Mamadou Abdoulaye N’DIAYE & Alpha Amadou SY : « La politique et le labyrinthe »

In : Sud Quotidien, 27, 28 et 29 juillet 1998

Alpha Amadou SY et Mamadou Abdoulaye N’DIAYE sont professeurs de philosophie.

Sans doute l’idée la mieux partagée par les observateurs et les acteurs de la scène politique sénégalaise est que les législatives du 24 mai 1998 avaient un double enjeu. Le premier résidait dans le défi de la transparence : la question de savoir si, par la grâce de l’ONEL, le scrutin cesserait d’être le ventre mou de la démocratie(cf. « Le jeu politique et les enjeux électoraux », Sud Quotidien des 20 et 21 et 22 mai 1998). Le second enjeu était lié à la possibilité de faire des projections sur les présidentielles de l’an 2000, à partir des résultats sortis des urnes du 24 mai. Cependant, ces élections débouchent sur un horizon insoupçonné : l’émergence d’un puissant courant anti-entriste. Celui-ci est d’autant plus salvateur pour la démocratie qu’il cristallise les forces de l’opposition et les stabilise dans les sphères du contre-pouvoir. Ce faisant, il civilise le jeu politique.

I. La loi et la volonté de puissance

L’analyse du scrutin du 24 mai s’avère d’une complexité certaine. Dans le jugement des uns et des autres, le paradoxe, voire la contradiction – au sens aristotélicien du terme – y sont d’un statut parfois déroutant. Autant les animateurs de l’ONEL ont bénéficié de bien de satisfecit, autant l’on a décrié les carences de pans entiers de l’administration. Dès lors, cette interrogation s’impose : la compétence et le sérieux des membres d’un organe dépourvu de tout pouvoir juridique garantissent-ils ipso- facto la fiabilité du scrutin ?

En effet, la difficulté de cerner le scrutin dans ses différents moments et composantes, ont amené ceux qui s’accordent à reconnaître la sincérité de ces consultations à dénoncer dans le même mouvement ce qui leur semble être des irrégularités très graves. Leur argumentaire tient en une comparaison avec les élections rurales, communales et régionales de novembre 1996. Cependant, cette comparaison est d’autant plus sujette à caution que novembre est le temps d’une non-élection, le lieu d’un véritable chaos politique : la disparition du camion qui convoyait le matériel électoral dans la région de Dakar, les bulletins de vote multiformes de la Convention des patriotes, le report du scrutin dans certains centres de vote en sont une parfaite illustration. C’est pour quoi novembre 96 ne saurait être considéré comme un repère électoral crédible. L’ONEL et la Direction des élections sont toutes redevables du désordre électoral sus-indiqué, de leur avènement.

Certes, les élections de mai 1998 ne se sont pas déroulées dans un no man’s land. Les procédures, que requiert le scrutin se sont opérées non sans bavures, jusqu’au terme du processus électoral. Cette régularité apparente ne saurait cependant occulter le fait que le processus électoral ait été travaillé par des perversions sous-jacentes qui ont annihilé sa charge démocratique et disqualifié la sincérité de ses résultats. A cet égard, l’amendement du député du Parti Socialiste Niadiar Sène et l’incohérence du fichier électoral sont les perversions les plus significatives, dans la mesure où elles fonctionnent ensemble dans le processus électoral comme les deux termes d’une corrélation. Cette corrélation qui est déterminante pour l’issue du scrutin est doublée et renforcée par une corrélation décisive, en l’occurrence l’équipollence entre l’incohérence du fichier électoral et « les vraies fausses cartes d’identité ». L’incohérence du fichier électoral constitue le moyen terme qui articule et organise dans une seule et même logique politique les deux corrélations répertoriées. La première est déterminante tandis que la seconde est décisive.

En vérité, la bataille électorale est enclenchée par le combat épique autour même de la réforme du code électoral. A cet effet, l’amendement Niadiar avait une double préoccupation : le passage du nombre de députés de 120 à 140 et l’établissement de la parité entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel. Son odyssée rocambolesque de l’Assemblée Nationale au Gouvernement en passant par le Conseil Constitutionnel qui le récuse pour vice de forme, atteste de sa portée politique ; elle est le gage de la sauvegarde du pouvoir. Censuré par les Juges, stigmatisé par un fort courant d’opinion qui mobilise toutes les forces vives du peuple, l’amendement Niadiar résiste à toutes les épreuves. De proposition de loi illégale, il se transmute en projet de loi recevable.

Mais ce glissement politique pose un redoutable problème à la République. Cette dernière souffre d’un déficit démocratique dés lors qu’elle entérine une loi contestée dans sa forme et dans son contenu. La presse perspicace n’a pas manqué de relever l’anachronisme de la démarche. Tidiane Kassé fait observer à ce titre : « aucune loi n’a de sens lorsqu’elle va à l’encontre du sentiment collectif le plus large. Ni en avance, ni en retard dans sa conception, un texte législatif doit être pour épouser les besoins de la société à laquelle elle s’applique. Et les Socialistes savent de façon pertinente que le Sénégal a besoin de tout sauf de vingt députés supplémentaires. Sinon, ils n’auraient pas comploté pour aboutir à ce camouflet. » (Walfadjiri, 25 février, 1998).

