Par Marcel Sassolas.
Paru dans « Filigrane », Hiver 2004, volume 12, numéro 2.
Ce texte a fait l’objet d’une présentation au colloque L’Intervention de groupe : critiques et prospectives, Montréal, mai 1994.
Un drôle de petit film
Je commencerai par un film, un drôle de film. C’est un document mental, dont les images sont à reconstituer par chacun à partir du synopsis que voici.
La scène se passe à Villeurbanne. Une petite rue, une petite maison aux fenêtres peintes en bleu. C’est un jour férié, il y a peu de gens dans les rues. C’est le matin, il pleut – un peu. La petite maison aux fenêtres bleues, c’est la maison de la Baïsse, où vivent huit personnes psychotiques. Un homme sonne à la porte. En vain, longtemps. C’est un psy.
Il a le temps de penser : il commence par penser à celle qu’il vient rencontrer là, une habitante de cette maison. Elle va mal, depuis plusieurs jours il essaie en vain de la joindre. Ce matin, il a téléphoné pour annoncer sa venue, un des résidents lui a répondu : oui elle est là près de moi, oui on vous attend.
La porte ne s’ouvre toujours pas, il insiste, sonne plusieurs fois. Et évidemment, il pense : il pense à cette nécessité de sonner. Ce serait pourtant simple d’avoir la clef ! Non, il ne s’impatiente pas, puisqu’il a lui-même choisi de ne pas posséder cette clef. N’oubliez pas que notre homme est un psy, il est habitué à garder son calme, à observer ce qui est en train de se passer, à la fois autour de lui et dans sa tête.
Notre psy se dit : au fond, c’est la même situation que lorsqu’un patient en face de moi ou sur mon divan refuse d’ouvrir la porte de sa vie psychique, reste muré dans le silence et me tient à distance. J’ai beau le solliciter discrètement, rien : la porte reste longtemps close. Après tout chacun est maître chez lui, maître dans sa propre tête, on n’y entre pas comme dans un moulin. C’est pareil ici, il n’y a qu’à respecter ce délai imposé et chercher à le comprendre, puisque notre règle du jeu impose ce respect de la liberté de l’autre.
Cette comparaison entre le patient sur le divan et le résident de la maison plaît à notre psy. Il prend plaisir à jouer en pensée avec ce parallèle : même liberté de ne pas ouvrir, même liberté d’expression, dans un cas avec des mots, dans l’autre avec des actes.
Ah, voici que la porte s’ouvre. On entrevoit deux personnes qui l’invitent à entrer. Donc il entre, notre psy. La porte se referme sur lui.
C’est la fin de notre petit film.
Pourquoi ce drôle de film ?
Je vous propose cette évocation du psy planté devant la porte du lieu de vie comme préambule à cet exposé parce qu’elle illustre d’une part la philosophie de ces lieux, la perspective dans laquelle nous nous situons depuis leur création il y a 15 ans, d’autre part l’évolution de notre façon d’en concevoir la fonction. Je m’explique : la même scène aurait pu se dérouler il y a quinze ans, puisque le fonctionnement était le même qu’aujourd’hui. Par contre ce qui se passe dans la tête du psy en attendant que la porte veuille bien s’ouvrir – le parallèle avec la situation psychothérapique ou analytique – témoigne d’une manière de concevoir la situation dans des termes résolument psychothérapiques que nous n’avions pas prévu initialement.
Le double message et les actes parlants
Tel est le projet de cet exposé : montrer comment une situation résidentielle pour adultes psychotiques prévue comme un milieu de vie substitutif, s’est révélée porteuse de potentialités thérapeutiques vis-à-vis des processus psychotiques.
Au départ, si nous n’avions pas la clef de ces lieux, c’était pour mettre le patient et nous à l’abri du travers si fréquent dans toute institution : le double message. En effet, dire à quelqu’un : « voici le lieu que nous mettons à votre disposition pour y vivre le temps nécessaire à votre évolution personnelle, vous êtes ici chez vous, voici votre clef » – et en même temps garder nous aussi l’usage de cette clef et le droit d’entrer dans la maison, ce serait poser un acte annulant le sens des mots prononcés. Avec quiconque ce serait maladroit, avec un patient psychotique ce serait antithérapeutique. Pour lui en effet, le registre des actes est plus investi que celui du verbe : qu’il soit taciturne ou bavard, il exprime toujours plus de lui-même dans ses actes que dans ses paroles. Il accorde davantage de crédit à nos messages agis qu’à ce que dit notre bouche. D’ailleurs, un des objectifs du travail thérapeutique n’est-il pas justement de le réconcilier avec ce registre de l’expression verbale, de lui permettre de dire ses affects, ses désirs, ses peurs ou ses joies autrement que dans des comportements et des délires ? Nous avons à utiliser avec les patients psychotiques ce que P.C. Racamier a judicieusement appelé les « actes parlants » : lui donner la clef de la maison sans l’avoir nous-mêmes, sonner et attendre à la porte que l’on vienne nous ouvrir est un tel acte parlant. Cet acte exprime notre conviction que le patient est bien là chez lui, et prouve notre souci de respecter son territoire privé.
