Organisées par Raymond Chan, Catherine Chabert, François Richard, René Roussilon, Steven Wainrib, ces deux journées avaient pour objet une réflexion sur la subjectivation. Des psychanalystes qui appartiennent à des courants psychanalytiques différents sont intervenus durant ces journées. Il y avait notamment des intervenants de la Société Psychanalytique de Paris ( SPP ), Association Française des Psychanalystes (AFP), des Universités de Lyon II, Paris V, Paris VII et Paris X.
Origine du concept
Le concept de subjectivation a été défini à l’aide des termes comme, subjectal, subjectivité, subjectivant, subjective, intersubjectivation
La subjectivation apparaît en psychanalyse pour la première fois en 1991 dans les écrits de Raymond Cahn « Adolescence et la folie » « Adolescence et la psychanalyse » C’est la problématique d’adolescence ( régression narcissique, clivage, identification empruntée… ) qui a conduit les psychanalystes élaborer ce concept.
Définition du concept par Raymond Cahn
D’après Raymond Cahn le concept de subjectivation est différent du concept “du SUJET lacanien” car la dimension subjectale englobe à la fois le corps et la pensée. Il propose une première définition de la subjectivation qui serait un processus d’instauration d’un moi autonome : le noyau même du sujet. La relation mère enfant décrite par Winnicott a pour fonction de subjectivation. Le regard de la mère sur l’enfant et réciproquement le regard de l’enfant sur la mère permet à l’enfant de se différencier en tant que sujet. L’espace potentiel est un espace de subjectivation. . Le travail de subjectivation serait une transformation de l’inconscient. Elle est pour l’enfant l’acquisition de l’activité autoérotique, c’est donc une réponse à une dépendance. Il pense qu’il y a une capacité de la subjectivation de la naissance jusqu’à l’âge adulte. De la même manière il existe une pathologie de la subjectivation. Tout ce qui, pour l’enfant n’était pas signifié, déchiffré de son identité, de sa place , de ses objets qui l’entourent, sont comme non appropriables, non identifiables, comme un manque . Il s’agit d’un désaveu ,de forclusion, de clivage entre la représentation et l’affect. La fonction subjectilisante de l’analyste dans la cure qui est possible par la répétition des interrelations, par le transfert et le contre transfert.
Discussion du concept par Widlöcher
Avec la subjectivation de quel Sujet parle-t-on ? Du sujet de la pulsion ou du fantasme ? S’agit il d’un sujet agent -opérateur, sujet de l’acte ? De quel moi s’agit-il ? Du moi-sujet ou du moi méthapsychologique qui accomplit les actes psychiques ? Widlöcher pense qu’il s’agit d’un sujet espace, un espace psychique dans lequel les actes permettent un sens.
La subjectalité est-elle très différente de l’identification primaire ? Est-il vraiment utile de parler de la subjectalité ?
l’intersubjectivité consiste à donner à l’autre sa propre pensée mais aussi une autre pensée. Ainsi la mère donne à l’enfant la mentalisation du désir de l’enfant mais en même temps elle lui transmet sa propre mentalisation de désir.
Est ce qu’il s’agit dans la thérapie d’une autre écoute ? La subjectivation dans la cure consiste à une écoute association et au mouvement de va et vient. C’est ainsi que le sujet va subjectiviser la dualité de ses conflits.
La subjectivation, un paradigme ou pas ? Il s’agit pour Widlöcher d’un nouveau paradigme mais dans le modèle des névroses.
De quel processus parle-t-on avec la subjectivation ?
Albert Cicone considère qu’il s’agit d’un processus de partage, d’une relation à l’autre, d’un travail sur le rythme. Un partage émotionnel, affectif , un partage d’expérience. En parlant de sa pratique avec les bébés il pense que la rythmicité des expériences pour le bébé donne à l’enfant une illusion de continuité, il définit la subjectivité par l’alternance, l’échange et la régularité. C’est ce qui donne le sentiment de sécurité de base. Le partage intersubjective consiste en l’apprentissage des affects de l’autre, la compréhension et l’exploration de ses propres affects à partir de ceux des autres. Il y a une relation d’ajustement et d’implication qui permet la compréhension.
