Latitudes. Cahiers Lusophones, n° 29 : « Un autre Nordeste : Tras-os-Montes »

Avril 2007. 7 €
Revue bilingue.

DIFFUSION : Les librairies portugaises, la FNAC et les associations culturelles. Latitudes est également diffusé à Lisbonne : Librairies Buchholz Portugal et Bulhosa.

PÉRIODICITÉ : 3 numéros / an.

ÉDITORIAL

Tras-os-Montes tombe au deuxième verset de la litanie écolière, lors du récit mémorisant des onze provinces constituant le Portugal continental, à la scansion effrénée de l’imaginaire en braise, devant le parterre des chères têtes blondes.
Depuis les entiers retors, l’égarement dse souvenirs bourgeonnants se pressait, contre la porte de l’entendement, en quête de l’énigme fraternelle, confinée de l’autre côté des Monts, Tras-os-Montes.
Outre-Monts, s’ils défient l’aura mystérieuse du lointain proche, ils se gardent certes l’avantage du refuge assuré, jadis (XVIe siècle) quémandé par des cohortes de nouveaux-chrétiens (juifs, convertis de force, au gré des édits royaux) fuyant désœuvrés les sbires de la Sainte Inquisition. Dans cette région austère, adossée à un paysage trempé d’aubades granitiques, une population au caractère entier s’est déployée en relatif isolement, frisant parfois l’autarcie, voire des coutumes familiales propres, nommément la légitimité de la progéniture – os zorros – comme le constate l’auteur de Jordanas em Portugal (années 1920-1930).
De la sorte, les alentours de sa capitale Miranda se donnèrent un parler singulier, o mirandês, distinct de celui des contrées voisines – galicien-portugais, léonais et castillan. D’ailleurs, quelques linguistes lui attribuent le statut de langue, avec une grammaire et un lexique particuliers, porteur d’une expérience culturelle propre.
l’accueil des gens est chaleureux. Les mets du terroir, sa renommée cochonnaille et la viande bovine d’une race locale, accompagnées de vins généreux, flattent le palais exigeant des fins gourmets.
Si le folklore – Pauliteiros de Miranda – exalte les confrontations viriles, dessinées par des danseurs solidaires, les soirées d’autrefois clo^turant les tâches agricoles quotidiennes inventaient de la joie, à travers des chants titillant le défi amoureux entre jeunes gens épris, ou récitant en sourdine de maigres complaintes.
Un certain essor économique est advenu, ces dernières décennies, après l’aménagement d’infrastructures diverses désenclavant le territoire vers les régions environnantes, autant portugaises qu’outre frontières.
Cependant, cette place forte de l’histoire du Portugal, devant ses puissants voisins, a été le berceau de grandes figures de la culture nationale.
La première qui s’impose, c’est celle du grand poète Guerra Junqueiro (XIX-XXe siècles), pourfendeur des piliers du pouvoir d’antan, l’Eglise Catholique, avec le poème Velhice do Padre Eterno et la monarchie décadente (surtout la quatrième dynastie dite de Bragança), avec Patria et Finis Patriae, égrappe impromptue des vers trempés au vitriol. Toutefois, avec son dernier ouvrage, Os Simples, il se rattrape frère des petites gens, à l’écoute de l’essence obscure de toute chose.
Teixeira de Pascoaes, le prophète du Saudosismo – romantisme nostalgique littéraire – (dernier quartier du XIXe siècle, début du XXe siècle) emprunte subrepticement la veine intercurrente d’un spiritualisme esthétique, baigné dans le mysticisme national.
Miguel Torga, d’abord poète du modernisme propagé par la revue Presença (Cimbra, années 1927-1940), se recommande au fur et à mesure de son parcours, de la quotidienneté auprès du petit peuple, agrémentée de zestes de pensée quémandant de l’élation vers les hauteurs.
Actuellement, Agustina Bessa-Luis, romancière de talent avéré, continue sa croisade en faveur d’une certaine droiture, vers la cohérence de chaque citoyen auprès des valeurs esthétiques dont l’héritage culturel affronte l’épreuve des temps qui sont les nôtres. Dans le chapitre des arts, G. Teixeira Lopes, sculpteur et peintre, nous a légué des œuvres remarquables.
Ainsi, de l’acérée certitude de ses hauteurs, Tras-os-Montes regarde, dans le contre-miroir des gloires révolues, l’assurance de son développement économique et culturel, à l’aune de son âme généreuse.

Manuel DOS SANTOS JORGE

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