Parenté et politique.

Pendant longtemps parenté et politique ont été considérés comme étant différents, or il n’en est rien car le politique se tisse sur des réseaux de parenté et s’exprime par des termes de lignage. L’exemple le plus probant est constitué par les généalogies royales. Les rapports de parenté sont souvent imbriqués au sein du politique et la structure lignagère sert de cadre au système politique.

Dans l’Antiquité, la citoyenneté était un mode de descendance patrilinéaire. La citoyenneté était définie par l’appartenance à la cité ce qui excluait les esclaves, les métèques et les étrangers. (Lire de D. Colas : Citoyenneté et nationalité – PUF 1991 et Année sociologique 1996). La citoyenneté provenant de la descendance est en opposition avec la citoyenneté provenant du droit du sol, c’est-à-dire reposant sur le territoire.

Dans les sociétés traditionnelles, la citoyenneté est fonction de la parenté. Le système lignager gère donc les inégalités de statut ; il poursuit dans ce sens car il prend en compte la notion de rang, de primogéniture (cf. le vicomte est le fils aîné du comte ; il est le seul à porter ce titre dans s famille ; il y a plusieurs comtes dans une même génération, mais un seul vicomte). Dans toute les sociétés segmentaires, le principe de parenté domine sur le principe territorial. C’est toute la différence entre droit du sang et droit du sol.

L’autorité politique est fonction du système de filiation et de résidence. Dans les sociétés patrilinéaires, les femmes se déplacent ; dans le système matrilinéaire, ce sont le hommes qui viennent vivre auprès de leurs épouses. Dans ce cas, le pouvoir est assuré dans chaque village par les hommes âgés qui sont revenus dans leur village. Le problème est qu’il y a une méconnaissance totale des problèmes concernant la société et des gens, les « vieillards ayant longtemps été absents de leur village : ils étaient dans celui de leurs femmes. Le système matrilinéaire entraîne donc une discontinuité de la connaissance. Dans le système patrilinéaire, le pouvoir appartient aux hommes qui sont restés dans le village ; il y a connaissance permanente de la société. Les sociétés passent du système matrilinéaire au système patrilinéaire et jamais l’inverse (voir cours sur les Guajiro – sociétés amérindiennes de Picon).

Dans le système matrilinéaire, les liens d’affinités peuvent aussi être plus importants que le lignage. Le groupe des hommes est peu uni et les affaires relevant du village sont assez méconnus. Les personnes âgée doivent s’imposer aux classes actives, ce qui est particulièrement compliqué. En fait, dans le système matrilinéaire, l’obligation pour l’homme de changer de résidence lui enlève beaucoup de poids dans l’exercice du commandement. Tardits montre, à travers l’exemple Bamoun, que dans les sociétés étatiques, la parenté jouent un rôle important. Il souligne aussi que le clientélisme est fondé sur une certaine parenté, car il s’agit d’un système d’alliance ou plutôt d’allégeance. Ceci est possible chez les Bamoun parce que les Etats sont de faible envergure.

Le système de caste s’appuie, lui aussi sur la parenté, mais le passage d’une class à une autre s’obtient en fait par l’éducation c’est-à-dire le savoir. Appartenir à la caste des lettrés est une promotion sociale (Inde). La mobilité territoriale constitue aussi un système de passage de classes ; en effet dans la nouvelle résidence, on connaît très rarement la provenance des nouveaux arrivés. Et pour justifier ce changement, l’homme se construit des mythes qui lui permettent d’expliquer cette évolution sociale (cf. Adler et son cours sur les mythes de fondation de la royauté 1998/1999).

Dans les sociétés à rang, les réseaux de parenté permettent de réussir des stratégies de promotion sociale. La place dans le lignage permet de comprendre la position des différents intéressés. Le statut de l’esclave se caractérise par l’exclusion de tout lignage ; l’esclave n’appartient à aucun lignage, il est hors de la société. A partir de cette donnée, certains dirigeants africains du début des indépendances ont voulu leur donner une position de pouvoir afin de briser les cadres traditionnels du pouvoir (cf. Guinée, Sierra Leone, etc.). Le pouvoir politique change alors de main. Cette position a été facilitée par l’attitude des détenteurs du pouvoir traditionnel pendant la période coloniale. En effet, nombreux étaient les chefs qui désignaient des esclaves pour aller à l’école des Blancs (cf. Amadou Hampaté Ba dans Amkoulel l’enfant peul). Ces derniers ont donc accédé à une certaine connaissance et ont pu s’intégrer dans l’administration coloniale. Il ont donc occupé des postes clés au sein de l’administration dans les années précédant les années soixante.

La polygamie est un moyen de renforcement du pouvoir. Payer une dot est un signe de richesse, mais le but principal est d’étendre les réseaux. Chez certaines populations comme les Dii du Cameroun, le groupe donneur de femme est supérieur au lignage preneur de femmes et fait de ses alliés des « vassaux » (cf. J.-Cl Muller). L’épouse amène des alliés. Dans le monde occidental certains clans familiaux ont un poids important en raison des alliances nouées à travers les systèmes matrimoniaux : Kennedy, Carnot (IIIème République), Jeanneney, etc.

Le système familial imprègne le vocabulaire politique : Staline est le petit père des peuples ; Thorez, fils du peuple ; le PCUS est le grand frère alors que les autres PC sont les partis frères. On effectue des alliances électorales, on parle de filiation, de recherche du père chez les gaullistes, Mitterrand est tonton, etc.

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