QUELQUES CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
Mythe ou réalité, l’école ethnopsychiatrique de Fann a suscité beaucoup de commentaires. La littérature qui lui est consacrée est abondante. Cependant, peu de travaux replaçant l’école de Fann dans son contexte évolutif se sont faits jour. Deux études s’inscrivent dans cette perspective :
l’une (Perspectives d’avenir de la psychiatrie en Afrique Noire) tente une approche socio-analytique. La personnalité marquante du Professeur Henri Collomb y est perçue comme ayant pesé de toute son autorité pour conférer à la psychiatrie au Sénégal une orientation particulière que l’auteur juge la meilleure possible, notamment l’ouverture sur les « villages psychiatriques » (Leuckx 1975) ;
l’autre (La folie colonisée) est orientée vers une analyse des transformations socioculturelles. Le consensus sur les interprétations des désordres mentaux se modifie au contact de la psychiatrie occidentale (Storper-Pérez 1974).
Deux faits marquants se sont dégagés de ces deux approches : l’influence décisive, sinon triomphante, de la psychiatrie occidentale d’une part, la perte de vitesse des guérisseurs traditionnels et le décalage des niveaux de compréhension de la maladie au sein des différentes générations du groupe social d’autre part.
Ces quelques considérations générales montrent que l’approche de l’ethnopsychiatrie au Sénégal pour être féconde, doit s’appuyer sur une méthodologie qui tienne à la fois compte d’éléments sociopolitiques et ethnopsychiatriques.
Le développement politique de Bertrand Badié est une illustration du courant de recherches sociopolitiques. L’auteur y dégage des modèles de développement, y livre des explications historiques et sociologiques proposées pour la formation des Etats modernes. Les travaux de Pye et d’Organski (cités par Badie 1980) sur le développement des systèmes politiques du Tiers-Monde sont dignes d’intérêts pour ce travail étant bien entendu qu’un choix politique a des répercussions certaines sur les institutions sanitaires d’un Etat.
L’approche ethnopsychiatrique introduit la dimension culturelle et autorise la compréhension des mutations institutionnelles, psychiatriques en particulier, à la lumière de la psychopathologie africaine.
Des travaux comme : « Oedipe africain » (Ortigues 1966), « L’interprétation et la thérapie traditionnelle du désordre mental chez les Wolof et les Lébou » (Zempleni 1968), « Essais d’ethnopsychiatrie générale » (Devereux 1970) sont assez représentatifs du courant ethnopsychiatrique africain.
Notre réflexion s’appuyant sur ces différentes thèses tente une lecture du discours ethnopsychiatrique des institutions de l’école de Fann et de leur fonctionnement.
INTRODUCTION
Durant la période coloniale, la nature des désordres mentaux chez l’indigène est souvent rattachée aux « démonopathies » ou aux délires religieux d’allure xénophobe ou à la « folie furieuse », expressions d’une prédominance diencéphalique du fonctionnement du cerveau de l’Africain (voir Porot cité par Fanon 1961). Jusqu’en 1938, il n’existe pas encore dans les colonies de l’Afrique occidentale française, sauf à Bingerville, d’asiles de fous. Aucune allusion n’est faite sur les possibilités de soins par les guérisseurs traditionnels. Le malade mental indigène n’est répertorié que lorsqu’il trouble l’ordre public colonial ou entretient d’une manière ou d’une autre des rapports avec l’administration coloniale (militaire, matelot).
A cette période de la colonisation incertaine pour l’aliéné indigène, fait suite l’école de Fann sous la direction du Professeur Henri Collomb. Le contexte sociopolitique de cette période, (notamment les revendications des pays colonisés pour l’autonomie politique et la reconnaissance de leur culture), a aidé Collomb à s’intégrer dans la dynamique culturelle indigène. Son oeuvre originale,l’école etnopsychiatrique de Fann est une reconnaissance de l’autre qui peut être différent.
HISTORIQUE
Le silence des Archives Nationales est assez révélateur du peu d’intérêt des médecins coloniaux vis-à-vis des désordres mentaux (voir A.N.S.). Pourtant, très tôt, le problème des aliénés s’est posé a l’administration coloniale, notamment la survenue de troubles mentaux au sein des troupes coloniales ; problème rendu difficile par la non-promulgation dans les colonies de la loi de 1838. Le sort réservé aux aliénés indigènes répertoriés est contenu dans un rapport du Directeur de l’intérieur qui décrit en 1886 leur situation catastrophique. Celle-ci va aboutir à leur déportation en métropole. Il n’existe, à cette époque, que quelques édicules qui sont de véritables prisons annexées aux hôpitaux généraux.
