Par Farzad Zaré-Bawani et Marie Hazan.
Paru « Filigrane » dans Hiver 2004, volume 12, numéro 2.
« Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage !
Bien qu’on ait du cur à l’ouvrage »
Baudelaire.
La notion de traumatisme est intimement reliée à la psychanalyse. Après l’abandon par Freud de la théorie de la séduction (sa neurotica), les névroses de guerre ont fait du traumatisme un thème associé indissolublement à la psychanalyse dans le champ clinique (Freud, 1896,1922). Cependant, les événements socio-politiques de la fin du XXe siècle ont transformé le sens de l’expérience traumatique à un point méconnu des cliniciens des générations précédentes, y compris de Freud.
L’examen de certains cas sombres de l’histoire récente dévoile l’agonie des survivants de la Shoah (Krystal, 1976), les douloureuses séquelles des tragédies nucléaires de Hiroshima et Nagasaki (Lifton, 1980), la vie tourmentée des victimes de torture (Herman, 1992) et la peine déchirante des survivants de purifications éthniques. Les cliniciens se trouvent aussi, de manière inédite, dans des sociétés virtuellement sans frontières. En effet, à cause d’une importante immigration globale, il n’est pas rare que les cliniciens soient exposés à une multitude de cas pouvant être associés à des événements traumatiques aux proportions stupéfiantes.
De plus, la violence et la désintégration urbaine ont criminalisé notre environnement de manière inconnue auparavant (Archer & Gartner, 1984 ; Messner, 1986). Durant les dernières décennies, la violence, le viol et les agressions sont devenus des événements communs, même parmi les adolescents de la classe moyenne. Et ils sont surtout très largement diffusés par les médias. C’est pourquoi le traumatisme a assombri la vie quotidienne de manière obsédante. Il a mutilé psychologiquement des millions d’individus, victimes de causes aussi diverses que la violence criminelle ou les répressions politiques soutenues par certains états.
De ce fait, les cliniciens se trouvent de plus en plus appelés à traiter des patients souffrant de « perturbations dues à un syndrome de stress post-traumatique » (SSPT), dans des situations et settings cliniques divers, alors que ces sujets n’ont en commun que l’étiquette constituée par le diagnostic de « perturbation psychologique ». Par ailleurs, le fait de prendre en considération le nombre important de ces patients pose un problème majeur par rapport à la question de l’allocation de ressources et d’expertises, ainsi qu’à celle des stratégies thérapeutiques. C’est pourquoi une évaluation adéquate avant le traitement est considérée comme importante (Matsakis, 1994), car elle permet de différencier les cas les uns des autres et donc, de maximiser les possibilités de succès d’une intervention thérapeutique appropriée.
Le problème de l’évaluation est plus crucial que jamais pour les rescapés de traumatismes souffrant de maladies somatiques après une longue période de fonctionnement sans symptômes post-traumatiques (Edelstein, 1982 ; Lorenzer, 1968). D’une part, ces patients, n’ayant pas souffert de symptômes pendant une période de temps qui dépasse les cinq ans, et peut atteindre une moyenne de dix ans, manifestent une certaine réticence à subir une évaluation psychologique, d’autre part, ils passent souvent par de nombreux médecins spécialistes, sans que, pour autant, soient repérés des signes tangibles de pathologie organique et, par conséquent, sans traitement médical. Ce qui empire la situation de ces sujets est le fait que, durant leur longue quête d’une cure appropriée, ils peuvent developper un certain nombre de problèmes iatrogènes qui viennent s’ajouter à leurs rudes épreuves.
Dans ces circonstances, le rôle de l’évaluation psychanalytique devient plus nécessaire que jamais, et cela pour au moins deux raisons importantes. D’abord, la psychanalyse -ou la psychothérapie analytique- est le seul moyen clinique qui leur permette d’élaborer, à partir de la résistance à la thérapie, puisqu’elle a pour objet de comprendre les plaintes somatiques en se reférant à la signification inconsciente des symptômes physiques. Ensuite, la psychanalyse est la seule méthode clinique qui permette de chercher systématiquement une vue panoramique du développement caractériel ou du processus de maturation du patient. De plus, n’importe quelle élaboration psychanalytique sur le développement caractériel nécessite inévitablement de se référer aux premiers instants du traumatisme et des conflits du patient (A. Freud, 1965). Dans cette veine, la psychanalyse considère les premières expériences traumatiques comme des caractéristiques inaliénables de la vie humaine, associée à la fois à la naissance du sujet (Abraham, 1965) et à sa naissance comme sujet (Dolto, 1972).
