« Les activités en rapport avec l’aide aux travailleurs domestiques migrants revêtent à nos yeux une importance fondamentale. »

Par Anthony Simpson, Secrétariat Général de la Commission européenne. (Programme Daphné)

Paru dans Respect, Septembre – Octobre 1999.

Leur situation, qui bien souvent se résume à de l’esclavage, ne peut être tolérée dans une société civilisée. Il est essentiel de sensibiliser l’opinion publique, les employeurs actuels et potentiels et, surtout, les travailleurs domestiques eux-mêmes, à leurs droits. Par cette sensibilisation et la mise en lumière des cas d’abus, on ne peut que contribuer de manière significative à la diminution et, en fin de course, à l’abolition d’une violation flagrante des droits humains. »

PROJET : Bruxelles : Séminaire régional 18 septembre 1999.

Une bonne cinquantaine de travailleurs domestiques migrants, venus de Belgique et des Pays-Bas, ont assisté au dernier séminaire de RESPECT, le réseau européen des travailleurs domestiques migrants.

Des travailleurs domestiques originaires d’Afrique, d’Amérique Latine et des Philippines ont rencontré des représentants des ONG et des syndicats, pour écouter les témoignages de femmes qui ont atterri en Belgique parce qu’on leur avait fait miroiter de faux espoirs : elles allaient être jeune fille au pair, garder des enfants et accomplir de petites tâches ménagères ; en outre, elles pourraient apprendre la langue. A l’arrivée, la réalité se révèle tout autre : souvent seize heures de travail domestique par jour pour moins de 300 Euros par mois. Telle est la situation des plus « chanceuses » d’entre elles. Nombreuses sont celles qui sombrent dans la prostitution, sous la contrainte. Pour échapper à ce traitement, plus d’une femme est forcée de vivre dans la clandestinité.

Les participants au séminaire ont discuté de la Charte des droits des travailleurs domestiques migrants et convenu de faire pression sur le Parlement européen pour l’inclusion des droits des travailleurs domestiques migrants dans la prochaine Déclaration des droits pour l’Europe. Par ailleurs, ils ont salué la régularisation des sans papiers annoncée par les autorités belges, et demandé au gouvernement de faire en sorte que cette procédure soit équitable et ouverte aux migrants de toutes nationalités.

Londres : Lancement du Manuel et de la Charte des CAMPAGNE : UE : Programme Daphné.

Il y a quelques mois, nous annoncions que le Conseil avait remis à plus tard l’adoption du programme Daphné. La situation s’est débloquée en mai, lorsque le Conseil, se prononçant l’unanimité, a enfin dit oui au programme d’action communautaire « Daphné » concernant les mesures préventives destinées à combattre la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes. 20 millions d’Euros seront dépensés dans le cadre d’un programme de quatre ans, qui débutera en 2000. En outre, le Conseil a convenu qu’au cours de la deuxième année du programme, la Commission présenterait un rapport d’évaluation au Parlement européen et au Conseil. Par ailleurs, les ministres ont annoncé que ce programme aurait pour base légale l’article 152 du traité d’Amsterdam, qui concerne la santé publique.

Le nouveau programme est une extension de l’initiative Daphné, lancée en 1997 pour aider les ONG à combattre la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes. Il englobe toutes les formes de violence, qu’elle soit sexuelle, psychologique ou physique, car elles menacent sérieusement la santé physique, mentale et sociale. L’objectif est de venir en aide aux victimes elles-mêmes, et de soutenir les ONG dans leurs actions de lutte contre cette violence. Le programme veut assurer une protection élevée de la santé mentale et physique en protégeant les victimes contre la violence, entre autres l’exploitation et les abus sexuels.

Pour atteindre cet objectif, le programme prévoit deux types d’actions transnationales : la création de réseaux et la sensibilisation de l’opinion publique. Avec la première, les décideurs espèrent encourager les ONG, les organismes publics et les autres organisations actives au niveau de al lutte contre la violence à conjuguer leurs efforts, à échanger informations et bonnes pratiques en matière de lutte contre la violence, et à mieux comprendre ce phénomène pour mieux le combattre. La sensibilisation de l’opinion publique est l’un des instruments fondamentaux de la prévention de la violence pour les trois groupes cibles du programme ; elle impliquera l’organisation de campagnes d’information, la création de projets orientés vers l’opinion publique et des groupes cibles.