L’intersubjectivité d’après Golse est porteur de souffrance car l’intersubjectivité représente l’ensemble des mécanismes qui va permettre à l’enfant de découvrir le fait que lui et l’autre « ça fait deux ». Comment peut-il admettre qu’entre lui et l’autre il y ait un écart ? L’interaction existe au départ mais elle est pensée et travaillée par les adultes qui l’ entoure. Le bébé arrive avec quelque noyau d’intersubjectivité, il faudra les développer.
La subjectivation est-elle un concept nouveau ?
René Roussillon pense que, même si Freud n’a pas utilisé ce terme, il y a fait allusion dans sa théorie sur l’appropriation psychique. Dans le premier temps de sa théorisation il parlait de la prise de conscience mais il s’est rendu compte que seule une partie du moi devient conscient. Il y a un retour de ce concept. La subjectivation prend son sens avec la problématique de l’analyse du narcissisme qui amène la question de la limite du moi, du dedans et du dehors, du moi et du non moi. Il s’agit chez le narcissique « du moi-sac : quand c’est dans le sac c’est moi, quand c’est en dehors du sac ce n’est pas moi ».
D’après René Roussillon le processus d’appropriation subjective s’appuie sur le processus de symbolisation qui passe par un sujet . La symbolisation sans sujet n’est pas possible.
Freud en 1900 propose l’idée qu’il existe une trace qui est la matière première de la psyché et qui va être travaillé par le processus de symbolisation. Cette matière première ne peut être élaborée qu’à partir du moment où on a oublié. Elle n’est pas immédiatement saisissable , il faut auparavant une médiatisation ; « il faut d’abord lâcher prise pour faire une reprise. Cette élaboration passe par un transfert-contretransfert ou par échange avec un autre ». Le travail de la symbolisation se fait en trois temps . – Le premier temps : la métaphorisation . Un travail de déménagement en attendant qu’un sujet vienne en réfléchir un autre. En réfléchissant il nous réfléchit. Il reflète quelque chose qu’on a mis en lui.
– Deux autres temps de travail se font en modalité de veille et en modalité de nuit. Ce qui n’est pas joué dans la rencontre avec l’autre, je me le représente après la confrontation. La modalité de veille consiste en un jeu qui n’est pas le jeu de l’enfant, c’est la réflexion de ce qui se joue dans la rencontre avec l’autre. L’autre modalité : celle de la nuit, c’est le rêve, c’est un temps d’auto-intra subjectivation, un travail d’appropriation subjective.
Sylvie Poulichet, traite la subjectivation dans le transfert. Le dispositif de la cure analytique permet au patient d’appréhender ce qui lui est inaccessible. L’identité ne peut s’approprier que dans l’altérité. C’est en devenant autre que le sujet se croit devenir lui-même sujet. Elle pense que la résistance de l’analysant à interpréter le transfert peut empêcher la subjectivation Steveb Wainrib décrit la subjectivation comme une transformation par laquelle l’individu se constitue comme sujet. La subjectivation nécessite une intersubjectivation
Avec le concept de subjectivation peut-on parler d’un nouveau paradigme ?
Catherine Chabert pense qu’il s’agit plus d’une revisite des concepts psychanalytiques par le mot subjectivation. Il ne s’agit pas d’un paradigme.
En effet ce concept n’apporte rien de nouveau par rapport à ce que la psychanalyse a théorisé jusqu’à nos jours. Mais il a le mérite d’englober dans un seul concept plusieurs processus mis en jeu dans la formation du sujet en tant qu’être séparé.
Il m’a semblé regrettable qu’il n’y ait pas eu de débat dans la salle. Cependant la qualité des intervenants, tous issus du monde psychanalytique, nous a permis d’assister à des échanges riches et concentrés. Il nous a été profitable d’entendre quelques unes de leurs expériences cliniques. Ce colloque ne comporte pas de conclusion en effet, nous aurons la chance de pouvoir poursuivre nos réflexions grâce à la lecture prochaine de travaux en cours d’élaboration et regroupés dans un ouvrage qui paraîtra en 2006.