Effectivement, cette réforme, qui n’en est pas une, n’a su prendre forme que par l’argument de la force. Elle est un coup de force qui jure avec l’éthique républicaine que nourrit le principe de la souveraineté populaire. Ce principe assigne à l’Etat la fonction de défendre et de promouvoir les biens civils. Or, dans la réforme en cours, l’enjeu unique consiste à sécuriser le pouvoir et sa classe politique par un recours délibéré à l’ostracisme et à la volonté de puissance. Dés lors, ce coup de force nous installe dans un univers « hobbesien » que régente la loi du plus fort.

La Fontaine, dans une litote qui fait sens dans la perspective historique avait mis en garde les puissances contre la bonne conscience que procure l’autoritarisme. La force est d’autant plus faiblesse qu’elle anéantit ce qu’elle conquiert. La loi du plus fort est toujours la meilleure, dit le poète. Rousseau renverse les termes du propos, et nous propose la bonne lecture dans la trajectoire de l’esprit républicain : « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme pas la force en droit et l’obéissance en devoir ». Cette critique de la volonté de puissance véhicule paradoxalement une leçon politique à l’intention de ceux qui gouvernent par la force. Celle-ci est précaire et ruineuse pour le pouvoir qu’elle anime. Les despotismes séculaires sont menacés par les dérives autoritaires qui étouffent les libertés au nom de l’ordre et de la loi. Il s’agit, dans tous les cas de figure, de la logique de la volonté de puissance qui organise l’espace politique. La République ne peut rester pérenne que si elle conjure les démons de la volonté de puissance au grand bonheur de la volonté générale.

Ce pari est radical ; il est à l’œuvre dans tous procès démocratiques, il interpelle aussi bien les démocraties séculaires que les démocraties balbutiantes. Jacques Robin en fait la question majeure du troisième millénaire et, dans le même mouvement, nous invite à dépasser le règne animalier de la jouissance immédiate pour mieux porter l’espérance et l’idéal démocratique : « L’éthique, cette attitude questionnante et non normative qui interroge les conduites plutôt que les valeurs, nous pose les problèmes clé des limites. Limite assignée à la volonté de puissance et de jouissance immédiate des sociétés et des individus qui les composent. Tel est sans doute l’un des grands chantiers de la nouvelle modernité, avec celui de la liberté ». (Monde diplomatique, juillet, 1989).

Il est hors de doute que la volonté de puissance, en tant qu’elle est prisonnière de l’immédiateté, est en porte-à-faux avec le pari sur l’avenir. C’est pour quoi elle n’est jamais porteuse d’un projet social. C’est sous ce rapport que l’amendement Niadiar est véritablement ruineux pour le processus de démocratisation qu’in enferme dans la défense des intérêts d’une classe en rupture de ban avec l’idéal démocratique.

II. L’ingénieur et le politique

L’incohérence du fichier électoral n’est pas le fait d’une carence technique ; elle témoigne rationalité politique qui organise la stratégie de conservation du pouvoir dans le processus électoral. Cette rationalité politique apparaît avec beaucoup de relief dans la corrélation entre la réforme du code électoral et l’incohérence du fichier électoral. La question qui, jusqu’ici, est sans réponse, est celle de savoir comment en est-on arrivé à inscrire sur le fichier de la DAF 110.00 électeurs sans les répertorier sur la liste électorale officielle qui est parvenue aux partis politiques et à l’ONEL ? Pour quoi on s’est évertué à mettre en branle le processus électoral sans résoudre le problème de l’incohérence du fichier électoral ?

Le Juge électoral qui avait déjà rencontré le fameux amendement Niadiar, qu’il a censuré, se contente de prendre acte en refusant de mener la moindre investigation pour en cerner les tenants et les aboutissants. A ce niveau, il fallait être un tant soit peu perspicace pour saisir que ces deux phénomènes sont inscrits dans une même logique, partant constituent les deux termes d’une même corrélation. Cette investigation s’imposait d’autant plus que son terrain était balisé. Le Ministre de l’Intérieur et l’ONEL ont croisé le fer autour de l’inadéquation entre les deux fichiers respectifs qui pourtant traitent de la même matière électorale. Contre toute attente, le débat sera escamoté et la lumière sacrifiée sur l’autel de l’opacité.

Cette paix des braves, qui liquide avant la lettre le contentieux électoral, est un mauvais présage. Si l’objectif de l’ONEL est de mettre en confiance et de rassurer les différents protagonistes du jeu politique, force est de reconnaître que la gestion de son contentieux avec le Ministre de l’Intérieur à propos du fichier électoral n’a pas répondu à cet esprit. Le différend dont la persistance et l’acuité ont vite fait dire à certains observateurs qu’il s’agissait de « la guerre des Généraux » a été résolue à la veille des élections comme par un coup de baguette magique. Mais le problème posé reste sans solution ; les incohérences des listes électorales ont persisté. Les deux partis optent pour le subterfuge.

