Michel SCHNEIDER : « Marilyn, dernières séances… »

Paris : Grasset, 2006.

La couverture sobre et blanche de cet ouvrage m’attirait vers le présentoir, mais je n’osais pas le prendre ni l’ouvrir, comme je le fais si souvent avec les livres. Probablement que le titre, sombre et définitif, ne correspondait pas à la représentation que j’avais de Marilyn. Je tournais les talons pour aller vers d’autres rayons, en pensant qu’une bonne âme, me connaissant bien (et guidée par quelques indices de ma part, l’air de rien), finirait par me l’offrir. Pari gagné, je le reçus en cadeau peu de temps après. Je réalisais alors que le titre était au pluriel, ce qui avait quelque chose de rassurant.
Lorsque je refermais le livre, après lecture des dernières phrases, je me demandais s’il était humainement possible de masquer autant de désespoir et de pensées sombres par une apparence physique et une présence aussi éclatantes. Une scène me revint alors en mémoire, dans laquelle Marilyn hurle sa colère contre les chasseurs de chevaux dans « the misfits », filmée de très loin, petit point agité et vain. Quel contraste avec la tendre naïveté de son personnage sugar-of-cane dans « some like it hot ». Ce troublant décalage infiltre tout le contenu du livre, jusqu’à parfois vous mettre mal à l’aise. Dans certaines séquences, les propos sont tellement intriqués que l’on ne sait plus quel personnage parle. Le psychiatre ou la star ? L’homme ou la femme ? L’enfant ou l’adulte ?
Un sentiment de violence lointaine et en même temps très familière, dominait ma perception de cette lecture. Je me sentais bien déconnectée de la représentation idéale et fascinante que j’avais pu avoir de l’actrice, représentation uniquement liée à ce qu’elle voulait bien laisser percevoir au grand public. Au-delà du plaisir de la lecture proprement dit, et de la découverte d’une personnalité hors du commun, un élément m’apparut comme assez déconcertant : cette capacité de manipulation de soi-même et des autres, laissant transparaître une intelligence redoutable. Est-ce l’enjeu de la séduction ? Ou de la survie ?
J’ai aimé et détesté ce livre. Je l’ai aimé pour sa construction narrative, ses intrications psycho-cinémato-politico-maffieuses, ses méandres physiques et intellectuels. Je l’ai détesté pour son intrusion dans les pensées d’autrui, pour m’avoir forcée à abandonner une représentation idéale et quelque peu naïve de l’icône Marilyn.
Mais je suis heureuse de l’avoir lu.

Coralie SANSON, in : L’autre. Cliniques, cultures et sociétés, 2007, vol. 8, n° 2 : 297-298

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