Marie-Thérèse LEBLANC : « Éloge du métissage : Récits de femmes en noir et blanc »

Éditions Panafrica ; 2010. Collection Silex / Nouvelles du Sud. 159 p. Prix éditeur : 15 €

Marie-Thérèse LEBLANC a partagé l’histoire du Sénégal de 1988 à 2003. Responsable de l’action sociale du Consulat de France durant onze ans, elle a été au cœur des problématiques sociales franco-sénégalaises. Par ailleurs, au sein de l’équipe pluridisciplinaire et multiculturelle des thérapeutes familiaux formés à Kër Xaleyi (CHU de Fann à Dakar), elle a contribué à la mise en place de médiations auprès des familles de migrants et des enfants métis. Puis, à l’initiative des associations Trait d’Union et ADMICA (Association pour le Développement des Médiations Interculturelles Afrique), elle a participé en 2003 au festival Films Femmes Afrique. En lien avec ses activités, ce livre est issu d’une recherche réalisée en 2004 au sein de l’URMIS, Unité de Recherche sur les Migrations et Relations Inter-ethniques de Paris 7.

Cinq récits, de pionnières : Charlotte, Danièle, Renée, Maris-Jo et Jacqueline nous confient leur témoignage. Des Françaises qui ont choisi d’aller vivre au Sénégal avec leur mari africain au moment où cette ancienne colonie s’engage dans la voie de l’indépendance.
En 1949, Charlotte part avec Amadou, son mari, nommé au Mali. « Peu après notre arrivée, le Gouverneur organisait un bal. Mon mari était l’adjoint du chef du cabinet du Gouverneur et ils s’entendaient extrêmement bien. Moi, je ne voulais pas aller à ce bal, je n’avais pas de robe du soir, pas de robe longue. Mon mari a prétexté la garde des enfants. Le Gouverneur a dit à mon mari « Votre femme viendra au bal et c’est un ordre car je ne veux pas que les Européens pensent que je ne l’ai pas invitée parce qu’elle est mariée avec un noir. » Alors je suis allée au marché de Bamako m’acheter du tulle noir avec des points rouges (un tissu qui faisait bien français) et je mes suis cousu une jupe longue avec un bustier. Cela a fait beaucoup d’effet… »
Comme le révèlent ces cinq interviews, le métissage est l’affirmation d’une maturité pleinement assumée, tout à la fois simple et complexe, douce et amère, bref d’un « entre-deux » qui permet à chacun d’explorer, d’approfondir, mais aussi de « dépasser » sa propre culture, laquelle peut à son tour servir de tremplin à celle de son conjoint. Néanmoins, ainsi que nous le constatons dans l’ouvrage de Marie-Thérèse Leblanc, ce concept de métissage n’a pu faire l’économie d’un combat. Cette notion de « dépassement » a permis au Président-poète Léopold Sédar Senghor, non seulement de faire harmonieusement coexister les deux concepts qui lui étaient si chers en dépit de leur apparent antagonisme, la négritude et la francophonie, mais aussi de leur assigner une mission d’épanouissement mutuel. Dans le contexte actuel de peur de l’étranger, où toute union mixte est suspecte, depuis la loi de novembre 2006 sur le contrôle de la validité des mariages entre Français et étrangers, ces témoignages retrouvent une surprenante actualité. Ils nous invitent à rejeter les replis identitaires meurtriers pour renouer avec une conquête du métissage qui appartient à tous.

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