Comme l’exprime aussi notre non-intervention devant les dégradations matérielles de la maison : si celle-ci est sale, nous disons inlassablement aux résidents notre mécontentement de voir maltraité ce lieu que nous avons créé pour eux, notre inquiétude de les voir vivre dans la saleté, notre perplexité quant aux causes psychiques de cet état d’abandon – mais nous n’intervenons pas directement pour qu’ils nettoient la maison. Si un membre de l’équipe soignante met un jour la main à la pâte et participe au nettoyage, c’est en disant clairement qu’il fait cela autant pour lui (pour soulager sa mauvaise conscience de soignant) que pour eux (pour les aider à retrouver un certain confort de vie).
Emprise et disqualification dans la relation soignante.
De tels patients ont souvent vécu avec leur entourage familial une relation fondée sur une emprise mutuelle. Il est toujours hasardeux de faire des hypothèses sur la genèse de ce mode relationnel, d’en attribuer l’initiative aux parents ou au patient. En tout cas il est vital pour nous de ne pas laisser s’installer un tel mode relationnel entre le patient et les soignants. Pour recréer avec nous cette relation d’emprise, le patient psychotique a volontiers recours à la disqualification de ses compétences : par son dénuement, il émeut alors les soignants, les touche dans la sphère narcissique de leur idéal professionnel – ce qui est une manière d’établir son emprise sur eux, de les atteindre psychiquement. Les soignants ainsi stimulés narcissiquement se laissent convaincre peu à peu que le patient ne peut vivre sans leur soutien inconditionnel et permanent, et s’épuisent à compenser les déficits de celui-ci par une attitude réparatrice. Celle-ci est bientôt vécue par le patient comme une intrusion, une tentative d’emprise sur sa vie corporelle, psychique ou sociale, emprise contre laquelle il va se défendre par davantage de retrait et d’apragmatisme. Ainsi s’installe insidieusement le cercle vicieux d’une forme particulière de chronicité relationnelle, suscitée et entretenue par ce que j’appelle pour ma part la psychiatrie de la bonté. J’adhère ici pleinement à l’assertion de B. Bettelheim : la bonté ne suffit pas dans le soin aux patients psychotiques.
Une véritable liberté au niveau de la vie quotidienne
Nous avons donc délibérément choisi de laisser aux résidents la liberté d’organiser dans la maison leur vie à leur guise. On voit par exemple en fonction des aléas relationnels du moment, se constituer des alliances temporaires entre certains d’entre eux pour préparer ensemble leurs repas, tandis qu’à d’autres moments chacun mange dans son coin, à son heure, ou que parfois un anniversaire, un départ ou une arrivée est l’occasion d’un repas de groupe. Certains pendant des périodes plus ou moins longues ne sont presque jamais là – une résidente pendant plusieurs semaines n’a dormi dans la maison que le jour de la réunion. D’autres, au contraire, ne mettent pas le nez dehors pendant des jours et des jours, parfois même restent enfermés une partie du temps dans leur chambre aux volets fermés.
Ces conduites ne sont jamais remises en question, mais elles sont évoquées, parlées, interrogées. Si particulier et inquiétant qu’il puisse être, le mode de vie d’un résident n’est jamais l’occasion de remettre en question sa présence dans la maison, à moins qu’il ne soit en contradiction avec les exigences du règlement intérieur. Celui-ci interdit l’alcoolisation chronique ou l’usage de drogues à répétition, la violence contre les personnes et les lieux, et exige le respect de quatre obligations : 1. le maintien d’une relation avec un soignant extérieur 2. la participation aux réunions hebdomadaires 3. la présence aux rencontres individuelles avec l’équipe soignante, dont le rythme mensuel peut être intensifié à notre demande ou à celle du résident. 4. le paiement mensuel du loyer.
Ce respect de la liberté de chacun est valable aussi pour les deux psychologues en formation qui font dans la maison des stages de trois à six mois. Selon les fluctuations de leur investissement de la maison et des résidents, ils ont toute liberté de moduler leur présence dans la maison. C’est ainsi qu’une stagiaire, après une période d’investissement important – elle apportait des repas préparés chez elle aux résidents, elle allait faire de longues promenades avec certains d’entre eux – a délibérément pris du recul après un conflit aigu et inquiétant avec l’un des résidents. Son absence pendant plusieurs jours consécutifs a sans doute plus interrogé les résidents que tout ce qu’elle aurait pu dire à l’occasion de ce conflit. Choisir un tel lieu de stage après avoir été averti de ses particularités suppose un fort investissement préalable, affectif ou intellectuel, de cette situation. Cet investissement est l’élément dynamique de la présence du stagiaire, les modalités concrètes de cette présence sont à nos yeux accessoires. Seule une telle liberté laissée à ces jeunes étudiants de faire face à leur manière aux aléas de la situation, sans obligation de présence réelle, explique qu’ils aient jusqu’ici pu traverser sans dommages personnels notables une telle proximité avec la folie au quotidien.