Les survivants de traumatismes qui souffrent de maladies somatiques, sont habituellement envoyés par les praticiens du corps médical chez des spécialistes pour une évaluation psychologique. Après être passés par un épuisement fastidieux de tous les diagnostics et de tous les traitements organiques possibles, ces patients finissent quelquefois par rencontrer un psychanalyste. Les rescapés ont alors tendance à vouloir montrer que n’importe quelle tentative visant une formulation psychologique de leur maladie est vaine, cela parce que, de leur point de vue, ce genre d’élaboration risque de discréditer la validité de leur douleur pour la transformer en illusion personnelle, inapte à refléter l’importance de leur souffrance physique.
L’argumentation qui suit porte sur l’évaluation psychanalytique des victimes de traumatismes dont les maladies, inexplicables, ne découlent d’aucune pathologie organique, ces maladies somatiques faisant surface après une période de sept ans ou plus durant laquelle n’apparaissait aucun symptôme. Après avoir examiné la particularité des souvenirs traumatiques, nous explorerons certaines difficultés dans la rencontre clinique, qui impliquent le contre-transfert du psychanalyste envers les victimes de traumatismes qui ne peuvent exprimer leur supplice qu’à travers des affections somatiques et des souffrances physiques.
L’argumentation porte plus particulièrement sur le transfert et le contre-transfert dans le processus d’évaluation. Dans cette optique, celle-ci vise à redéfinir les caractéristiques non-verbales des souvenirs traumatiques comme cause décisive de la symptomatologie post-traumatique et de l’état émotionnel. Après avoir exploré le lien entre cette souffrance, inexplicable du point de vue organique, et l’expérience traumatique des survivants, ce lien étant par la suite associé au désir de l’analyste d’offrir une interprétation.
Évaluation ou observation intrusive ?
Dans le discours psychanalytique, on reconnaît généralement que la cure refère au processus de l’analyse du transfert et du contre-transfert. À ce sujet, McWilliams (1994) suggère que le processus d’évaluation doit être élaboré à partir de certains aspects d’identification du patient, de manière à permettre à l’analyste de planifier une intervention appropriée et d’éviter les risques qui peuvent se présenter en cours de route. Cependant, toute évaluation constitue, en soi, une intervention puisque la rencontre clinique suppose d’emblée un enchevêtrement des forces inconscientes chez le patient, et chez l’analyste. De plus, l’évaluation psychanalytique est le fruit d’une interprétation qui suppose le contre-transfert du thérapeute. En d’autres termes, l’interprétation se fonde sur la même conceptualisation théorique que celle utilisée lors d’une intervention ou d’une thérapie et les deux situations présentent, de ce fait, plus de similarités que de différences.
Par conséquent, il apparaît impossible d’établir une nette distinction entre l’évaluation en tant qu’étape exploratoire, et la thérapie comme intervention. En effet, chaque affirmation, chaque geste, la présence même de l’analyste, se situent dans le cadre analytique des rapports de forces que constituent le transfert et le contre-transfert. Par ailleurs, il serait absurde de rabattre l’une sur l’autre. La différence entre l’évaluation et la thérapie elle-même relèverait plutôt du degré d’exposition par le patient à l’interprétation de l’analyste et à sa prise de conscience concernant ses conflits intrapsychiques.
Il s’agit donc du dosage du rapport entre l’empathie et la confrontation, puisque l’absence complète de ces deux aspects de la communication est non seulement impossible, mais aussi inutile. En effet, n’importe quelle intéraction, dans un dialogue, requiert au moins deux interlocuteurs, qui interprètent constamment la sémiologie verbale et corporelle de leurs communications respectives, de manière à parler et à envoyer des messages corporels pour communiquer leurs désirs. Ainsi, d’un point de vue sémiologique, on est obligé d’admettre un certain degré d’intervention pour rendre le dialogue possible.
Par conséquent, l’évaluation et l’intervention sont inextricablement liées et privent l’analyste du confort et de la sécurité qu’offrirait une position qui viserait la neutralité. On pourrait même affirmer qu’une évaluation non-intervenante est une complète aberration du point de vue psychanalytique, puisque l’analyste et le patient sont en tous temps impliqués et actifs dans le cadre du rapport de forces entre le transfert et le contre-transfert (Rachman, 1988). A cet égard, il est important de voir comment les victimes de traumatismes, du genre sus-mentionné, en viennent à s’engager dans cette matrice où s’intriquent les forces inconscientes.
