L’école face au défi pluraliste par Martine Abdallah Pretceille

La carte socio et ethno culturelle de la société française a considérablement changé et interpelle l’école en tant que microcosme social. Ce constat pluraliste qui relève désormais de l’ordre de l’évidence commande de reposer les problèmes éducatifs par rapport à une référence sociale et culturelle plurielle et hétérogène, En effet, si la pluralité n’est pas une caractéristique originale, elle se pose en des termes différents car dans un contexte nouveau.

Auparavant, reconnue ou niée, la diversité s’inscrivait dans un système d’ordre et d’autorité. Ainsi, l’existence de sub cultures n’était pas considérée comme antagoniste avec l’idée de domination et de prégnance d’un modèle culturel sur les autres. L’inégalité des rapports ne mettait pas en péril l’homogénéité culturelle et la notion de cadre stable et unique de références s’imposait (ces remarques ne prétendent pas rendre compte de la valeur attribuée à cette situation de fait). La hiérarchisation, doublée d’une codification bien nette des comportements de chacun, pouvait donner l’apparence de la stabilité et de la cohérence sociale et culturelle.

Or, suite aux mouvements de libération et de décolonisation, les rapports de force entre les individus et les groupes ont considérablement évolué. En outre, l’accroissement des échanges et des communications, l’accélération de la mobilité sociale ont déstabilisé le système. La diversité s’accompagne d’une demande d’égalité et de respect (du moins dans les esprits et les aspirations). Elle déborde largement les clivages sociaux, nationaux et ethniques pour marquer, de façon indélébile, les rapports inter individuels et inter groupes. Désormais, à la pluralité par multiplication des univers culturels se substitue, ou plus exactement, se superpose une pluralité symbiose, une pluralité dynamique et interactive qui impose à l’individu et au groupe de nouvelles stratégies d’adaptation et de réponse. La co existence de modèles culturels, parfois contradictoires voire incompatibles, crée des conflits, multiplie les sources d’incompréhension et accentue les sentiments d’instabilité et d’incohérence. Des pratiques culturelles données sont de moins en moins l’apanage exclusif d’un groupe : emprunts, interférences, métissages, échanges, perturbent les « ordres » culturels, et l’orientation culturelle des individus devient de plus en plus difficile au sens où elle exige une objectivation de ce qui était, jusqu’à présent, vécu au niveau de l’implicite et du naturel.

Par ailleurs, la rapidité des mutations sociales, technologiques, économiques et politiques bat en brèche le principe d’une socialisation et d’une enculturation unique, durable et stable. La dynamique acculturative devient le processus normal d’évolution et d’adaptation.

Étudier les incidences, au niveau éducatif, de ces évolutions, constitue donc un impératif. L’école pourra telle continuera s’inspirer de et à reproduire un système monolithique et homogène alors que la société évolue vers la complexité, l’hétérogénéité et le pluralisme ? A l’éducation inculcation de normes et de valeurs s’ajoute une éducation apprentissage des modalités d’être et de vie.

Si la réponse peut être simple dans son principe, les modalités et les applications renvoient à un grand nombre de questions. L’accommodation d’un projet éducatif à la réalité pluri ethnique signifie t elle :

Une pluralité des cursus ? Une différenciation du matériel pédagogique selon la spécificité des groupes en présence ? Une diversité des conditions de travail ? (calendriers différents, des heures d’entrée et de sortie modulaires, etc.).

La mise en oeuvre de modalités particulières d’apprentissage supposées correspondre aux caractéristiques cognitives et culturelles des apprenants ?

L’introduction de méthodes pédagogiques différentes selon l’origine culturelle des élèves ? (Va t-on accordée à la discipline, l’autorité, aux châtiments corporels, à l’autonomie, la responsabilité… à l’écrit par rapport à l’oral, à la mémorisation, etc.).

L’apprentissage des cultures comme condition préalable à la compréhension d’autrui ?

La reprise ou le renforcement d’une éducation contre le racisme et les préjugés ?

ÉCOLE PLURIELLE OU PLURALITÉ DES ÉCOLES ?

A une école intégrationniste chargée d’assurer la convergence des cultures vers la culture dominante faut il substituer une école adaptée à la diversité des publics, c’est à dire une école polymorphe, atomisée et pluri normative ? En réalité, dans une telle perspective, les termes de l’alternative ne changent pas. En effet, le cadre de résolution du problème reste identique : il s’agit de déterminer qui s’adapte à quoi et à qui. L’école et son(ses) public(s) sont élevés au rang de forces antinomiques qui s’affrontent, s’opposent et s’annihilent mutuellement.