En 1912, au XXIIè Congrès des aliénistes et neurologistes de langue française à Tunis, des propositions sont faites par les rapporteurs Reboul et Régis pour la formation de psychiatres coloniaux civils et militaires, la législation sur les aliénés, la construction de locaux et d’établissements pour délirants, la cessation de tout transfert d’indigènes en métropole. Ces propositions sont restées lettres mortes probablement à cause de la première guerre mondiale. C’est peut-être pourquoi en 1917 à Saint-Louis, certains aliénés indigènes sont internés dans une prison par le procureur général chef de service judiciaire.
Le problème de la prise en charge des aliénés originaires des colonies par la métropole ou par la colonie d’origine s’est ainsi posé et a fait l’objet de plusieurs correspondances en 1918.
Un projet de construction d’un hôpital psychiatrique à Thiès en gestation entre 1922 et 1925 n’aboutit à rien. Toutefois la période d’après-guerre sera marquée par des propositions d’assistance psychiatrique en deux lignes correspondant aux troubles mentaux aigus et chroniques :
pour la première ligne, il s’agit de construire des pavillons dans l’hôpital pour aliénés européens très nettement distincts des pavillons pour indigènes ;
pour la deuxième ligne, il s’agit de rapatrier les aliénés européens et d’envisager l’organisation d’asile agricole (asile – village) pour les aliénés indigènes « parce que l’existence et le travail agricole sont pour l’aliéné un excellent moyen de distraction et de traitement » (Cazanove 1927). Quant à la formation du personnel psychiatrique envisagée, elle ne s’adresse qu’aux Européens.
En 1927, un premier travail d’ensemble, en matière de psychiatrie coloniale, est fait par le Docteur Cazanove. Une analyse des études citées par Cazanove décèle une différence dans les diagnostics portés sur les aliénés européens d’une part et indigènes d’autre part.
Les catégories de folie observées chez l’Européen transplanté en Afrique sont sensiblement différentes de celles observées chez l’indigène transplanté en Europe.
Chez le premier, trois catégories sont décrites :
. la première est identique à celle que l’on observe en métropole et comprend la manie-lypémanie, le délire de persécution et la paralysie générale ;
. la deuxième liée aux toxi-infections tropicales, revêt des allures de confusion mentale, de délire chronique ; d’asthénie et d’amnésie qui se rapprochent des toxi-infections observées en métropole ;
. la troisième est liée à l’alcoolisme et se produit sous forme de délire éthylique.
Chez les seconds, les indigènes, la démonopathie est le dénominateur commun des manifestations psychopathologiques africaines. Certains médecins font même remarquer que le délire de persécution religieux observé assez fréquemment comme entité morbide de caractère xénophobe est intéressant à étudier aux colonies au double point de vue historique et politique (Cazanove 1927). D’autres catégories sont également observées comme l’arriération mentale, les troubles de régression qui se rapprochent de la précédente et étroitement liés à la mentalité primitive. Ce glissement qui s’opère d’une catégorie nosologique à une catégorie psychologique amène à considérer l’indigène comme un aliéné sur la seule base de considérations psychologiques les meubles ou les compartiments psychiques de l’adulte indigène sont, il est vrai, d’une fabrication grossière et puérile, son psychisme est d’ordre fataliste… A partir de 12-15 ans, ses facultés d’abord assez ouvertes s’émoussent et dépérissent, la compréhension s’alourdit. Il se confine ou il se fige dans son infantilisme d’homme primitif. Désormais il ne dépassera plus le degré où l’a conduit le progrès rapide de ses jeunes années » (Cureau cité par Cazanove 1927).
Des thèses similaires sont reprises chez le nord-Africain par l’école psychiatrique d’Alger sous la plume de Porot « L’indigène nord-Africain dont les activités supérieures et corticales sont peu évoluées, est un être primitif dont la vie essentiellement végétative et instinctive est surtout réglée par son diencéphale » (cité par Fanon 196 1).