« Où nul il du ciel ne pénètre »
« Où nul il du ciel ne pénètre » (Baudelaire, 1961, 156) est sans doute la meilleure métaphore pour désigner l’oubli que les survivants de traumatismes manifestent durant la rencontre. Plus particulièrement, ce manque d’associations devient plus patent que jamais lorsque l’évaluation est suivie d’une psychothérapie. Même si la psychanalyse nous initie aux termes de refoulement et de résistance, il est tout à fait terrifiant d’être confronté à ces mécanismes chez une victime, qui a été torturée suite à une incarcération politique. Cela est dû, en grande partie, au fait que de tels événements traumatiques ont eu lieu, non pas au cours d’une période de développement, lorsque la mémoire sémantique est encore à l’état naissant, mais à l’âge adulte, alors que les processus sémantiques ont atteint leur pleine automaticité.
Confronté à de tels patients, l’analyste naïf pense souvent à ces individus comme à des êtres de stature prométhéenne, ayant volé le feu libérateur des dieux tyranniques. Ceux-là ont offert le présent lumineux des cieux aux mortels humains, pour finir par subir orgueilleusement l’expiation prescrite des vautours dévorant leur foie, cependant que chaque jour, ils en développent patiemment un autre pour nourrir à nouveau ces rapaces voraces. Le culte du héros devient particulièrement problématique dans le cas où l’analyste a le même passé politique ou éthnique que les survivants.
Le contre-transfert vis-à-vis de la résistance du patient peut provoquer des instincts sadiques chez un analyste ayant présumé de son rôle de médecin exigeant, omnipotent et omniscient, face à un enfant défiant ou, au mieux, ambivalent. À ce sujet, la littérature clinique montre que des auteurs se sont interessés aux sentiments qu’éprouvent des analystes en relation avec des patients narcissiques mûs par un désir pathologique de grandeur et qui se comportent comme des « touristes » dans un cadre thérapeutique (McWilliams, 1994). Dans de tels cas cette situation est toutefois due à l’attente prométhéenne de l’analyste par rapport à son patient, plutôt qu’à la grandiloquence maniaque du patient lui-même.
Par ailleurs, l’analyste, dont l’expérience ethnique ou politique n’est pas la même que celle de ces survivants, n’est pas plus à l’abri de tels comportements que ses collègues sus-mentionnés. En effet, leur désir de guérir leurs patients, et l’enthousiasme humanitaire qui les pousse à vouloir les aider, les met inevitablement à la merci de la résistance défiante ou maligne d’un patient, qui cherche à terminer sa thérapie, manquant ainsi l’occasion de définir un lien entre son passé traumatique et ses douleurs somatiques actuelles. Dans ces circonstances, l’enthousiasme initial de l’analyste se transforme en un irritant sentiment d’incrédulité, qui peut progressivement donner lieu à une amère hostilité envers le patient. Ainsi, avant même de s’en rendre compte, l’analyste aura adopté le rôle d’un « soignant » répressif qui, le temps d’une séance, exerce des demandes envers son patient ou luiprodigue des conseils.
Le contre-transfert peut aussi impliquer un aspect beaucoup plus complexe et profond de la psyché de l’analyste. Cependant, il faudrait d’abord élaborer sur les particularités des symptômes post-traumatiques, surtout lorsqu’il est question de douleurs inexplicables. Il est nécessaire d’observer les principaux symptômes, affects et défenses des survivants par rapport à leur douleur, celle-ci étant inexplicable du point de vue médical. En effet, cette élucidation permet de clarifier la nature de la pathologie et du transfert post-traumatique, avant d’analyser les rapports entre l’évaluation et le contre-transfert, qui sont moins souvent abordés.
Pour évaluer de manière adéquate la part du symptôme et celle du transfert dans le cadre d’une intéraction, il faut tenir compte de l’effet débilitant des souvenirs. Dans le cas des patients qui souffrent essentiellement de douleurs somatiques, même si ces douleurs peuvent être considérées comme une manifestation déformée de leur souffrance, il n’est pas inutile de souligner que la vérité, en soi, peut libérer n’importe qui. C’est pourquoi il est essentiel pour l’analyste de tenter de chercher plus loin dans les réactions défensives des victimes, en considérant, avant tout, la nature non-verbale de leurs souvenirs.
