LPTh, nouvelle loi et nouvelles responsabilités des hôpitaux.

Interview de M. Paul J. Dietschi (Institut suisse des produits thérapeutiques, Swissmedic), par Madame Erika Schumacher (« Competence »), traduction française en octobre 2002. Une version abrégée de cet article est parue en allemand dans le mensuel, « Competence » No 12/200.

La loi sur les produits thérapeutiques et l’ordonnance sur les dispositifs médicaux ont donné lieu à de nouvelles responsabilités aux hôpitaux. Si l’hôpital n’applique pas la nouvelle réglementation, il peut y avoir risque d’incidents graves avec des conséquences financières. L’Institut suisse des produits thérapeutiques « Swissmedic » attache donc une importance particulière sur une ample information de la direction et du personnel hospitalier.

Ces derniers mois, divers milieux ont sévèrement critiqué le fait que la nouvelle loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) et l’ordonnance sur les dispositifs médicaux (ODim) entraînent un surcroît de dépenses pour les hôpitaux. La presse en a même fait ses gros titres en affirmant que la nouvelle législation coûterait 100 millions de plus aux hôpitaux. Au début, le débat s’est surtout focalisé sur la question de la restérilisation et de la maintenance des équipements, explique Paul Dietschy, membre de la direction et chef du Secteur 1 de Swissmedic – ce secteur s’occupe entre autres des dispositifs médicaux, inspections, essais cliniques et autorisations spéciales. A cela s’ajoute le fait que, sous l’ancienne législation déjà, de nombreux hôpitaux ne respectent pas toujours les règles imposées dans le cadre des essais cliniques de dispositifs médicaux. L’obligation d’annoncer les effets indésirables liés aux dispositifs médicaux n’est pas encore assez suivie. En la matière, on ne peut exclure des dommages aux patients. Les hôpitaux sont donc exposés à d’éventuelles actions récursoires. Paul Dietschy souligne le fait que certaines compagnies de réassurance ont dès lors tendance à ne conclure des contrats qu’avec les hôpitaux qui s’engagent à respecter toutes les dispositions légales. L’acuité de ce problème a poussé H+ et Swissmedic à engager des discussions pour résoudre ces problèmes conjointement. La présente interview de Paul Dietschy par competence est le premier signe réjouissant de cette collaboration.

Competence : Paul Dietschy, quels sont les changements principaux touchant les hôpitaux provoquées par la LPTh et l’ODim ?

Paul Dietschy : L’annonce obligatoire des incidents graves (matériovigilance) et l’obligation de garantir la maintenance des dispositifs médicaux sont les deux principales innovations pour les hôpitaux.

Par matériovigilance, on entend la collecte et le traitement des annonces relatives à la mise en danger des patients par des dispositifs médicaux imparfaits. Une matériovigilance rigoureuse devra permettre à l’avenir de détecter plus rapidement les causes techniques de tels incidents et de les éliminer dans tous les hôpitaux concernés. Par exemple, Swissmedic pourra retirer du marché un implant défectueux ou insuffisamment au point, ou demander l’amélioration de la notice d’utilisation d’un appareil à la suite des annonces de matériovigilance. Depuis le 1er janvier 2002, tous les professionnels utilisant des dispositifs médicaux et tous les organismes (notamment les hôpitaux) employant de telles personnes sont tenus d’annoncer les incidents graves. Les annonces doivent être envoyées à Swissmedic. Dorénavant, chaque hôpital doit donc désigner un responsable de la matériovigilance pour la collecte des information sur les incidents et la coordination avec Swissmedic. La désignation de ces personnes est une tâche directoriale ou, le cas échéant, du collège des médecins-chefs. Quiconque, dans un hôpital, constate des incidents, des lésions ou des risques possibles liés à des implants, des appareils, des instruments, du matériel de consommation ou des erreurs de logiciel, devra immédiatement s’adresser au responsable de la matériovigilance au sein-même de l‘hôpital. De même, les collaborateurs des laboratoires s’adresseront à ce responsable s’ils constatent des problèmes liés aux kits et aux équipements de diagnostic. Le responsable de la matériovigilance trie ces annonces et transmet, si nécessaire sous forme dépersonnalisée, les informations importantes à Swissmedic.

Competence : Quelles sont les exigences posées à la maintenance des appareils et instruments ?