Spontanéité dans les actes et potentialités psychothérapiques
Dans le projet initial, cette liberté laissée aux résidents d’organiser la vie quotidienne à leur guise avait deux objectifs :
1. Éviter l’installation du cercle vicieux de la relation d’emprise évoquée plus haut.
2. Permettre à chacun d’être le sujet de sa propre vie, sans la médiation rassurante mais disqualifiante d’intermédiaires soignants entre la réalité quotidienne et lui. Parce que nous avons veillé à ce que nos actes soient en accord avec cette perspective – même et surtout dans les moments où cette acceptation du mode de vie de certains résidents devenait pour nous source d’inquiétude, de mauvaise conscience et de dissensions dans l’équipe -, les résidents ont peu à peu acquis la conviction que cette liberté était effective et non pas virtuelle. De la même manière, un patient en psychothérapie acquiert la certitude que la règle de liberté de parole dans les séances n’est pas une clause de style mais une réalité. Ainsi s’est établi un climat de spontanéité dans les actes qui est l’équivalent de la spontanéité verbale au cours d’une psychothérapie.
Ce libre usage de l’expression par les actes dans la vie quotidienne est le premier ingrédient d’une situation exploitable dans une perspective psychothérapique. Perspective d’autant plus intéressante que les particularités de cette situation sont très mobilisatrices d’affects et de souvenirs. En effet, ici comme dans une fratrie, un petit nombre de personnes qui ne se sont pas choisies ont à vivre sous le même toit les actes élémentaires de la vie ou de la survie quotidienne. Et comme dans une famille, cette vie a pour référence centrale des personnages parentaux qui, après avoir été à l’origine du groupe, ont deux fonctions vitales pour chacun :
1. ils incarnent à la fois la protection et les interdits.
2. ils structurent le temps, l’espace et la vie affective par le jeu de leur présence et de leur absence. Évidemment, ce sont les trois soignants institutionnels qui ici assument cette fonction parentale.
Mais dans une psychothérapie, si la liberté associative est l’élément indispensable à l’émergence d’un matériel psychique, c’est la présence du thérapeute et sa manière d’entendre ce matériel qui va le rendre exploitable. Sinon celui-ci ne deviendrait vite qu’une accumulation plus ou moins anarchique de souvenirs, pensées, fantasmes, récits et projets. Dans les lieux de vie, par qui et comment est entendu et organisé ce matériel en actes qui émerge de la vie quotidienne ? Évidemment par les trois soignants institutionnels que rencontrent les résidents.
Le premier rôle des soignants institutionnels : sauvegarder la vie de l’institution institutionnels : sauvegarder la vie de l’institution
Or le premier objectif de ces trois-là était, au départ, avant tout d’assurer le fonctionnement de l’institution au quotidien, en tentant de déjouer les pièges tendus par la psychose à tout fonctionnement institutionnel. J’ai déjà évoqué le risque du double message et le piège de la réparation. Il en est bien d’autres, tous aussi peu faciles à éviter. Ainsi, la cohérence entre les exigences de principe posées à tout résident et notre attitude lorsque ces exigences ne sont pas respectées n’est pas toujours facile à maintenir. En voici un exemple : chaque résident a obligation de participer dans la maison, chaque semaine, à la réunion de régulation, et au Centre Médico-Psychologique (C.M.P.), chaque mois, à la rencontre individuelle avec l’équipe soignante de la maison (les deux correspondants et le psychiatre). En principe le non respect répété de l’une ou l’autre de ces obligations remet en question la présence du résident dans la maison : pour être cohérent avec le projet, nous sommes donc dans la nécessité de sanctionner de telles absences, par un renvoi temporaire de quelques jours ou une mesure de renvoi avec sursis.
Au fil des années notre cohérence s’est affermie, et nous sommes aujourd’hui beaucoup plus exigeants sur ce point que nous ne l’avons été dans les premières années. L’expérience nous a appris que de telles exigences, assorties de sanctions, ont l’intérêt de conflictualiser ces attitudes d’évitement, en particulier dans les cas où elles ne sont pas liées à des problèmes relationnels avec les autres patients ou avec nous : ce rappel à l’ordre par rapport à la loi dont nous sommes les dépositaires transforme en effet le conflit interne sous-jacent à l’évitement en un conflit relationnel avec nous. Dans les cas où c’est la désorganisation qui prévaut à ce moment-là dans le monde interne du patient, ce détour par la réalité externe lui permet de retrouver une certaine maîtrise de son vécu. A l’issue de telles sanctions, nous avons pu voir la confusion s’apaiser, et l’estime de soi du patient se restaurer, alors même que ce n’est pas sans inquiétude que nous avions exigé le départ de la maison pour plusieurs jours, quel que soit l’état psychique du sujet, et sans lui proposer nous-mêmes de solution alternative.
