In : Antipodes, N°130, septembre 1995, ITECO
Margalit Cohen – Emerique est docteur en psychologie et experte en relations de communication interculturelles
Cet article est le résultat d’une fusion abrégée et réactualisée de deux textes publiés précédemment Par Margalit Cohen-Ernerique :
Choc Culturel et relations interculturelles dans la Pratique des travailleurs sociaux, Cahiers de sociologie économique et culturelle, n° 2, 1984, p. 183-218, et La formation des Praticiens en situations interculturelles, Le choc culturel : Méthode de formation et outil de recherche, approfondissement.
Résumé
Le choc comme apprentissage
Un migrant rencontre un professionnel de l’aide social. La volonté de s’entendre ne manque guère, mais bien souvent cela ne suffit pas lorsque des résistances s’éveillent de part et d’autre et le malaise s’installe. C’est alors le temps de l’incompréhension, du rejet.
Ils sont différents, dit-on, et pourtant s’ils viennent vivre chez nous il faut bien qu’ils finissent par s’adapter.Les assistants sociaux n’ont pas été formés pour travailler avec des migrants, rétorque-t-on, il faut qu’ils soient informés, qu’ils sachent à qui Ils ont à faire.
Ces arguments, sans être faux, ne dégagent pas pour autant tous les obstacles qui parsèment le chemin de la compréhension interculturelle. Ni l’exigence d’une adaptation forcenée ni la connaissance encyclopédique d’une culture figée suffiront à éviter les malentendus.
La démarche que propose Margalit CohenEmérique repose sur d’autres présupposés. Dans toute rencontre interculturelle, il y ü des acteurs en présence qui sont tous porteurs de culture. Non seulement le migrant, le professionnel de l’aide aussi, et à cet égard le texte que nous présentons à nos lecteurs dans ce numéro d’Antipodes est très pertinent, notamment la partie qui traite de la représentation du changement culturel. Ces traits culturels (personnels, familiaux, professionnels, nationaux, de classe) ne sont pas figés une fois pour toute. Ils évoluent, s’accentuant ou s’amoindrissant selon les contextes, au fil des histoires personnelles, des rencontres réalisées, des choix posés, toujours avec l’histoire des relations entre les peuples en toile de fond.
Que le choc culturel finisse par surgir ne peut étonner personne, l’inventaire des facteurs qui vont le précipiter est bien étoffé. Mais, contrairement à ce que suggèrent certaines idées reçues, ce choc peut être porteur d’apprentissage et source d’entente, à condition d’être convenablement analysé. Car c’est dans la friction à l’autre que des traits fondamentaux de la culture vont faire surface et éclairer ainsi la compréhension de ce nous sommes. Ce constat a l’âge du monde mais ce n’est pas pour autant qu’il est acquis de tous.
Depuis trois ans, l’équipe d’ITECO se forme au travail en milieu interculturel avec Margalit Cohen-Emérique, docteur en psychologie et experte en relations et communication interculturelles qui mène, de longue date, un travail de mise en place d’une pédagogie de l’interculturelle adaptée, à l’intention notamment des professionnels de l’aide sociale, en France et ailleurs.
Parallèlement, nous intervenons régulièrement dans des stages de formation, avec des professeurs, des assistants sociaux, des professionnels de la santé ou des coopérants et des animateurs d’ONG, où la pertinence de sa méthode nous a été maintes fois confirmée.
L’article que nous vous proposons est une synthèse actualisée par l’auteur de deux textes qui présentent les fondements de sa démarche et l’illustration de la portée de ses résultats. Il sera d’une grande utilité notamment pour les professionnels de l’aide sociale et les acteurs de la coopération au développement mais aussi, espérons-le, pour l’honnête homme qui voit s’approcher son prochain et veux comprendre et être compris avant toute chose.
Le temps où l’on croyait que la rencontre interculturelle était une aubaine est bien révolu. Le temps du rejet devrait l’être aussi. Le temps de la création patiente d’espaces de dialogue entre personnes différentes est bien le nôtre.