Paul Dietschy : La maintenance correcte n’est pas une affaire simple. Certains dispositifs médicaux peuvent être réutilisés plusieurs fois, d’autres même sur plusieurs centaines ou milliers de patients (par ex. les tensiomètres). L’usure, la détérioration ou la contamination de tels dispositifs peuvent entraîner des préjudices considérables. Dans le même ordre d’idée, il faut faire attention aux erreurs de mesure par faute d’étalonnage. Les hôpitaux doivent donc rester maîtres de la situation malgré le nombre énorme des dispositifs médicaux et garantir une maintenance ordonnée. Cette question débouche souvent sur un conflit d’intérêts entre les hôpitaux et les fournisseurs, qui proposent des contrats de maintenance. Il s’agit là d’un défi de taille pour les services hospitaliers, les services techniques et les directions d’hôpitaux.

La première priorité consiste à organiser correctement la maintenance et l’entretien des dispositifs médicaux servant à maintenir ou à sauver la vie du patient, des équipements de diagnostic, des appareils thérapeutiques et des appareils de mesure. Dans ce domaine, tout dysfonctionnement peut entraîner un accident, induire une erreur de diagnostic ou réduire les chances de succès d‘un traitement.

Par conséquent, aucun hôpital ne saurait admettre une organisation lacunaire au niveau de la maintenance des dispositifs médicaux sans quoi il s’expose à des prétentions en dommages-intérêts par les patients lésés. Dans cette optique, la stérilisation est évidemment aussi un facteur de qualité primordial. Suite à l’abolition des contrôles cantonaux, certains hôpitaux ont négligé ce processus pendant des années. Maintenant, il s’agit de vérifier et, le cas échéant, de remettre à jour les procédures de stérilisation. Ces procédures doivent être fixées par écrit et les responsables habilités à signer les certificats de libération doivent être désignés. A ce propos, Swissmedic a déjà rédigé des feuilles d’information sur les questions de maintenance. Par ailleurs, Swissmedic est en train de préparer, en collaboration avec des praticiens du milieu hospitalier et des experts de l’industrie, des publications traitant en détail des aspects pratiques de la stérilisation en milieu hospitalier ainsi que de la validation des grands stérilisateurs.

Competence : De nouvelles règles ont été mises en place aussi pour les essais cliniques de dispositifs médicaux. Que faut-il exactement prendre en compte ?

Paul Dietschy : Les médecins d’hôpitaux doivent respecter quatre règles :

Premièrement, les médecins doivent vérifier si leur couverture d’assurance est appropriée et suffisante avant de participer à un essai clinique. Ils consulteront si nécessaire le conseiller juridique ou l’administration de leur hôpital.

Deuxièmement, le dispositif testé doit être suffisamment au point pour être appliqué sur l’être humain. Il en va de même pour les essais de prototypes. A titre d’information, Swissmedic met à disposition sur son site Internet un guide exhaustif, comprenant aussi la liste des normes techniques applicables aux dispositifs médicaux (adresse : www.swissmedic.ch/md/files/leitf-f.html).

Troisièmement, la commission d’éthique désignée par le canton pour les essais de produits thérapeutiques doit avoir donné son approbation.

Quatrièmement, les essais doivent être annoncés à Swissmedic. Il va de soi que les essais cliniques de dispositifs médicaux doivent être menés avec le même soin que les essais cliniques de médicaments. Dans les deux cas, les essais sont régis par la nouvelle ordonnance sur les essais cliniques de produits thérapeutiques, car au sens de la LPTh, les « produits thérapeutiques » englobent aussi bien les médicaments que les dispositifs médicaux ! Il s’agit d’informer les médecins d’hôpitaux afin qu’ils soient en mesure d’éviter tout incident et de se prémunir contre toute action en responsabilité.

Competence : Qu’en est-il du risque de responsabilité ? Comment le réduire ? Quels sont les aspects à prendre en compte ?

Paul Dietschy : Que ce soit pour les dispositifs médicaux ou les médicaments, les médecins devraient en général s’en tenir aux instructions liées aux produits (modes d’emploi). Dans le cas d’un essai clinique, le protocole approuvé par la commission d’éthique doit être suivi rigoureusement. Une utilisation selon un mode divergent doit être scientifiquement justifiée et validée, respectivement approuvée par la commission d’éthique dans le cadre d’un essai clinique. Il est aussi essentiel d’annoncer les effets secondaires indésirables et les incidents. En vertu de la loi, la violation de l’obligation d’annoncer est sanctionnée des arrêts ou d’une amende (art. 87 LPTh).