La réunion de régulation hebdomadaire
Un des piliers du fonctionnement institutionnel est depuis le premier jour la réunion de régulation hebdomadaire. Cette fonction de régulation est assurée par la mise en paroles des conflits, des revendications, des déceptions, des projets.
La place des deux soignants institutionnels responsables de cette réunion n’est pas facile à tenir : ils ont à faire entendre dans cet univers si volontiers déraisonnable la voix de la raison, de la patience, de la temporisation, de l’anticipation aussi. Ceci en tenant compte de la fragilité narcissique cachée sous l’omnipotence, de la peur travestie en arrogance, de l’angoisse d’abandon dont protège l’indifférence. Leur présence permet de gagner du temps – le temps nécessaire à chacun pour intégrer les changements, les frustrations, les échecs mais aussi les réussites, le temps nécessaire aussi pour la digestion des conflits et l’émergence d’un équilibre groupal remis en question par chaque départ et chaque arrivée. C’est grâce à cette régulation hebdomadaire des conflits du groupe que perdure ce miracle quotidien : huit patients psychotiques menant cahin-caha leur propre vie dans cette maison – malgré l’absence de présence soignante, malgré la grave pathologie qui affecte chacun d’entre eux depuis fort longtemps.
Mais un autre effet s’est dégagé au fil du temps : la création d’une certaine culture institutionnelle, d’un certain état d’esprit fait de tolérance et de mise en latence des exigences. Fait méritant d’autant plus d’être noté que la psychose, quel que soit son masque clinique, est pétrie de violence, d’intolérance, d’exigences pulsionnelles et narcissiques. Ses devises informulées mais omniprésentes sont « tout, tout de suite » – « je, moi, je » – « rien avant moi, rien après moi ». L’attitude des deux soignants qui ont en charge cette réunion hebdomadaire est le contrepoids à cette omnipotence farouche de la psychose. Ils ont fonction de pare-excitation, d’abord par l’attention qu’ils portent aux problèmes soulevés par les résidents, ensuite par leur capacité à accepter que ces problèmes ne soient pas résolus d’emblée et restent en suspens d’une semaine à l’autre sans pour autant être déniés.
Une place charnière
Préoccupés par le difficile maintien de cette fonction de régulation, qui permet au groupe d’exister et à chaque résident de vivre là, il nous a fallu un certain nombre d’années pour réaliser à quel point la place occupée par les deux soignants responsables du lieu de vie était féconde, et ouvrait la voie à un véritable travail psychothérapique. Leur fonction dans ces réunions les situe en effet à la charnière de la réalité matérielle dont l’évocation occupe le plus souvent la plus grande partie du temps des réunions, et de la réalité psychique de chacun des participants sollicitée par cette réalité.
Cette place charnière est particulièrement intéressante. N’oublions pas que les principaux obstacles au travail psychothérapique avec les patients psychotiques sont liés aux deux processus défensifs les plus actifs dans la psychose : le déni et le clivage. Lorsqu’un patient psychotique est confronté à l’émergence d’un matériel psychique difficile à intégrer soit par son intensité soit par sa nature – une pensée, un désir, un souvenir, un affect – il réagit soit par le déni de l’événement réel qui l’a stimulé psychiquement (« il ne s’est rien passé »), soit par le déni des affects suscités par cet événement (« je n’ai rien ressenti ni pensé »), soit par un clivage total entre la réalité vécue et les stimulations psychiques déclenchées par cette réalité (« ceci n’a rien à voir avec cela ») . Cette prévalence du déni et du clivage entre réalités externe et interne explique l’aridité de la démarche psychothérapique classique avec de tels patients, puisque celle-ci n’est pas irriguée par l’évocation croisée par le patient de sa réalité externe (actuelle, passée ou à venir) et de sa réalité interne (émotions, pensées, fantasmes), comme c’est le cas chez les patients névrotiques.
Or, dans leur fonction d’animateurs de la réunion de régulation où sont évoqués les événements de la vie dans la maison, les deux soignants reçoivent les informations sur les événements réels vécus dans la maison par les résidents. Par leur mode d’écoute, ils sont en même temps attentifs au vécu affectif de chaque résident. Comme ils ont une certaine familiarité avec leur personnalité et leur histoire personnelle, ils peuvent d’autant mieux repérer les fluctuations psychiques suscitées en chacun d’entre eux par les événements réels. Ils sont donc dans une position particulièrement favorable pour veiller à ce que ni la réalité matérielle ni la réalité psychique ne soient annulées par le déni. Grâce à cette double vigilance envers les événements réels survenus dans la vie des résidents d’une part, envers les répercussions psychiques de ceux-ci pour chacun d’autre part, ils peuvent repérer ce qui est dénié ou clivé – et selon les cas le dire ou laisser cette interprétation en latence, en suspens.
