La lutte pour le pouvoir est au cur de la vie politique, mais le pouvoir varie selon :
• les sociétés : Chez les Nuer, les conflits sont réglés par « l’homme à la peau de léopard ». Celui-ci ne dispose d’aucun pouvoir, mais le règlement des conflits interne à la société lui incombe.
• les régimes : dans la France moderne, le pouvoir était au main des Valois puis des Bourbons ; il ne venait à l’esprit de personne de s’emparer du pouvoir s’il n’apparentait pas à cette famille. Lorsque le pouvoir est au sein des partis, on assiste à une lutte entre les différentes factions soit idéologiques (cf. courants différents au sein du PS), soit clanique (lutte entre les divers clans écossais). La lutte pour le pouvoir n’est pas une lutte des classes, mais une lutte des élites. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en URSS où le pouvoir était accaparé par une nomenklatura qui vivait au détriment des ouvriers et des paysans. On peut donc se poser la question de la pertinence de l’analyse marxiste en ce qui concerne la lutte des classes dans les sociétés préindustrielles. La réflexion sur le pouvoir est au centre de la philosophie politique (cf. Platon, Aristote, Bodin). Comment et à quelles conditions une (ou plusieurs) personne peuvent-elles gouverner une cité, un Etat. Qu’est-ce qui justifie, légitime le pouvoir ?
Le scandale de l’abus de pouvoir renouvelle l’interrogation sur l’exercice d pouvoir. Qui sont les détenteurs du pouvoir et quelle est leur justification ? Au Togo, e 1963, le capitaine Eyadéma assassine le président Sylvanus Olympio, mais il remet aussitôt le pouvoir à un civil, le président Nicolas Grunitsky. Celui-ci ne faisant pas suffisamment preuve de fermeté face aux mouvements contestataires, la situation se dégrade et le Lcl Eyadéma prend de pouvoir à l’issue d’un coup d’état (janvier 1967). L’ensemble de la population est satisfaite. La situation empire de telle sorte qu’Eyadéma fait un coup d’Etat en janvier 1967 et garde le pouvoir. Il est accepté par l’ensemble de la population. Au bout de trente ans de pouvoir, queìle est sa justification ? Les élection ont donné la victoire au chef de l’Etat, mais l’opposition conteste les résultats. Ne cherche-t-elle pas à récupérer un pouvoir qu’elle avait laisser échapper par incompétence et divisions ?
Les sciences politiques concernent l’étude du pouvoir. Le concept est décevant parce que trop ambigu, trop vague, plein de passion. Les sciences politiques renvoient à trois notions sur le pouvoir :
• le sens substantialiste : le pouvoir est une possession qui consiste en des bénéfices des avantages ; il peut donc se dilapider
• le sens institutionnaliste : le pouvoir désigne les gouvernants, les gens de pouvoir les pouvoirs publics. Il en résulte que l’opposition, ceux qui ne sont pas au gouvernement, ne disposent pas de pouvoir. La notion de pouvoir renvoie à celle de coercition légitime dans le cadre de la souveraineté ; celui qui dispose d pouvoir possède un droit de sanction (positive ou négative). Le pouvoir ne s’applique que sur les sujets ; les étrangers en sont exclus. La cité grecque avai pris comme disposition de ne jamais mettre les zones d’échange (ports essentiellement) au coeur de la cité, mais à sa périphérie : Athènes est bâtie l’intérieur des terres ; le lieu d’échange et de commerce est le Pirée, le port d’Athènes ; c’est là que résident les étrangers. Certaines zones bénéficient d’ailleurs de l’exterritorialité ; c’est-à-dire de la non application du droit local, mai bénéficient du droit spécifique des gens appartenant à la communauté ambassades, navires, aéronefs. Cela pose d’ailleurs le problème de arraisonnements de navires ou d’avions (cf arrestation de Ben Bella en 1956 ou des ministres guinéens à Abidjan pendant l’escale de leur avion en 1970 ?