Dans une vaste gamme d’observations cliniques, on a associé ces souvenirs à la protogenèse d’au moins deux occurrences de réactions défensives et de formation de symptômes, toutes deux relativement persuasives (Matsakis, 1994 ; Herman, 1992) : a) les symptômes obsédants et envahissants, et b) les symptômes de repli dûs à des défenses dissociatives. Les symptômes obsédants sont généralement définis (Janet, 1889 ; Freud, 1922 ; Kardiner and Spieegel, 1947 ; Lifton, 1980) comme résultant d’une fixation obsessive sur une certaine anxiété qui provoque le retour des souvenirs traumatiques que la victime tente déspérément de maîtriser et de contrôler. À l’origine, ce mécanisme obsessif est décrit comme ayant une fonction réparatrice de contrôle pour contenir l’anxiété.
Cependant, après un événement traumatique, les défenses obsessionnelles produisent les symptômes obsédants, envahissants et répétitifs qui tourmentent la vie du sujet. Dans une description éloquente, Herman décrit la nature non-verbale -sensations et images- de ces souvenirs traumatiques obsessionnels :
Les souvenirs traumatiques ont un certain nombre de propriétés particulières. Ils ne sont pas encodés, comme les souvenirs habituels des adultes, dans une narration verbale linéaire qui est assimilée au rythme quotidien d’une vie. Les souvenirs traumatiques n’ont pas de narration verbale et de contexte qui leurs soient propres ; ils sont plutôt encodés sous la forme de vives sensations et images (..) Les gens traumatisés revivent le moment de leur traumatisme, non seulement dans leurs pensées et leurs rêves, mais aussi dans leurs actions (Herman, 1992, 37-39).
La nature non-verbale des souvenirs traumatiques en fait une source décisive d’intrusion récurrente, qui jette une ombre sur la vie des survivants durant leur sommeil ou lorsqu’ils sont éveillés. En d’autres termes, l’intraitable douleur du traumatisme déforme le processus psychique, ne laissant que de vifs fragments de sensations et d’images, qui ne sont pas encodés sous forme de signes linguistiques et qui sont particulièrement résistants à l’élaboration verbale.
Dans un autre exemple, à travers une analyse culturelle, Kirmayer a qualifié le rapport entre le fait que les souvenirs obsédants d’événements traumatiques soient inexprimables et le rôle du contexte social. Il a relié, en effet avec éloquence, la déficience dans la verbalisation de ces souvenirs au prix affectif de la mémorisation comme acte social qui implique l’altérité d’un individu dans un « espace social » :
Dans des situations où parler et même penser sont interdits et où les gens sont complètement seuls (en prison ou dans l’isolement d’une famille abusive), ceux-ci peuvent quand même édifier un espace virtuel dans lequel leurs histoires sont racontables. Lorsque cet espace virtuel est conçu comme un paysage social, la mémoire demeure accessible. Mais quand la mémorisation se produit au prix d’un coût catastrophique pour soi-même et pour les autres, la mémoire peut être séquestrée dans un espace virtuel (mental) qui est asocial et l’espace se referme sur la conviction que dire ne sera jamais possible (Kirmayer, 1996, 189).
Dans l’analyse de Kirmayer, l’espace virtuel est un espace de représentation où le Moi et l’autre sont reliés par des actes discursifs. Son argumentation tient compte de l’inexprimable, dans un contexte social, du point de vue pragmatique de la verbalisation, de la mémorisation et du coût affectif du souvenir. En d’autres termes, une douleur massive, humiliante et subie dans l’isolement, force la victime à perdre contact avec l’espace social virtuel, ou avec un espace comprenant l’altérité et permettant l’encodage sémantique. Dans cette veine, le non-dit devient impossible à dire et l’indicible devient du non-dit.
Quant au repli, qui constitue le second volet de la symptomatologie, il résulte des réactions dissociatives des rescapés à l’impact du traumatisme. Lorsque les victimes sont menacées d’une mort horrible, l’agonie de la torture, de la violation et de l’humiliation rend vaine toute tentative de retrouver ses repères ordinaires, ainsi que toute mesure d’adaptation. La réaction du survivant à cette réalité inhumaine est donc filtrée par un détachement apathique qui constitue, pour tout individu, une mesure de protection de dernière ressource. Ce détachement, qui permet d’éviter de désespérer et d’être pris au piège, se trouve au cur des symptômes dissociatifs ou de repli. Herman décrit ce type de symptôme en soutenant que :
La personne désespérée échappe à sa situation, non pas en agissant dans le monde réel, mais en altérant son état de conscience (…) Elle peut avoir l’impression qu’un événement n’a pas lieu, comme si elle s’observe de l’extérieur de son corps, ou comme si l’événement lui-même n’est qu’un mauvais rêve duquel elle se réveillera sous peu (…) Cet état de conscience altéré peut être considéré comme un don de la nature ou comme une protection contre une insupportable douleur (Herman, 1992, 42-43).
