinte spécifique d’une fonction cognitive et, plus précisément, des étapes les plus précoces du traitement de l’information. Parmi ces fonctions, l’action, l’attention, le langage et la mémoire sont particulièrement étudiés à partir de tests et de modèles. Pour toutes ces fonctions, les résultats obtenus font globalement apparaître des performances très inférieures des schizophrènes par rapport à une population témoin. Ces résultats suggèrent également que, chez les schizophrènes, les atteintes pourraient provenir d’anomalies intervenant dans un cadre de déficit cognitif large, mettant simultanément en jeu l’ensemble de ces fonctions

Quelles sont les origines de la schizophrénie ?

Un immense chantier de recherche a donc été ouvert depuis une dizaine d’années pour démembrer ce syndrome plurifactoriel extrêmement complexe qui, à l’instar du diabète, de l’asthme ou de l’hypertension artérielle, est vraisemblablement irréversible. A terme, donc, comme pour ces maladies, l’ensemble des voies actuellement à l’étude devront permettre d’élucider les nombreux mécanismes impliqués et d’envisager des actions thérapeutiques somatiquement efficaces et aux effets sensibles sur la qualité de vie.

L’origine neuro-développementale.

La mise en évidence fréquente d’anomalies neuroanatomiques, fonctionnelles ou cognitives chez des patients schizophrènes a naturellement conduit à une hypothèse neuro-développementale de l’étiologie de cette maladie ”, explique le Pr Bruno Giros, directeur de l’unité Inserm U.513 “ Neurobiologie et psychiatrie ”. Cette hypothèse s’appuie sur des anomalies structurelles cérébrales observées dans le cortex, plus particulièrement le cortex frontal, dont le rôle est essentiellement associatif. Selon des études épidémiologiques rétrospectives, ces anomalies seraient des séquelles de perturbations précoces du développement cérébral intervenues lors de la vie fœtale ou périnatale et seraient à l’origine d’une désorganisation importante des connexions synaptiques.

Cette hypothèse est notamment suggérée par la mise en évidence de plusieurs facteurs bio-environnementaux potentiellement impliqués dans la pathogénie du neuro-développement : un facteur viral, une plus forte incidence de naissances de patients schizophrènes ayant été observée aux mois de mars et avril, période correspondant aux épidémies de grippe, lorsque celles-ci interviennent lors du second trimestre de la grossesse ; un facteur nutritionnel, notamment lié à des carences vitaminiques précoces pouvant être à l’origine de malformations du système nerveux central (comme la fermeture du tube neural) ; un facteur d’origine inconnue (peut-être génétique) lié aux complications obstétricales (terme anormal, travail prolongé…), observées lors de la naissance de patients schizophrènes, sans que l’on sache la nature du lien existant entre ces complications et la survenue de la maladie. Ces anomalies se traduiraient, à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, par l’émergence d’un trouble schizophrénique (ce qui signifie notamment qu’une symptomatologie fruste à l’adolescence, marquée par des perturbations cognitives, psychomotrices ou comportementales, pourrait correspondre à une phase de “ latence ” de la maladie).

Cette approche fait aujourd’hui l’objet de recherches de modèles animaux visant à identifier la protéine impliquée dans ces désorganisations structurelles synaptiques. D’autre part, l’utilisation de l’imagerie cérébrale est fondamentale dans la compréhension des mécanismes impliqués dans la schizophrénie, “ parce qu’elle apporte, d’une part, une compréhension fine de la façon dont certaines régions sont liées à des symptômes précis, d’autre part, un modèle de compréhension de la maladie qui serait une anomalie du développement d’un ensemble de régions du cerveau ”, explique le Dr Jean-Luc Martinot, de l’unité Inserm U.334 “ Interface imagerie fonctionnelle-neurobiologie ” au CEA d’Orsay. L’imagerie fonctionnelle permet d’abord de mieux étudier et comprendre les trois groupes de symptômes de la schizophrénie que sont les troubles du langage, les troubles des fonctions cognitives et les troubles de l’affectivité. Ainsi, l’imagerie par tomographie par émission de positons (TEP) montre-t-elle une activation anormalement symétrique des régions cérébrales sollicitées par le langage (hémisphère gauche et régions frontales antérieures), dysfonctionnement qui suggère une altération des processus de sélection des mots. De la même façon, la TEP montre que les régions responsables du contrôle de l’exécution d’une tâche (régions pariétales, frontales, cingulaires) sont moins actives chez les patients schizophrènes, ce qui pourrait expliquer la difficulté à sélectionner des informations.