• le sens interactionniste : un pouvoir mobilise des ressources humaines en vue de faire triompher, contre une éventuelle résistance, la décision ou le point de vue d’un individu sur un autre. Tout pouvoir suppose une restriction des libertés ; il faut différencier un pouvoir d’injonction (autorité) d’un pouvoir d’influence (suggestion d’un comportement). L’accès à des moyens d’influence diversifié nécessite des ressources de pouvoir ; cel suppose qu’un certain capital soit acquis (social, économique, culturel, etc.) La question de la légitimité du pouvoir se pose ; elle peut être acquise de manières diverses :
• par la tradition : les ancêtres ont transmis le pouvoir, être le reflet des ancêtres
• par la rationalité bien que les postulats puissent être différents. Il est important de connaître le postulat de base et de comprendre les enchaînements de la pensée. Les résultats sont différents car très souvent les postulats ne sont pas identiques et l’enchaînement des idées, tout en restant cohérent, ne participe pas du même type de raisonnement (cf. les gouvernements iranien ou tunisien : le premier est un théocratie alors que le second se fonde sur la laïcité. Or pour ces deux populations, le Coran est à la base de l’organisation sociale)
• par le charisme : le rayonnement individuel
Ces trois motivations se dosent différemment dans la quête de la légitimité du pouvoir. Le pouvoir est pluriel car relève de plusieurs instances à la fois (la terre, Dieu, les ancêtres, etc.) ; l’homme au pouvoir est souvent capté par des puissances supérieures (cf. Dalaï Lama, David, etc.).
Dans de nombreuses sociétés africaines, le chef est celui qui donne ; or pour donner, il prélève des tributs qu’il emmagasine. La richesse est un signe de pouvoir (cf. importance de la « surface physique » des dirigeants africains ; bien manger est un sign de richesse donc de puissance). Le chef prend pour redistribuer selon des critères acceptés par les sujets ; ce qui est grave ce n’est pas le détournement mais l’absence de redistribution.
Le pouvoir est une notion ambiguë (cf. Balandier) ; le pouvoir est accepté car il es garant de l’ordre et de la sécurité : il intègre et protège, mais il est aussi contesté parc qu’il justifie et entretien des inégalités. Ceux qui sont au pouvoir font tout pour perpétuer leur domination, alors que les autres peuvent contester ce pouvoir. Il y a équilibre entre acceptation et contestation. Le pouvoir est aussi révéré parce qu’il dispose d’implications sacrées ; le lien entre les responsables du pouvoir et les « gourous » est important. De nombreux chefs d’état disposent de mages, de marabouts de conseillers occultes (Catherine de Médecis et Nostradamus). Le pouvoir est aussi considéré comme un patrimoine personnel ; très souvent les caisses de l’Etat son confondues avec la cassette personnelle du chef (cf. Mobutu, Houphouët-Boigny, etc. mais aussi Louis XIV) On assiste à une patrimonialisation du pouvoir : le pouvoir es considéré comme un patrimoine personnel. Tout pouvoir cherche à faire prévaloir des opinions ; ces opinions relèvent-elles d la rationalité ou de l’idéologie
Le pouvoir est l’objet d’une étude philosophique (cf. Jouvenel du Pouvoir Burdeau L’Etat), sociologique (étude des partis politiques des groupes de pressio selon leur mode de fonctionnement), de politologie.
Le pouvoir est enjeu de l’action politique.
Les rapports d’ordre et de pouvoir : du Pouvoir Si la notion de politique implique le pouvoir, tout pouvoir n’est pas politique ; le pouvoir peut être familial, économique, religieux. Le pouvoir est la « capacité de mener des actions efficaces » (R. Dahl) ou la faculté de « produire des effets recherchés » (Russell) soit sur des choses, soit sur des personnes. Le pouvoir existe déjà dans le règne animal (ou végétal cf. : l’algue verte e Méditerranée qui augmente la superficie qu’elle occupe au détriment des autres plantes aquatiques ; le lierre qui parasite » le chêne, etc.). Le pouvoir contient la notion de préséance qui existe dans les troupeaux : certains animaux du troupeau boivent toujours les premiers. Le règne animal connaît donc une hiérarchie Le pouvoir est un attribut de l’acteur et une relation d’êtres humains (cf. Clémenceau, Gambetta, le guérisseur de verrues possèdent un pouvoir). C’est aussi la possibilité de convaincre autrui par une argumentation. Son extension varie selon les acteurs et en fonction des circonstances. Le pouvoir se concrétise par des gains ou des pertes de crédit. Il est relatif à un champ, à une sphère d’activité ; le chef d’entreprise et le chef de marché n’ont pas le même pouvoir (Il s’agit ici du chef de marché marocain où le marché est une zone de neutralité politique dans les sociétés berbères). Le pouvoir du chef d’entreprise est différend de celui du juge ; il dépend des fonctions de chacun dan la société. Le pouvoir comporte une intensité selon le degré d’obéissance consenti ; l’intensité vari en fonction de ceux qui commandent et de ceux qui obtempèrent. Le pouvoir suppose la maîtrise de quelques ressources : psychologiques (le faire pour moi), économiques, culturel, parental. Acquérir, accumuler, distribuer, dilapider des bénéfices et des avantages fait partie du pouvoir. Celui qui n’a rien à donner n’a pas de pouvoir.
