C’est un petit livre qui examine les propriétés positives du rire. Olivier Mongin, éditeur et directeur de la revue Esprit, analyse comment « le comique essaie toujours de faire tenir ensemble des éléments contradictoires, le haut et le bas du corps, le sexe de l’homme et celui de la femme, des identités et des lieux distincts, des populations étrangères les unes aux autres » (p.19). Le rire aurait donc une vertu de réconciliation avec soi-même par le corps, entre les sexes et les communautés, définition pour le moins iconoclaste.
On s’attachera surtout à la première partie du livre, la seconde examinant des comiques du « sexe ». L’auteur expose ainsi des portraits de « comiques identitaires », des artistes migrateurs et migrants, pour lesquels le déplacement est le ressort du comique ethnique : Jamel Debbouze, Gad Elmaleh, Fellag. L’auteur examine comment ils mettent en valeur leur double du corps et du langage par l’exploration et la mise en scène d’un parcours « personnel » en devenir. Ainsi, tous trois puisent leur énergie dans leur réalité que chacun contribue à transformer. En cela ils sont des « agents de pacification » et ils s’opposent à un Dieudonné qui construit des frontières, et mise sur « la concurrence des victimes », en soulignant l’inégalité des « races » dans leur reconnaissance de leur statut de victimes. Cette affirmation est argumentée à travers l’analyse des trajectoires et mises en scène des trois comiques, du ressort de leur comique dans le style, de l’utilisation de la langue. Ainsi, pas de revendication de communautarisme ou identité, ce qui fait leur succès à un public très large.
La démonstration est convaincante, surtout que l’on a forcément eu à rire de ces artistes sur nos petits écrans. Un seul regret : il n’y a aucune femme dans ce registre ?
Claire MESTRE, in : L’autre. Cliniques, cultures et sociétés, 2007, vol. 8, n° 2 : 298-299