Le pluralisme est alors envisagé essentiellement comme la multiplication de systèmes culturels plus ou moins compatibles et hermétiques les uns aux autres, comme une mosaïque sociale sans cohérence qui aboutit, au niveau collectif, à une sorte d’anomie culturelle, c’est à dire une désintégration des normes perçues, présentées et/ou vécues comme dominantes. Cette coexistence de modèles débouche sur un relativisme absolu qui considère comme équivalentes toutes les formes culturelles. Isolement, enfermement sur soi et incommunicabilité caractérisent ce type sociétal qui permet, par ailleurs, de ne pas remettre en cause la hiérarchisation des rapports sociaux et l’inégalité des relations. L’apartheid est, malheureusement, une excellente illustration de ce modèle.

Réduite à n’être qu’une nouvelle Tour de Babel, l’école risque d’être victime de son ouverture. Dans cette optique, l’école se pluralise en se démultipliant mais les perspectives et les objectifs restent inchangés : inculquer des normes et des valeurs à des groupes, à la différence près que les groupes se multiplient et s’amenuisent. Reste à savoir si un tel éclatement répondrait fondamentalement à l’évolution d’une société, qui pour avoir un caractère pluriel n’en reste pas moins une société d’où la globalité n’est pas exclue.

Vouloir répondre au pluralisme en éducation en se contentant d’augmenter les cadres de références et en subdivisant le public scolaire en autant de sous groupes spécifiques repose sur un certain nombre de confusions et de méconnaissances.

L’accentuation de la diversité par le biais, entre autres, de l’immigration, ne se réduit pas à un phénomène accumulatif En effet, dans une structure donnée, l’introduction d’un ou plusieurs éléments nouveaux a des incidences sur l’ensemble des inter relations à l’intérieur même du système ainsi que sur sa configuration générale. Parmi les incidences du pluralisme sur les phénomènes sociaux et plus précisément sur la structuration identitaire des individus et des groupes citons :

- La prolifération des modèles culturels et le principe de différenciation élargie, c’est à dire que les hommes sont amenés à opérer des choix successifs et ce, selon un rythme de plus en plus accéléré. Cette multiplication d’alternatives présente, il est vrai, l’illusion d’une plus grande liberté mais engendre aussi une série d’insatisfactions dues aux possibilités abandonnées et surtout à l’angoisse inhérente à toute situation nécessitant une prise de décision et un choix. Apprendre à choisir, à réguler son parcours personnel et social constituent de nouveaux objectifs éducationnels liés directement aux profondes mutations sociales.

- La sélection de valeurs, de références culturelles est rendue d’autant plus difficile que la vie sociale s’organise à partir d’appartenances à des groupes voire à des sous groupes de plus en plus restreints. Ainsi, l’individu est il pris dans un véritable tourbillon d’appartenances groupales conjointes et/ou successives qui se sur ajoutent au jeu des statuts et des rôles, eux mêmes porteurs de codifications culturelles précises. Or, l’harmonie et la cohérence entre ces différents registres culturels est loin d’être assurée, d’où l’émergence de conflits de valeurs de plus en plus nombreux et violents. Assurer un équilibre entre ces différentes segmentations du Moi personnel et social représente une gageure d’autant plus difficile que cette opération est sans cesse à renouveler dès que les conditions objectives changent. La norme n’est plus dans la conformité à un modèle présenté et perçu comme stable et cohérent, simple et monovalent. Il s’agit d’apprendre à s’adapter aux situations, à maîtriser la dynamique sociale et les changements, en un mot à se socialiser au pluriel et donc à accepter des acculturations synchroniques et diachroniques. Apprendre à communiquer, c’est à dire à échanger et négocier des rôles et des représentations, apprendre à sauvegarder une cohérence et une identité personnelle au delà des mutations, du polymorphisme social et culturel, tout en évitant de s’enfermer dans une structure identitaire figée et monolithique constituent des enjeux prioritaires.

Le pluralisme culturel implique la mise en place de nouvelles logiques sociales et éducatives. L’interculturel a, en ce sens, une visée pragmatique car il constitue une tentative, non pas de réponse, mais d’analyse des situations auxquelles sont confrontés les individus et les groupes.

Mettre en oeuvre une pédagogie interculturelle ne signifie donc pas instituer une pédagogie spéciale destinée à un public spécifique (les migrants, par exemple), mais aborder les problèmes éducatifs et pédagogiques à partir d’un point de vue qui intègre les mutations actuelles telles que nous venons de les définir :

multiplication des alternatives, y compris des alternatives culturelles ;

gestion des appartenances multicatégorielles

dynamique du changement et fonction de la marginalité comme facteur d’innovation.

En fait, socialiser au pluriel et éduquer au futur.

LA PÉDAGOGIE INTERCULTURELLE ENTRE L’IDÉOLOGIE ET L’UTOPIE

La pédagogie interculturelle est perçue tantôt comme une forme d’éducation au service d’une société idéale où les conflits inhérents aux contacts entre groupes se présentant, ou se percevant, comme culturellement différents seraient résolus, tantôt comme un système d’idées et de valeurs cautionnant une uniformisation des références culturelles.