Cette dissociation altère profondément l’organisation psychique des rescapés et les force à vivre avec un Moi rétréci.
Kirmayer, cependant, explique le caractère dissociatif d’une telle situation d’un point de vue socio-culturel, en remettant en question l’unanime empressement d’une societé à témoigner de la réalité et à la confronter. Selon lui, les victimes traumatiques souffrent souvent de blessures déplaisantes que, ni elles-même, ni les autres, ne sont prêts à prendre en considération. D’emblée, la brutalité des événements traumatiques force les victimes à enregister leurs souvenirs dans les coins les plus reculés de leur conscience. Il ajoute :
L’univers social omet une [telle] prise en considération pour de nombreuses raisons. Même les explications réparatrices par rapport à des choses terribles qui sont arrivées à des gens (violations, traumatismes, pertes) sont écartées, d’une part, à cause de la peur et de la douleur qu’elles peuvent provoquer chez d’autres et, d’autre part, à cause du fait qu’elles constituent une menace par rapport aux mesures sociales et politiques en cours (Kirmayer, 1996, 192).
L’absence d’une base socio-culturelle apte à confronter ces souvenirs terrifiants peut s’expliquer de deux manières. Que ce soit en tant qu’analystes, ou en tant que simples individus, la souffrance des rescapés peut nous angoisser individuellement en nous causant indirectement douleur et anxiété. Une histoire de carnage et de violence peut nous perturber socialement et défier notre foi commuîe en nos structures politiques et morales.
Pour comprendre comment les analystes peuvent être affectés indirectement par l’écoute de ces événements, il faut savoir que des événements traumatiques, semblables à ceux dont souffrent les victimes de torture, activent et ravivent les principaux conflits de la première enfance. Lorsqu’elles sont enfermées, les angoisses oubliées depuis longtemps, telles que l’angoisse de l’anéantissement, de la séparation et de la perte de l’objet, ainsi que celle de la pulsion de contrôle, de la castration, de la pénétration et de la honte, reviennent compromettre l’équilibre précaire de la victime. Herman aborde ce terrifiant phénomène d’activation et de réactivation en un langage théorique exact -quoiqu’impersonnel- lorsqu’elle soutient que :
Les conflits de développement [du temps] de l’enfance et de l’adolescence, qui étaient résolus depuis longtemps, sont soudain réouverts. Le traumatisme oblige le rescapé à revivre toutes ses luttes antérieures au détriment de l’autonomie, l’initiative, la compétence, l’identité et l’intimité (Herman, 1992, 52)
Suite à cette réactivation, une myriade de conflits internes envahit la vie psychique de la victime, menaçant le cur même de son existence psychique, invasion semblable à celle de l’angoisse primaire.
S’ils le peuvent, les rescapés invoquent ces moments comme des moments où ils ont eu à lutter contre eux-mêmes, plutôt que contre des agresseurs. Ce genre de discours peut être illustré par le cas de Lena Constante, en Roumanie, qui a survécu à huit années consécutives d’emprisonnement dans la solitude et la torture, suivies de quatre années de détention. Voici comment elle a exprimé son dilemme :
Je me réveille, enfermée entre des murs de ciment. Paralysée par le froid. Ayant mal partout. Avec l’idée obsédante de la mort. Mourir. Je voudrais mourir. M’enfuir ? Quelle ironie. La réalité me tient. Des tenailles. Qui me brisent les os. M’écrasent le cerveau. Pas d’issue possible. Hormis ma volonté. Ma volonté qui se désintègre aussi. Car le plus dur, c’est de garder en éveil sa volonté d’avoir de la volonté. Résister au désir d’abandonner. De laisser tomber. De laisser tomber, même soi-même. Le désir de ne rien désirer de plus. De se laisser aller. À la dérive. De tout perdre. De se perdre. De sombrer dans le vide mental. La lutte la plus difficile. Contre l’ennemi le plus traître. Et le plus subtil. Soi-même (Constante, 1994, 17).
Ces confessions vives et terrifiantes représentent ce que Herman tente d’élucider par l’idée de réactivation des conflits du passé. C’est ce réveil des conflits intrapsychiques profonds qui provoque une angoisse intense chez l’analyste, dernier recours contre le retour du refoulé.
