LES NUER – Description des modes de vie et des institutions politiques d’un peuple nilote

Par Andrea JÁNOSI

Est-ce qu’il y a un intérêt de de l’anthropologie générale sociale, a travers notamment cet oeuvre, avec les Sciences de l’Education ?

LES NUER

Description des modes de vie et des institutions politiques d’un peuple nilote

- 1. L’auteur

EDWARD E. EVANS-PRITCHARD (1902 – 1973)

1) Éléments biographiques

Né à Sussex en Angleterre, Evans-Pritchard a étudié l’histoire moderne à l’université d’Oxford, et a effectué son travail universitaire supérieur en anthropologie à l’école de Londres des sciences économiques et de la Science politique. Il prend sa retraite en 1970 et est anobli en 1971. Evans-Pritchard est mort à Oxford.

2) Courant et théorie de l’anthropologie sociale

Anthropologue, il est le représentant le plus prestigieux de l’anthropologie structurale sociale britannique. Il est africanologue, professeur de recherche de sociologie africaine à l’Université d’Oxford, successeur légitime des grands fondateurs de l’école anglaise, comme Malinowski et Radcliffe-Brown.

Il est connu en particulier pour son remarquable et représentative oeuvre dans sa spécialité, monographie ethnographique classique, en trilogie, sur Les Nuer, Description des modes de vie et des institutions politiques d’un peuple nilote en 1939, publié en français en 1968 chez Gallimard, avec la traduction par Louis Evrard. En 1951, il publie Parenté et mariage chez les Nuer et en 1956 Nuer religion. C’est le reflet d’un nouveau mode de considération sociologique des sociétés tribales, de l’anthropologie sociale.

Evans-Pritchard a subordonné toujours ses élaborations théoriques aux résultats de ses enquêtes sur le terrain. Il mène six expéditions dans le Sud de Soudan, anglo-égyptien, notamment chez les Nuer et les Azandé. Il s’est montré vigoureusement opposé au cheminement inverse de la recherche. Il a révélé un scepticisme ouvert, en ce qui concerne l’existence éventuelle de lois universelles qui s’appliqueraient aux comportements culturels en général. Il a eu recours à l’histoire sans pour autant souscrire le déterminisme ; il a employé modérément du comparativisme.

Sa première monographie sur Nuer est une étude classique des lignées segmentaires et d’organisation politique dans les sociétés acéphales lignagères, population archaïque d’Afrique, mais traite également les issues écologiques et esthétiques. Dans ses livres postérieurs sur le Nuer, il s’est concentré sur des problèmes de religion et de parenté domestique. Après les années 1950, Evans-Pritchard a changé son orientation théorique vers le structuralisme français, Mauss, Durkheim, Hertz, cependant sans prétentions systémiques globales de Lévi-Strauss.

- 2. La population décrite

Les Nuer est l’ouvrage le mieux connu de toutes les études ethnographiques. La raison de ceci est due à l’analyse admirable et perspicace d’Evans-Pritchard d’un peuple intéressant et peu commun. Les Nuer, Nath en langue nilote, constitue une société du Soudan qui comprend près de 300 000 individus ; ce sont des éleveurs (boeuf et bélier) qui pratiquent occasionnellement l’agriculture (maïs et millet). Physiquement, ils sont de stature grande, membres longs et le crâne étroit. Ils font subdivision du groupe nilotique, avec les Dinka, ressemblants physiquement, dans la langue, et dans leurs habitudes culturelles.

Le Nuer est un peuple pastoral vivant à l’est le long du Nil supérieur, dans les marécages et la savane, qui n’a eu aucune loi ou chef, et l’ordre social maintenu par des valeurs de la communauté et un système segmentaire tribal (p. 20) et de lignée. Tous ceux qui parlent la même langue, et qui reconnaissent de ce fait une certaine identité, sont Nuer. Plus généralement, ils appartiennent au groupe ethnique Nuer-Dinka, voisins de Groupe Shilluk-Luo (à langue shilluk).

Le système politique est donc segmentaire avec résidence de type virilocal, c’est-à-dire patrilocal où, au moment du mariage, le couple habite chez le mari. Ils représentent « l’archétype » de la filiation unilinéaire de clans et lignées, ces derniers ici, représentent des sous-systèmes du système sociale global (Dumond). La société nuer est patrilinéaire et exogame. Contrairement à l’endogamie, l’exogamie est l’obligation pour une personne de chercher son conjoint à l’extérieur du groupe auquel elle appartient (groupe territorial, village etc.). La relation de groupes amène successivement à l’existence de groupe de différents niveaux de segmentation.