Il est tout à fait remarquable que les incohérences institutionnelle et technique, à l’œuvre respectivement dans l’amendement Nadiar et dans le fichier électoral découlent de mesures autoritaires qui tiennent leur force de la volonté de puissance. Ces incohérences qui sont en parfaite cohérence avec la reproduction du pouvoir politique sont d’une étonnante opèrationnalité. Elles sont mises en œuvre dans la réalité avec un esprit de rigueur sans relâche, qui les autorise à épuiser toute leur logique dans le jeu électoral. Le triomphe de l’opacité dans le processus électoral a pour pendant l’opacité du triomphe électoral.

Dans la mesure où la comptabilité en unité- cartes des voix des électeurs est décisive, il s’avère évident que la question du fichier électoral suscite un intérêt capital qui commande la plus grande transparence dans son traitement. Or, l’opacité qui continue à envelopper jusqu’à son terme le processus électoral rend tout observateur perplexe, d’autant plus que le Juge électoral, qui valide les résultats du scrutin, est lui-même désarmé sur cette question majeure. Ainsi, apparaît l’aporie dans laquelle nous installe ce problème dont le traitement a été évacué dés la veille du scrutin. Mais il surgit au moment de la délibération pour être l’objet du contentieux électoral.

L’arrêt du Conseil Constitutionnel, en le mettant en exergue, atteste, par ricochet de la manipulation effective des cartes d’électeurs frauduleusement inscrites dans le fichier central. La technicité de l’ingénieur vient à bout de la rigueur du Juge électoral qui est mal outillé pour traquer en tout repère le surplus de 110.00 cartes frauduleuses devenues anonymes dans le puzzle du scrutin.

L’ambiguïté du scrutin du 24 mai réside dans le fait de délibérer sans lever l’aporie. Là gît le paradoxe du verdict rendu par l’arrêt des cinq Sages. Il fallait lever l’équivoque. Dans cette perspective, l’ingénieur, à son corps défendant, apporte son concours précieux, dans un lapsus linguae qui émerge de la fameuse polémique avec le Général Niang : « nous ne donnerons pas à l’ONEL les moyens de nous contrôler, de faire son travail ; qu’il se débrouille ! ». Ce lapsus tient sa fécondité dans l’éclairage qu’il fournit au sujet de la corrélation entre la réforme du code électoral et l’incohérence du fichier électoral. Cette corrélation permet de comprendre comment l’ingénieur et le Politique font chorus.

En vérité, l’augmentation des 20 députés de l’Assemblée Nationale se ramène à la bonification du quota du scrutin qui, de facto, passe de 50 à 70 députés. Ainsi s’ordonne la parité des deux ordres du scrutin. Le point focal de la réforme est, en dernière analyse, le scrutin majoritaire qui est seul à connaître un déplacement de signe dans tout ce remue-ménage du code électoral. Le scrutin proportionnel n’a pas changé d’un iota. Il est resté le même, celui du statut quo antérieur. Ainsi, les listes départementales deviennent le cadre privilégié où s’élabore la stratégie de la bataille électorale. Car le mode de scrutin autorise le triomphe radical avec l’un peu plus de voix.

Effectivement, dans ce versant du scrutin, une seule voix de plus permet de gagner tous les sièges de la liste départementale. Quand l’un peu plus assure une victoire tous azimuts, on peut saisir aisément l’impact de 110.000 de surplus à l’échelle du territoire national. Qu’adviendrait-il du score du Parti Socialiste, au scrutin majoritaire si 110. 000 voix étaient retirées du circuit du scrutin ? A ce niveau, l’incohérence du fichier électoral et la réforme du code électoral s’articulent dans la logique du scrutin majoritaire et mettent en place les conditions optimales pour rempiler des sièges. Elles révèlent ainsi leur véritable enjeu et leur parfaite adéquation.

A l’évidence, cette corrélation met en œuvre les opportunités institutionnelle et technique qui assurent la victoire du Parti Socialiste. Dans cette perspective, il se propose de battre à plate couture toutes les forces de l’opposition réunies au scrutin majoritaire. Dés lors l’amendement Niadiar, corrélé à l’incohérence du fichier électoral, apparaît dans toute sa dimension. Il n’est pas seulement une quête fiévreuse de sinécure pour fidéliser la clientèle politique. Débordant cette préoccupation, il participe d’une ambition plus fondamentale, celle de sécuriser et de reproduire le pouvoir. En s’emparant de façon impériale des sièges de la liste majoritaire, le Parti Socialiste réalise ce dessein. Parité oblige !