La catégorie des dépressions, « conséquences de la transplantation de l’indigène à la métropole est une preuve que l’indigène se montre ainsi incapable de s’adapter à un milieu jugé trop complexe pour lui. Comme les états de régression, il est vraisemblable qu’elles sont influencées par les nouvelles conditions de vie psychique dans lesquelles se trouve placé l’indigène sans aucune accoutumance antérieure comme si un habitant de la Gaule primitive se trouvait transporté dans une des rues de la capitale » (Cazanove 1927).
Les psychoses toxiques sont provoquées chez l’indigène par l’alcool, « l’opium », le chanvre indien, qui sont des poisons nationaux physiques et psychiques, et constituent un grave danger auquel il faut apporter un remède immédiat ; c’est là que doit porter le premier et le principal effort de l’hygiène mentale coloniale indigène.
Les psychoses toxi-infectieuses et parasitaires indigènes sont décrites mais également la « folie furieuse » réaction habituelle des manifestations psychopathologiques des âmes primitives… Enfin, « si la paralysie générale ne s’observe pas chez les indigènes, c’est qu’elle est un thermomètre qui peut servir à mesurer le degré de cérébralisation d’une race » (Régis cité par Cazanove – 1927). En 1938, les propositions de Tunis sont reprises au Congrès d’Alger et ont abouti à la création officielle d’un service d’assistance psychiatrique en AOF par l’arrêté du 28 juin de la même année.
Le premier psychiatre officiellement titré est nommé en 1952 responsable de l’ambulance du Cap-Manuel qui fait partie des édicules annexés aux hôpitaux.
Un service de neuropsychiatrie de statut fédéral est créé à Fann en 1956. Il est conçu dans la pure tradition asilaire, ses premiers malades viennent de l’ambulance du CapManuel, le Professeur Henri Collomb y est nommé chef de service neuropsychiatrique en 1958, deux ans avant l’accession du Sénégal à l’indépendance.
En 1960, l’héritage colonial en matière d’infrastructures psychiatriques se limite à l’asile psychiatrique de Fann, à quelques pavillons et cellules d’isolement annexés aux hôpitaux généraux de quelques centres urbains.
La pratique psychiatrique léguée par le système colonial a un fondement idéologique : le primitivisme. Elle est de conception essentiellement organique et met entre parenthèse la culture africaine. Le parallélisme est frappant entre la cécité de la psychiatrie coloniale face aux croyances traditionnelles et l’ethnocentrisme de l’ethnopsychologie coloniale noyée dans le primitivisme. Le contrôle de la folie n’a pas été un succès durant la période coloniale. En dehors de quelques aliénés répertoriés pour des raisons de proximité avec l’administration coloniale ou d’atteinte à l’ordre public colonial, la quasi totalité des aliénés indigènes reste entre les mains des guérisseurs traditionnels bien que ces derniers soient ignorés par l’administration coloniale.
PSYCHIATRIE POSTCOLONIALE
La période de décolonisation, à partir de 1960, est marquée par un changement d’attitudes vis-à-vis de la psychopathologie africaine. Il est assez révélateur que ce soit juste après l’Indépendance que la littérature ethnopsychiatrique change de ton pour s’intégrer aux guérisseurs. L’intérêt pour ces derniers s’explique en parties par le personnage original de Henri Collomb. La décolonisation en déplaçant le pouvoir a rendu possible le développement d’une situation de réciprocité, de reconnaissance de l’autre car « actuellement aussi bien pour l’Européen que pour l’Africain l’autre peut être différent. Cette prise de conscience d’un autre qui n’est pas semblable, peut être une source d’inquiétude ou de déséquilibre. Les conséquences sont assez claires chez l’Européen : le risque de maladie mentale et le taux de suicide chez l’Européen vivant en Afrique ont augmenté depuis la décolonisation. Il doit exister une situation comparable chez l’Africain » (Collomb 1965).
L’oeuvre de Henri Collomb est entamée par un doute investigateur qui prend forme à deux niveaux théorique et pratique :
Très rapidement, « le psychiatre européen travaillant en Afrique est confronté à l’existence d’une forme de pratique psychiatrique traditionnelle différente de la sienne ». Peu importe qu’elle soit qualifiée de « psychiatrie sauvage » ou « folklorique », l’essentiel demeure son efficacité » (Collomb 1965). Pourtant l’approche méthodologique des croyances traditionnelles liées à la folie demeure problématique. Deux possibilités s’offrent à l’investigateur étranger : ou bien la compréhension de ce phénomène en partie culturel passe par la littérature coloniale souvent ethnocentrique, ou bien elle passe à travers une expérience clinique très laborieuse : celle d’une tentative postcoloniale de réévaluation originale et féconde des thèses coloniales.