L’escale de la réunion d’équipe
En suspens jusqu’à la prochaine réunion de régulation, ou la prochaine rencontre individuelle entre le patient concerné et nous. Entre temps, le matériel recueilli aura fait escale dans la réunion hebdomadaire d’échanges entre les deux soignants chargés de la réunion et le troisième, le psychiatre responsable. Celui-ci connaît les résidents pour avoir rencontré chacun d’eux plusieurs fois durant la procédure d’admission. Cette réunion d’équipe permet la reprise des événements vécus durant la semaine à la maison, et plus particulièrement la réflexion à trois sur le contenu de la réunion de régulation, la vie du groupe, et les réactions de tel ou tel résident.
Ce temps de réflexion est l’équivalent – sous forme d’un échange à plusieurs voix – du temps de maturation et d’élaboration vécu intérieurement par le thérapeute au cours de la psychothérapie d’un patient névrotique. Dans ce dernier cas, la tâche du thérapeute est relativement facile, car les affects contradictoires du patient s’expriment seulement avec des mots, et il en est le seul destinataire. Avec un patient psychotique, les affects s’expriment plus souvent par des comportements que par des mots. Comme leur sens nous échappe aussi bien qu’à lui, et qu’ils sont dispersés sur plusieurs personnes ou plusieurs situations, il est nécessaire :
1. de prêter attention à nos affects et à ceux des autres résidents, qui sont autant d’indices de ce que le patient concerné a projeté ou induit chez les autres.
2. de rassembler ces affects disparates ou contradictoires, car le patient psychotique clive et sépare ses propres affects tendres ou haineux en les distribuant sur des personnes différentes au lieu de les éprouver dans leur simultanéité.
3. de mettre en perspective ce que le patient nous fait ressentir, penser et imaginer avec les informations recueillies fortuitement par l’un ou l’autre d’entre nous.
Le morcellement induit par le fonctionnement psychotique amène le patient à des vécus volontiers dispersés. Celui-ci offre des visages contradictoires à ses différents soignants institutionnels selon les moments et les situations : ces variations mettent à mal la cohésion de tout groupe soignant. C’est pourquoi une grande connivence intellectuelle et affective entre les membres de cette micro-équipe est nécessaire. Grâce à cette connivence, le matériel psychique apparu de la vie quotidienne dans la maison, repris dans ces échanges à trois, parvient à s’organiser semaine après semaine avec une certaine cohérence.
La rencontre individuelle de chaque résident avec l’équipe institutionnelle
Cette cohérence sera restituée au patient lors de la dernière étape de ce processus psychothérapique : la rencontre individuelle mensuelle des trois soignants institutionnels avec chacun des résidents. Lors des premières années, cette rencontre avait pour seul objectif de faire le point sur la vie du résident dans la maison et sur ses projets. Elle n’avait lieu que deux fois par an. Nous la définissions volontiers comme une borne temporelle destinée à rappeler à chacun qu’il n’était pas là pour l’éternité, bien que la durée de son séjour soit indéterminée.
Puis nous avons ressenti la nécessité de soutenir davantage les résidents dans la période initiale des premières semaines, toujours difficile, en le rencontrant selon les cas une ou plusieurs fois par mois. Ensuite nous avons proposé ces rencontres à titre exceptionnel lorsqu’un résident allait mal – alors qu’au départ de telles rencontres imprévues n’avaient lieu que lorsque le comportement du résident était en contradiction flagrante avec le règlement intérieur et risquait donc de compromettre la poursuite de son séjour. Aujourd’hui cette rencontre mensuelle a deux fonctions :
Montrer notre intérêt pour la relation du patient avec nous mais aussi avec d’autres interlocuteurs
La première de ces fonctions est de faire périodiquement le point sur la vie du résident, dans la maison et ailleurs, c’est-à-dire parler non seulement de ses relations avec les autres résidents et le système soignant, mais aussi avec sa famille, l’interroger sur ses activités, ses projets, ses perspectives d’avenir. Ces témoignages répétés et constants de notre intérêt pour ce qui dans la vie du résident est extérieur à nous constituent le meilleur contrepoids à l’investissement idéalisant et fusionnel que de telles personnes développent envers de telles structures. N’oublions pas que dans nos relations avec les patients psychotiques, nous côtoyons sans cesse leur recours privilégié à la séduction narcissique, qui induit chez nous le fantasme de leur incapacité présumée à pouvoir se passer de nous. Il est vital pour la validité de notre travail avec eux – et pour notre hygiène mentale tout autant que pour la leur – non seulement de résister à cette séduction narcissique, mais d’apporter des preuves concrètes de cette résistance. Sinon la relation entre la structure et eux risque de s’organiser sur le mode de la secte, qui est la dérive institutionnelle de cette séduction narcissique.
