Le tradipraticien face au malade : Comment favoriser la guérison par un contact authentique ?

Louis Casimir CAMARA.

CONCEPTION TRADITIONNELLE DE LA SANTE : Dans la tradition africaine être en bonne santé, ce n’est pas seulement être sans maladie, et en paix en nous-mêmes. C’est aussi bien nous entendre, avec ceux qui vivent autour de nous. C’est être en accord, avec toute la nature et toutes les forces. C’est être aussi en amitié avec les ancêtres, les esprits, et surtout avec DIEU. Ainsi, la santé n’est pas uniquement une question personnelle. C’est très souvent, une question de bonne relation avec les autres. Un chant tiré de la tradition malienne dit ceci :

« Celui qui n’a pas d’espoir, il n’est pas en bonne santé,

Celui qui est seul dans la vie, sans personne à qui parler,

Celui qui est sans père, ni mère, sans frère ni sœur,

celui qui n’a ni ami ni argent, il n’est pas en bonne santé »

La santé dans sa conception traditionnelle est un état d’esprit, une façon de vivre. Sur cette base, on considère chaque malade, non seulement comme un homme à soigner mais comme un membre de famille malade. On sait que lorsqu’on est malade c’est toute la famille qui est malade. Le malade n’est pas un cas, mais bien une personne, avec ses difficultés dans un milieu complexe et la coutume dans sa sagesse, nous rappelle qu’on ne traite pas un malade sans influencer son milieu.

D’où vient la maladie ?

La maladie, même organique vient toujours de la famille ; elle est voulue et acceptée par la famille, par les ancêtres dont le rôle essentiel est de protéger la famille contre tous les maux tant moraux que physiques. En résuméla maladie est perçue comme résultat d’une mauvaise relation du malade ou d’un des siens avec les chefs du groupe. Elle trouve sa cause en une personne lésée, vivante ou morte qui en vient au malade.

Quelles en sont les causes ?

La maladie peut être causée par les esprits de la rivière. Et surtout les sorciers ; ceux-ci envoient la maladie d’eux-mêmes, ou bien ils se mettent d’accord avec les esprits. Pour les anciens, la maladie peut venir des ancêtres. Par exemple si on n’a pas respecté les interdits, les tabous, ou même simplement les coutumes. Enfin, les morts peuvent aussi envoyer des punitions : on a oublié de leur faire des sacrifices, on ne les a pas enterrés comme il fallait, on ne leur a pas construit une belle tombe.

Comment le tradipraticien soigne-t-il ?

Tout d’abord on peut distinguer trois fonctions parfois combinées en une seule personne. Le devin : qui détermine les causes de la maladie Le féticheur (sorte de prêtre) qui intervient auprès des ancêtres pour que ceux-ci aient pitiédu malade en lui rendant sa santé. Le guérisseur qui essaie de guérir le malade avec des plantes médicinales ou pour certaines opérations. Tous les tradipraticiens ne soignent pas de la même manière. Parfois ils commencent tout de suite. D’autres fois, ils font d’abord parler la famille. Quelquefois, ils donnent seulement des médicaments. D’autres entrent en transes, et font des cérémonies. A d’autres moments, ils cherchent les sorciers. Quelquefois, ils donnent des protections, des gris-gris etc. … Le tradipraticien, ce n’est pas seulement, quelqu’un qui fait disparaître la maladie : il conseille, il enseigne, il soutient. Il connaît très bien les plantes, les feuilles, les écorces et les racines. Il les cuit, les fait sécher, les écrase, etc. … Cette connaissance des plantes qui soignent, c’est le résultat de l’expérience de toutes les générations passées, pendant plusieurs milliers d’années. Le tradipraticien dit « c’est Dieu qui a mis dans ces plantes, la force de soigner. Et il nous a donné l’intelligence nécessaire, pour que nous puissions nous en servir ».

En plus des plantes, le tradipraticien utilise des symboles : Le bois dur : pour rendre la force et résister à la maladie Une écorce lisse : pour rendre la peau douce et enlever les boutons Le bois d’un arbre très droit : pour remettre le malade debout ou le redresser Des plantes qui donnent beaucoup de fruits : pour lutter contre la stérilité. L’eau : qui est le signe de la vie, qui purifie Pour une femme, on puise l’eau au moment où la pleine lune apparaît parce que la lune est femelle. Pour un homme, au lever du soleil parce que le soleil est mâle. Le blanc : le signe des esprits

Dès fois, il souffle sur le malade, verse du sang sur lui ou des œufs Souffle-sang-œufs sont des symboles de la vie. Il peut aussi utiliser des objets comme : Un hameçon : pour accrocher le mal et le faire sortir du malade Un cadenas : pour enfermer la maladie

Ce que nous retenons ici, c’est la force des symboles. À travers tout ce qu’il fait, le tradipraticien cherche à rendre la confiance au malade.

Il agit, à plusieurs niveaux :

- Au niveau physique : il regarde le malade, il le touche, il lui parle, il le fait danser, etc…

- Au niveau de l’intelligence : il le questionne, il l’écoute, il lui explique d’où vient le mal.

- Au niveau du cœur : il rassure, il console, il soulage le malade, par des chants, par exemple.

- Au niveau de la mémoire : il rappelle à tous, les contes et les histoires des ancêtres

Quelques plantes utilisées en médecine traditionnelle.

- Ximenia americana . L : Pour les pulpites : par obturation Tasser la poudre de racine de ximenia americana dans la cavité de la dent cariée puis recouvrir entièrement cette dernière. Laisser en place toute la nuit et se rincer le lendemain. Pour les cellulites : par inhalation en fumigation : Faire bouillir les racines de ximenia americana avec des feuilles de piliostigma reticulatum(en wolof gigisou n’gigis) exposer la bouche ouvertes aux vapeurs pendant au moins 4 mn en prenant soin de bien se couvrir afin d’éviter la dispersion de la vapeur.

- Combretum glutinosum : Perrot ex D.C. (Combretacées) : En décoction:30 mg de feuilles dans un litre d’eau fait tripler la diurèse les premiers jours et permet une diminution de poids de la tension. Toux et bronchites : la même décoction de feuilles sucrées peut être utilisée comme antitussif. Pour diminuer les ictères dus aux hépatites, il est fréquemment associéàdeux plantes : Tinospora bakiset àCarica papaya.

- Euphorbia hoita L. : Contre : Les céphalées, Les dermatoses (bactériennes fongiques et diverses), La gale, Les maux de gorge, Les mots de ventre, Les poux de tête, La rougeole, Fortifiant (pour les jeunes enfants), Les Oxyurioses Guierasénégalensis

- Coeculus pendulus : Ictères Macérer une grosse racine dans un 1/2litre d’eau. Aphrodisiaque Boire tous les matins un verre de la même préparation. Parasites intestinaux L’infusion ou la décoction des feuilles Blennorragie et hépatite L’écorce des racines en macération dans l’eau.

- Cassia sieberiana(Cesalpinacées) : Diurétique et laxatif Faire macérer 100 grammes de feuilles ou de racines grattées de leur écorces dans un litre d’eau pendant 24h. Boire un verre le soir après le repas.

- Combretum micranthum : Diurétique et cholagogue On emploie 20g de feuilles en décoction dans un litre d’eau pendant une 1/2heure et on consomme dans la journée pour son action diurétique. En plus petite quantité et en infusion. Elle facilite la sécrétion du foie et améliore la digestion.

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