Au sens wébérien (Economie et société livre 1, chap.1), le pouvoir se définit comme l chance de faire triompher, contre une éventuelle résistance, la volonté ou le point de vue d’un individu ou d’un groupe sur un autre. Les résistances peuvent être contrées par des actes d prévention ou des démonstrations symboliques du pouvoir (cf. les trois roses remises sur les tombes des emblèmes de la gauche – 1981 – ; le causeries au coin du feu de Giscard d’Estaing). Dans les relations de pouvoir, il y a asymétrie. L’échange est inégal et produit une restriction de la liberté. On différencie un pouvoir d’injonction (sanction) d’un pouvoir d’influence (capacité à suggérer un comportement en échange d’une rémunération matérielle : le fief médiéval ; celui-ci pouvait être une terre, un charge (bailliage du sel) ou en besan (monnaie byzantine). L’obéissance peut aussi provenir de la séduction. Le pouvoir peut être spécifié comme politique donc institutionnalisé ; dans ce cas le terme de pouvoir désigne les gouvernants (voir l’étude de Gramsci : Gouvernants et gouvernés). Les gouvernants sont chargés d’assurer l’ordre, la protection de la société contre les désordres. Cela nécessite de procéder à des arbitrages. L’Etat s’affiche comme « unique source de droit » en ce qu’il possède le monopole de la contrainte physique légitime » (Max Weber).
Le pouvoir politique.
Ce pouvoir se rapporte au processus et au rôle de la prise de décision (et d’exécution) qui engage et oblige tout un groupe, éventuellement par la contrainte. Il se définit par une force coercitive, son droit à l’emploi de la force physique comme recours ultime. Le pouvoir s’exerce dans un cadre territorial, sauf dans le cas d’ethnies dispersées. L’almany du Fouta Djalon possède une autorité morale sur tous les Peuls. La même différence existe entre le roi de France, qui possède une autorité sur la France et le Roi des Français dont l’autorité s’étend sur l’ensemble des Français, où qu’ils se trouvent dans le monde. (Il est d’ailleurs étonnant que cette dénomination apparaisse au début de la colonisation par l’Etat ; la première colonisation avait été effectuée par les compagnie à charte : cf. Compagnies des Indes…). La question est de savoir s’il peut y avoir un Eta sans territoire. Le pouvoir est institutionnalisé, c’est-à-dire qu’il repose sur une constitution (écrite ou orale) tout en reposant sur une force autonome. Il doit constamment maintenir cette légitimité par l’action. Ses tâches sont le maintien de l’ordre et la présence d’une administration. Talcott Parson insiste sur la capacité du pouvoir politique à coordonner l’action des unités sociales autour de la réalisation de fins collectives (d’un intérêt commun). Le pouvoir politique est organisé et hiérarchique. Le jacobinisme est une hiérarchisation poussée à l’extrême. La notion de politique inclut donc celle de rapport de force entre des individus et des groupes, ce qui sous entend qu’il y a plusieurs pouvoirs qui agissent doit en symbiose, soit de manière contradictoire. La vision optimiste (ou maximaliste) du pouvoir politique le définit comme une administration cohérente de la société globale avec un but intégratif et la régularisation cybernétique des demandes du peuple, des soutiens au régime et des processus décisionnels. K. Galbraith soutient que le pouvoir est de plus en plus diffusé dans la société et qu’il existe de nombreuses parcelles de pouvoir. La vision pessimiste (ou minimaliste) définit le pouvoir comme le contrôle d’un groupe sur la société globale sur fond de violence plus ou moins légitime. Ceux qui dénoncent la violence de l’Etat admettent souvent la violence révolutionnaire ; il y contradiction dans l’appréhension de la question. C. W. Mills et P. Bourdieu considèrent que l’élite au pouvoir se reproduit dans les hautes classes.