La responsabilité dans le cadre des essais cliniques repose d’abord sur l’hôpital pour leur propres études. Le cas n’est cependant pas très simple en cas d’essais initiés par l‘industrie. Même si le promoteur industriel répond en premier lieu des dommages subis par les sujets de recherche, il a la possibilité de se retourner contre l’hôpital ou contre un médecin hospitalier. Dans le cadre d’essais cliniques en hôpitaux publics, il y a lieu de considérer en plus la législation cantonale régissant la responsabilité de l’Etat pour les actes de ses agents. Selon une tendance croissante, les grands hôpitaux prennent donc des assurances qui couvrent les risques de recherche dans leur totalité. Il y a donc lieu de vérifier si la couverture d’assurance dont dispose l’hôpital couvre réellement ses différentes activités. Plusieurs hôpitaux ont déjà mis en place des modèles d’assurance à la fois novateurs et avantageux. A cet égard, les hôpitaux gagnent à échanger leurs expériences. Comme le risque zéro n’existe pas : les médecins responsables doivent respecter les dispositions légales (par ex. l’annonce d’un essai clinique de dispositif médical auprès de Swissmedic ou l’obtention d’une autorisation spéciale pour l’utilisation en Suisse de médicaments non autorisés), sous peine d’aggraver considérablement la situation juridique initiale en cas de dommages. Il en va de même lorsqu’un défaut de fabrication est identifié sans être ensuite annoncé et que, par conséquent, des implants défectueux continuent d’être utilisés.

Competence : Est-il vrai que la nouvelle ordonnance sur les dispositifs médicaux ne permet pratiquement plus de restériliser les dispositifs réutilisables ? Qui assume les coûts supplémentaires qui en résultent ?

Paul Dietschy : Les dispositifs réutilisables peuvent toujours être retraités. Ces dispositifs médicaux sont expressément conçus comme tels par le fabricant et ont été vérifiés de manière à pouvoir être réutilisés plusieurs fois en milieu hospitalier. Mais il est aussi vrai qu’on craint beaucoup l’éventualité d’une possible transmission de prions (par ex. la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeld-Jakob). Pour faire face à ce nouveau défi, les dispositifs médicaux invasifs de type chirurgical devraient donc être retraités par le biais d’un cycle de stérilisation garantissant un traitement à 134°C pendant 18 minutes. A l’heure actuelle, il n’est pas encore possible de déterminer s’il faudra encore renforcer ces mesures à l’avenir, par ex. en imposant l’utilisation d’instruments à usage unique pour certaines interventions sur des organes critiques tels que l’œil.

En revanche, le lavage et la restérilisation de dispositifs destinés par le fabricant à n’être utilisés qu’une seule fois posent problème. Nombreux sont les dispositifs médicaux qui ne se prêtent pas à un retraitement parce qu’ils présentent des endroits difficilement atteignables, des charnières, des revêtements de surface délicats, des matériaux synthétiques, des joints, etc. Il faut un examen microscopique pour détecter les microfissures ou les traces d’impuretés qui pourraient réduire à néant les opérations de stérilisation. Dans certains cas, la fatigue des matériaux entraîne malheureusement la rupture ou le déchirement de certains composants.

En réalité, il suffit d’un seul incident tragique pour annihiler tous les avantages financiers retirés du retraitement des dispositifs médicaux invasifs à usage unique.

La rentabilité de ce type de retraitement doit donc fondamentalement être remise en question, même si, jusqu’ici, les coûts des incidents ont été rarement reconnus, enregistrés ou pris en charge par l’hôpital concerné. Mais en tout état de cause, on aurait tort d’en conclure que la remise à neuf n’est plus possible pour le matériel ou les appareils précisément conçus à cet effet. Cela entraînerait à coup sûr la flambée des coûts tant critiquée. Si un hôpital veut pratiquer la restérilisation, il doit soumettre ce processus à une assurance de qualité susceptible d’en garantir l’efficacité, ce qui présuppose notamment la nomination d’un responsable chargé de la libération des dispositifs médicaux retraités. Sur le plan juridique, il y a encore d’autres questions délicates qui font l’objet de débats entre experts. Par exemple, l’utilisation d’un dispositif potentiellement moins sûr ne requiert-elle pas le consentement éclairé du patient ? Selon la législation sur les produits thérapeutiques, les dispositifs médicaux à usage unique retraités doivent répondre aux mêmes exigences et à la même sécurité que les produits neufs. Logiquement, les coûts du contrôle de la qualité et de la certification augmentent proportionnellement au risque potentiel lié au dispositif considéré.