Cette manœuvre politicienne était initiée bien avant le jour du scrutin par le cercle des faussaires. La presse avait sonné sur la sonnette d’alarme, sans susciter l’écoute escomptée. Le journal Walfadjiri reportait en ces termes : « 5.000 cartes d’électeurs distribuées dans l’espace de trois jours par un seul président de commission. Cela a paru suspect aux membres de l’ONEL de Matam qui sont descendus à Bokeledji. Le président de cette commission a violé la loi avec la complicité de certaines autorités. C’est ainsi que l’ODEL de Matam menace de saisir le Procureur de la République ». (Walfadjiri, 16/04/1998).

Ces pratiques frauduleuses ont essaimé sur l’étendue du territoire national. La presse, mue par l’idéal républicain, a livré une lutte acharnée contre ces faussaires qui, tels des corsaires, élaboraient dans l’enceinte du labyrinthe, un stratagème pour refonder leur règne régalien.

C’est dans le même registre qu’il faudrait circonscrire l’histoire des vraies fausses cartes d’identité, les quelles ont fait légion le jour du scrutin, et cela, malgré le subterfuge de l’administration. Celle-ci s’obstinait à faire état de simples rebuts de la Direction de l’administration du fichier quand la presse fit des révélations fracassantes à leur sujet. On ne peut être que stupéfait du fait que l’instruction judiciaire, ouverte au lendemain du bras de fer enter la presse privée et les autorités du ministère de l’intérieur, soit tombée en panne le jour du scrutin. Les porteurs de faux, après leur forfait ont été superbement ignorés par les tenants de l’ordre et de la loi. Pourquoi le ponce-pilatisme a-t-il fait autorité ?

Au détour d’un lapsus renouvelé toujours porteur de vérité, l’ingénieur éclaire notre lanterne. Interpellé par une presse soupçonneuse au sujet des 40.000 cartes d’identité bloquées au ministère de l’Intérieur, ce dernier considère que cet état de fait fâcheux résulte de l’urgence que prend la confection du matériel électoral. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir, dans quelle mesure la pièce d’identité n’est- elle pas la pièce- maîtresse du matériel électoral ? Que vaut une carte d’électeur si sa présentation n’est pas assortie de celle d’une carte d’identité fiable ? Les 40.000 citoyens dont les pièces d’identité sont mises sous le boisseau sont-ils étrangers au scrutin ?

Ce manquement est certes une incurie mais il a un sens dés l’instant où il est mis en corrélation avec le surplus de 110.000 voix du fichier central. Cette double irrationalité de l’ingénieur procède moins d’une carence technique que d’une rationalité sous-jacente qui met en place l’équipollence entre le surplus des 110.000 voix de la DAF et le blocage des 40.000 cartes d’identité à la DAF. Cette équipollence est planifiée scientifiquement par une rationalité politique qui déroule le processus électoral dans toutes ses séquences. De l’amendement Niadiar à l’arrêt du Conseil Constitutionnel, en passant par le moment du scrutin proprement dit et du recensement des bulletins de vote. En aucun moment de ce processus électoral, les termes de cette équipollence n’ont cessé de parasiter le vote des citoyens.

Cette relation osmétique entre l’ingénieur et le Politique sape les principes fondateurs de la République qui opère sur le modèle de l’Etat-parti. Ainsi, l’appareil d’Etat n’est pas mis à contribution par le Parti au pouvoir, il s’érige lui-même en bastion politique ; intègre le jeu politique en tant que parti. Dés lors, on comprend aisément pour quoi les autorités administratives dans le jeu électoral croisent le fer avec les forces de l’opposition. Abdou Fall, le Coordonateur de la Convention des Démocrates Sénégalais, (CDS), exprime avec relief cette osmose entre l’ Etat et le Parti Socialiste : « Nous avons rencontré sur notre chemin au cours de ces élections les agents de l’administration : préfets, sous-préfets se sont battus avec la dernière énergie contre nous ».

Les préfets de Matam et de M’backè se sont illustrés dans ces agissements en polémiquant au grand jour avec les partis d’opposition et les ODEL respectifs qui les rappeler à l’ordre républicain. L’ingénieur qui officie dans les arcanes labyrinthiques de l’administration est au service du politique, de la reproduction duquel il prête son savant concours, dans le contexte d’un processus électoral à priori verrouillé par la volonté de puissance. De toute évidence, cette volonté de puissance est en porte- à- faux avec l’idéal démocratique. Défendre et participer à l’idéal démocratique exigent la sanction de la forfaiture et de tout acte délictueux visant à parasiter le suffrage universel. Ainsi, l’Etat ne doit pas sur le doit pour faire prévaloir les règles républicaines.