En fait, il y a accaparement par l’Etat, même en régime libéral, d’un nombre croissant de pouvoir sur l’éducation, la santé, l’environnement, l’architecture urbaine… La technocratie annexe de plus en plus pour contrôler. G. Balandier dit que le pouvoir politique est accepté comme garant de l’ordre et de la sécurité, révéré en raison de ses implications sacrées, contesté puisqu’il justifie et entretient l’inégalité (entre statuts, partis, rangs ou classes) ; l’exercice du pouvoir suppose une relation ambigu d’approbation et d’antagonisme (refus d’obtempérer, lois en désuétude). Le propre du politique concerne l’organisation de la société globale ; il coordonn les conduites individuelles et gère les conflits individuels entre personnes et groupes. Sous cette diversité, peut-on découvrir une nature et une essence du pouvoir ? La question est trop philosophique pour que l’anthropologue puisse y répondre. En fait, les pouvoirs sont pluriels ; ils peuvent avoir des relations avec d’autres institution (généalogies, religion – dieu, ancêtres)
Sémantique autour du pouvoir.
L’influence est une relation qui tend à modifier les comportements, notamment par la communication (cf. griot) ; quant à la séduction d’une personne ou d’un argument, elle n’influent en aucune façon sur le caractère égalitaire des partenaires, sauf si le prestige entre en ligne de compte. La modification des conduites s’obtient par des sanctions politiques, morales, économiques, religieuses. L’autorité se définit par l’aptitude du chef à se faire obéir quand il commande. Plus on montre son pouvoir, plus on en acquiert. Il faut distinguer entre l’obéissance consentante (autorité de facto) qui repose sur le droit et l’autorité passive (autorité de jure) qui repose sur l’absence de contestation. (voir le Que sais-je sur l’Autorité). La domination résulte du recours à la puissance pour obtenir l’exécution des décisions ; elle aboutit à une dissymétrie totale entre dominants et dominés. L’obéissanc des dominés est consentie lorsque l’autorité est légitime.
La légitimité repose sur trois types :
traditionnel reposant sur la valeur des traditions
charismatique repose sur la valeur du chef
rationnel repose sur le droit et la compétence.
La souveraineté ne s’identifie pas au pouvoir absolu, mais seulement par rapport à un pouvoir supérieur ou étranger. Ces six notions sont moins à traiter comme des faits que des catégories morales ; la relation de pouvoir peut se modifier avec le temps à l’intérieur des mêmes structures politiques, surtout si un des éléments perd de sa légitimité (le chef notamment).
Les sources du pouvoir.
Il n’y a pas de politique sans exercice du pouvoir ; le pouvoir dispose de ressources diverses.
• la coercition : s’il n’y a pas de moyen pour sanctionner, il ne peut y avoir du pouvoir ; cela suppose à la fois la possession de moyens pour récompense (médailles, prix, etc.) et pour sanctionner les oppositions ou les déviances (honte, mise en quarantaine, châtiment, etc.)
• la possession de richesses. Les capétiens donnaient des fiefs ; les chefs indiens et les Big Men océaniens s’imposent par leur richesse. Ils sont tenu à la magnificence car ils détiennent leur pouvoir de leur prodigalité
• la mise à disposition de moyens d’administration et de contrôle, donc aussi de moyens de pression. Les média accroissent le pouvoir du chef qui peut se montrer à tout le monde rapidement. Il faut voir là une des raisons des tours de France des souverains : se montrer au peuple (voyage dans le royaume de Charles IX, d Louis XIII, etc.).
• la compétence repose sur la fixation d’objectifs, leur adaptation aux attentes et au demandes afin d’en mener à bien la réalisation pour des fins strictement collectives ; elle peut être de deux forme :
technique c’est à dire la qualification et la conformité au poste. Dans le cas des élites, il ne faut jamais juger sur leur position du moment, mais sur la trajectoire qui est dynamique et qui montre s’il y a ascension ou déclin.
humaine ; c’est la confiance en soi, le désir de réaliser ses projets, la forc de caractère, le réalisme, la sociabilité, la maturité émotionnelle, le jugement droit, etc.
• l’identification sur la base du respect et de l’amour : dans les pays en voie de développement, le chef est le bien aimé (Nkrumah du Ghana) ; pour les Indiens d’Amérique du Nord, la bravoure est source de prestige.
