Latitutdes. Cahiers lusophones, n° 27 : « Lettres et arts de l’exil / Emigration lusophone »

Septembre 2006. Revue bilingue.

EDITORIAL

Nous sommes de l’humanité pèlerine. Bien entendu, nous sommes migrants, nous faisons nos chemins, au milieu de nulle part, conformés, cependant, aux soins de quelque jardinier-laboureur de fortune. Per agrum ou per agros – à travers champs – pour faire honneur à l’étymologie latine, bat le rappel de notre temporalité ; car, la vaillance des pas concertés ébauche l’écriture d’un destin, au plus-que-parfait, pas toujours subjonctif, à la convenance du mode.
Ceux qui sont partis du pays natal par les affres de quelque nécessité, portaient, à la manière d’Énée, fuyant Troie incendiée, enfourchant sur le dos son père Anchise les patrios lares – les dieux domestiques – l’expérience existentielle des ancêtres, dans le sanctuaire de leurs cœur.
Du départ au cheminement nouveau, d’autres apports sont venus enrichir le trésor de la mémoire.
Se raconter les aléas du parcours, parsemé de croisemants d’amertume aux tournants douteux, racheté à l’occasion par quelques joies furtives, demandait à en rendre témoignage, au défi du sens, depuis lors requis.
Depuis le XVe siècle, des Portugais se sont expatriés, soit en mission à visée religieuse en coalescence avec une certaine expansion impériale, soit par goût acrimonieux de la liberté (religieuse), voire par envie de l’aventure. Dernièrement (XIX et XXe siècles), ils quittèrent leurs foyers, pour œuvrer quelque remède à l’ordinaire de l’existence. La persécution politique ou la misère au quotidien, ne laissent point de choix. Sans parler de l’époque des Découvertes, dans les temps modernes tant de personnes illustres payèrent le lourd trbut sur le chemin de la liberté : Almeida Garrett, Alexandre Herculano (guerres libérales – première moitié du XIXe siècle) ; plus tard, Antonio Nobre, Mario de Sa-Carneiro, écrivains ; des peintres, Santa-Rita Pintor et Vieira da Silva, etc.
De nos jours, une flopée d’artistes, écrivains – poètes et prosateurs – et des musiciens peuplent notre Émigration. Quelques-uns ont acquis de la renommée, d’autres s’y attellent, mais tous s’affairent à restaurer un courant de souvenances pour en faire déboucher au large, du côté de l’espoir.
Des noms sont égrenés au fil du recueil inséré en ce numéro.
Certes, il peut sembler partial parfois, incomplet sûrement, injuste peut-être et sujet à un critère de sélection qui ne se prétend pas exempt de toute critique.
Il s’agit simplement d’un apport questionnant en ce domaine.
Il s’avère opportun de saluer l’audace de ceux qui ont consenti à faire récit des traumas cueillis, au travers de leurs épreuves, la disponibilité d’autres qui en firent œuvre de pensée dimensionnant un autre monde, élargi, au nom du supplément d’âme convoqué.
Ainsi, de l’humain la gloire s’affranchit, au péril de l’adversité.

Manuel DOS SANTOS JORGE

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