Cette exigence trouve sa pertinence dans le fait que le suffrage universel participe du droit des citoyens de participer à la formation de la loi. Ce principe fondateur est formulé avec force par la Déclaration des Droits de l’Homme. Ainsi, le suffrage universel est l’acte de souveraineté du peuple qui confère à la République sa quintessence. Sa garantie est un sacerdoce qui est du ressort du « magistrat civil » auquel John Locke avait assigné le rôle de défendre et de promouvoir les biens civils. Les biens civils sont au centre de la problématique de la citoyenneté, qui n’est pas réductible au champ de la politique politicienne, lieu de dévoiement de l’idéal démocratique. Au lieu d’être rivée aux stratagèmes de conquête et de conservation du pouvoir politique, la démocratie citoyenne traite des questions fondamentales qui agitent la vie des membres de la cité : le travail, la sécurité, l’éducation, la santé, la culture, la liberté. La vacuité dont souffrent ces questions dans le champ de la politique politicienne, explique sans aucun doute la fracture qui prévaut entre le politique et le citoyen. Le fait que les 140 députés de la nouvelle législature soient élus par une majorité de 1. 300. 000 Sénégalais est tout à fait symptomatique de cette nouvelle majorité politique. Un tel déficit démocratique n’est pas même d’agréger une minorité politique, quand des millions de citoyens, en tant que majorité écrasante, refuse consciemment ou inconsciemment de voter. Pour mettre en marche le système démocratique, force est de prendre en compte dans le jeu politique cette majorité apolitique qui peuple la démocratie citoyenne et vide la démocratie politique.

III. Les impasses de l’entrisme

Quarante huit heures après la proclamation des résultats provisoires du scrutin du 24 mai, des contestations ont fusé de partout, y compris des rangs du Parti Socialiste. Toutefois, la frénésie de ce qu’on pourrait appeler une en scène a été émoussée par la nonchalance, voire la prudence de certains acteurs politiques. Pour la première fois depuis 1988, des troubles électoraux n’ont pas doublé une consultation électorale. La situation est à chercher non dans une belle unanimité sur la fiabilité des élections que dans la spécificité du contexte dans lequel le scrutin du 24 mai 98 a eu lieu. Sous ce rapport, l’on ne saurait considérer le comportement inhabituel de l’opposition dans la période post-électorale comme le geste de sincérité du scrutin. Une telle position est, à tous égards, insoutenable.

En effet, l’opposition avait ouvert les hostilités post-électorales le lendemain du scrutin. Dans un communiqué daté du 25 mai, le Front anti-fraude ouvre la brèche, dans des termes par trop subversifs qui jurent avec la quiétude de la veille électorale : « Dans une vaste opération menée à l’échelle nationale, le Parti Socialiste n’a pas hésité à utiliser l’argent de l’Etat à grande échelle, à dépenser des milliards pour corrompre les électeurs et détourner les suffrages. Avec de telles méthodes qui ont faussé le scrutin du 24 mai, n’importe quel parti, dès qu’il accède au pouvoir, peut y rester indéfiniment. Conscients de notre devoir de sauver notre peuple qui vient de s’engager résolument dans la voie de l’alternance en désavouant le Parti Socialiste et en portant massivement son choix sur l’opposition, décidons de nous engager dans un vaste front de lutte contre la fraude pour la disqualification et l’invalidation du Parti Socialiste dans les présentes compétitions électorales. » (Sud Quotidien, 27 mai, 1998).

Ce discours aussi chargé de soufre, véhicule une virulence qui n’a son répondant que dans les chaudes journées post-électorales de 1988 et 1993. Il exprime avec force vive les velléités de lutte des partis d’opposition contre les résultats provisoires des élections législatives. Ce faisant, il enclenche le processus de contestation post-électoral. L’évanescence de ce mouvement de protestation, pour être intelligible, doit être mise en rapport avec certains facteurs au nombre desquels figure le procès de l’entrisme. Le courant anti-entriste qui prend corps et consistance au sortir du processus électoral, va faire contrepoids aux velléités revendicatives post-électorales qui, dans le passé, ont été nourries par des ambitions « ministérialistes ».

Ce courant insolite, eu égard au précédent politique du Parti Démocratique Sénégalais, de la Ligue Démocratique et du Parti de l’Indépendance et du Travail, suspecte le mouvement contestataire de baliser la voie royale qui mène au Palais Présidentiel. Ce doute corrosif est doublé de la recomposition de l’espace de l’opposition avec le surgissement du Renouveau Démocratique qui déclasse And Jeff et menace les places fortes du PDS dans le champ politique. Dans ce nouveau cours politique, le Front anti-fraude a du plomb dans l’aile, au lieu de décoller est mis à plat, vaincu par la pesanteur anti-entriste. C’est à la faveur du mouvement anti-entriste que la crise électorale a été conjurée, au grand bonheur d’une opposition plus avisée et plus conquérante qui décline l’offre des parcelles du pouvoir sur l’échiquier gouvernemental.