Entre l’idéologie et l’utopie, la pédagogie interculturelle a du mal à se démarquer d’une certaine forme d’activisme qui était l’apanage des promoteurs des activités interculturelles mises en place dans le cadre de la scolarisation des enfants de migrants. Tentative de réponse à une scolarisation considérée comme difficile ou forme de lutte contre des résurgences du racisme et de l’intolérance, l’interculturel à l’école est trop souvent présenté comme un modèle à finalité sociale et/ou politique. Réduites à une forme doctrinaire de la pédagogie et donc entachées d’affectivité et de passion, les activités interculturelles suscitent des réactions de rejet ou de défense.

Polémique vaine car les transformations du tissu social demeurent. Certes, l’immigration a servi de révélateur. Par son effet « loupe et miroir », elle a systématisé des interrogations et rappelé l’urgence et la nécessité de résoudre les problèmes. Ces interrogations ont, toutefois, dépassé depuis longtemps le cadre migratoire. Rappelons, à titre indicatif, les points de focalisation de l’interculturel dans le domaine éducatif, sans oublier le champ psychiatrique qui constitue, par rapport au monde éducatif, une préfiguration exemplaire de l’approche interculturelle (se référer aux travaux de G. Devereux et T. Nathan). Notamment :

- Éducation aux Droits de l’Homme ;

- Enseignement des cultures dans le cadre de l’enseignement des langues vivantes et notamment du français langue étrangère ;

- Lutte contre le racisme – Échanges linguistiques – Scolarisation des enfants de migrants…

Le dénominateur commun de ces axes éducatifs n’est certes pas l’immigration, mais l’altérité dans toutes ses composantes et sous toutes ses formes. La découverte de l’altérité constitue un enjeu pour l’éducation, non pas que l’Autre ait toujours été absent de la socialisation et de l’éducation, mais l’évolution des structures sociales, économiques et politiques nécessite de poser la question de l’Autre selon une nouvelle problématique, dont l’approche interculturelle représente une des modalités possibles.

L’interculturalité ne définit donc pas un attribut de la pédagogie mais une tentative de dépassement du culturel. Face à un écrasement des normes, à un effacement des repères suite à l’interpénétration des systèmes et leurs mutuelles contaminations, face à la fragmentation du réel en une multitude de réalités synchrones et parfois contradictoires, l’appel au culturel répond souvent à une volonté de re-ritualiser les pratiques et les rapports sociaux, de redéfinir de manière normative la place et le lieu de chacun dans un souci (conscient ou non) de réduire l’angoisse provoquée par une banalisation de l’étrange et le dépassement permanent des frontières. Cette résurgence du culturalisme à l’école comporte des risques d’enfermement et d’éclatement du système scolaire par atomisation de l’école en une multitude d’unités scolaires irréductibles les unes par rapport aux autres. Ceci est une conséquence directe d’un relativisme culturel posé dans l’absolu, en dehors de toute conception globale, ce qui ne signifie pas totalisante. Un groupe, une école, telle serait la forme absurde d’une stricte doctrine orthodoxe du relativisme.

Si, donc, la diversité et la pluralité ne doivent donner lieu ni à un pluralisme des formes, ni à une homogénéisation par rejet et négation des différences, comment l’école peut-elle intervenir ? La question se pose à deux niveaux, celui des objectifs et des contenus d’enseignement et celui de l’acte éducatif en tant que lieu et forme de communication et d’inter-action sociale.

DE LA PLURALITÉ DES OBJECTIFS ET CONTENUS À L’APPROCHE INTERCULTURELLE

L’école doit-elle mettre au point de nouveaux objectifs éducationnels tels que la connaissance d’autres cultures, par exemple ? La réponse est claire et sans ambiguté : NON. En effet, la détermination de nouveaux objectifs ne préjuge en rien de la manière dont ceux-ci peuvent être appréhendés. L’étude des cultures peut parfaitement être abordée d’une façon classique, en privilégiant la connaissance au détriment de la compréhension, la nature déterministe et unilinéaire des comportements culturels par rapport à la notion de construction dynamique et inter-active de la culture…. en un mot, en s’inspirant d’une approche connotée par une ethnologie adjective construite à partir de catégories attribuées. De fait, ce ne sont pas les contenus qu’il s’agit de rénover mais leur mode d’appropriation, suivant en cela l’évolution des Sciences Humaines, les mutations du tissu social, politique, économique, et surtout les rapports entretenus entre les groupes intra- et inter-nationaux.

Si la reconnaissance du fait culturel et l’introduction de la culture comme variable et composante de l’acte éducatif doivent servir à cautionner des pratiques de formation révolues car fondées sur une science déterministe, unicausale et catégorisante, alors il vaut mieux abandonner toute tentative en ce sens. L’accent doit être porté sur la méthode ainsi que sur les garde-fous méthodologiques.