Enfin, une aide sera également accordée à la recherche dans le domaine de la violence et des abus sexuels, afin de déterminer les modes de prévention des plus efficaces, ainsi que le meilleur soutien aux victimes. Ces travaux devraient permettre de dégager le coût économique et social de la violence pour la société.

Espagne : légaliser les « illégaux »

Une amnistie sans précédent sera accordée aux quelque 85 000 immigrés clandestins en Espagne. Ils recevront un permis de résidence temporaire s’ils peuvent prouver qu’ils résident sur le territoire espagnol depuis une date antérieure au 1er juin 1999.

Cette mesure survient à la veille de l’introduction de la Loi sur les étrangers, qui a rallié le consensus de tous les partis. Selon cette nouvelle législation, tout immigré qui peut prouver qu’il réside en Espagne depuis plus de deux ans recevra un permis de résidence temporaire, aura droit aux services de santé et bénéficiera de la politique de regroupement familial. Ces dispositions sont également applicables aux migrants sans papiers qui sont entrés dans le pays avec l’aide de passeurs, cependant seulement s’ils veulent témoigner contre ces derniers. (Art. 41) (source : Volkskrant 5/8 / United)

MPDL (Movimiento por la Paz, el Desarme y la Libertad), membre de RESPECT, a exprimé des réserves à l’égard de la nouvelle loi : « Nous espérions des modifications de la loi, mais le texte, que l’on prétend innovateur, se révèle très pauvre ».

MPDL a indiqué que le texte met en lumière certaines améliorations au niveau de la réforme de la législation, mais qu’il ne précise pas quels mécanismes permettront d’appliquer ces améliorations. Par exemple, l’art. 4, qui porte sur les autorités et le respect des différences culturelles, ne stipule nullement quels mécanismes les autorités pourraient utiliser ou comment effectuer des vérifications. L’accès aux soins de santé se limite aux services d’urgence, aux femmes enceintes et aux mineurs (moins de 18 ans). En outre, le droit de vote aux élections locales est accordé : cette mesure, importante, certes, doit être assortie d’autres efforts destinés à intégrer les migrants dans la société, comme l’accès au travail, au logement, à l’éducation et aux autres services sociaux.

MPDL espérait que la nouvelle loi traiterait le problème des centres de détention. Or, elle ne fait que reprendre mot pour mot l’ancien texte, les seules améliorations portant sur le fait que les migrants détenus auront droit à certaines indemnités et « ne seront privés que de leur droit de quitter le centre ». Ils resteront détenus au même titre que des criminels inculpés.

On ne constate pas d’amélioration non plus au niveau de l’entrée en Espagne. A l’aéroport de Madrid, par exemple, un inspecteur de police peut refuser l’entrée à n’importe quel étranger s’il « soupçonne » que celui-ci a l’intention de rester en Espagne. Cette pratique est arbitraire et injuste : les personnes qui se voient refuser l’entrée sont souvent arrêtées sans recours juridique possible avant d’être renvoyées dans leur pays d’origine.

Point positif : cette loi apporte des améliorations pour les migrants déjà installés en Espagne, et qui souhaitent régulariser leur situation. Auparavant, tout migrant qui voulait régulariser sa situation devait retourner dans son pays d’origine et demander un visa à l’ambassade d’Espagne. Outre les inconvénients d’ordre personnel, ce voyage devient vite un obstacle insurmontable pour beaucoup de migrants. La majorité d’entre eux ne peuvent se payer le voyage ou obtenir un congé de leur employeur. Ils se voient alors refuser les « cupos » (des permis de séjour accordés à un nombre limité de personnes), bien qu’une résolution en leur faveur ait été votée.