Par ailleurs, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) a permis d’observer que les régions impliquées dans l’intégration des émotions sont proches de celles impliquées dans les fonctions cognitives et qu’il existe vraisemblablement des relations étroites et inverses entre ces régions : une charge affective trop intense perturberait le fonctionnement des régions intervenant dans le contrôle des fonctions cognitives. Enfin, il a été possible d’observer des régions activées au moment même où des hallucinations survenaient. En outre, l’imagerie de la morphologie du cerveau a révélé l’existence d’anomalies anatomiques discrètes chez les schizophrènes : légère dilatation des ventricules, symétrie de certaines régions temporales supérieures (régions normalement plus grandes à gauche qu’à droite ; le langage étant plutôt sous la dominance de l’hémisphère gauche), réduction du volume des régions temporales internes limbiques (qui interviennent dans la mise en mémoire à long terme et la mise en relation entre émotions et mémoire).

Ainsi, un modèle de la schizophrénie peut être évoqué : les anomalies anatomiques apparaîtraient pendant la petite enfance, alors que les anomalies fonctionnelles des régions corticales, dont la maturation est tardive, apparaîtraient à l’adolescence. L’association de ces deux groupes d’anomalies semble spécifique de la schizophrénie.

L’origine génétique.

Les progrès de la biologie moléculaire permettent donc progressivement d’identifier la manière dont les facteurs bio-environnementaux interagissent avec d’autres facteurs. Ainsi, de nombreuses études montrent que la schizophrénie, comme toutes les maladies psychiatriques, est notamment due à l’action de plusieurs gènes, chacun jouant un rôle relativement faible, et interagissant avec ces facteurs. Les études familiales montrent l’existence d’une concentration familiale de la schizophrénie dans laquelle la génétique intervient entre 50 % et 80 %, le risque global d’occurrence de cette maladie dans la fratrie étant de 10 % (contre 1 % dans la population générale). Cependant, le mode de transmission de la schizophrénie demeure inconnu. Les études dites de “clonage positionnel ”, en réunissant des grands échantillons de familles dont plusieurs membres sont atteints, ont permis d’étudier un grand nombre de gènes couvrant l’ensemble de la carte génétique.

Ainsi, 27 localisations ont été suggérées, dont 4 ont été établies (sur les chromosomes 6p, 22q, 8p et 3p). Il est donc peu probable qu’un gène majeur explique la majorité des cas de schizophrénie et l’on peut faire l’hypothèse que la maladie soit la conséquence de l’effet interactif de plusieurs gènes mineurs et de facteurs environnementaux. En outre, la recherche de gènes candidats ”, c’est-à-dire dont le produit est a priori impliqué dans le processus pathologique en cause, constitue une autre voie de la recherche génétique, qui permet de travailler sur un regroupement de symptômes plus homogènes et potentiellement plus proches du ou des gènes recherchés. A cet égard, plusieurs arguments confirment que l’âge du début de la maladie est un symptôme candidat permettant de montrer l’existence d’un phénomène d’“anticipation” génétique, c’est-à-dire, au cours des générations successives, d’aggravation de la symptomatologie et/ou d’avancée de l’âge du début de la pathologie. D’ores et déjà, donc, les stratégies visant à identifier les facteurs de vulnérabilité génétique ont fourni des résultats prometteurs. “ Le XXe siècle a vu disparaître deux fausses conceptions de la schizophrénie : d’une part, si l’on conçoit que terrain génétique et facteurs environnementaux jouent un rôle dans l’apparition d’une maladie mentale, le vieux débat “inné/acquis” devient stérile ; d’autre part, la recherche “du gène de la schizophrénie” n’est plus de mise puisqu’il est vraisemblable que plusieurs facteurs de vulnérabilité génétique interviennent dans le déterminisme de cette maladie ”, explique le Pr Marion Leboyer de l’unité Inserm U.513 “ Neurobiologie et psychiatrie ”, responsable du groupe “ Psychiatrie génétique ”. L’identification de ces facteurs, en améliorant la compréhension des anomalies du fonctionnement cérébral qui sous-tendent la schizophrénie et en identifiant la manière dont les facteurs environnementaux interagissent avec les facteurs génétiques devrait avoir un impact considérable à long terme. Elle devrait permettre de développer des stratégies thérapeutiques mieux ciblées et éventuellement de fournir des outils d’aide au diagnostic. Aujourd’hui, le temps de la recherche du “ tout génétique ” ou du “ tout environnemental ” est donc révolu, celui de la complexité psychiatrique s’ouvre maintenant.