Apprentissage de la décentration, reconnaissance de la diversité, y compris de la diversité culturelle, maîtrise et objectivation du changement, de la subjectivité personnelle au service d’une mise en perspective objectivée, travail sur les ruptures et les discontinuités caractérisent l’approche interculturelle tout autant que l’approche historique, tout au moins de son approche actuelle. De fait, le parallélisme entre les deux démarches est saisissant et, loin d’invalider le discours interculturel, lui donne au contraire une source supplémentaire d’opérationnalité.

Marc Bloch écrivait déjà, en 194 1, dans Apologie pour l’histoire (1) que

« l’objet de l’histoire est par nature l’homme. Disons mieux les hommes. Plutôt que le singulier favorable à l’abstraction, le pluriel qui est le mode grammatical de la relativité, convient à une science du divers. »

De même, H.1. Marrou considérait que

« la compréhension des documents relatifs au passé… n’est pas différente, d’un point de vue logique, de la compréhension des signes et des indices qui nous rendent possible la reconnaissance d’autrui dans l’expérience du présent (2). »

Ainsi, alors que l’histoire permet une mise en perspective dans le temps, l’approche interculturelle s’inscrit dans une synchronie, il est vrai parfois conflictuelle.

Les cadres épistémologiques dans lesquels s inscrivent les démarches, historique et interculturelle, sont analogiques et reposent sur une série de dualités telles que :

La nécessité d’appuyer l’analyse sur des informations ponctuelles à caractère parfois anecdotique voire exotique, tout en soutenant le raisonnement par une synthèse globale qui évite les écueils d’une dérive vers l’idéologie ou le vide empirique.

L’équilibre entre un subjectivisme radical enlisé dans l’ethnocentrisme ou le sociocentrisme et un relativisme généralisé et absolu. L’un et l’autre débouchant sur une incommunicabilité par enfermement sur soi ou par une irréductible différence.

La dialectique entre le singulier et l’universel. « L’histoire n’a pour acteur réel que les individus… ; mais chacun de ces acteurs agit à la fois comme homme général comme homme temporaire et enfin comme caractère singulier (3) ». L’une des hypothèques les plus difficiles à lever pour l’intégration de la variable culture dans le cadre éducatif et pédagogique est justement la généralisation abusive, le passage d’une individualité réelle, complexe, présente, à une catégorie plurielle, abstraite, simpliste, réductrice. Cette prolifération d’entités exsangues : la bourgeoisie, le prolétariat, les Arabes, les Méditerranéens, les Africains… qui, si elles sont sorties de leur contexte, de leurs manifestations complexes, ne peuvent conduire qu’à une vision stéréotypée, figée et déconnectée du réel. Le fait culturel, comme le fait historique, ne doit pas être isolé de son lieu de production et d’énonciation.

En histoire, comme dans l’approche interculturelle, le fait, c’est la différence, ou plus exactement les différences et, par-delà, la perception et la reconnaissance de soi. ,, La compréhension historique consiste à saisir le différent à partir du semblable ou le semblable à partir du différent (4). » Le passé dans ce cas, la rencontre d’autrui dans l’autre constituent l’expérience de l’altérité. Cependant, alors que la mise en scène de l’altérité et de l’étrangeté peut être optionnel pour l’histoire, elle est, actuellement, un enjeu quotidien. Obligation est faite d’apprendre à analyser puis à gérer la réalité pluriculturelle.

L’approche interculturelle ne vise pas à extraire le culturel, mais à retrouver celui ci dans l’expérience concrète et la complexité du quotidien. Et si l’histoire sous tend méthodologiquement l’approche interculturelle, celle ci ne peut s’y cantonner. La pédagogie interculturelle n’a pas d’objet particulier et correspond davantage à une grille de lecture des problèmes éducatifs et pédagogiques tels qu’ils se posent en fonction des mutations sociales et culturelles.

CULTURE ET ÉCHEC SCOLAIRE

Les explications de l’échec scolaire par une appartenance culturelle particulière relèvent d’une conception déterministe, uni causale et donc simpliste. De même, l’idée d’introduire un apprentissage spécifique supposé correspondre à une structure cognitive donnée correspondant à tel ou tel groupe culturel repose sur une logique d’amalgames entre des similitudes partielles et des lois présentées comme générales. Ainsi, par exemple, il est souvent reproché aux tenants de la culture arabo musulmane de ne pouvoir accéder à la culture scientifique sous prétexte que l’éducation coranique fait exclusivement appel à la mémorisation et non à l’analyse et la réflexion. Ce type d’assertion relève davantage du préjugé que d’une vérité démontrée et démontrable.

