Le Candomble : Sacrifice et politique dans le Brésil contemporain.

Le Brésil contemporain se trouve en pleine mutation ; sa caractéristique est qu’elle s’effectue de manière très rapide : en moins de trente ans, le paysage religieux du Brésil s’est modifié. Le pays le plus chrétien d’Amérique du Sud a vu sa population catholique baisser de 95% à 75%. Ce changement religieux s’est fait au profit de trois catégories de pensées religieuses :

• Les religions afro-brésiliennes Ces augmentations ont lieu dans les centres urbains, ce qui conduit à une coexistence entre les religions et à une

• Le protestantisme

• La laïcité nouvelle attitude envers la religion.

La religion sacrificielle se caractérise par l’existence d’un contrat bilatéral entre un individu et une personnalité surnaturelle. Il y a échangé de dons et de faveurs entre les deux types de contractants : l’homme va s’acquitter de sa dette envers Dieu en faisant l’offrande d’un don matériel et tangible, sans que le fonds de sa personne soit elle-même possédée. Cette attitude prend sa source dans le catholicisme populaire ibéro-américain. Cette attitude sacrificielle est caractéristique de la religion chrétienne des populations d’Amérique du Sud, mais elle subit une forte influence des populations africaines. Les descendants d’Africains se sont immédiatement converti à ce type de religion, car leurs religions traditionnelles sont aussi basées sur des sacrifices d’animaux. Ceux-ci ont été adoptés au Brésil et il y a eu fusion spirituelle avec les sacrifices non sanglants des Chrétiens.

On se trouve devant un syncrétisme en raison de la rencontre des structures sacrificielles africaines avec la structure sacrificielle ibéro-américaine. Il faut prendre syncrétisme dans son sens propre : combinaison peu cohérente, mélange de doctrines et de systèmes. Le Brésil contemporain (fin des années 90) est devenu une des régions où se pratiquent le plus de sacrifices sanglants d’animaux. Ces sacrifices d’animaux se pratiquent surtout dans les terero (temple afro-brésilien). La coutume veut que la jambe de l’animal sacrifié soit couverte d’une volaille. Donc il y a sacrifice de nombreux bovidés, ovins avec des volailles. Ces rites sont très répandus et sont extrêmement brutaux par le sang qui est versé ; certains participants estiment qu’ils sont d’une grande beauté en raison des mélanges de couleurs rouge (sang) et brun (participants). Ces rites possèdent une dimension économique importante car les animaux sacrifiés sont « bon à manger », et la chair de ces animaux est partagée entre les participants après qu’une partie ai été réservée aux Dieux (achet). La partie (lerin) composée de viandes rouges est partagée au sein de la communauté. La distribution n’est pas égalitaire, certains, par leur position et le rôle qu’ils jouent dans le rite, bénéficient de parts plus importantes que d’autres.

Les divinités africaines se superposent au système chrétien. Ochun, le dieu Yoruba est souvent associé à Notre-Dame du Carmel. Mais contrairement à la religion chrétienne où le sacrifice est fait sur ses pulsions, l’apport africain ne mène pas à une régulation ethique de la conduite. Le don de l’animal est suffisant pour satisfaire les Dieux. En fait, l’idée d’une régulation de la conduite est absente de cette religion sacrificielle. Il n’y a pas de dénégation du monde existant et de transformation par une conduite régulée du fidèle ; le monde est accept comme une donnée fixe qui ne peut être changé par le comportement humain : l’action individuelle ne peut donc le transformer. Aucune structure prévoyant un changement du monde ou de la société n’est envisagé ; il en est de même pour le comportement individuel d l’homme. La seule obligation consiste à payer une dette matérielle, à accomplir des obligations. Le comportement de l’homme n’intervient pas ; le sacrifice n’est pas repentir, mais un contra avec la divinité.