Quels sont les traitements et les voies de recherche thérapeutique ?

Les traitements médicamenteux de la schizophrénie.

Ils s’appuient sur un arsenal pharmacologique constitué en premier lieu par les neuroleptiques, mais également par d’autres psychotropes comme les antidépresseurs, les thymorégulateurs et les tranquillisants. En atténuant ou supprimant les symptômes les plus pénalisants pour les patients sur le plan relationnel, ces traitements permettent de mettre en place de façon individualisée un ensemble de mesures associant psychothérapies individuelles ou de groupe et réhabilitation institutionnelle ou socioprofessionnelle.

Les traitements médicamenteux.

Les neuroleptiques restent encore aujourd’hui les médicaments de référence pour le traitement de la schizophrénie. Leurs effets sur les systèmes neurotransmetteurs de la dopamine ont été découverts en 1952 avec la mise à jour, par hasard, des propriétés antipsychotiques de la chlorpromazine, sans que l’on puisse expliquer les mécanismes d’action de ce produit. Depuis, de nombreux neuroleptiques ont été mis sur le marché, dont les propriétés vont des plus sédatifs, destinés à diminuer l’agitation et l’angoisse, aux plus antiproductifs destinés à amender les hallucinations et les délires. Cette classe de médicaments a des effets secondaires importants qui vont d’un effet hypotenseur (comme l’hypotension orthostatique) sur le système cardiovasculaire pour les sédatifs, à des effets neurologiques sévères comme un syndrome de type parkinsonien) pour les antiproductifs. Le syndrome malin (pâleur, sueurs, raideur, hyperthermie, troubles de la conscience), ainsi que les dyskinésies tardives (troubles dans L’accomplissement des mouvements), souvent définitive, sont les deux risques majeurs des traitements neuroleptiques. Les antidépresseurs sont également souvent indiqués dans une pathologie où la dépression peut être une complication grave, en particulier du fait du risque suicidaire qui y est souvent associé. Ils sont utilisés dans le cours évolutif de la maladie, ainsi que lors des épisodes dépressifs qui ponctuent les troubles schizo-affectifs. D’autres médicaments peuvent être associés à ces traitements de référence. Ainsi, les tranquillisants amendent-ils les formes très anxieuses en cas d’insomnies persistantes, les thymorégulateurs permettent de réguler le tonus de l’humeur et les désinhibiteurs sont actifs pour pallier les déficits causés par la schizophrénie.

Malgré tout, 10 à 20 % des schizophrènes restent totalement résistants aux médicaments disponibles et très peu deviennent totalement asymptomatiques. Les perspectives thérapeutiques s’appuient d’une part sur la recherche pharmacologique, d’autre part sur le développement des techniques d’imagerie. Depuis les années 1970, on sait que le seul point commun entre tous les neuroleptiques est qu’ils sont des antagonistes des récepteurs D2 de la dopamine. Or, depuis une dizaine d’années, les recherches ont permis d’identifier 5 sous-types de récepteurs dopaminergiques, que les chercheurs ont subdivisés en 2 sous-familles, celle des récepteurs de type D1 (D1 et D5) et celle de type D2 (D2a, D2b, D3, D4). La mise à jour de ces nouveaux récepteurs (D3 et D4 ont été clonés dans les années 1990) devrait permettre de mettre au point de nouveaux neuroleptiques bloquant l’action de ceux-ci et d’éviter ainsi les effets secondaires sur les fonctions motrices, induits par les neuroleptiques actuels. Une autre voie de la recherche pharmacologique est représentée par le développement d’outils permettant de mieux suivre et quantifier la transmission de glutamate, excitateur majeur du système nerveux central. Les chercheurs ont effet observé des diminutions de concentration de glutamate dans le cortex préfrontal et l’hippocampe de patients schizophrènes, sans pouvoir expliquer, à l’heure actuelle, le rôle joué par ce neurotransmetteur dans les mécanismes neurobiologiques de la maladie. Par ailleurs, les nouvelles techniques d’imagerie (IRMf, TEP…), en permettant de repérer des dysfonctionnements dans l’activation de certaines régions cérébrales ou des modifications anatomiques du cerveau, devraient également favoriser la définition de stratégies thérapeutiques fondées :

- soit sur la modulation de certaines fonctions cérébrales,

- soit sur la compensation de certains déficits,

- soit sur le blocage de l’activation anormale de certains systèmes.