• la légitimité du pouvoir vient essentiellement de son caractère sacré ; le roi a reçu l’onction du sacre, il est oint ; le doyen tire sa légitimité de son âge, de so ancienneté (sociétés africaines) ; certains souverains détiennent le pouvoir parc qu’ils sont les descendants du prophète (Khalifes au Moyen-Age, mais aussi souverains achémides : Hassan II est Commandeur des croyants car il descend de Mahomet. Le chef capte la force supérieure (roi de droit divin : les Capétiens – Importance du sacre royal). Chaque Pouvoir est à la recherche de sa légitimité. Cette question de la légitimité a été particulièrement importante pour la France libre. Le général de Gaulle n’a eu de cesse de se voir reconnaître comme le représentant légitime de la France alors que le maréchal Pétain était investi des pleins pouvoir par l’Assemblée du Front populaire.
Les différentes formes de pouvoir.
• Centralisation ou décentralisation. L’autorité centrale est-elle reconnue par tous les groupes ou uniquement par des segments distincts ? La féodalité est un pouvoi basé sur la segmentation. Chaque vassal dépend d’un suzerain, mais ce vassal peut être lui-même suzerain d’autres vassaux : le duc de Bourgogne est vassal du roi de France, mais le duc de Bourgogne possède des vassaux à l’intérieur de son Comté. Chez les Lobi, il n’y a pas de pouvoir central, mais chaque village constitue une entité centralisée.
• Degré de spécialisation pour une fonction spécifique. Le pouvoir central possède parfoisune autorité rituelle et religieuse mais aucune compétence territoriale. Le roi des Ewé au Togo possède une autorité spirituelle sur tous les Ewé, mais il ne commande pas ceux-ci ; ce sont les chefs de village qui gouvernent. Chez les Lobi, le chef de terre redistribue annuellement les terres ; il possède à la fois un pouvoir spirituel et religieux. Ce système pouvait être satisfaisant jusqu’à l’implantation des cultures industrielles ; en effet, les plantations nouvelles exigent une modification du système foncier : il n’est pas pensable que des caféiers soient plantés par un personne sans qu’elle ne dispose de la jouissance de la terre pendant que ses plants produisent. Ceci explique les nombreuses difficultés qui existent dans les palmeraies du Nord du Tchad où les palmiers qui ont été plantés appartiennent à des individus ; ces palmiers se trouvent au milieu d’autres ce qui donne lieu, lors de la récolte, à de nombreuses contestations.
• Concentration ou dispersion du pouvoir. C’est un corollaire de la centralisation et décentralisation des pouvoirs. Cette notion touche à la séparation des pouvoirs telle qu’elle a été définie par Montesquieu dans l’Esprit des lois. Lorsqu’il y a concentration des pouvoirs, on s’oriente vers la tyrannie ; quant à l’administration, elle n’est pas un pouvoir mais un instrument de l’exécutif. Or en Afrique, le chef de l’exécutif est souvent juge, ce qui a pour effet que tout acte de justice est précédé de longues palabres afin de rechercher un consensus où les différents éléments sont pris en compte, notamment la situation personnelle de l’individu (selon sa position sociale, il y aura telle ou telle sanction) ; dans ces sociétés, le législatif est souven assuré par le conseil des Anciens (chez les Nuer le rôle de « l’homme à peau de léopard » est chargé de résoudre les différends)
• Nécessité de faire connaître la parole du chef ; pour cela, certaines sociétés (Fon, Dan, etc.) du Bénin utilisent les fonctions de récadère. La récade est le bâton donné par le chef à son porte-parole pour montrer qu’il est investi de cette fonction et qu’il parle donc au nom du chef.
• Recrutement des gouvernants. Les charges peuvent être électives ou héréditaires. Quelle est la combinaison entre ces deux éléments ? Le problème est important ca si les fonctions perdurent, leurs titulaires changent.
désignation : par le prédécesseur, par le conseil des Anciens, par cooptation
élection : à quel niveau ? de quelle manière (direct, indirect)
dévolution : héréditaire par primogéniture ou par germanité (le pouvoir revient au frère comme dans certaines sociétés africaines). Quelle est la part combinatoire entre l’hérédité et la compétition (chez les Avongara – clan des chefs Azandé – les fils de chefs se battent entre eux pour savoir qui sera nommé chef)
La succession est un transfert de titre, d’office, de position de pouvoir d’une personne à une autre. L’accès à une fonction peut être instable et attachée à un destin individuel ; elle ne relève alors pas de la succession : le statut de Big Men ne relève pa de l’hérédité car celui-ci n’est jamais assuré d’avoir suffisamment de biens pour pourvoir assurer cette position à son fils.
