Les représentations et les attributs du travail.

Extrait du livre : « Les Amériques noires » de Denys Cuche.

Le concept de travail n’est pas universel. Dans les cultures traditionnelles, l’activité de production n’est pas toujours prise en compte. Très souvent, il n’y a pas de mot qui traduise la notion de travail. En Occident, le travail est une nécessité, une contrainte qui s’oppose au temps libre. Ces notions ne s’imposent pas dans les sociétés traditionnelles.

Le mot travail vient de travailler qui signifiait au Moyen-Age faire souffrir tourmenter, torturer. Le verbe vient du latin tripaium qui est un instrument de torture à trois pied. L’idée qu’il y a donc derrière le travail, c’est que c’est une torture, une souffrance. Le mot, dans son sens actuel apparaît tardivement, au XVIème siècle avec le développement d capitalisme.

Le travail se déroule dans un lieu, dans un espace déterminé, pendant une période particulière. Le travail s’effectue ensuite dans un cadre social. Dans nos sociétés, le travail est un moyen de classement social : entre ceux qui ont ou n’ont pas de travail ; ceux qui possèden un travail temporaire ou définitif ; et à l’intérieur de ceux qui disposent d’un travail permanent le travail est-il intellectuel ou manuel ? Dans les sociétés traditionnelles, le statut de la personn est déterminé par son genre (sexe), la nature même de la personnes (libre, dépendante, etc.). La division du travail est un effet de la hiérarchie sociale. On ne pense pas que toutes les activités de production relèvent du travail. On considère qu’il y a une sphère des biens de subsistance et une série de biens destinés aux rites, aux loisirs ; ces derniers n relèvent pas du système économique. Dans les sociétés traditionnelles la sphère du travail est compartimentée ; les activités de production sont accompagnées de rites magico-religieux. Le travail y est souvent organisé sous forme d’échange de services.

Le volume et l’intensité du travail sont déterminés par les besoins du groupe. Le travail revêt donc un caractère discontinu puisqu’il ne vise qu’à accomplir les besoins nécessaires à la vie et à la reproduction du groupe. Dans le système capitaliste, c’est la consommation qui gouverne la production.

Le travail dans les Amériques noires.

Les auteurs de l’article se sont appuyés sur la littérature orale antillaise , littérature qui fait souvent référence au travail et à l’esclavage. La question du travail est centrale dans la mémoire des Antillais.

A partir des contes antillais, ils étudient la problématique du travail ; ce travail est conçu comme une aliénation. Et immédiatement, en raison de cette aliénation, le travail est rapporté à l’esclavage. Un proverbe dit « si le travail était bon, ce le serait pas le nègre qui le trouverait », et le sage déclare si le travail était bon, on ne vous paierait pas pour le faire » Et les nègres disent entre eux, pour se moquer de leur réaction face au travail : les nègres cherchent le travail, avec un fusil pour le tuer »

Dans le conte « manger kakala », il y a une association directe entre travail e esclavage. Au départ, l’héroïne est salariée du diable, puis ne pouvant honorer ses engagement, elle et réduite en esclavage. Pendant la période où elle est salariée, il y a échange d’une parcelle de terre, fournie par le diable, contre une part de la récolte. Le diable est la figure de la richesse ; la richesse n’est donc pas liée au bénéfice du travail, mais au diable. D’autre part dans la société antillaise, c’est le maître blanc qui possède la richesse ; il est don immédiatement associé dans l’imaginaire, au diable.

Dans de nombreux contes, il y a l’évocation d’un âge d’or où le travail n’existait pas. Il y a une grande nostalgie de cette période. Dans le conte « Tam-Tam enchanté » on voi une démarcation très nette entre la période avant et après le travail. Mais c’est aussi une évocation de l’Afrique par l’utilisation de l’assoun, instrument de musique utilisé lors des rites vaudous. Le tambour africain a été perverti par le travail. Le malheur des Noirs réside dans le fait qu’ils ont été mis au travail.

Dans le conte du nègre très malheureux, le noir n’est pas responsable de sa condition. C’est la société qui l’a mis dans un état de sujétion et de dépendance.

Les attitudes face au travail.

Il y a une profonde résignation vis-à-vis du travail. Le lieu de travail est celui qui lie le Blanc et le Noir. Ce dernier a une attitude déférente vis-à-vis du Blanc qui est le maître, qui est celui qui fournit le travail. Dans les contes qui fournissent un corpus des attitudes du Noirs face au travail, celui-ci utilise souvent la ruse pour éviter de travailler ou pour en faire le moins possible. La soumission au travail n’est jamais assurée. Aux Antilles, le vol constitue une transgression majeure. Mais voler quelqu’un qui exploite est moralement légitime. Le contre « Travail et le fainéant » montre qu’avec ruse et débrouillardise on vien à bout du diable. S’il est difficile d’affronter directement celui-ci, la débrouillardise et la ruse permettent d’en venir à bout. Mais cette débrouillardise est toujours le fait du cadet, jamais de l’aîné. L’aîné, dans les contes, représente les Bossales. Le malin, le rusé, le débrouillard, c’est le nègre créole. L’appel à la ruse est un refus de la soumission.

La rationalisation c’est l’individualisation du travail. Or le travail n’est pas conçu comme une pratique individuelle ; le travail se fait en groupe, avec les autres. Les conte montrent la résignation des Noirs face au travail ; ils dénoncent aussi la situation qui est fait de l’exploitation des Noirs.

Le conte Yé indique l’omniprésence de la question du renouvellement de la main d’œuvre. Il faut ressusciter les esclaves pour que le travail continue, se perpétue. Dans le conte « Assez fi », il s’agit une fois de plus du problème du renouvellemen de la main d’œuvre. Ils imaginent le fantasme du maître qui est de reproduire lui-même les esclaves dont il a besoin.

Dans l’imaginaire antillais, travail et liberté sont conçus comme deux entités opposées ; le travail indépendant seul est valorisé

Bibliographie complémentaire :

Giraud et Jamard : Travail et servitude dans l’imaginaire antillais in L’Homme oct/déc. 1985.

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