Durant tout le long de cette décennie des plus tumultueuses de notre histoire récente, des acteurs politiques ont refusé de se mouvoir dans une logique politique qui serait conçue par le leader du PDS. Les premiers signaux de cette contestation du leadership libéral sont venus de And Jeff / PADS. Ce parti a très tôt refusé l’offre de rejoindre le Front-anti fraude en soutenant que le PSDS cherche à manipuler l’opposition à des fins de marchandages post- électoraux. Mieux, le Parti de Landing Savané avait opté d’attaquer frontalement le parti libéral dont la dénonciation de des accointances avec le pouvoir a constitué un des axes de sa stratégie électorale. Or, ces options ne sont certainement pas sans effet politique, au regard de l’ambition de And Jeff d’être la deuxième, voire la troisième force politique du pays.

Bien que And Jeff, par cette dialectique à rebours connue des seuls politiques, eut pris le parti de s’allier avec le PDS, le leadership d’Abdoulaye Wade continue à être contesté. En effet, les leaders de la CDP, du RND et du BCG ont tous tourné le dos au projet du PDS consistant à rassembler l’opposition pour une lutte en vue d’une reprise générale du scrutin. Par-delà le vice de forme soulevé par certains, l’argumentaire opposé à Wade met en exergue une leçon d’une haute portée politique et éthique : on ne peut continuer à initier et cimenter une contestation dont la seule finalité est de servir de poids dans les marchandages de portefeuilles ministériels et assimilés. En clair, les irrégularités valent bien une mobilisation politique, mais il y a lieu d’être prudent pour ne pas faire du peuple un instrument de promotion politique. A cet égard, l’analyse de Madior Diouf est d’une lucidité frappante ; elle participe de l’ancrage du courant anti-entriste : « L’objectif visé ne nous rassure pas…Le RND ne sera pas à la conférence des leaders. La raison est que les propositions maximalistes sont certainement formulées pour ne pas être appliquées. Elles sont faites au Parti Socialistes pour asseoir et négocier la reprise de l’expérience du gouvernement élargi. Or nous estimons que c’est une expérience qui retarde le pays. Le rôle des politiques doit être partagé. Ceux qui détiennent la majorité exercent le pouvoir et l’opposition contrôle cet exercice et le critique. Un pays qui ne peut pas bénéficier de tout cela perd l’avantage que constitue le dialogue national entre le pouvoir et l’opposition. » (Sud Quotidien, 27 juin 1998).

Cette réitération de la vérité originelle de la démocratie récuse la contrefaçon politique à laquelle aboutit l’entrisme. L’alchimie politique que qui opère dans la pénombre du labyrinthe est traversée par une perversion éthique que le Pr. Iba Der Thiam brocarde en ces termes : « La Convention des patriotes n’accepte pas d’être manipulée pour permettre à un qui que ce soit de mieux négocier son entrée dans le Gouvernent. La CDP qui a examiné la proposition du PDS a relevé des similitudes avec celle qu’on nous avait faite en 93 quand j’avais alors demandé que nous considérons le régime issu de ces résultats d’illégitime. Ceux qui avaient fait cette proposition avaient reculé quelques semaines plus tard, ils entaient dans le Gouvernement. Et reconnaissant, du même coup, ceux dont ils avaient demandé l’annulation de leur élection. La CDP avait tiré la leçon : qu’on s’était servi de nous pour mieux négocier, car les négociations PS/PDS se déroulaient au même moment où ils discutaient de la stratégie à adopter. »

Ces coups de pique ont un impact certain sur le sort de l’entrisme qui perd de sa superbe et se corrode. Bien vrai, l’on pourrait nous demander de nuancer la portée de ce jugement en vertu du poids politique des pourfendeurs de l’entrisme. Mais cet impact est surtout fonction du contexte politique qui crédibilise ce qu’il convientd’appelerleprocèsdu ministérialisme initié par And Jeff. Il sera décuplé par les fissures de l’édifice du PDS, des flancs duquel sort le Parti Libéral Sénégalais de Maître Ousmane Ngom, et surtout la poussée vertigineuse du Renouveau Démocratique dont le radicalisme de la critique du pouvoir ébranle sérieusement le leadership du PDS dans le champ de l’opposition.

Cette immersion dans le noyau rationnel du projet démocratique révèle un espace politique qui n’est guère saturé par le pouvoir politique. Il est plutôt ordonné sur le modèle du logos grec ; lequel fonctionne comme une lutte verbale. Celle-ci met aux prises des contradicteurs qui partagent les règles du jeu politique. Certes, les acteurs politiques épousent les principes démocratiques mais ils ne sauraient pour autant se fondre dans un unanimisme qui distille la pensée unique.

Le nouveau cours politique

Le dialogue qui anime l’espace politique démocratique fait de l’ordre une structure, au sens dialectique du concept. C’est sous ce rapport que la vérité du pouvoir se trouve dans le contre-pouvoir. Le problème de l’articulation entre les sphères de la société a toujours préoccupé l’aventure démocratique. Il s’agit d’une question pérenne. Cornelius Castoriadis a montré qu’elle était au centre de la cité athénienne, avait traversé tout le 18ème siècle et se pose avec une acuité sans cesse recommençante à la veille du troisième millénaire.