Par ailleurs, la symptomatologie clinique actuelle d’un rescapé, après une longue période de fonctionnement a-symptomatique, est décrite confusément, dans la mesure où elle se présente sous forme d’énigmes présentées sous enveloppe de problèmes somatiques. Cette distortion dans la symptomatologie des rescapés les sépare profondément de ce qui est défini par la conversion hystérique, ou par la névrose obsessionnelle. Il a donc été suggéré que les catégories nosologiques traditionnelles (DSM-IV or ICD) n’offrent pas un outil de diagnostic approprié pour évaluer les victimes de traumatismes. Même si, déjà à l’époque d’Anna Freud (1965), on avait abordé la question du diagnostic par rapport à un cadre psychologique général, ce problème est apparu de manière encore plus flagrante chez les rescapés de torture. Voici comment Herman explique ce problème :
Le fait qu’il n’existe pas un concept de diagnostic qui soit exact et complet a des conséquences sérieuses sur les traitements étant donné que le lien entre les symptômes actuels du patient et son expérience traumatique se perd fréquemment. Des tentatives pour accorder le patient au moule des diagnostics existants permet généralement, au meilleur des cas, de comprendre le problème de manière partielle et d’aborder le traitement de façon fragmentée. Beaucoup plus fréquemment, les traumatisés chroniques souffrent en silence. S’ils en viennent à se plaindre, leurs plaintes ne sont pas comprises. Ils peuvent rassembler une pharmacie virtuelle de remèdes : un pour les maux de têtes, un autre pour les insommnies et d’autres encore pour l’anxiété et la dépression. Aucun de ces remèdes ne semble donner de résultats puisque les causes initiales du traumatisme ne sont pas prises en considération (Herman, 1992, 118-119).
La nature fluide de la symptomatologie, qui débute par des plaintes somatiques inexplicables et la douleur somatoforme, et puis inclut des caractéristiques obsessives-compulsives, comprenant une dépression (bipolaire ou unipolaire), de l’amnésie et des troubles d’anxiété, rend le processus d’évaluation extrêmement compliqué.
La situation est quelquefois tellement difficile et complexe que les symptômes, chez un groupe de patients similaires, peuvent parodier chaque trouble de personnalité décrit dans les manuels. Kolb (1989), tel que cité par Herman, a signalé le problème que pose l' »hétérogénité » des symptômes : « À un moment ou à un autre, elle [la situation] peut sembler mimer n’importe quel trouble de la personnalité… Ce sont ceux qui sont menacés pendant une longue période de temps qui souffrent d’une désorganisation de la personnalité de plus longue date. » (Herman, 1992, 119). Dans ces circonstances, la confusion du thérapeute constitue une réaction normale, compte tenu de la distance et de la complexité de l’expérience des rescapés, ainsi que de leur résistance par rapport à une évaluation psychologique.
Une telle confusion génère un mode passif de contre-transfert, plus insidieux que le problème mentionné plus haut, des projections actives, humanitaires ou prométhéennes de l’analyste. Dans ce mode passif, l’analyste prend du recul et adopte le rôle d’un enfant verbalement passif qui se cache derrière le masque de l’analyste abstinent, calme et distant, mais qui, en réalité, est confondu et effrayé par une pléthore de symptômes multicolores. Dans le domaine médico-légal, où la question de la compensation est intimement liée au processus d’évaluation, la situation devient encore plus complexe. Cela est dû en grande partie au fait qu’après une période fonctionnelle les symptômes des rescapés sont déclenchés par un événement sans lien, en apparence du moins, avec le trauma, ou par un accident.
Dans de tels cas, on peut s’attendre à ce que la passivité verbale de l’analyste confus soit compensée par un sadisme oral l’amenant à attribuer de fausses étiquettes au patient, telles que : sinistrose, névrose de compensation, simulation, ou troubles factices. Elles sont fréquemment utilisées dans les diagnostics car les cliniciens considèrent souvent la douleur exagérée et entendent la plainte comme une demande de compensation monétaire. Herman décrit cette situation ainsi : « Comme les traitants se lassent de ces malheureux chroniques dont l’état ne semble pas s’améliorer, la tentation d’employer des diagnostics péjoratifs devient envahissante. » (Herman, 1992, 119). De plus, à cause de la résistance à la récupération de souvenirs traumatiques, l’analyste peut ne jamais trouver le lien entre les maux somatiques, qui sont courants après un accident récent, et les souvenirs d’un passé traumatique chargés d’émotion.
Fragment clinique
Monsieur A est un homme de 46 ans, qui habite à Montréal depuis 1983. Dans son pays d’origine, M. A. fut arrêté par la police pour des raisons politiques. Il a été sévérèment torturé pendant la durée de l’interrogatoire qui a duré treize mois. Au total, il a été incarcéré pendant sept ans. Même après la période active de l’interrogatoire, il a été torturé plusieurs fois. Ainsi, il a enduré les souffrances de l’isolement pendant quinze mois consécutifs.