Cependant, il faut regretter que les recherches actuelles sur les structures cognitives soient abusivement mentionnées pour cautionner ces considérations hâtives préjudiciables à la découverte de l’altérité sur le registre de l’égalité. L’observation de régularités, dans les faits ou les traits, n’autorise aucunement à passer à une généralisation par extrapolation du particulier. L’apprentissage par mémorisation intensive par exemple, n’est pas l’apanage exclusif de tel ou tel groupe, ou de telle ou telle personne, même si ce trait est couramment observé. Force est donc d’apprendre aux acteurs sociaux, et aux enseignants en particulier, à rester au niveau du constat et de s’interdire toutes les synthèses intégratives construites sur une hypothèse voire un mythe identitaire. L’universalité n’est pas du même ordre que la généralisation, bien que ces deux notions soient souvent confondues dans la pratique. Tout acte humain, quelle que soit sa dimension, historique ou culturelle, porte le triple sceau de l’universel, du temporaire et du singulier.

ATTENTION DÉRIVES ! ! ! !

L’approche interculturelle nécessite de surmonter l’alternative entre le conjoncturel et le structurel, l’accidentel et le permanent, l’inconscient et l’intentionnel, le marginal et le général. Elle implique, comme en histoire d’ailleurs, de repousser en permanence les certitudes pour admettre le probable comme modalité de la connaissance. Remarquons à cet effet que les prudences méthodologiques sont développées essentiellement quand il s’agit de mettre en scène son groupe d’appartenance et sont, par contre, évanescentes quand autrui est objet du regard et du discours. Ce qui est relatif à soi est souvent présenté comme complexe et nuancé alors qu’autrui est plus facilement identifié et catégorisé. Le « Eux » est plus rapidement caractérisé que le NOUS. Autre écueil de la démarche interculturelle : la tentation de trouver une cohérence, souvent artificielle, à l’objet culturel alors que seules les contradictions, les ruptures et les discontinuités le spécifient. L’homogénéité n’est qu’un leurre. Par ailleurs, la grande fréquence des incohérences à l’intérieur des systèmes culturels se trouve aggravée par la co présence d’entités différentes à partir desquelles les individus produisent des combinaisons, ne retenant que des bribes culturelles de l’un et l’autre système.

Ainsi, mieux vaut apprendre à observer et analyser, à partir de points de vue différents voire contradictoires, que de rechercher à tout prix des entités harmonieuses qui ne sont souvent que des chimères, succédanés du mythe du paradis originel. Apprendre à travailler, non pas sur des unités abstraites (la maison, la ville, la santé, …) mais sur des faits, des phénomènes ancrés dans le quotidien et des contextes diversifiés. L’enseignant travaille avec des individualités singulières et non pas des représentants arbitraires de telle ou telle culture. Avant d’être « un Arabe, un Africain, un Asiatique… », l’élève a un nom et un prénom, formes suprêmes de l’individualisation. Ainsi, l’enseignant s’attachera à présenter les faits culturels dans des contextes variés en fonction de la région, du lieu social et économique, du temps… La cérémonie du mariage sera présentée, non pas à partir d’un seul modèle, mais en jouant sur les variations régionales, sociales, religieuses, économiques, selon les modes, etc. De même, le statut de la femme et son rôle dans la société sera perçu à travers des situations contradictoires : la publicité, l’indépendance professionnelle, l’égalité des droits mais aussi… les inégalités de salaire… Et si le chien se retrouve dans des expressions populaires comme « temps de chien », « vie de chien », … il n’en est pas moins vrai que celui ci fait actuellement l’objet d’une focalisation sociale et affective, parfois proche de la pathologie d’ailleurs. Les contradictions, les variétés sont plus riches d’enseignements que les présentations monolithiques qui ne sont que des visions monoculaires et donc souvent partielles sinon partiales.

Chercher à appréhender des situations problèmes en s’appuyant sur la diversité et l’hétérogénéité plutôt que de s’imaginer une situation normée, censée représenter la moyenne et qui, en fait, n’est qu’une manifestation édulcorée, banalisée voire mystifiée de ses propres représentations stéréotypées.

Si l’approche des autres cultures ne fait que renforcer ou développer les préjugés, mieux vaudrait en abandonner toute mise en oeuvre. Face au fait migratoire et à l’émergence du pluralisme, les acteurs sociaux et éducatifs ne doivent surtout pas répondre par des stratégies unitaires et d’enfermement, par une sorte de « behaviorisme culturel », par un endiguement et une focalisation sur le culturel. En conclusion, « l’interculturel » se définit, non pas en termes d’objectifs ou de publics particuliers, mais comme une modalité d’analyse et d’appropriation des problèmes issus d’une situation pluraliste.