L’équipe multidisciplinaire de Fann, constituée à partir de 1960, a dégagé quelques concepts-clefs ; comme le phallus collectif, ancêtre inégalable, la rivalité déplacée sur fratrie dans une relation oedipienne que l’on veut universelle mais avec des manifestations particulières. Une théorisation des représentations des désordres mentaux distingue les « Rab » garant des lois et coutumes du clan, la sorcellerie- anthropophagie, le maraboutage (lui émerge dans des situations de rivalité) comme un éclairage nouveau des soins traditionnels en matière de santé mentale. Mais ces hypothèses, dégagées avec du matériel interprétatif issu d’un modèle culturel étranger, demeurent souvent inopérantes dans la tentative d’application à la situation thérapeutique ; elles favorisent néanmoins la réorganisation du fonctionnement institutionnel.
Auparavant il a fallu nécessairement se dégager du modèle médical qui a probablement conduit à la séparation entre la neurologie et la psychiatrie consommée en 1970. Pour l’équipe de Fann, cette séparation est une des voies à une situation transculturelle concrète et originale.
La réorganisation institutionnelle offre des signifiants culturels permettant aux malades de s’ajuster pour se restructurer :
aménagement de l’environnement des malades, village dans l’hôpital (Simon 1969) ;
hospitalisation extra-muros (Schurmans 1972) ;
admission d’un accompagnement du malade à ‘hôpital psychiatrique (Diop, Dores, 1976).
C’est également du refus de transposer simplement les modèles et méthodes occidentaux et du souci de tenir compte des conditions économiques et surtout socioculturelles que la pratique psychiatrique de Fann va conduire vers les villages psychiatriques, car comme dit Collomb « il est satisfaisant dans ce domaine de souligner l’oeuvre d’un psychiatre africain T.A. Lambo : la conception du village thérapeutique avec l’hôpital de jour est originale et féconde » (Collomb 1978).
Sur le plan législatif, la promulgation de la loi 7 580 du 9 juillet 1975, abroge le décret du 28 juin 1938 qui constituait le cadre juridique de l’assistance psychiatrique en A.O. F.*
En définitive, deux étapes semblent importantes dans l’élaboration de l’oeuvre de Collomb :
celle qui va de 1958 à la mise en place de l’équipe pluridisciplinaire aux environs de 1962. Cette première étape peut être qualifiée d’étape organiciste de la psychiatrie au Sénégal ;
celle qui va de 1962 à la « disparition » du Professeur Collomb en 1979, en passant par la séparation consommée en 1970 entre la neurologie et la psychiatrie peut être qualifiée d »‘ethnopsychiatrie » où Fann a tenté de faire école.
La neuropsychiatrie ou phase organiciste de la psychiatrie au Sénégal : 1958 – 1962
Difficile pour le psychiatre du pays colonisateur, durant cette période de préjugés raciaux, de se démarquer suffisamment de sa culture et de son savoir scientifique pour situer son malade africain de façon moins ethnocentrique. Il lui était plus facile de s’appuyer sur la conception organiciste des troubles mentaux que de s’approprier une « autre culture » qu’exige une idéologie humaniste malgré le début d’une reconnaissance de l’autre qui peut être différent.
La psychiatrie qui va se développer durant cette phase de transition politique sera d’orientation organique. Il s’agira bien d’un service de neuropsychiatrie qui appréhende les troubles mentaux comme conséquences d’un dérèglement neurologique.
Entre 1958 et 1962, sur un ensemble de 110 travaux de la clinique neuropsychiatrique, seuls 23 soit 2% sont consacrés à la psychiatrie avec souvent des références à une étiologie organique, notamment infectieuse et parasitaire. (Bull, Fac. Med. et Pharm., 1958 – 1962). Dans ces travaux, on peut remarquer une rupture radicale avec le primitivisme.
Au même moment le nombre des consultants présentant des troubles neuropsychiatriques passe de 500 à 5 000 par an.