Finalement, il s’est marié et s’est échappé de son pays, un an après de sa sortie de la prison. Arrivé à Montréal avec sa femme, en 1982, il a eu une fille, née en 1983. En 1988, en apprenant à sa fille à nager dans la piscine, il a commencé à avoir mal au cou, ce qui lui a d’abord semblé temporaire. Mais, la douleur a augmenté rapidement dans les jours suivants, et il a commencé à developperdesmaux tête épouvantables. Il a cherché un traitement médical efficace pendant quatre ans. Son état a été diagnostiqué comme une migraine incapacitante. Mais, à cause de sa demande d’invalidité, il a été évalué par un psychiatre qui a avancé le diagnostic de douleur somatoforme. Finalement, en 1992, il a consulté un groupe de support de sa communité ethnique, pour son problème émotionnel, relié à sa maladie physique.
Au cours de la première rencontre du groupe, dont j’étais l’animateur, il déclara ne pas être particulièrement intéressé par cette approche, considérant son problème comme une maladie physique. Il s’est donc d’emblée dissocié du groupe, identifiant sa souffrance comme distincte de celle des autres participants. Je lui ai donné l’assurance qu’il pouvait parler de ses symptômes physiques aux autres membres du groupe.
Pendant les quatre premières rencontres, il a bien interagi avec les membres du groupe. Il a même souvent joué le rôle de thérapeute auprès d’eux. Mais il a surtout décrit ses douleurs. Par conséquent, je lui ai plutôt proposé des rencontres individuelles, lui mentionnant comme raison la nature physique de son problème. Il a accepté mon idée et l’a trouvée très agréable.
Dès le début de nos sessions individuelles, j’ai décidé de le laisser se concentrer particulièrement sur la description de ses douleurs. Il a commencé avec un langage appauvri. Il a d’abord attribué cette pauvreté verbale à ses maux physiques, mais avec le temps, il a remarqué la répétition ; il a aussi identifié les situations similaires, dans le présent ou dans le passé, où sa difficulté à s’exprimer le menait à l’exaspération. Je l’ai ramené à sa description de ses souffrances physiques. En utilisant sa description, je lui ai indiqué le parallélisme émotionnel entre ces différentes situations personnelles.
Après ce travail, il a rapidement élargi sa description. Et, le contenu émotionnel est devenu clairement discernable dans sa parole. La diminution de la douleur a suivi, quelques mois après ce changement significatif dans le langage. Mais une attitude ruminative et obsessionnelle a émergé très vite après ce dernier changement. Je lui ai donc demandé de m’expliquer son état pendant ses rituels, et de chercher le rapport entre ses différentes réactions.
A partir de là, il est devenu particulièrement résistant dans le processus et a essayé de m’impliquer dans un débat sur la causalité de sa douleur. J’ai évité tous ses arguments, et les lui ai interprétés comme une réaction envers la nature frustrante et angoissante de sa souffrance. Ainsi, j’ai complètement évité les interprétations génétiques ou analytiques dans la première phase du traitement et me suis concentré au niveau phénoménologique.
Le lent dévelopement du processus et la description détaillée de la douleur étaient les éléments principaux dont nous traitions au cours de nos rencontres, et je me suis débattu pour éviter les interprétations approfondies et causales, durant cette première partie du processus thérapeutique.
Conclusion
En résumé les affections somatiques, non explicables en termes de pathologie organique, peuvent receler en elles-mêmes les secrets d’un passé traumatique. Cependant, comme nous l’avons montré dans les exemples précédents, le contre-transfert de l’analyste peut mener à une tentation de réduire ces maux à leur origine traumatique supposée, ou à celle d’interpréter en termes de bénéfices secondaires. Dans les deux cas, cette réduction téméraire ne tient pas compte des spécificités de ces souvenirs traumatiques, comme traces corporelles ou sensations non verbalisées.
Cet aspect infra-verbal ou corporel des souvenirs traumatiques reflète une distortion au niveau de l’encodage de la mémoire ; seuls de « vifs fragments de sensations et d’images » sont enregistrés, de manière disjointe et fracturée. Ainsi, la terreur du traumatisme déforme les souvenirs avant même la distortion résultant de la formation des symptômes. Cet argument représente un sérieux défi à notre compréhension de la résistance dans un contexte thérapeutique. Ainsi, nous pourrions avoir à reconsidérer dans quelle mesure la somatisation est associée à la distortion d’un contenu latent en formation de compromis (conversion) ; elle peut aussi être associée à la distorsion des encodages de la mémoire et des souvenirs infra-verbaux.