La société est organisée en tribus, dont l’objet est de régler les différends et désaccords qui surviennent entre ses membres, de défendre leur territoire s’il est attaqué. Selon la théorie de groupes politique territoriaux, le système politique des Nuer est donc constitué sur une base tribale à cadre territorial, la tribu se décompose en un certain nombre de segments territoriaux, division géographique et communautés distinctes. Il y a une complémentarité des relations entre les hommes et entre les hommes et leur milieu, rapports définis en fonction des situations sociales. Cette organisation politique, économique, la compensation matrimoniale exige beaucoup de bétail, qui « possède en général une valeur sociale » (p. 36.) « Le Nuer est chez lui là où se trouve son bétail » (p. 241)

La tribu possède un nom et tous les membres du groupe sont solidaires entre eux. Chaque tribu possède un clan dominant qui lui donne son nom. Le seul rang de stratification chez les hommes est formé des groupes d’âge.

La conception des Nuer distingue la parenté dans la famille, appelé gol et la parenté en général, cognatique (une généalogie descendante ne comportant pas les individus appartenant à la descendance agnatique (p. 22), appelé mar. C’est-à-dire les relations individuelles de parenté extérieure à la famille et proches ; ainsi que la parenté agnatique, (ligne qui regroupe tous les pères et fils porteurs du même nom, le nom patronymique), lointaine, entre personnes de lignées différentes, reconnu entre plusieurs clans. Un clan se segmente en des lignages, et des branches divergentes de de filiation à partir d’un ancêtre commun. (p. 225.) Le clan dominant va obtenir ses femmes et échanger ses soeurs avec les autres membres de la tribu appartenant à des clans différents. Il y a ainsi création de relations matrimoniales au sein de la tribu. (p. 23) [16]

Le système de parenté sert de support au système politique. Le système segmentaire permet aux Nuer de se découvrir des terres assez facilement. Ceci représente un mode de vie qui permet de gérer la pénurie des terres. En effet, les Nuer ont besoin de nombreuses terres pour faire paître les troupeaux. Le système segmentaire permet à chaque groupe de s’éparpiller sur l’ensemble d’un territoire tout en bénéficiant du soutien d’un groupe beaucoup plus large. On a dans ce cas une adaptation du système politique et de la parenté à des conditions écologiques spécifiques. Les déterminations sont naturelles de la vie des Nuer ainsi que autre sorte de déterminations, comme milieu ou relations humaines. [17]

- 3. Histoire du texte

1) Problématique et réponse à la question

Evans-Pritchard a voulu connaître le système politique de cette société. Il l’a authentifié à travers trois ouvrages essentiels : Les Nuer ; Systèmes politiques africains ; Parenté chez les Nuer. La partie intitulée Mode de vie et l’institution politique, est le plus important de l’oeuvre (p.17, 19), qui reflet les différentes approches de l’auteur, plutôt ethnographique que sociographique, mode de subsistance et cadre de leur déterminations naturelles, puis aspect politique des lignages (Evans-Pritchard, p. 31). C’est un fait social qui présente des caractéristiques distinctives.

La conception de Pritchard apparaît le plus nettement dans la Description politique du peuple des Nuer. Il n’y a pas d’autorité supérieure, pourtant les Nuer sont organisés en parfaite ordre sur une territoire donnée.

Il nous montre une société sans hiérarchie et supériorité de pouvoir. Il y un personnage sacré centrale, spécialiste de rituels dans le village, le « chef à peau de léopard », mais son rôle est symbolique, en cas extrêmes, seulement à la demande des nuer (vendetta), et l’utilisation du mot chef est aléatoire.

2) Le contexte

A la demande du gouvernement du Soudan anglo- égyptien, l’auteur entreprend l’étude de l’ethnie Nuer. Le travail lui semblait difficile à cause de conditions difficiles de la région. Sa description est entièrement de l’observation directe.