POUR UNE ÉDUCATION DE LA PERSONNE

Face au développement technologique et scientifique, l’école répond par la multiplication des objets d’études. Certes, s’il ne saurait être question de remettre en cause une telle orientation, il est cependant nécessaire de reconnaître que la dimension du progrès est absente. Tout se passe comme si les phénomènes humains subséquents aux mutations techniques et sociales étaient de l’ordre du naturel et de l’évidence, du systématique et de l’implicite. Or, la complexité du réel humain et social, dont une des caractéristiques actuelles est la co existence de plusieurs systèmes culturels différents, est une donnée d’autant plus délicate à saisir que ses éléments évoluent de façon hétérogène et avec une grande rapidité de mutation.

La nécessité de proposer aux individus une théorie qui organise les informations, structure les pratiques s’impose donc. Par théorie, il ne s’agit pas d’idéologie, mais d’une herméneutique susceptible de favoriser la compréhension des phénomènes. Remarquons, à ce titre, que c’est justement au moment où les mutations sociales et humaines sont les plus fortes, au sens de plus déstabilisantes, que l’école s’enferme, au nom d’une « neutralité », dans le non engagement et dans un vacuum théorique.

Répondre au seul niveau de l’information et par une simple accumulation de connaissances ne servirait qu’à cautionner une démarche où primeraient le positivisme, les interprétations causales et le culturalisme. Il suffirait de se référer aux demandes de plus en plus nombreuses d’informations sur les systèmes culturels dans l’espoir de répondre par la connaissance à des problèmes de scolarisation en milieu hétérogène.

Pourtant il faudrait, ni se contenter d’additionner les faits, ni confondre constat et compréhension. La compréhension nécessite une théorie. Constater le pluralisme n’implique pas nécessairement sa compréhension, encore moins sa maîtrise. L’inter culturalité pourrait constituer, dans cette perspective, une théorie qui, si elle ne veut pas sombrer dans une tautologie expérientielle, c’est à dire dans la seule verbalisation de son expérience personnelle, ou dans l’idéologie, ne peut que se situer dans une alternative, sans cesse renouvelée et reformulée, entre l’universel et le singulier. En effet, se contenter de décrire son expérience ou son parcours personnel (cf. la vogue actuelle pour les biographies et/ou leurs équivalents scientifiques, les histoires de vie), comme le font beaucoup de rédacteurs de compte rendus d’activités interculturelles, ne peut masquer le vide théorique.

APPRENDRE À COMMUNIQUER

En termes de formation, cela revient à apprendre à s’intéresser aux processus ainsi qu’à la dynamique du changement, aux inter relations plutôt qu’aux contenus culturels. Afin de ne pas réduire autrui à l’état d’abstraction culturelle, on apprendra, par exemple, à analyser les stratégies défensives et offensives mises en place par les individus et les groupes pour faire face à une formation sociale composite et hétérogène, stratégies telles que les revendications rigides d’une identité passée ou à venir, les phénomènes de compensation construits à partir d’une maximalisation des avantages et des intérêts en juxtaposant des traits culturels à signification contradictoires, les manifestations d’angoisse et leurs formes dérivées comme l’agression, le rejet ou le repli sur soi… En un mot, il s’agira d’appréhender tous les mécanismes consécutifs au polymorphisme culturel. Les travaux de C. Camilleri constituent, à ce titre, la base même d’une formation centrée sur la personne, non pas au sens égotique du terme mais à celui de l’acteur.

Une autre conséquence, et non la moindre, de cette évolution plurielle du corps social est la nécessité d’apprendre à communiquer. Dans la mesure où communiquer suppose partager un certain nombre d’implicites, la communication perd son caractère d’automaticité et de naturel pour devenir l’enjeu d’un apprentissage et d’une objectivation.

Première étape, sans doute : reconnaître et admettre l’hétérogénéité, ainsi que la pluralité, non pas comme des épiphénomènes ou des composantes parasites, mais comme la norme.

Second impératif : développer la capacité de percevoir les éléments significatifs de la situation de communication tout en évitant les phénomènes de filtre culturel. Or, une des caractéristiques de la variable culture est justement son absence de signification systématique. Elle n’a de valeur interprétative qu’à partir d’un ensemble c’est à dire d’un contexte marqué par le social, le politique, l’histoire, le psychologique… Apprendre à communiquer revient donc à percevoir et à développer des capacités d’analyse et de synthèse, à faire face à la plasticité du comportement culturel en évitant le mythe de la filiation et de l’origine, en évitant aussi la démarche totalisante qui consiste à rechercher à tout prix un sens, une valeur unique et significative, notamment d’ordre culturel. Discontinuités, mutations, ruptures et seuils représentent les nouveaux éléments de l’alphabet social et communicatif : véritable révolution copernicienne qui ne peut s’opérer sans apprentissage, sans systématisation ni objectivation. La nécessité d’introduire les Sciences Humaines dans l’éducation s’impose donc, non pas seulement au niveau de la didactique des disciplines mais de l’éducation en tant que processus de formation de l’individu dans sa dimension éthique, sociale et personnelle.