Il est vain d’attendre quoi que ce soit de notre relation avec de tels patients si nous ne leur montrons pas sans relâche par des paroles et par des actes, la solidité et la permanence de notre intérêt pour eux. Mais il est aussi nécessaire de leur montrer avec autant de conviction que nous portons le même intérêt à la partie de leur vie qui nous échappe : à ce prix seulement ils pourront vérifier que c’est vraiment à eux que nous nous intéressons, et non aux bénéfices que nous retirons de notre relation avec eux. Parlons de notre relation avec eux, mais parlons aussi de ce qui se passe ailleurs en même temps, et de ce qui se passera après nous, lorsqu’ils nous auront quittés. C’est à nous d’anticiper le deuil de cette relation si investie, pour que, le moment de la séparation venu, le patient soit capable de l’assumer.
Restituer le matériel psychothérapique : Clara
La deuxième fonction de cette rencontre individuelle mensuelle est de restituer au résident le matériel psychothérapique que nous avons rassemblé, en le mettant en perspective avec sa propre histoire. Ce que le climat de liberté lui a permis d’associer en actes dans la vie de la maison, et qui a été repéré au cours des réunions de régulation, et parfois même déjà mis en paroles à cette occasion, va être évoqué ici. Pour rendre plus perceptible ce travail psychothérapique réparti en plusieurs étapes et en plusieurs lieux, voici l’exemple de Clara.
Clara est une jeune femme âgée aujourd’hui de 35 ans. Elle vit à la Maison de la Baïsse depuis bientôt deux ans et demi. En soi, ce constat est déjà un succès : en effet, depuis sa première décompensation psychotique à l’âge de 21 ans, elle a passé le plus clair de son temps dans des hôpitaux psychiatriques. A chacune de ses sorties, les divers projets de vie en foyer, ou chez sa mère ont échoué et ont été suivis de retour à l’hôpital. De même de multiples tentatives de réadaptation par le travail se sont soldées par des échecs, des fugues, des tentatives de suicide, des décompensations délirantes – donc des retours à l’hôpital. Le responsable de cette prise en charge antérieure n’a pas caché son découragement en l’adressant aux équipes soignantes de Villeurbanne, puisqu’il terminait ainsi la lettre par laquelle il se défaussait sur nous de ce fardeau encombrant : « Devant les échecs successifs de toutes nos entreprises pour aider cette patiente depuis dix ans, nous pensons que nous sommes arrivés au terme de nos possibilités thérapeutiques. Nous venons donc de lui signifier qu’il ne nous était plus possible de continuer à la prendre en charge, et que nous la confions au secteur psychiatrique dont elle dépend depuis le changement de domicile de sa mère installée désormais à Villeurbanne. Merci de prendre le relais dans le soutien de cette malade attachante mais oh combien difficile ».
Remarquons au passage que ce collègue désabusé ne parle pas de traitement mais de soutien. Dès les premiers contacts avec le psychiatre qui l’a reçue au Centre de soins de Villeurbanne, il semblait clair, évident, pour Clara et pour sa famille, qu’elle allait être sans plus attendre hospitalisée. La prise en charge ambulatoire qui lui fut alors proposée permit un premier investissement de notre dispositif de soinsextra-hospitaliers, ce qui n’empêcha pas Clara, au cours de la première année, d’avoir recours à plusieurs reprises à l’hôpital psychiatrique, sans y avoir été envoyée par son psychiatre. Deux séjours dans le centre de crise de notre association, la Maison d’Accueil Psychothérapique (MAP), permirent la mise en place d’un projet de vie à la Maison de la Baïsse, où Clara s’installa un an après son arrivée à Villeurbanne, en janvier 92. En effet, il apparaissait judicieux de proposer à cette patiente un dispositif de soins différent de celui qui avait échoué pendant dix ans auprès d’elle, et surtout de bien dissocier l’hôpital auquel elle avait l’habitude d’avoir si souvent recours, et notre propre dispositif.
Dans la première année de son séjour, à plusieurs reprises Clara a présenté de brusques périodes de confusion et de persécution délirante dont l’origine nous échappait, et au cours desquelles elle fuyait à l’hôpital. Elle en ressortait à chaque fois apaisée au bout de quelques jours. Au cours d’une de ces périodes de confusion agitée, pour la première fois nous avons pu faire une hypothèse plausible sur son origine, ce qui a sans doute permis qu’elle puisse se résoudre sans recours à l’hôpital.