Evans-Pritchard arrive sue le terrain en 1930, il y retourne en 1931 pour la saison sèche. Dans des circonstances pas toujours évidentes : pas d’interprète, pas de dictionnaire ou grammaire de la langue, sécheresse. Il commence son travail par apprendre la langue qui est d’autant plus difficile sans aide. Au départ la population Nuer n’est pas aimable. Après avoir vécu auprès d’eux plusieurs semaines, ils deviennent plus ouverts. La maladie de la malaria fit fin au travail de cinq mois et demie. (Entre temps, le chercheur effectue différentes études (sur les Leek, Anuak, Galla).

Des soucis diplomatiques empêchent l’avancement du travail en 1935, qui continue ensuite en 1936, pendant un an. Le travail est retardé par les habitudes courtoises des villageois, qui rendent visite dans la tente du chercheur. En revanche, à partir de la tente tout était observable, car elle était installée au centre du campement.

L’auteur doit connaître la langue de l’ethnie qui est un facilitant essentiel à la compréhension des Nuer. « Posséder avant tout le vocabulaire relatif au bétail [boeuf] et à la vie des troupeaux » (p. 36).

Le mot cieng peut être la signification de maison, chez soi, ou résidence en fonction de situation sociale de la prononciation, la fonction et les relations donnent la signification des mots, objets ou attitudes de ce peuple. (p. 234 et 241) Serait ceci le passage de structuralisme au fonctionnalisme (Lévi-Strauss) ? Toute langue reflète une culture, une logique de réalité mentale, ce n’est pas suffisant de connaître la structure sociale pour la compréhension d’une société. Changement de l’orientation de l’auteur est plutôt mal accepté dans le courant de son époque.

- 4. Rapport avec les sciences de l’éducation

En survolant les différents orientations et courants de l’anthropologie, nous pouvons voir, il n’y a pas précisément, d’anthropologie de l’éducation.

Toutefois, cet œuvre est un exemple exceptionnel de respect et de la relation étroite avec la nature (Exemple : le chapitre sur le temps (écologique des saisons, temps social) et l’espace (temps pluvieux dispersés, sec plus en plus rassemblés aux sources d’eau)). L’intérêt de ce texte du point de vue (des sciences) de l’éducation en générale, est de découvrir et de respecter les langues et les diversités culturelles. Valeurs opposées nous apparaissent : d’une part, l’individu « moderne » est sujet individuel, en liberté et égalité ; d’autre part pour les sociétés non-modernes, l’homme collectif auquel le sujet est référé, en interdépendance.

Le sujet de l’éducation concernant cette société, apparaît dans la description du système des classes d’âge. La tribu organise de manière indépendante l’initiation de ses classes d’âge en système progressif, tous les quatre ans, en obtenant un nom, « et l’on y demeure jusqu’à la mort » ; l’ouverture et la fermeture des périodes d’initiation sont à la discrétion des différents groupes tribaux. Les initiés d’un certain nombre de garçons, appartiennent à une seule et même classe. Se considèrent comme des frères. Il y a un passage de l’adolescence à l’âge adulte par initiation, pour les jeunes hommes. Il consiste de faire des traits sur le front avec un couteau de six entailles, vraisemblablement très douloureux. Par la suite, il y a lieu à des sacrifices, des chansons, et des « jeux de mains licencieux ». (p. 282)

Il n’y a pas de fonction politique, administrative, militaire ou juridique pour le système de classes d’âge. Les classes d’âge déterminent le comportement des hommes, par le rapport social entre eux. Elle leur induit des devoirs et privilèges domestiques, comme façon de manger etc. J’ai pu noter que la relativité des valeurs est présente. Les hommes, à peu près du même âge, vont « franc-parler » avec les autres, mais il leur faut « témoigner du respect à un homme plus vieux, même s’il ne fait pas partie » de la classe d’âge de leur pères. La différence entre les classes se remarque dans les discussions, dans l’étiquette, ou dans le partage de nourriture etc.

Cet oeuvre ne touche pas le sujet de l’anthropologie de l’enfance. La parenté, rites, mythes ainsi que l’enfance et socialisation dans cette société traditionnelle, plus détaillées pourront être le sujet d’un autre description et synthèse, en regroupant les dernières parties de la trilogie. L’auteur conclue à la fin de son œuvre, qui ceci est son choix. Il rompe avec les monographies « prolixes », et il pose une théorie par rapport avec laquelle décrit les faits qui lui sont exemples. La théorie sert pour décider qui seront importants parmi ces faits d’en discuter. (p. 295)

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