Cornelius Castoriadis s’est efforcé de restituer la réalité du dialogue démocratique : « Ce n’est que dans un régime vraiment démocratique qu’on peut essayer d’établir une articulation correcte entre ces trois sphères (la maison, l’agora, endroit publique privé où les individus se rencontrent, discutent, et l’ecclesia ; lieu public, le pouvoir), préservant au maximum la liberté privée, préservant aussi au maximum la liberté de l’agora, c’est-à-dire des activités publiques communes des individus et qui fasse participer tout le monde au pouvoir public. Alors que ce pouvoir public appartient à un e oligarchie et que son activité est clandestine en fait, puisque les décisions essentielles sont toujours prises dans la coulisse. » (Monde diplomatique, février 1998).

Cet éclairage du philosophe français nous édifie sur toute la pertinence de l’articulation des sphères du pouvoir et du contre-pouvoir, dont l’agora est le creuset originel. Certes, cette dialectique s’est dilaté dans l’histoire depuis le 18ème – et surtout – au 20ème siècle qui a vu naître la classe politique comme corps social ; lequel déclasse l’agora et lui substitue le parti politique.

En dépit de ce recentrage, préjudiciable au projet originaire, la dialectique pouvoir / contre-pouvoir continue de réguler le jeu démocratique véritable. Denis Diderot, depuis le XVIIIème siècle l’avait campé on ne peut plus pertinemment dans le mouvement républicain. Il s’insurge avant la lettre contre l’entrisme en ces termes : « Le gouvernement arbitraire d’un prince juste et éclairé est toujours mauvais. Ces vertus sont les plus dangereuses et les plus sûres des séductions. Elles accoutument insensiblement un peuple à aimer, à respecter, à servir son successeur quel qu’il soit : méchant ou stupide. Il enlève au peuple le doit de délibérer, de vouloir ou de ne pas vouloir lorsqu’il ordonne le bien. Cependant, ce droit d’opposition, tout insensé qu’il est, est sacré sans quoi les sujets ressemblent à des troupeaux dont on méprise la réclamation sous prétexte qu’on le conduit dans de gros pâturages ». Maints hommes politiques de l’opposition font leur cette thèse d’une étonnante actualité. La sonnette d’alarme retentit dans toute sa contemporanéité et ses échos nous parviennent.

Le Renouveau Démocratique qui a émergé sur la scène politique, dans sa quête d’identité propre, a eu l’intelligence de faire de l’ancrage à la gauche du pouvoir le point de focalisation de sa ligne politique. Ce faisant, il ne s’est pas laissé arrimer par le PDS englué dans les méandres de l’entrisme. Ainsi, il avait participé à la réunion du « groupe des 7 » mais en y envoyant non pas le leader national mais un de ses lieutenants. C’était un signe, voire un signal dont la signification politique n’échappe pas au personnel politique de l’opposition dont il brigue le leadership non sans panache.

Auparavant, le Renouveau Démocratique avait pris le soin de demander non pas une annulation générale mais partielle, là où des irrégularités auraient entamé la sincérité du scrutin. Et le Parti libéral a très vite fait de revoir à la baisse ses exigences liées au contentieux électoral. Au surplus, cette démarcation des compagnons de Djibo Ka s’insère dans une stratégie globale positionnement dans l’opposition et surtout dans l’espace occupé par « la gauche ».

En effet, le Renouveau qui a, jusqu’ici, affiché sans ambages ses ambitions pour l’an 2000, a réalisé que pour ratisser large, force lui est de s’engager résolument dans une logique oppositionnelle. Le moindre atermoiement à ce sujet impliquerait la perte d’un électorat dont l’instabilité est à la mesure de l’émotion qui a charrié l’irruption de ce parti. Cette considération fondamentale imprègne la démarche du Renouveau.

Elle trouve sa manifestation la plus éloquente à la fois dans le refus de regagner l’espace présidentiel et son ostracisme envers les partis politiques entristes dans sa quête d’éléments constitutifs d’un groupe parlementaire. A ce sujet, il serait intéressant de voir s’il n’y y a pas un recoupement entre la sortie de la LD de l’espace présidentiel élargi et l’ambition du Renouveau de former un groupe parlementaire qui porte le label de la « non-participation ». La participation au Groupe parlementaire « démocratie et liberté » implique l’abandon par la LD de la démarche entriste. C’est pour quoi elle n’a pas su mener la critique de la participation responsable avec rigueur. Abdoulaye Bathily avance sur ce terrain des arguments d’une faiblesse évidente : « Pour moi, la participation au Gouvernement a été une expérience enrichissante, je dois la confesser. Une expérience qui m’a permis de mieux connaître mon pays, les hommes et les femmes. De mieux connaître notre société et ses problèmes. C’est quelque chose qui a été exceptionnel dans ma vie. Je ne connaissais pas le Président de la République avant d’entrer au gouvernement ».