C’est ainsi que les objectifs de socialisation, maintes fois mentionnés dans le cadre de l’école élémentaire, peuvent, désormais, prendre un caractère véritablement opérationnel et sortir des déclarations d’intention vagues et finalement trompeuses car ne s’appuyant sur aucune démarche précise, ni surtout sur aucune théorie censée rendre compte des pratiques sociales et culturelles.

Outre les procédures, déjà connues mais pas nécessairement mises en place, de rencontre, de socialisation par le travail de groupe…, il conviendrait de mettre en oeuvre, en s’appuyant sur des outils issus des sciences humaines appliquées, des initiations progressives au codage et décodage social et culturel. Certes, l’approche serait plus ou moins rationalisante et objectivante selon l’âge des enfants. Ainsi, par exemple, la notion de culture peut être appréhendée dès l’école primaire par des jeux de simulation tels le BAFA BAFA, « l’île » ou « l’immeuble » (5) qui ne nécessitent aucune objectivation mais permettent de concevoir la notion de code culturel, de représentation et même de conflit culturel.

A l’âge de l’adolescence peuvent être abordées, par une analyse plus maîtrisée et mieux verbalisée, les situations de crise et de conflit, l’identification des attitudes et des valeurs à travers, non pas des descriptions ethnographiques, mais des situations groupales vécues. Rappelons, à cet effet, que les tentatives de personnalisation trop précises de ce type de problème à partir d’études de cas tirées du groupe classe comportent des risques de réaction de défense susceptibles de perturber l’analyse. Par contre les romans, les autobiographies, les récits de vie, par leur valeur d’exemplification réelle mais distancée, favorisent et stimulent la réflexion impliquante, sans sombrer dans une psychologisation hâtive et, pédagogiquement, hasardeuse.

De même, les activités expérientielles (Réf. UNESCO) (6) suggèrent des modalités variées, structurées mais souples pour développer conjointement le vécu de groupe et l’objectivation du processus.

Socialiser l’enfant, c’est lui donner des outils de repérage, c’est lui apprendre à se reconnaître, à reconnaître autrui dans un processus d’échange identitaire, c’est lui apprendre à surmonter les divergences, les contradictions, à maîtriser les conflits relationnels, c’est lui permettre de se situer dans un réseau mobile et en perpétuelle mutation.

APPRENDRE À ÊTRE UN ACTEUR DE SA SOCIALISATION ET NON PAS SEULEMENT UN PRODUIT

L’éducation interculturelle ne saurait être un succédané d’une idéologie, même anti raciale. Elle relève plutôt d’une modalité d’analyse et d’appropriation des problèmes et des situations ainsi que d’un apprentissage à être, et plus précisément à être sur les plans social et relationnel. La culture n’est pas, dans cette optique, définie à partir d’un ensemble de qualités attribuées mais comme un phénomène de communication. Or, le communicationnel et le relationnel ne font pas l’objet d’une éducation et d’un apprentissage spécifique et structuré. Considérés comme relevant de comportements spontanés, ils sont évacués de la formation. Hormis les intentions de socialisation, qui ne se concrétisent pas par la mise en place d’actions véritablement opérationnelles et efficaces, l’école oblitère le sujet social. Dans un contexte relativement stable, voire statique et homogène, sinon monolithique, on peut effectivement considérer que l’enfant, puis l’adolescent et l’adulte apprendront par mimétisme et imprégnation à prendre leurs marques sociales, à s’initier au codage socio culturel, en un mot, à se repérer dans un réseau relationnel qui, s’il peut être complexe, n’en reste pas moins facilement décryptable du fait de sa pérennité.

Les dynamiques sociales actuelles se caractérisent par leur nombre, leur précipitation et leur précarité. Chaque individu est amené à opérer une, voire plusieurs acculturations successives et parfois même synchrones, ne serait ce qu’au seul niveau professionnel et géographique. Apprendre à gérer le changement et la complexité du réel social représente en fait, à côté des défis technologiques, les enjeux éducatifs. Le culturel n’intervient dans cette éducation que comme une variable supplémentaire qu’il est nécessaire de prendre en compte.

DIVERSITÉ CULTURELLE ET APPROCHES DISCIPLINAIRES

Ainsi défini, « l’interculturel » ne justifie pas la mise en place de nouveaux apprentissages disciplinaires. Les disciplines, comme l’histoire, la géographie, les activités d’expression peuvent être abordées dans une perspective interculturelle. De même, les apprentissages sociaux, qu’il s’agit de promouvoir, ne peuvent que prendre en considération les définitions inter culturelles que se renvoient les protagonistes.