Dans cette perspective, la stimulation magnétique trans-crânienne, déjà étudiée outre-atlantique et dans certains pays européens, devrait être évaluée en France. L’imagerie peut également permettre d’évaluer le rapport bénéfice/risque de molécules en développement. Ainsi, en montrant que les neuroleptiques se fixent sur les récepteurs de la dopamine dans les régions temporales, mais que leur fixation dans les noyaux gris centraux varie en fonction de leur propension à provoquer des effets indésirables moteurs, l’imagerie contribue-t-elle à préciser les effets des médicaments en cours de développement. Enfin, en matière diagnostique, si l’imagerie sert aujourd’hui uniquement au diagnostic différentiel, pour éliminer une lésion neurologique, on ne peut exclure qu’elle puisse avoir un jour une véritable fonction d’aide au diagnostic des formes les plus déficitaires, à condition de disposer de banques d’images à valeur statistique de cerveaux en maturation chez des sujets jeunes, malades et sains.

Les psychothérapies.

Les traitements médicamenteux doivent toujours être associés à des psychothérapies de soutien, pratiquées par des thérapeutes spécialement formés, visant à aider les patients à s’adapter à la réalité et à trouver des modes relationnels satisfaisants. Ainsi il existe plusieurs formes de psychothérapies :

- Les psychothérapies d’inspiration psychanalytique peuvent convenir à des patient suffisamment structurés psychiquement.

- Les psychothérapies cognitivo-comportementales visent à faciliter le développement de nouvelles compétences sociales et relationnelles chez des patients très démunis dans ce domaine.
- Les thérapies de groupe sont adaptées aux patients dont la gravité de la maladie rend difficile la prise en charge individuelle.
- Les thérapies familiales, lourdes et complexes à mettre en œuvre, ou certaines interventions simplifiées auprès des parents, visent à corriger certains dysfonctionnements familiaux qui contribuent à pérenniser les troubles mentaux et affectifs du patient en faisant prendre conscience aux proches des effets négatifs que peuvent avoir sur lui des attitudes trop critiques ou au contraire d’hyperprotection, qui favorisent son sentiment de culpabilité.

- Le psychodrame permet au patient qui n’est pas capable de verbaliser ses angoisses, de mettre en acte ses difficultés relationnelles ou ses conflits inconscients.

- Les psychothérapies institutionnelles sont mises en œuvre dans les institutions psychiatriques pour aider le patient, dès le début de son séjour, à maintenir ses liens avec son environnement.

Les prises en charge psychosociales.

Les risques de désinsertion sociale, professionnelle et affective associés à la schizophrénie rendent la prise en charge socio-thérapeutique également indispensable pour ces patients très vulnérables, particulièrement exposés aux aléas du contexte économique. C’est pourquoi la construction d’un projet socio-professionnel ou occupationnel au travers d’un suivi en hôpitaux de jour ou de nuit, en foyers thérapeutiques, en centres d’accueil thérapeutique à temps partiel, en centres d’aide par le travail, en ateliers protégés ou sur la base d’emplois protégés est de la plus grande importance.

Dans cette perspective, l’accompagnement personnalisé de chaque patient est essentiel, afin de lui offrir des perspectives d’évolution parfaitement adaptées à ses capacités et à ses besoins, évitant à la fois le renoncement et les ambitions démesurées. Dans cet accompagnement coordonné au long cours, le médecin généraliste est un interlocuteur privilégié du malade et de ses proches, notamment pour fournir soutien, informations et conseil, ainsi qu’un médiateur institutionnel. Des associations de parents comme l’Union nationale des amis et familles de malades mentaux (UNAFAM) peuvent également représenter une aide utile aux familles. Les modes de prises en charge non médicamenteux des schizophrènes sont en fort développement et font très sensiblement progresser l’état clinique et la qualité de vie des patients. “ La prise en charge des schizophrènes représente 80 % des crédits alloués à la psychiatrie clinique en France, pour une population vivant à 98 % hors de l’hôpital. En effet, si l’hospitalisation, le plus souvent brutale car réalisée sur intervention de la police ou des pompiers, est toujours un recours d’urgence, à un moment où le patient peut devenir dangereux pour lui-même ou pour autrui, le reste du temps, le soutien et l’accompagnement médicaux au long cours, dans le cadre d’une prise en charge de secteur continue, sont indispensables pour assurer et maintenir une bonne insertion psychosociale permettant notamment de prévenir le suicide ”, conclut le Dr Nicolas Dantchev du service de psychiatrie de l’Hôtel-Dieu.

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