Premier exemple d’utilisation psychothérapique du matériel recueilli
En effet, les soignants attentifs à la réalité de la vie dans la maison ont remarqué que cette période de turbulence coïncidait avec le retour aux réunions hebdomadaires de régulation de deux résidentes hospitalisées l’une et l’autre depuis quelques semaines. Or le séjour à l’hôpital de ces deux résidentes avait été l’occasion pour Clara de proclamer qu’elles étaient bien trop malades pour continuer à vivre là. Divers indices convergents permettaient par ailleurs de faire l’hypothèse que Clara avait joué un rôle dans la décompensation de ces deux rivales. A partir du moment où le fantasme de leur hospitalisation définitive fut démenti par leur retour aux réunions pendant leur séjour à l’hôpital, Clara devint confuse. Avec une véhémence ayant des tonalités délirantes, elle accusa les soignants de la rendre malade au point de devenir incontinente comme l’était parfois l’une de ces résidentes, et délirante comme l’était l’autre en permanence. Puis elle fit ses bagages, et se mit à déambuler entre la Maison de la Baïsse et un foyer de dépannage où elle avait trouvé refuge. Nous étions donc confrontés tout à la fois à une émergence délirante, et à une mise en péril du cadre de soins.
Nous provoquons donc une rencontre entre elle et nous. Elle vient – ce qui témoigne du maintien d’un lien positif avec nous malgré le vécu de persécution, fait méritant d’être noté car à plusieurs reprises nous avions dû la sanctionner par un renvoi temporaire pour ses absences aux rencontres mensuelles. Au cours de cet entretien, elle insiste pour quitter cette maison qui la rend malade. Nous faisons alors le lien entre cette fuite pour échapper à la maladie et le retour des deux autres résidentes, comme si elle vivait avec le fantasme qu’il n’y a pas place ici pour elle et les autres, qu’il doit forcément y avoir une des femmes de la maison malade et rejetée pour toujours à l’hôpital : ou elle ou l’une des deux autres résidentes. Dans ces conditions, on comprend qu’elle ait pu, sans s’en rendre compte, aggraver par son comportement l’état des deux autres résidentes au point qu’elles aient dû partir à l’hôpital. Pour se débarrasser de sa peur d’être exclue à cause de sa maladie, Clara a eu besoin que ce soit les autres qui soient malades au point d’être exclues. Clara fut très touchée par cette intervention, la contesta, puis la reformula avec perplexité. Nous avons alors affirmé notre conviction qu’elle a sa place dans la Maison, et les deux autres résidentes aussi, malgré leur maladie. Sa confusion s’apaisa dans les jours suivants. Au bout de quelque temps elle revint vivre à la Maison de la Baïsse et reprit la cohabitation avec les deux autres résidentes revenues de l’hôpital.
L’utilisation dans cette rencontre individuelle des informations recueillies dans la réunion de régulation nous a permis de relier les turbulences psychiques vécues par Clara aux événements réels qui les ont déclenchées. Et par ce détour, de remettre Clara en communication avec sa propre vie psychique, c’est-à-dire les affects de peur et de haine, les désirs d’exclusivité dont la protégeaient les agirs, la confusion et le délire. Cette séquence est à mes yeux un bon exemple de l’impact psychothérapique de notre dispositif. D’autant plus qu’en refusant à la fois l’exclusion des autres résidentes et son propre départ, nous affirmons qu’il y a place dans ce lieu pour toutes les parties d’elle, y compris celles qu’elle a associées à un risque d’exclusion et projetées chez les autres résidentes.
Une autre séquence de l’histoire de Clara dans le lieu de vie
La séquence suivante est plus récente. Depuis quelques semaines, alors qu’elle venait de traverser une période de stabilité lui ayant permis de commencer une psychothérapie individuelle, le comportement de Clara est redevenu problématique. Elle est dépressive, parle d’idées de suicide, se montre maussade, irritable, tyrannique envers les autres résidents qui se plaignent beaucoup d’elle. Dans les réunions de régulation, elle est soit absente, soit vindicative envers les deux soignants.
Or que se passe-t-il en ce moment dans la maison et dans la vie familiale de Clara ? Dans la maison, le groupe des résidents est en train de beaucoup se modifier : en quelques mois, deux anciens sont partis, deux nouveaux sont arrivés. L’un de ceux-ci se révèle rétif à toute forme d’autorité, en particulier à celle de Clara qui a volontiers une attitude de sollicitude directive envers tout nouveau résident. Il est en outre très actif dans l’entretien de la maison, donc en rivalité avec Clara qui a volontiers une attitude de sollicitude et d’emprise envers la matérialité de la maison comme envers ses habitants.
Par ailleurs, un autre événement vient bousculer la vie affective et relationnelle de Clara : sa fille est devenue majeure. Cette accession symbolique de la fille de Clara au statut d’adulte lui est douloureuse pour deux raisons : 1. elle-même souffre de ne pas être une adulte à part entière, puisqu’elle bénéficie d’une pension dénommée « Allocation Adulte Handicapé » et vit sous le régime protégé d’une curatelle. 2. son histoire personnelle peut se résumer à l’emboîtement pathogène de deux relations mère-fille.