Selon MPDL, l’art. 41 (voir supra) crée un précédent juridique qui n’est pas sans rappeler l’Inquisition au Moyen Age. Il déclare que tout étranger vivant illégalement en Espagne et victime d’une traite ne sera pas expulsé si il/elle fournit des informations sur les responsables ou les collaborateurs de cet acte illégal. On se croirait revenu au temps du Grand Inquisiteur, qui s’entourait de personnel non rémunéré qui le protégeait et exécutait ses ordres. Ces « familiares » bénéficiaient d’une immunité judiciaire et espionnaient la population. Un mot d’un « familiares » suffisait à condamner une personne au bûcher.

L’art. 41 soulève de nombreuses questions : l’Etat reconnaît-il sa propre incapacité à contrôler les réseaux d‘immigration clandestine en offrant aux victimes des permis de résidence et de travail en échange d’informations ? Quelle incidence sur l’application de la loi ? Qu’advient-il de l’informateur ? Bénéficiera-t-il d’un statut « d’informateur » auprès de la police et sera-t-il protégé contre les représailles des gangs maffieux ? Cette procédure est non seulement illégale mais aussi immorale.

Italie : Les syndicats s’unissent pour 200 000 signatures.

Trois syndicats italiens, Filcams-Cgil, Fisascat-Cisl et Uiltucs-Uil ont conjugué leurs efforts pour réunir les 200 000 signatures nécessaires à un changement de la situation des travailleurs domestiques migrants au Parlement italien.

La campagne s’adressera aux personnes sur leur lieu de travail et dans les rues des plus grandes villes d’Italie. Le but est de modifier la législation afin de protéger les travailleurs domestiques migrants en leur assurant un travail digne, des soins de santé et une pension aussi réelle qu’accessible, pour permettre aux familles qui emploient des domestiques migrants de déduire ces frais de leur déclaration d’impôts. L’Italie compte environ un million de domestiques migrants, dans leur grande majorité des femmes, qui forment une armée « silencieuse et invisible ». Selon INPS, l’institut national italien de sécurité sociale, seules 189 000 de ces femmes ont un statut ; les 800 000 autres sont clandestines, donc non reconnues par les autorités. La possibilité de déduire les frais d’un travailleur domestique est intéressante à la fois pour l’employeur et pour le travailleur. C’est une manière de régulariser l’énorme masse de l’économie au noir.

En proposant cette solution, les syndicats italiens suivent l’exemple de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Les propositions de modification de la législation ont été déposées au parlement, sans toutefois éveiller l’intérêt des députés. L’initiative des syndicats vise à encourager les travailleurs et les employeurs à faire pression sur le parlement en faveur d’équité et la justice pour les travailleurs migrants.

Province de Parme : des cours pour les travailleurs domestiques migrants.

CGIL à Parme a mis sur pied deux formations visant à harmoniser les normes en matière de soins et d’aide domestique. Les cours s’adressent aux femmes migrantes et italiennes qui ont déjà acquis une certaine expérience dans ce secteur.

Un programme, « Tata », financé par le Fonds social européen et la région d’Emilie-Romagne, place véritablement les participantes à des postes dans le secteur des services, notamment aux personnes âgées et handicapées. Ce secteur connaît en effet une expansion croissante dans la province de Parme (comme dans l’Union européenne, d’ailleurs), et on constate un besoin marqué de formation pour professionnaliser les normes de travail. Le programme est ouvert à vingt chômeuses qui possèdent un diplôme d’études secondaires ou équivalant. « Tata » est une formation intensive et à plein temps (1030 heures), dont près de la moitié de travaux pratiques. Elle débute en septembre 1999 et la première année s’étendra jusqu’en juin 2000.

Le second programme sera lui aussi inauguré en septembre. Il est destiné aux femmes avec de l’expérience ou qui sont motivées par un travail dans le secteur des soins. La formation s’ouvrira au départ à 70 femmes, en ayant soin de recruter des femmes migrantes qui ont l’intention de rester en Italie. On espère que ce programme facilitera leur intégration sociale et culturelle.

