L’anomie, ce mot de la tribu des sociologues, a connu un bien étrange destin. Née sous la plume de J.-M. Guyau voici un siècle, inscrit par Durkheim dans le vocabulaire de la sociologie naissante, elle devint, après une période d’oubli, le “concept sociologique par excellence”, notamment dans la sociologie américaine des années 60 où elle servit d’emblème aux pratiques de recherches dominantes.
Pour rendre intelligible ce singulier parcours, les avatars du concept comme les aventures du mot, il fallait traiter l’anomie comme un produit dont on étudie le cycle de la vie sur un marché, ici la discipline sociologique. Ce livre est une discipline sociologique. Ce livre est une étude de cas, la première du genre sur la diffusion d’un produit intellectuel et les stratégies de marketing dont il est l’objet. Il s’agit d’un exemple précis mais privilégié : suivre la carrière de l’anomie conduit à une réévaluation critique de textes classiques, d’instruments d’enquêtes routiniers, de secteurs de recherche tenus pour centraux.
En dépouillant l’anomie de ses sortilèges, cette enquête minutieuse et décapante met à nu les misères secrètes, petites et grandes, de la sociologie au temps de sa splendeur publique.