Competence : Comment l’application des nouvelles règles est-elle vérifiée, et quelles sont les sanctions en cas de non-respect ?

Paul Dietschy : La législation sur les produits thérapeutiques prévoit la possibilité de procéder à des inspections avec le concours des autorités cantonales et des services régionaux d’inspection. Swissmedic développe peu à peu des modèles d’inspection et procède à leur concrétisation.

A cet égard, Swissmedic s’efforce d’élaborer des instructions et des listes de contrôle tenant compte à la fois des impératifs pratiques et des risques potentiels. En matière de vigilance, de maintenance et de stérilisation, Swissmedic travaille en étroite collaboration avec les associations et les groupes de travail concernés, dont diverses sociétés médicales spécialisées, l’Association suisse des hôpitaux H+, les associations des ingénieurs hospitaliers et des techniciens hospitaliers ainsi que la Société suisse de stérilisation hospitalière.

Competence : Quelles sont actuellement les principales attentes de Swissmedic à l’endroit des hôpitaux afin d’assurer la sécurité des patients ?

Paul Dietschy : A l’ère de la haute technologie médicale, notre principale attente est la prise en compte accrue de la technique médicale dans le système d’assurance de qualité et de gestion des risques mis en place par les hôpitaux. Cela présuppose premièrement une meilleure gestion des dispositifs médicaux à la fois sur le plan de l’entretien, de la maintenance, du retraitement et de la stérilisation ; deuxièmement, le respect des règles de bonnes pratiques dans la recherche ; troisièmement, le traitement interne correct des annonces de matériovigilance pour les incidents graves et, quatrièmement, l’intégration des ingénieurs hospitaliers et des responsables de la stérilisation et de l’hygiène dans le système d’assurance de qualité des hôpitaux.

Enfin, Swissmedic accorde beaucoup d’importance à la mise en oeuvre des nouvelles normes techniques pour les gaz médicaux. Les hôpitaux doivent soigneusement planifier cette transition afin d’exclure tout risque de confusion à issue fatale, comme le serait par exemple l’interversion de l’oxygène et du protoxyde d’azote. L’adaptation technique des réseaux de gaz ne doit en aucun cas conduire à des erreurs de raccordement susceptibles de porter atteinte aux patients, car dans un tel cas, l’hôpital concerné serait non seulement confronté à une perte d’image, mais très probablement aussi à de lourdes prétentions en dommages-intérêts.

Ressources et outils de travail : Swissmedic fournit des aide-mémoire et des conseils relatifs à la LPTh et à l’ODim :

- Feuille d’information sur le maintenance correcte des appareils et instruments à l‘hôpital

- Guide approfondi sur les essais cliniques ainsi que la liste des normes techniques pour dispositif médicaux : www.swissmedic.ch/md/files/leitf-f.html. Swissmedic prépare en plus un envoi aux hôpitaux avec des informations supplémentaires et des feuilles d’information pratiques pour les médecins hospitaliers.

- Informations sur la réglementation des dispositifs médicaux : www.swissmedic.ch/md.asp. Swissmedic publie à cette adresse toutes ses informations relatives aux dispositifs médicaux ; les documents pour la formation des acheteurs hospitaliers sont particulièrement intéressants, tout comme la rubrique « Page d’accueil sur le nouveau droit des produits thérapeutiques ».

- Conseils sur l’alimentation en gaz : jusqu’à la fin de l’année, Swissmedic met gratuitement à disposition les services d’un spécialiste en gaz médicaux. A partir de 2003, une liste d’experts sera mise à disposition.

- Conseils sur l’assurance qualité pour l’utilisation de dispositifs médicaux à l‘hôpital.

- Sont en préparation des publications détaillées sur les aspects pratiques de la procédure de stérilisation à l‘hôpital et de la validation des grands stérilisateurs en milieu hospitalier ; publications en étroite collaboration avec des spécialistes des hôpitaux, des experts provenant de l’industrie et Swissmedic.

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