Que signifie cette évolution spectaculaire de la demande d’assistance ? Alors que le centre neuropsychiatrique de Fann, équipé d’un appareillage thérapeutique moderne mais de conception relevant d’une image rigide, ses cellules d’isolement avec « oeil de sûreté », ses serrures et fenêtres compliquées » (Storper Perez 1974), serait perçu par les pouvoirs publics et les familles comme un lieu d’exclusion et de mort sociale du malade.
La réponse est peut-être dans l’évolution de l’attitude de la famille favorisée par les nouvelles exigences d’économie de marché qui font naître le désir d’efficacité. Le fou trouve de moins en moins de tolérance et la solution la moins coûteuse, surtout en milieu urbain, est l’asile qui assure hébergement et nourriture délivrant ainsi la famille d’un « poids mort ». D’autre part, peu nombreux et souvent débordés par leurs tâches quotidiennes, les premiers psychiatres ou neuropsychiatres n’ont pas pu consacrer tout le temps souhaité aux consultations externes trop nombreuses pour se prêter à une attention soutenue avec la rigueur voulue aux discours chargés culturellement des malades mentaux. Les soignants qui sont dans la grande majorité étrangers au contexte socioculturel de leurs malades d’une part et contraints par l’attitude des pouvoirs publics qui semblent opter pour le renfermement du « Fou » d’autre part, n’ont d’autre choix que de se réfugier dans une conception organiciste de la maladie mentale.
Les préjugés raciaux coloniaux encore vivaces, l’insuffisance du nombre des soignants devant un nombre de plus en plus croissant de consultants, l’attitude des pouvoirs publics et des familles dans le choix de développement économique au détriment du social en particulier de la psychiatrie, ne laissent que très peu de marge de manoeuvre au psychiatre étranger. Cette situation explique largement l’orientation organiciste des pratiques psychiatriques durant cette phase de transition politique au Sénégal.
Pourtant la nécessité d’une nouvelle pratique ethnopsychiatrique exige le plus scrupuleusement possible des informations sur toutes les dimensions concernant tant l’organisation familiale et sociale que les traditions religieuses, les moeurs et coutumes, les représentations collectives singulièrement celles qui concernent les maladies mentales.
Mais la collecte de ces informations, longue et laborieuse, ne peut se faire dans une conception organiciste de la folie, ni non plus dans un contexte de chronicisation, de rejet du fou par la famille et de son enfermement.
Il faut donc trouver un endroit d’hébergement des malades chroniques autre que Fann : le centre psychiatrique de Thiaroye, créé en 1960 et situé à 18Km de Dakar à vocation uniquement psychiatrique, a pour mission de « resocialiser » et de réentraîner au travail les malades chroniques.
L’école ethnopsychiatrique de Fann : 1962 – 1979
« L’assistance psychiatrique et l’hygiène mentale doivent s’inspirer des conditions socioculturelles propres à chaque pays en dehors des impératifs économiques » (Collomb 1965).
« … C’est donc en premier lieu, pensons-nous dans le développement des activités de recherches que doivent s’orienter les efforts. Compte-tenu de la multiplicité des faits, seules des équipes multidisciplinaires peuvent avoir une efficacité rentable » (Simon 1969).
« La formation de psychiatres africains demeure une impérieuse nécessité. Mais elle doit tenir compte des difficultés inévitables que rencontrent les praticiens dès qu’ils seront confrontés à l’exercice de leur art. Il ne s’agit pas de leur fournir un enseignement anonyme de théories et de techniques qui seraient universellement valables, ni « d’adapter » cet enseignement pour en faire un instrument hybride et incertain. Le problème est plus simplement de prendre en considération tout au long de leur fonction le conflit inévitable que représente leur choix et l’ambiguïté de leur position « (Simon 1969).
En 1962, les premiers jalons d’une autre conception de la psychiatrie sont dégagés par Collomb et Zempleni dans le travail sur « Résultats d’une préenquête sur les maladies mentales au Sénégal ». Les auteurs en essayant de saisir la représentation des maladies mentales et leur causalité… pensent que « les quelques résultats communiqués ne doivent pas donner lieu à des interprétations hâtives, ils proviennent d’une source peu contrôlée et ne se recoupent pas suffisamment. Ils apportent un certain nombre d’images et de notions qui, utilisées judicieusement peuvent servir de point de départ aux recherches qui vont être réalisées prochainement ».