Un emboîtement pathogène de deux relations mère-fille
A l’âge de 17 ans, Clara a en effet mis au monde une fille, qui vient donc d’avoir 18 ans et qui a été totalement prise en charge par la propre mère de Clara, c’est-à-dire élevée par celle-ci comme une autre de ses enfants. Cette mère de Clara est marocaine, c’est le personnage fort de la famille, elle est très dynamique, au contraire du père originaire du Dahomey, décrit comme violent et alcoolique, et mort en 1986, durant la période hospitalière de la vie de Clara.
Ainsi, dès sa naissance, la fille de Clara – dont les fantasmes (ou les souvenirs ?) incestueux évoqués à demi-mots amènent à imaginer qu’il pourrait s’agir d’une enfant de son propre père – a été captée par la propre mère de Clara. Celle-ci a donc été doublement spoliée : de sa place et de son identité de fille auprès de sa mère, de sa place et de son identité de mère auprès de sa fille. Les troubles psychiques graves qu’elle a présentés dans les années suivantes lui ont donné une identité, celle de folle, et une place définitive à l’hôpital psychiatrique. Identité et place remises en question par sa vie à la Maison de la Baïsse, et par le travail psychothérapique entrepris à cette occasion.
Une occasion de faire des liens entre histoire personnelle et vécu actuel dans le lieu de vie
Nous savons tout cela puisque dans les entretiens préliminaires à son entrée au lieu de vie nous avons évoqué avec elle son histoire personnelle. Nous pouvons donc faire des liens entre ces aspects significatifs de sa vie et son vécu actuel tumultueux. Nous lui disons que son attitude envers la maison et le nouveau résident nous font penser à l’attitude d’une mère se sentant menacée : elle défend ses droits sur la maison comme une mère défendrait son droit à prendre soin de son enfant. Ainsi peut se comprendre à nos yeux son agressivité actuelle envers nous, responsables institutionnels : l’arrivée d’un nouveau résident nous replace dans une position de parents (nous seuls avons le pouvoir de générer un nouveau résident), elle nous vit comme une mère voulant lui prendre son enfant. De plus, l’attitude de ce nouveau résident, compétitif avec elle, en opposition avec elle, fait écho à celle de sa fille que la loi émancipe désormais vis-à-vis d’elle puisqu’elle est majeure. Au moment où sa fille et ce nouveau résident lui échappent, il est naturel qu’elle nous en veuille, comme autrefois elle a dû en vouloir à sa mère et souffrir de voir lui échapper à la fois la place de mère et celle de fille…
Émergence d’un mouvement dépressif jamais élaboré
Dans les semaines qui ont suivi, l’attitude de Clara s’est modifiée, et elle a dû affronter un authentique mouvement dépressif. Derrière ces revendications de pouvoir et cette colère de mère spoliée, peuvent enfin apparaître les affects de détresse de l’enfant délaissée qu’elle a été. Jusqu’ici les vécus de préjudice et les revendications délirantes ont protégé défensivement Clara de ces affects dépressifs. Qu’enfin elle puisse faire face à cette partie douloureuse – et non plus agressive – de son contentieux avec sa mère constitue une avancée notable dans son évolution. L’enfant délaissée commence à pouvoir pleurer en elle, au lieu de se consoler dans une revendication maternelle jamais assouvie.
C’est dans de telles rencontres instituées entre chaque résident et nous que cette élaboration commence à s’ébaucher, que des mots tentent de relier les actes apparus sur le vif des situations institutionnelles au vécu personnel de chacun. Cette élaboration ébauchée va se poursuivre et s’approfondir dans de meilleures conditions ailleurs, auprès du psychothérapeute personnel de chacun.
Essayons de résumer notre propos :
1- La problématique centrale sous-jacente à la pathologie psychotique concerne l’accès à l’état d’individu séparé. Ce qui est en question, c’est la douleur inassumable de la séparation, la perte de l’état fusionnel avec la mère, le deuil de l’omnipotence narcissique de la première enfance.
2 – Ce deuil jamais fait est l’axe du scénario auquel s’affronte chacun de ces patients, c’est contre cette détresse de l’arrachement que se construit le rempart de sa folie.
3 – Dans le lieu de vie que nous lui proposons, où il est chez lui mais en même temps chez nous, ce scénario va s’actualiser : à travers les soignants institutionnels, ce sont les interlocuteurs de son passé qu’il va interpeller.
4 – C’est dans le vif des situations vécues là que va s’ébaucher l’élaboration de ce scénario inconscient : il est donc essentiel que le séjour dans de tels lieux soit intégré à la démarche de soins, dont il constitue un des moments essentiels.