Cette vision, conscience nostalgique du leader de la LD/MPT, est contrebalancée par cette approche de Djibo Ka qui est plus édifié sur la réalité du gouvernement, eu égard à sa longue expérience d’homme d’Etat : « La conception d’un parti au niveau du Renouveau c’est une conception de militant. Dans la conception des autres, l’administration est au service d’un clientélisme particulier. (Y compris les tenants de l’entrisme – ajouté par nous). Nous n’avons jamais défini une politique, c’est maintenant que nous sommes entrain de le faire. Nos ambitions pour le Sénégal dans le projet politique que nous avons présenté aux dernières élections… Etre membre du Gouvernement ne veut rien dire, si vous ne définissez pas la politique, si vous n’êtes pas le concepteur de la politique, si vous appliquez une partie de cette politique, vous êtes en partie handicapé » (Walfadjiri, 8juillet,1998).

Cette idée est récurrente dans le discours du leader du Renouveau qui fustige avec la dernière énergie l’entrisme. A la question de savoir si le Renouveau fournirait une fin de non-recevoir à tout gouvernent de majorité présidentielle élargie, Djibo Ka a répondu en ces termes : « Répondre à cette question par un oui ou par un non, c’est comme si on l’avait suggéré. Non ! Cela ne fait pas partie de nos préoccupations actuelles. Notre souci aujourd’hui c’est : un, le pays doit savoir qu’il a été abusé le 24 mai dernier ; deux, le PS malgré tout est minoritaire dans le pays. Nous ne pouvons être partie prenante dans un attelage que le PS aura concocté. C’est trahir les aspirations du Sénégal. Non ! je crois que le destin du renouveau Démocratique est de porter l’avenir. » (Sud Quotidien, 28 mai 1998).

Cette césure politique avec les forces du pouvoir est très préjudiciable à l’entrisme qui, jusqu’ici, a fragilisé l’opposition et opacifié le jeu politique. Elle réaménage l’espace politique qu’elle restructure en assurant le recentrage des forces de l’opposition dans la sphère du contre-pouvoir. Ainsi, le jeu démocratique est censé opèrer autour du pluralisme politique. C’est grâce à la poussée du courant anti- entriste que le Gouvernement de majorité élargie a cédé sa place au nouveau Gouvernement composé de militants de PS. Il s’agit d’un événement politique salvateur pour la démocratie.

A ce sujet, il est tout à fait malveillant de reprocher au Parti Socialiste de former un gouvernement avec ses militants. Cet acte politique ne pêche en aucune manière. Il s’inscrit dans la logique du jeu démocratique. Il a le mérite de clarifier la chose politique en établissant des lignes directrices et des repères fixes un tant soit peu.

Le problème qui se pose est plutôt d’un autre ordre : les repères ainsi dégagés résisteront-ils à l’attrait que le pouvoir exerce ? Les hommes politiques qui ont tourné le dos à l’espace présidentiel élargi auront-ils plus de principes que d’appétit pour résister au rouleau compresseur de la phagocytose ? Cette question hante les esprits au regard des précédents politiques. Elle mérite d’être traitée à bras le corps par tous les partis désireux de participer à l’aventure démocratique. Ainsi, le Renouveau démocratique, qui, dans le procès de l’entrisme, a fait montre de beaucoup de mordant, est tout de même convoqué devant ce tribunal critique car sa perspective est subordonnée à une sérieuse introspection qu’un méaculpa ne saurait épuiser.

Sans verser dans le dogmatisme qui évalue le mouvement, cette introspection qu’elle fait office de catharsis pour exorciser les démons du péché originel. En effet, les initiateurs du Renouveau, en tant qu’ils sont tributaires d’une immersion dans les méandres du pouvoir dans un passé-présent, pourront-ils ancrer dans le paysage politique l’initiative démocratique de leur courant politique ?

La légitimité de cette interrogation trouve son répondant chez Amadou Tidiane Kâne, le Maire de Kanel : « Le Renouveau pourrait nous faire voir le bout du tunnel en l’an 2000 ; toutefois, je crains que les travers hérités de notre parti marquent le Renouveau. Ce qui reviendrait à un PS bis. Le risque existe car beaucoup de responsables du Renouveau, comme moi-même, n’ont pas connu d’autres formations ». (Le Matin, 9 juillet 1998).

Cette observation interpelle tous les acteurs politiques de l’opposition qui ont tant soit peu fréquenté les allées du pouvoir. La consolidation de ce nouveau cours politique suppose le concours de tous les démocrates qui restent convaincus que la convergence, délestée de la divergence est un unanimisme ruineux pour le pluralisme politique, véritable matrice du jeu démocratique. Le pluralisme politique, en tant qu’il fonctionne sur le mode dialectique, s’arrache à l’empire du consensus dont la force d’inertie castre plus qu’elle ne féconde. Dans cette perspective, le jeu démocratique est une synergie de forces contradictoires dont l’achoppement dessine le mouvement qui vitalise le projet républicain. Ce jeu démocratique est une tension de la pensée et de l’action qu’irrigue une utopie positive ; ainsi, s’avère-t-il antinomique à la sainte alliance politique.

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