Plus précisément, le fait de négliger la nature infra-verbale de ces souvenirs reflète l’anxiété de l’analyste témoin d’une douleur inexplicable, étiologiquement suspendue au dessus d’une base objective. De façon générale, les interprétations de l’analyste visent le processus étiologique, qui sous-tend la formation du symptôme. Cependant, cette recherche interprétative de l’étiologie peut s’avérer réductrice et rendre suspectes les douleurs somatiques et apparemment arbitraires des rescapés. C’est pourquoi ces souffrances somatiques, étiologiquement et organiquement indéfinissables, inexplicables et irréductibles, mettent au défi et confrontent le thérapeute à sa capacité à soigner avec empathie ces sujets en se sentant « suffisamment bon ». En d’autres termes, ces maux somatiques non-objectifiables induisent l’analyste à éviter les explications en termes de causalité mécaniste, précipitée et prématurée.
Ce défi est particulièrement remarquable étant donné que les rescapés éprouvent le même genre d’anxiété par rapport à leurs propres souvenirs. Ces souvenirs sont colorés par une angoisse inexplicable, une souffrance intolérable ; ils rappellent la violence gratuite, l’attaque inattendue et non-provoquée et une douleur injustifiable et incompréhensible. Victimes, selon les termes d’Hannah Arendt (1964), de la banalité du mal (« the banality of evil »). Les rescapés ont subi ce mal très répandu, commun et banal, impossible à éviter pour les victimes, et tout à fait ordinaire pour ceux qui l’ont perpétré.
Par conséquent, la suspension de la causalité, qui apparaît de manière si prononcée dans les cas de maux inexplicables d’un point de vue organique, reflète en miroir la suspension du sens -« la banalité du mal »- subie au moment de la torture ou du traumatisme. La prudence et l’angoisse de l’analyste face aux douleurs somatiques d’origine indéterminée, sa précipitation à brandir un diagnostic ou à se réfugier derrière une interprétation, signalent aux rescapés son impuissance à prendre en considération cette « banalité du mal ». Et cette impuissance intensifie et consolide en retour la résistance des rescapés, sabotant et sapant les bases mêmes d’une intervention thérapeutique.
Ainsi, de manière générale, l’évaluation psychologique peut être utilisée comme moyen initial important, en vue de soins thérapeutiques, si l’analyste est préparé et s’il consent à devenir témoin, non seulement des images désagréables de torture et de violence, mais aussi, et de manière définitive, de « la banalité du mal » qui est enracinée dans de telles images. Pour l’analyste, cette disponibilité et cet engagement requièrent la capacité psychique à tolérer la perturbation, provoquée par la suspension du sens, qui colore l’expérience des rescapés. Cela implique une capacité émotionnelle à faire face à la douleur alors même que le sens, la causalité organique et l’objectivité physique sont au degré zéro. En tant qu’analystes, nous ne devons pas oublier que les victimes évaluent nos capacités émotionnelles et notre disponibilité face à cet acte crucial du témoignage.
En conclusion, une rencontre d’évaluation est comme une rencontre où nous sommes simultanément, comme analyste, observateur et observé, évaluateur et évalué, présentateur et présenté, interprète et interprété : en un mot, analyste et analysant. C’est un acte où le sujet et l’objet sont dans un constant état de flux et de reflux. Cependant, comme le note laconiquement Kirmayer, l’objectif doit demeurer clair : « La psychothérapie vise à aider les individus à se décoïncer en prenant leur souffrance en considération. Pour être le plus efficace possible, elle doit aussi soutenir leurs efforts pour être entendus au delà de la salle de consultation, dans le contexte du monde local. » (Kirmayer, 1996, 192).
En fin de compte, que ce soit dans le cadre d’une évaluation ou d’une thérapie, l’archéologie des souvenirs traumatiques, massifs, sévères et complexes, est tout sauf simple ; elle est aussi loin d’être un succès au niveau de la guérison. Elle peut nous rappeler le sentiment si bien exprimé par Baudelaire dans son poème intitulé « Voyage » :
« Amer Savoir, celui qu’on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :
Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ! « (Baudelaire, 1961, 188)
C’est dans l’oasis de l’horreur que l’on est appelé à récupérer pour remédier à l’ennui mortel des symptômes. Cependant, amère est la tâche et décevant le résultat. En fin de compte, cela peut s’avérer être écrasant pour la vision que l’analyste et les rescapés ont d’eux-mêmes et de l’humanité.
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