Ces 70 femmes bénéficieront d’une formation dans le domaine des soins. Des questions telles que qui dispense et bénéficie des soins au sein de la société, quels sont les objectifs des soins, et la structure et l’organisation générale des services seront discutées. Celles qui termineront le cycle de 150 heures de cours pratiques et théoriques recevront un certificat. Le cycle complet est de 900 heures, divisé en différents modules et cours pratiques. A l’issue de l’examen final, les étudiants recevront un certificat spécifiant le niveau de qualification atteint.

Cette formation permettra aux femmes de s’assurer un meilleur avenir en :

- leur octroyant une autonomie au niveau de leur choix de carrière ;

- leur offrant la possibilité de rencontrer d’autres femmes dans des positions similaires et donc permettre la collaboration et la coopération ;

- les aidant à créer de petites entreprises de femmes.

Les modules incluront un panorama du secteur des soins pour donner un aperçu des possibilités professionnelles, des cours de langage technique et de soins quotidiens aux personnes qui ont besoin d’une assistance partielle à la maison, notamment une guidance en matière d’hygiène

Expo photo.

CGIL-FILCAMS (Italie) a inauguré une exposition antiraciste retraçant l’histoire de la migration des femmes au travers des âges.

Jadis, des femmes italiennes émigraient à l’étranger pour travailler comme bonne d’enfants. C’est ce que raconte l’exposition. Aujourd’hui, il est plus fréquent que des femmes originaires des pays non UE viennent en Italie pour travailler comme domestiques. L’exposition tente de répondre aux questions courantes et aux idées fausses concernant les migrants : qui sont-ils, pourquoi arrivent-ils, et quels sont les défis culturels et autres qu’ils rencontrent dans leur pays ? L’exposition s’adresse d’abord aux jeunes et aux étudiants, pour les informer sur l’histoire de la migration et les principaux problèmes qu’elle soulève, pour leur permettre d’influencer les politiques actuelles et futures. Le vernissage aura lieu en octobre 1999 à Gênes ; ensuite, l’exposition circulera dans les grandes villes d’Italie.

France : Bonnes nouvelles pour le personnel domestique des diplomates.

Suite à la déclaration en 1998 du Ministre Français des affaires étrangères, Hubert Vedrine des mesures ont enfin été prises pour “améliorer l’information des employés domestiques étrangers et les diplomates qui les emploient, sur leurs droits et leurs devoirs respectifs”.

Le Ministre français a annoncé que le protocole a mené ces derniers mois une réflexion en vue de prévenir les abus éventuels des employeurs et tenter d’améliorer l’information des personnels de maison étrangers employés par des diplomates. Parmi les mesures citées figurent : premièrement, le renforcement du dispositif en vigueur au niveau des recrutements par des enquêtes réalisées par nos consulats à l’étranger. L’autorisation de visa spécial n’est délivrée qu’après examen de pièces de garantie, en particulier, véracité du contrat de travail. Puis, avant toute demande de recrutement, l’employeur signe une attestation par laquelle il s’engage à laisser à son employé la libre disposition de son passeport et de sa carte de séjour spéciale. Il reconnaît par ailleurs « être informé de l’obligation d’appliquer à son employé la réglementation française du travail (contrat, salaires, horaires, congés, protection sociale….) Cette attestation est ensuite contresignée par le responsable de l’ambassade, du consulat ou de l’organisation internationale.

Deuxièmement, un système d’accueil spécifique vient d’être mis en place pour la délivrance directe à son titulaire de la carte spéciale. Jusqu’à présent celle-ci était envoyée à l’ambassade, qui se chargeait de la remettre à son destinataire. En outre, lors du renouvellement du permis spécial, une attestation prouvant l’inscription de l’employé à une assurance l’année précédente continuera d’être réclamée.

Troisièmement, un feuillet sera remis en Septembre 1999 à l’employé ; il comportera des informations sur la législation française du travail ainsi que sur l’obligation d’une visite médicale annuelle. Ce document est en cours de réalisation et sera traduit en plusieurs langues.

Enfin, le protocole entend prendre l’initiative d’inscrire ce dossier à l’ordre du jour de la prochaine réunion des chefs de protocole de l’Union européenne (COPRO) afin de rechercher une position commune avec l’ensemble de nos partenaires confrontés à des difficultés de même nature.

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