En novembre de la même année, un groupe de recherche en psychologie clinique et en ethnopsychiatrie est intégré à la clinique neuropsychiatrique. La mutation en 1963 de l’institut d’études pédagogiques et psychosociales rattaché à l’Université en institut d’études psychologiques et sociales avec comme nouvelle orientation la sociologie politique a poussé les psychologues qui y sont rattachés à se tourner vers des recherches psychopathologiques. Ils vont grossir le groupe déjà constitué à Fann. Ce groupe de recherche en psychologie clinique et en ethnopsychiatrie, enrichi des psychologues de l’Université va constituer l’équipe multidisciplinaire. C’est le début d’une collaboration qui se donne comme objectif d’élucider un certain nombre de paramètres intéressant la mentalité de l’Africain, notamment :
les conséquences du portage sur la stabilité émotionnelle, sur la « solidité » de sa personnalité de base sur l’image de son corps ;
les conséquences de « l’absence » d’une image paternelle dans l’organisation de l’agressivité ;
la possibilité de prévention et de traitement des maladies psychosomatiques par des techniques de dynamique de groupe s’inspirant des méthodes traditionnelles.
La collaboration va déboucher sur le plan institutionnel à une sorte de pratique originale qui a fait école et dont l’originalité n’est pas dans une nouvelle conception de la nosographie mais dans une prise en charge particulière du malade mental.
Si l’on admet que l’ethnopsychiatrie est la ‘façon dont chaque société produit et consomme ses fous », l’on peut s’interroger sur la façon dont l’équipe de Fann conçoit la maladie mentale et traite les malades.
La psychopathologie
Elle est revue et réévaluée. Son approche est ‘antithèse ethnocentrique de la période coloniale. Elle est souvent sinon presque exclusive exclusivement d’inspiration psychanalytique. Des travaux comme Oedipe africain (Ortigues 1966), L’interprétation et la thérapie traditionnelle du désordre mental chez les wolof et les Lébou ait Sénégal (Zempleni 1968), L’enfant du lignage (Rabain 1976) sont décisifs et ont permis de dégager un certain nombre de concepts sur la mentalité de l’Africain :
En dehors de l’équipe, des travaux publiés dans la revue Psychopathologie Africaine ont émis quelques considérations psychanalytiques sur le « Moi de groupe » chez la personnalité africaine (Parin 1967) ;
La résolution du complexe d’Oedipe débouche dans la solidarité de fratrie. La rivalité avec le père est déplacée sur la fratrie, le fantasme de la mort du père tendant à se reporter sur l’ancêtre, c’est-à-dire un père déjà mort, inattaquable, inégalable. La figure paternelle tend à se résorber dans celle de la classe d’âge. Les positions agressives s’inversent en réactions persécutives (« Rab »*, sorcellerie anthropophagie, maraboutage) …
La rivalité de fratrie est surcompensée par une très forte solidarité, le souhait de dépasser ses « frères » ne pouvait pas s’exprimer directement (Ortigues 1966) ;
L’agressivité est peu investie dans des tâches de réalisations mais puissamment investie dans la parole. Le culte des ancêtres, à l’origine, une religion « animiste », s’est mué, au fil du temps en un rituel thérapeutique : le « ndepp » qui est le moyen ou le passage obligé pour accéder à l’ancêtre et à la Loi. Par des phases de mort et de renaissance symboliques, le malade qui a transgressé la Loi, aidé par le groupe, va se réconcilier avec son Rab et retrouver son équilibre cosmique (Zempleni 1968) ;
Le sevrage et certaines valeurs fondamentales des cultures africaines par « les jeux du corps à corps, les échanges de nourritures par des transitions subtiles dans un contexte culturel où l’enfant est perçu à la fois comme le double vivant de l’ancêtre mort et comme partenaire social, sont significatifs à cet égard. Ce double regard social et mythique posé sur l’enfant va façonner une personnalité adulte où s’affirment les valeurs fondamentales de la culture africaine par un système éducatif qui « vise moins à imposer la loi de l’adulte à l’enfant qu’à créer les conditions de prise de conscience et du respect de la loi des frères, des égaux » (Rabain 1979).
Cette nouvelle conception de la mentalité africaine est une révision des thèses racistes de la période coloniale. Elle reconnaît l’Africain dans sa différence à travers une éducation spécifique et non à travers le prisme déformant du primitivisme.