Les critères de succession reposent sur la filiation, l’alliance (l’enfant de la première épouse hérite chez les Swazi), l’âge, la germanité. Le choix du successeur du vivant du détenteur conduit à une cogérance (Egypte, mais aussi premiers Capétiens) Chez les celtes, le Tanastry est un titre qui permet d’assurer le commandement lorsque le roi est trop vieux pour assurer sa fonction. Le choix peut aussi être fait par des spécialistes des rituels (cf. Rwanda), des officiers de cour (Ashanti), des grands électeurs (Saint Empire Romain Germanique), par tirage au sort (Berbère du Maroc), par roulement entre familles (Peuls du Fouta entre les Alfaya et les Soraya)
Contraintes – Sanctions.
Tout système politique fonctionne avec des contraintes. L’interdit est un instrument de pouvoir car il permet à l’Etat de recourir à la violence légitime. Un pouvoir non étatique peut aussi recourir à la violence (cf. le chef de famille sur ses enfants). Les formes de contraintes sont diverses :
• privative de liberté (incarcération, etc.)
• peines physiques (sanctions corporelles)
• peine de mort (dans les conflits, tuer les adversaires ; condamnation à la peine de mort)
L’Etat peut s’arroger le droit d’interdire l’exercice de la sanction physique (sanctions corporelles interdites au sein de l’Education nationale, etc.). L’Etat n’a pas de regard sur les violences morales (les pressions religieuses exercées par certains groupements tels que les sectes, etc.) peut être en raison de l’absence de traces matérielles quantifiables. Quelle sanction prendre contre l’Eglise qui promet le feu éternel aux fidèles qui ne se conduisent pas selon ses préceptes
L’Etat se porte certes garant de la liberté d’expression, mais il est en mesure de faire taire des citoyens ; il peut empêcher que certaines informations soient divulguées ( l’étranger – problème d’espionnage – ou interne – censure) ; l’Etat peut aussi restreindre l’accès à l’information des partis d’opposition (temps d’antenne écourté pour les partis d’opposition : en France les temps d’antenne sont répartis en fonction des résultat obtenus aux élections précédentes. Moyens d’information et de communication étatisé dans de nombreux pays du Tiers monde).
• usage de la persuasion, mais le pouvoir, par lui-même représente une force quelle est la limite de la persuasion et de la contrainte
• promesse d’agir selon les voeux du public (cf. campagnes électorales qui débouchent souvent sur des propositions démagogiques).
• menace d’issue catastrophique si les règles ne sont pas respectées, menace de chaos (cf. discours de général de Gaulle lors de la clôture des campagnes électorales -> menace de démission)
La notion de prestige est importante dans les sociétés modernes. Les lois assurent un prestige social à celui qui les fait appliquer. Mais les sociétés sans tribunal ne sont pas nécessairement vouées au désordre. L’ordre est maintenu sur plusieurs bases (territoriale, ethnique, etc.) Prestige vient du latin praesitgium qui signifie artifice, illusion. Il y a une idée de magie, de pouvoir surnaturel dans le prestige. (cf. prestidigitateur est souvent synonyme de magicien).
Les sanctions religieuses et magiques sont très fortes. Dans le domaine magico-religieux, il n’est pas nécessaire de recourir à des sanctions. La pratique de l’ordalie suffit à provoquer la sanction. La notion de pureté et d’impureté, de licite et d’illicite est liée à la sanction religieuse. Les sociétés archaïques se caractérisent par une responsabilité collective du groupe ; lorsqu’un membre a fauté, c’est tout le groupe qui est concerné. I est donc important, dans ces sociétés, que la faute soit lavée ; mais lorsque cela a été fait la purification est définitive. Il n’y a plus à revenir dessus. J’ai expié ma faute ; cel signifie pour l’Africain, le retour à la position d’avant la faute, comme si cette dernière n’a jamais existé et elle n’a pas existé puisqu’elle a été lavée.
Les autres formes de sanction :
• sanction diffuse qui est souvent religieuse par rapport à la sanction organisée qui dépend d’un code écrit (pénal)
• sanction satyrique : dérision moqueri
• sanction psychologique : opprobre. L’inceste est le faute la moins sanctionnée alors qu’elle est la plus fréquente. (Ne pas confondre inceste et endogamie).