Dans les religions ethiques, il y a un transfert du sacrifice, du don extérieur à la régulation intérieure de la conduite. Le sacrifice est personnel, c’est celui du comportement, de l’attitude. C’est la conduite qui est l’objet du don, du culte au surnaturel. Les sacrifices de sang sont abolis ou ritualisés comme dans l’Eucharistie. Dans la religion catholique, le dernier sacrifice est celui du Christ ; ce sacrifice est symbolisé dans l’Eucharistie et de mande une conduite différente de la part des pécheurs. C’est l’attitude personnelle par une nouvelle conduite et par le repentir qui est le sacrifice. Le sacrifice est symbolisé dans l’Eucharistie. Il y a donc opposition nette entre religion sacrificielle et religion éthique. Cette différence a été étudiée par Max Weber (Traité sur l’éthique du protestantisme) Döniz caractérise la communauté émotionnelle basée sur des liens de parenté réels ou fictifs et sur les fluides fondamentaux de la vie humaine. Les communautés afro-brésiliennes constituées autour du contrat avec les Dieux et les relations entre les hommes reposent sur des liens de parenté proches. Durkheim estimait que l’essentiel dans le sacrifice se trouvait dans l’intention, dans la pensée qui accompagne ce sacrifice.

Freud caractérise la religion sacrificielle comme une névrose obsessionnelle dont personne ne peut sortir. Il y a un soulagement devant le sentiment de culpabilité, mais celui-ci ne résout pas le problème. Or ce sentiment de culpabilité est toujours présent dans l’expérience religieuse ; le sacrifice gère ce sentiment de culpabilité en l’exprimant alors que dans les religions éthiques il est internalisé. La question qué se pose est de savoir s’il y a des formes intermédiaires, une affinité élective entre la forme de société et les pratiques religieuses car la société est faite de structures multiples (politiques, économique, etc.). Le Brésil est un laboratoire pour le contrôle du développement du Tiers monde. Or on assiste à une croissance simultanée des religions éthiques et des religions sacrificielles. Cette croissance va à l’encontre des idées généralement émises qui consistent à trouver un lien entre le système religieux et le système social. On assiste au Brésil à une navette entre ces deux systèmes, à un permanent va-et-vient. Bastide (le Candomble de Bahia – 1958) avait, sur le Brésil, une vision évolutionniste ; il pensait que les sociétés sacrificielles changeraient ou du moins seraient cantonnées à certaines villes sous-développées. Or ces sociétés progressent dans les zones en voie de laïcisation et de développement. Ces religions, parties du Nordeste, ont atteint Rio de Janeiro.

L’Umbanda est la religion qui domine à Rio ; c’est une forme atténuée de religion afro-brésilienne des années 40 où le sacrifice a perdu de son importance. Or le Candomble traditionnel est sorti de son foyer originel pour se transporter à Rio et à Sao Paulo. Dans ces régions, le sacrifice était pratiqué dès le début des années quatre-vingt.

Les religions sacrificielles se transportent vers les villes alors que les communautés ne se déplacent que rarement. Les prêtres, lorsqu’ils se rendent dans les grandes villes y vont à titre personnel. Les rites sacrificiels qui sont pratiqués à Salvador de Bahia dans une communauté émotionnelle perdent leur sens à Sao Paulo. Des cérémonies de Candomblé apparaissent à Porto Allegre au sein de la communauté blanche. Les rites sont importants compte tenu des quantités de bêtes sacrifiées. Mais en final, le sacrifice devient « kitsch ». I n’a plus de sens communautaire et ce modèle a tendance à être réexporté vers les régions d’origine. On assiste ainsi à une desethnisation de la religion sacrificielle ; celles-ci perdent leurs attaches avec les communautés d’origine qui étaient la garantie de leur authenticité. Le « père Claon » se voulait le représentant de l’ethnie des Cabinda, mais il n’avait aucune attache, aucun lien de sang avec eux. Il avait seulement été initié dans leur groupe. La religion devient un moyen de perception de soi et des autres.

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