Le Quotidien du Médecin, n° 8057 – Jeudi 23 novembre 2006 – Edition spéciale réservée aux psychiatres

PDG-Directeur de la publication : Dr Gérard KOUCHNER

Directeur de la rédaction : Richard LISCIA

ÉDITORIAL : « LA PSYCHIATRIE EN MANQUE DE MOYENS »

Le plan Santé mentale ne suffira pas, loin s’en faut, pour donner à la psychiatrie la place qui devrait être sienne : 25 % de nos contemporains ont souffert, souffrent ou souffriront d’une maladie relevant de cette spécialité, sans parler des symptômes dépressifs ou anxieux « ordinaires ».
Une contre-vérité circule selon laquelle la France compterait le nombre de psychiatres le plus élevé au monde : cela n’est vrai que parce qu’ici, sous ce titre, sont regroupés tous les professionnels ailleurs éclatés en psychiatres, psychothérapeutes, psychosomaticiens, neuropsychiatres. La réalité est que près de 1 000 postes de psychiatres hospitaliers sont inoccupés faute de candidats ! Et les restrictions budgétaires actuelles des hôpitaux n’épargnent pas la psychiatrie !
Dans le même temps, l’OMS et la Banque mondiale soulignent l’impact des affections psychiatriques : 5 figurent au top ten des morbidités toutes confondues. Et 15 % des dépenses de la Cnam sont imputées à la psychiatrie, 25 % des journées perdues pour cause médicale le sont pour motif psychiatrique.
Malgré ce contexte de sous-équipement, notre discipline progresse : grâce à la recherche et aux améliorations significatives de nos savoir-faire. Mais, un jour, il faudra bien finir par remettre les pendules à l’heure en donnant à chacun la possibilité d’exercer au mieux ses capacités au service des malades, qu’il soit infirmier, psychologue, travailleur social, psychiatre libéral ou hospitalier. Et les décideurs n’échapperont pas à l’évidente nécessité de privilégier le temps soignant en simplifiant tout ce qui peut l’être dans le domaine de la gestion.
La diversification des pratiques est une richesse potentielle de la psychiatrie contemporaine : il faut que se mettent en place des formations adaptées à l’exercice de la psychiatrie du sujet âgé, de la psychiatrie médico-légale, tout comme doivent se constituer des spécialisations dans les diverses formes de psychothérapies qui seront pratiquées non seulement par des psychiatres, mais aussi par des collaborateurs infirmiers ou psychologues.
Les avancées technologiques ouvrent de vastes perspectives pour la connaissance des fonctions ou dysfonctions contemporaines des symptômes de maladie mentale : l’imagerie, la génomique ou la protéomique sont des exemples. Il devient possible de présager une objectivation d’état psychopathologique guidant le diagnostic clinique et le choix thérapeutique. Cela aidera les soignants en psychiatrie à recentrer leurs activités sur les soins et l’accompagnement des maladies mentales, priorités face à d’autres actions telles que l’accompagnement psychologique des malades somatiques, des personnes âgées, ou encore des délinquants…
Notre discipline doit retrouver les moyens de ses missions pour que cesse la fuite des malades vers les prisons, pour que les handicapés psychiques soient accueillis dans des structures spécifiquement conçues et dédiées. A nous, psychiatres, de faire connaître nos savoirs et les limites de nos missions.

Pr. Jean-Pierre OLIE

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