Mami Wata, de l’hystérie à la féminité en Afrique Noire par Michel OGRIZEK (notice bibliographique)

In : Confrontations pyschiatriques n° 21 – 1982 . De l’hystérie à la féminité en Afrique Noire

Résumé

Le mythe de la sirène, la Mami Wata, existe en Afrique Centrale, en particulier au Congo, dans la vallée du Niari. Certaines jeunes filles sont envoûtées par une sirène blanche qui habite le fleuve. Elles succombent parfois à la tentation, fuguent pour rejoindre leur amour et peuvent ainsi disparaître noyées dans les eaux profondes des crues en saison des pluies. Le village va alors participer à une thérapeutique qui rappelle une psychothérapie collective, un psychodrame, sous la direction d’une féticheuse spécialisée dans les envoûtements de sirène. Les anciennes malades sont présentes et participent aussi à la cure qui peut durer pré e un an, les soins étant espacés de plusieurs mois.

La première séance est magnostique.

La deuxième séance est pronostique : la jeune fille est offerte sur un lit de feuilles fraîches à la sirène ; elle plonge dans le fleuve ; si elle revient chargée de cadeaux, le traitement est jugé en bonne voie. La jeune fille à moitié nue sera aussi flagellée à J’eau bouillante (épreuve du feu) ; elle ne devra pas être brûlée si le traitement agit. Parfois, la jeune patiente ne reviendra pas. Noyée au royaume de la sirène… Une troisième séance est la proclamation collective de a guérison à laquelle fait suite une longue période de réclusion (6 mois à un an) dans une case, le corps peint d’argile rouge et blanche.

Les jeunes filles étudiées étaient hystériques selon notre terminologie occidentale. Selon la terminologie africaine, elles étaient envoûtées par la sirène. L’auteur de l’article analyse cette rencontre mythologique de la sirène et d’une hystérique par une approche anthropo – psychanalytique qui met en relief non pas tant la profonde maîtrise par la féticheuse des mécanismes du transfert que surtout l’aspect thérapeutique bouleversant de ce mythe. Celui-ci donne en effet à l’hystérique la chance fabuleuse et le consensus socio- culturel indispensable de rencontrer le désir dans un amour impossible et douloureux avec un amant au pénis paternel inviolable, mais aux attributs maternels avantageux, la sirène – dont la blancheur (symbole de mort en Afrique Noire) est un retour à la scène traumatique primitive, la révélation d’un deuil fantasmatique qui peut mener la jeune fille à la féminité… ou au suicide incestueux et tragique par amour.

Aller au contenu principal