La clinique
L’application de ces nouvelles théories à la clinique ne manque pas de poser des problèmes. Elle n’a pas abouti à une typologie ethnopsychiatrique des désordres mentaux selon la typologie de Devereux (1970), ni à une pratique dérivée de cette typologie :
la nosographie classique est maintenue telle qu’elle, alors que les manifestations psychopathologiques révèlent des allures particulières (bouffées délirantes à thèmes persécutifs masquant des dépressions ; rarement de la mélancolie et absence d’auto-accusation, etc.) ;
L’absence d’une typologie ethnopsychiatrique d’une part et l’orientation d’un enseignement où la nosographie classique est de moins en moins prise en compte au profit d’une approche participative d’autre part, vont imprimer à la formation du psychiatre africain, un caractère hybride et incertain, d’autant plus que ces théories qui sont le fondement même de l’école psychiatrique de Fann essentiellement d’inspiration analytique ne sont pas toujours utilisables par le psychiatre africain non formé à la métapsychologie ;
les aménagements institutionnels qui vont intervenir sont plus le résultat de tentatives de copier les thérapies traditionnelles que l’application des résultats de la réévaluation psychopathologique ;
la réorganisation du service neuropsychiatrique dès 1966 sous forme de village-hôpital par la construction de cases à l’intérieur de l’hôpital en est un exemple ;
la même année une expérience de groupe dans un service deviendra le « pënc », puis la famille est introduite sous forme d’accompagnant ;
l’idée de village psychiatrique, inspirée par l’expérience de Lambo au Nigéria a germé très tôt en 1965 et se concrétisera en 1974 par la création d’un village psychiatrique en Casarnance.
Toutefois, l’idée de ces villages contrairement à celle de l’asile-village de la période coloniale s’est inspirée des conditions socioculturelles et économiques ;
une tentative de sectorisation sous forme d’un Dispositif Itinérant d’Assistance aux Malades Mentaux démarre en 1977 concrétisant de manière décisive le projet « sortir de l’hôpital ».
Ces aménagements institutionnels qui prennent forme diluent progressivement la relation duelle médecin-malade dans un réseau d’inter-relations collectives plus complexes. Selon Collomb et Simon (1969), il semble préférable de refuser autant que possible les solutions de type carcéral qui représentent une démission du groupe en devenir. Ces solutions, qui vont à l’encontre de tous les courants actuels, ont aussi l’immense inconvénient de bloquer très rapidement les services spécialisés encore peu étoffés des pays en voie de développement… Lorsque la réintégration effective du malade dans le groupe ne peut être faite, nous pensons qu’il convient de s’orienter vers des relations visant à sauvegarder chez les malades, les restes de la dynamique collective.
L’organisation des soins
Si l’on considère la maladie mentale comme un produit culturel, il faut bien admettre qu’à un certain niveau l’être bio-anthropologique rencontre nécessairement le conflit. A l’origine des perturbations neuro-psycho-physiologiques et des viciations des relations du malade avec autrui, on retrouve ce conflit. Mais l’efficacité relative des thérapeutiques biologiques, entraînant la sédation des perturbations, conditions nécessaires à une resocialisation du malade ou plus précisément à son enculturation, est le témoin de l’importance du versant physiologique.
« Ces produits ne doivent en aucun cas suppléer la mise en oeuvre d’une thérapeutique étiologique (conflit) ni retarder indéfiniment l’échéance des décisions nécessaires (sociales, familiales). Ils doivent seulement permettre de franchir le cap souvent difficile d’une situation urgente sans solution immédiate » (Collombs 1958).
Si en Afrique l’individu n’est pas le lieu exclusif de la vérité de sa maladie comme l’attestent les différents types de représentations traditionnelles (« Rab », sorcellerie, anthropophagie, maraboutage, etc.) l’école de Fann a raison de réaménager l’environnement des malades dans une direction participative.
La prise en compte de la dimension bio-psycho-sociologique de la maladie mentale situe l’organisation des soins à quatre niveaux : celui des traitements biologiques des psychothérapies, des sociothérapies et enfin du heu thérapeutique.
Les trois derniers niveaux s’inspireraient fortement des thérapies traditionnelles réinterprétées à la lumière de l’ethnopsychanalyse.