« Ce qui s’impose au premier rang, c’est le bouleversement continu des paysages sociaux et culturels, la complexité croissante du réel et, en conséquence, l’impossibilité d’épuiser son interprétation par simplification théorique ou idéologique (7). »

L’histoire constitue un excellent tremplin à l’éducation à la décentration et une mise en perspective des phénomènes. Des ouvrages comme L’histoire racontée aux enfants (8) illustrent parfaitement cette nécessité de restituer, non pas une image, mais des images, telles qu’elles sont perçues par les nations et/ou les groupes sociaux. Il ne s’agit pas de prôner un relativisme absolu qui poserait comme équivalentes toutes les réponses historiques mais d’apprendre à reconnaître des valeurs, ses valeurs (individuelles et/ou collectives) parmi d’autres. L’objectif n’est pas de nier toute forme de centrisme mais d’apprendre à le repérer et à l’objectiver.

Les arts plastiques dont l’un des objectifs est de permettre à chacun de trouver sa propre forme expressive, en rompant avec les images et les représentations stéréotypées, ne peuvent que gagner à s’appuyer sur les modalités expressives des autres groupes. La valeur du rouge, par exemple, n’a pas les mêmes significations selon les cultures. L’intensité de la couleur, ses variations ne sont pas systématiquement perçues d’un groupe à l’autre (parallélisme avec les sons des langues étrangères). De même, les miniatures persanes exigent une éducation du reeard pour le non initié. En offrant une panoplie diversifiée, les enseignants peuvent répondre à un double dessein :

- Permettre aux enfants, qui le souhaitent, de renouer ou de se reconnaître dans des schémas émotionnels et expressifs partagés par la famille (rappelons que l’éducation interculturelle ne se définit pas par rapport à cet objectif de renouer avec « ses racines » mais qu’elle peut, par contre, en constituer un effet indirect).

- Dépasser, par des propositions concrètes, l’injonction réitérée, sans succès d’ailleurs, de faire preuve d’imagination. Celle ci n’est pas une fonction naturelle et spontanée, elle se travaille. L’histoire de l’art est riche d’emprunts culturels divers et les influences culturelles sont à la source de la création.

Le balisage des différentes disciplines pourrait être ainsi poursuivi, mais en vain. L’idée force est d’intégrer la double dimension de l’altérité et de la pluralité dans le contenu des enseignements. Changement d’optique et mutation méthodologique plus qu’enseignement spécial et spécialisé, la pédagogie interculturelle n’est pas, en ce sens, synonyme de déracinement au nom d’une adhésion à un cosmopolitisme superficiel et, pédagogiquement, hasardeux.

L’interculturalité vise donc à une intelligibilité des mutations sociales en s’appuyant sur l’altérité, c’est à dire sur la dialectique du Même et de l’Autre, tout en évitant de sombrer, soit dans l’atomistique par un inventaire d’aspects singuliers et irréductibles (volonté de définir des caractéristiques culturelles de tel ou tel groupe … ), soit dans l’intégralisme, par l’élaboration de grandes synthèses fondées sur le culturalisme qui repose sur l’hypertrophie d’une signification unique, la culture présentée comme justificatrice de comportements.

La cohérence conceptuelle de se situe dans un réseau notionnel balisé par la diversité et l’unité, le singulier et le général, l’altérité et l’identité, la continuité et la rupture…. réseau qui définit ainsi une science sociale générative susceptible de proposer un système de lecture des phénomènes sociaux actuels. Son caractère opératoire dépend de la capacité à répondre aux exigences du présent, c’est-à-dire les conflits issus des contacts inter groupes et de l’émergence du pluralisme culturel. Entre une société atomisée par le culte de la différence et une société atone par le mythe unitaire, l’interculturalité est susceptible de se présenter comme une forme d’humanisme. Faut il s’en plaindre ou s’en méfier ?

NOTES :

(1) BLOCH M., Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, 1964 (51 éd.), Paris, A. Colin, Cahiers des Annales, 1 éd., 194 1, p. 4.

(2) MARROU H.I., De la connaissance historique, 4è éd., 1964 (1 éd., 1954), Paris, Seuil, p. 86/87.

(3) LACOMBE R., De l’histoire considérée comme science, 1894, Paris, Hachette, p. 248.

(4) ARON R., Dimensions de la conscience historique, 196 1, Paris, Plon, p. 6.

(5) « L’île » et « l’immeuble » sont des jeux de créativité pour entraîner à la communication et la production langagière dans le cadre de l’apprentissage d’une langue vivante étrangère, mais qui peuvent être utilisés dans une perspective de formation interculturelle (Cf BELC CIEP), Sèvres.

(6) WOLSK D., « Un enseignement centré sur l’expérience », Exercices de perception, de communication et d’action, 1975, in Études et documents d’éducation, Paris, UNESCO, n° 17.

(7) BALANDIER G., in Le Monde, 25 août 1983.

(8) FERRO M., Comment on raconte l’Histoire aux enfants à travers le monde entier, 1981, Paris, Payot.

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