• sanction morale
• sanction économique
• sanction pénale. Selon la nature du délit, le contrevenant sera sanctionné de diverses manières. Ce qui entre en compte c’est la manière dont la société considère la faute.
Dans le domaine de la sanction, la question importante est de savoir quel est l’objet du délit et qui est chargé de la sanction. Il faut donc en analyser les principes mais aussi la pratique, et voir la corrélation qui existe entre principes et pratique. Les points où il n’y a pas corrélation entre la théorie et la pratique sont particulièrement intéressants car ils montrent la différence entre la tradition – règle – et la réalité – manière dont a évolué la société. Les usages peuvent être supérieurs à la théorie. Une société ne correspond jamais à ce que les institutions décrivent ; il faut tenir compte des hommes qui agissen sur la pratique des institutions. (cf. constitution de la Vème République : différence entre l’esprit, le texte et la pratique. Il n’y a pas de domaine réservé, mais l’usage veut que la politique étrangère et la Défense nationale soient du ressort de l’Elysée, en raison de l’élection du Président de la république au suffrage universel direct).
Dans l’anthropologie de la maladie, le diagnostic n’est pas scientifique ; il repose sur les tourments causés par un esprit mécontent ; ce qui importe c’est l’esprit qu tourmente ; lui seul est la cause du désordre. On peut donc aboutir aux situation suivantes (voir J. Lombard, La peine et sa réflexion dans Histoire des moeurs de Poirie – La Pléiade – Gallimard) :
• une même thérapie pour diverses maladies, parce que c’est la même cause qui est à l’origine du désordre.
• des thérapies différentes pour des symptômes identiques, parce que l’on a à faire à des origines différentes.
Les luttes pour le pouvoir.
Dans toute société, des contre-pouvoirs sont à l’uvre, ceux :
• d’une opposition contestataire (y compris au sein des systèmes à parti unique) cette opposition est organisée dans un cadre institutionnel.
• de groupes d’intérêts limités (partis politiques, syndicats, consommateurs, écologistes, etc.). Les groupes de pression peuvent être conservateurs, y compris dans le syndicalisme lorsque sont défendues des positions acquises (grèves pour la défense des acquis).
• des partis révolutionnaires afin d’organiser un changement global, mais ces partis, une fois au pouvoir, développent un système de sanctions pour devenir totalitaires (cf. nazisme, communisme, etc.) ; en dehors du pouvoir, ces parti sont favorables aux négociations
Tous les contre pouvoirs cherchent à se faire obéir tout en se fixant des objectifs et des possibilités de marchandage. Michel Crozier propose quatre variables pour les rapports de force :
• l’objet de la relation : dans quel ensemble organisé s’intègrent les partis et dans quel contexte se manifestent les contre pouvoirs.
• la nature des forces : le pauvre peut l’emporter sur le riche s’il se trouve dans u champ où la richesse n’a rien à voir.
• la stratégie des joueurs. C’est le rôle de l’action politique : le détenteur de la puissance a-t-il les moyens et la volonté d’appliquer sa politique ? Ces notion de moyens et de volonté sont particulièrement importants Cette question a été cruciale pendant toute la période où la dissuasion nucléaire a dominé. Ce qui importe, ce n’est pas de se servir des moyens mais de montrer à l’adversaire que l’on possède la volonté de s’en servir ; il convient alors d’envoyer des signau assez forts pour le lui faire comprendre. Ces signaux doivent être sans équivoque. (lors de la guerre du golfe, Sadam Hussein avait auparavant, en juillet 90 envoyé quelques signaux indiquant son intention d’envahir le Koweït l’administration américaine, volontairement ou non ( ?) n’a pas envoyé de signaux suffisamment clairs concernant sa position).
• les contraintes de l’organisation ; quels sont les objectifs formels et informels du Pouvoir ? celui qui possède le pouvoir est celui qui contrôle les zone d’incertitude ; il connaît les différentes limites des champs d’action Son pouvoi réside dans le fait qu’il utilise la complémentarité des zones d’incertitude alors que son adversaire les connaît moins bien. et peut donc utiliser leur complémentarité.
Ces quatre variables démontrent que le pouvoir est avant tous dynamique comme le soulignait Georges Balandier dans son Anthropologie politique..