Le traitement biologique conséquence logique de la médicalisation de la folie est une constante dans la prise en charge de l’aliéné mental. Il permet au thérapeute de franchir le cap souvent difficile d’une situation urgente. Il est perçu comme le moyen de faciliter une action de psychiatrie de secteur en milieu rural. Avec les neuroleptiques à effet retard, son efficacité est confirmée en 1973 dans le cadre du projet « sortir de l’hôpital ». Perçue au début comme une solution à une situation d’urgence la chimiothérapie est reconnue par la suite comme moyen de faciliter la resocialisation de l’aliéné mental chronique.
La sismothérapie quant à elle, partie intégrante du traitement biologique apparaît comme un pis-aller dans l’oeuvre écrite de Collomb bien que son efficacité soit reconnue dans les dépressions endogènes. Comme la chimiothérapie, la sismothérapie constitue le tampon parfois nécessaire à une conception culturaliste des désordres mentaux.
Peu médicalisante dans l’idéologie assez médicalisante dans la pratique est-ce là l’ambiguïté de Fann ? Peut-il en être autrement devant les exigences des pouvoirs publics et des familles ?
Le lieu thérapeutique s’inspire de la psychiatrie traditionnelle et se concrétise à Fann d’abord par le village-hôpital puis par le pënc et enfin par le village psychiatrique.
Le lieu thérapeutique est comme le rendez-vous manqué entre le psychiatre et le thérapeute traditionnel. La tentative de Lambo au village Aro (Nigéria) qui utilise les guérisseurs comme surveillants, encadreurs d’activités de groupe et comme « homme de contact’ des enquêtes épidémiologiques, ne répond pas à leurs fonctions véritables, au contraire elle les éloigne de leur univers symbolique habituel. Que le guérisseur puisse travailler dans une même institution que le psychiatre, c’est une chose, que l’on puisse définir les conditions de leur coexistence en est une autre. Apparaîtra tôt ou tard la problématique non seulement du lieu institutionnel, mais également celle de la reconnaissance officielle de celui-ci qui le mettrait au même niveau que le psychiatre (Sarr 1981).
L’école de Fann n’a pas pu éviter le piège des guérisseurs qui opèrent dans un registre différent et qui ont pourtant largement influencé les psychothérapies que l’on veut d’inspiration analytique.
Les psychothérapies, d’abord conçues comme une relation-duel de soutien, vont vite être réaménagées au contact des psychothérapies traditionnelles et des thèses psychanalytiques sur la personnalité de l’Africain fortement marquée par le groupe (Moi – groupe et non-Moi – individu) (Parin 1967).
Le « pënc » (psychothérapie de groupe) se situerait a mi-chemin entre le « Ndepp » et le psychodrame. Le « Ndeep » s’enracine dans la religion et la tradition, s’épanouit en un culte complexe, tandis que le psychodrame se veut essentiellement libérateur d’une spontanéité captive.
La sociothérapie intègre la famille et la société par l’institution de l’accompagnant, du « pënc », du village-hôpital et du village psychiatrique.
CONCLUSIONS
La psychiatrie au Sénégal, comme partout ailleurs, est inséparable de la médecine. Elle a été prise en main durant la période coloniale par des médecins non-spécialistes dont les préoccupations, loin d’être humanitaires, n’ont pas permis de saisir la dimension anthropologique conflictuelle des désordres mentaux. Essentiellement influencée par des considérations ethnologiques ethnocentriques, sous-tendues par le primitivisme, leur attitude ne pouvait être que de négation du malade mental et de violence asilaire.
A l’accession du Sénégal à l’Indépendance, la reconnaissance de l’Africain dans son altérité, a permis de mieux comprendre la culture africaine et d’instituer une école ethnopsychiatrique au Sénégal dont l’originalité n’est pas dans la typologie des désordres mentaux mais dans l’intégration d’éléments culturels dans la prise en charge du malade mental.
Une problématique reste cependant posée : les psychiatres africains actuellement confrontés à cet héritage vivent le conflit de leur choix et l’ambiguïté de leur position car comme le souligne Collomb (1979), « il n’est pas confortable d’exister dans deux cultures à la fois, de saisir le monde avec un double regard« . Dans ces circonstances comment les psychiatres africains résoudront-ils ces déchirements au plus profond de leur être pour mieux faire face à l’avenir ?
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