L’excision.

Par Manuel dos Santos Jorge.

Revue Latitudes N° 5 – avril mai 1999.

Il y a quelques semaines, une affaire exemplaire a été jugée au tribunal de Bobigny concernant les communautés immigrées en France. Il s’agit de la condamnation criminelle de la pratique de l’excision. Vraie mutilation de l’organe sexuel féminin externe, le clitoris, l’excision se veut rite d’initiation à l’intronisation à la vie adulte féminité, conjugabilité, maternité de la femme.

Que l’ablation clitoridienne soit partielle, totale ou plus drastique encore, suivie d’infibulation circoncision pharaonique pour faire pendant à la circoncision masculine, sous le prétexte de rendre plus explicite et distinctive la différence anatomique des deux sexes, cela n’enlève rien à la gravité de cette pratique. Ses conséquences pernicieuses n’enfreignent que l’intégrité de la personne, ses séquelles autant dans le domaine de la santé psychique décompensations dépressives, hallucinogènes que physiques infections diverses, incontinence, stérilité, voire, mort par septicémie s’avèrent à l’occasion redoutables.

Des ressortissants des régions subsahariennes les femmes exercées en sont les officiants réitèrent la valeur « sacrée » du rite ouvrant à chaque jeune fille pré pubère de leur groupe l’accès à la dignité exponentielle de femme.

La connotation magique, sinon religieuse, de cette pratique relève de traditions fort anciennes, certainement de rites sacrificiels propitiatoires phallocentriques. En quelques contrées d’Afrique (Occidentale, Centrale subsaharienne et orientale) islamisées, la religion musulmane l’a intégrée, sans pour autant la rendre obligatoire. Cependant la tradition l’a considérée incontournable pour authentifier la femme « honnête » au sein du groupe.

Actuellement ces pays cherchent à éradiquer, voire transformer cette coutume, en la médicalisant, par souci d’hygiène chirurgicale.

Les États européens ont pris des options diverses plus ou moins permissives, sauf la France qui, depuis 1983, s’est prononcée en sa jurisprudence jugeant l’excision, crime de mutilation délibérée.

Si les verdicts ont été assortis de peines sévères, cela tient aux strictes dispositions du droit (français) et à la Déclaration des droits de l’homme lequel entend préserver l’intégrité physique et morale de chacun. Néanmoins, il faut accueillir, avec bienveillance et avec le respect qu’il sied, les motifs des communautés qui se reconnaissent en ces coutumes, à l’indice de leur dignité, l’exposant de leur identité différentielle. Même si « illusoire » au regard de la Loi qui régit tout humain, cette pratique qui, sous nos cieux on considère surannée à bon escient, n’est pas sans produire ailleurs des effets de vérité : elle questionne du côté de l’essentiel.

Serait il possible de garder le rite, rehaussé à un niveau symbolique conséquent, s’abstenant de recourir à des agissements qui n’entraînent mutilation d’aucune espèce que ce soit de l’intimité féminine ? Pourquoi pas !

Que l’imagination des uns avantage la patience des autres, en concert de la compétition réciproque.

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