Il y a quelque temps de cela, la maman du petit François, 11 ans, m’avait demandé à le rencontrer car il souffrait de douleurs abdominales importantes. Cela se manifestait sous la forme de crampes au ventre assez fortes. Les médecins n’avaient rien décelé d’anormal dans le ventre de François. Autour de lui, on commençait à s’énerver, à envisager la thèse de l’affabulation. Durant l’un de nos entretiens, François m’a demandé :
Dis, tu crois que ce que j’ai c’est psyc(h)olique ? En me disant ça, François, du haut de ses onze ans, avait très bien résumé sa situation. Et il ne nous aura pas fallu longtemps, à François et moi, pour comprendre qu’il était en fait très inquiet pour son papa qui souffrait de troubles cardiaques assez graves…
1. Introduction à la psychosomatique (et au somatopsychique)…
Quand on pense à la psychosomatique, on pense trop facilement à un problème psychique qui a des retentissements sur le corps. Mais psychosomatique est un terme qui doit bien être compris dans les deux sens : le corps peut avoir un impact massif sur le psychisme et il est souvent difficle d’établir lequel des deux possède le plus d’influence sur l’autre. L’être humain est un tout ; une modification émotionnelle a un impact démontré sur le corps ; un trouble physique a une incidence immédiate sur le moral.
2. Mettre des mots sur des situations ou des émotions
Tous nous rencontrons des situations stressantes, chargées émotionnellement, des conflits, des changements, des inquiétudes. Ces situations « nous préoccupent » : nous y pensons, y mettons des mots, en parlons avec nos proches (ou avec nous-mêmes…), cernons les tenants et les aboutissants, etc. Cela nous aide à y remettre de l’ordre, par exemple en prenant des décisions ou en agissant. On pourrait appeler tout cela une « capacité à élaborer ou se représenter psychologiquement une situation réelle ». Mais il existe certaines personnes qui rencontrent d’énormes difficultés à le faire. Souvent, une des conséquences à cela, c’est que la situation ou l’émotion qui n’est pas « digérée » psychologiquement va alors être redirigée vers le corps et se manifester physiquement. Quant aux enfants, ils n’ont tout simplement pas les outils pour le faire avant un certain âge. On imagine difficilement un enfant de 6 ans se « représenter » finement le conflit qui couve entre ses parents et y mettre des mots. Mais il le ressentira sans aucun doute une forte tension. Le petit François, par exemple, vivait dans une ambiance très inquiétante où la mort prenait beaucoup de place, et qui régnait autour de son papa malade. Personne pour en parler avec lui, pour l’aider à voir ce qui se passait. Ses maux de ventre ont alors commencé.
3. Eléments clés des somatisations enfantines
Les somatisations donnent a priori l’impression d’une maladie physique. On retrouve deux grands types de somatisations. Il y a tout d’abord celles qui, mise à part une plainte, ne présentent pas de symptôme physique. Il s’agit d’une douleur, au ventre ou à la tête par exemple. Mais les médecins ne détectent rien qui réponde réellement à un véritable trouble organique. C’est le cas du petit François… Et puis il y a les somatisations qui présentent clairement des symptômes physiques bien observables. Certains enfants en situation de stress ou ressentant une pression dans leur environnement vont développer un véritable eczéma, par exemple, ou faire une diarrhée qui n’a rien d’imaginaire ! Les somatisations sont dues principalement à des stress extérieurs vécus par l’enfant, ou à la réactions à des tâches qu’on attend de lui. Si, parfois, l’enfant peut en rajouter un peu, les manifestations somatiques ne sont pas volontairement déclenchées. Ce qui se arrive dépasse plus que généralement le cadre de la volonté de faire semblant.
4. Passer le cap
La solution viendra certainement d’une discussion avec papa, maman, l’instituteur, le grand frère, voire un professionnel, afin de cerner la situation qui préoccupe l’enfant. En d’autres termes, si votre petit se plaint de maux de ventre, s’il présente des éléments vous faisant penser à une somatisation (si le passage chez le médecin ou le pédiatre s’est révélé infructeux), envisagez le fait qu’il vit une période stressante de sa vie, qu’il est inquiet pour vous, qu’il rencontre un problème à l’école, etc. Mettez-vous à son écoute. Et encore une fois n’hésitez pas à faire appel à un pédopsychiatre ou à un psychologue !
5. Avertissement
Certains troubles peuvent ne pas être détectés tout de suite comme étant d’origine organique. Attention donc à ne pas partir de suite sur du « psychologique » alors qu’un véritable problème d’origine organique s’est déclaré !