Rachid BENNEGADI : »L’enfant de migrant : enjeu culturel ou biculturalité de transition »

L’enfant né de parents maghrébins, africains, asiatiques, turcs, portugais ou l’enfant arrivé assez jeune en FRANCE dans le cadre de regroupements familiaux sera t il en mesure d’assumer l’enjeu culturel et social tissé autour de lui et dont il est le sujet et objet en même temps. Les interactions qu’il vit à travers la famille et la société sont elles opérantes pour qu’il puisse développer pour lui même un projet individualisé même si cet « individu » doit négocier avec les données culturelles qui ont jalonné son modèle éducatif. L’enfant de Migrant est il « porteur » de sa propre destinée par le biais des cultures qu’il voit s’affronter et qui vont façonner son sur moi et son moi. Je vais d’emblée rectifier le concept de porteur car il évoque soit une charge (que l’on peut supposer lourde ne serait ce que parce que une culture ça va, deux bonjour le fardeau !) soit un créneau, L’enfant de migrant serait « porteur » d’un marché qui pourrait être l’interculturel), soit une affection médicale L’enfant de Migrant serait porteur d’un virus, que dis je, d’une excroissance culturelle dont le traitement resterait à définir).

L’enfant de Migrant est il heureux ?

Enfant de Parents ayant réussi socialement leur migration (socio économiquement et psychologiquement), sera t il l’exemple même d’une 2ème génération assimilée qui aboutirait à la disparition du stigmate migrant au profit de l’ancrage à l’inconscient ethnique gaulois.

ou alors va t il s’empêtrer dans des considérations abusivement pour certains, légitimement pour d’autres « identitaires », ? Son adolescence sera t elle l’enjeu d’une nostalgie initiatique culturelle devant les valeurs décalées de ses parents et de ses pair Serait ce parce que quelque part quelqu’un lui aurait rappelé que l’on n’oublie jamais ses racines. A quel âge aurait il « bénéficié de ce conseil ». Ou, alors brutalement par un regard hétérophobe aurait il pris conscience que son phénotype imposait une image de soi qu’il n’avait pas pris, soin d’intégrer à sa juste couleur jusqu’à présent. La stratégie de l’école républicaine avait pourtant pris bien soin d’évacuer ces petits détails.

Enfant de parents encore dans la tourmente psycho sociale ou socioculturelle, que lui offre t on pour assouvir son appétit sur ses origines et sur ses ambitions. Le Père, la Mère, les Oncles, les Tantes, les Cousins, les Copains, quelle mosaïque de discours, de comportements, tous présentés d’ailleurs comme licites, classiques, donc naturels. Un rite par ci, une marque sur le corps par là, une manière de penser, un système de croyance, des propositions délirantes sur quel métier choisir pour rendre la famille ou le clan heureux, un ensemble de comportements pour séduire, des propositions identificatoires variées, multiples , paradoxales parfois, folles souvent, voilà ce que pourrait être les messages quotidiens pour cet enfant de Migrant. Mais, le bonheur malgré l’handicap socio économique reste possible ! Le mythe de l’eldorado plus le mythe de l’assimilation = un mythe sur la jouissance d’être Français. Ne vous laissez pas abuser par la « logique floue » que je viens d’utiliser. Car 1 mauvais mythe + 1 mauvais mythe soit D.2 mauvais mythes, Soit D. 1 bon mythe

Puis, c’est bien connu, les mythes et les mathématiques ça ne se calcule pas de la même manière. La biculturalité non plus d’ailleurs.

1 Culture + 1 Culture = 2 Cultures : ou 1 Culture ou 0 Culture

Hé oui ! même en comptant sur les doigts de la main, on risque l’apoplexie, tant il est difficile de faire des retenues quand on additionne les Cultures.

Y a t il vraiment un enjeu culturel pour l’enfant de Migrant ? J’ai tendance à penser que oui. Mais comment lui présenter cet enjeu, à supposer que vous acceptiez avec moi qu’il faut le mettre au courant.

Plusieurs possibilités sont à envisager.

– Lui dire qu’il est né (si c’est le cas) à l’étranger et en profiter pour embrayer sur qu’est ce que l’étranger et en quoi cela est intéressant d’être né ou d’avoir grandi à l’étranger. Cela suppose d’avoir au moins un ATLAS à la maison, enfin, c’est le minimum, je ne pense pas que cela soit suffisant.

– Lui expliquer à l’occasion d’une prise de conscience de sa différence physique (phénotype) ou Culturelle (pratique rituelle à la maison en présence d’un copain, expressions religieuses ou traditionnelles…

– Miser sur la culture de la société d’accueil et mettre en évidence la culture d’origine (des Parents) (langue y compris) Couteûx… Je ne préjuge pas du résultat.

– Valoriser à l’excès la culture d’origine comme garant de l’intégrité psychique et sociale, quitte à obliger l’enfant à plaquer certains discours (auxquels il n’adhère pas non pas par rejet mais parce qu’il en repère l’aspect plaqué).

Répéter, ce que l’école dit

Répéter ce que le Clan dit

Mais, dire cela à un enfant de Migrant, cela suppose dans ces deux derniers cas, reconnaissons que nous avons affaire à des parents, peu imaginatifs, peu créatifs

1) qu’on sait communiquer (je ne dis pas parler) avec un enfant

2) qu’on a clarifié déjà tout cet imbroglio en soi même, ou du moins si on est en voie de clarification, ne pas cacher les zones d’ombre, accepter les questions sans réponses, et surtout que les réponses soient aménageables et non pas « verrouillées ».

Je vous ai présenté cet enjeu culturel sur le mode le plus proche de ce que j’entends et perçoit dans ma pratique quotidienne au Centre Françoise MINKOWSKA. C’est un Centre Médico Psychologique pour migrants non francophones qui certes a pour objet de donner des réponses et proposer des thérapeutiques dans le cadre de la psycho pathologie. Mais c’est bien intentionnellement que je n’ai pas poser le problème là, car la biculturalité n’est pas un syndrome, ni un symptôme, c’est une tendance. Phénomologiquement, elle n’existe pas. Psychologiquement, c’est un travail de perlaboration. Culturellement, c’est un sujet de réflexion inépuisable. Sociologiquement pour les monoculturels c’est une galejade. Pour les « souscripteurs » à plusieurs références culturelles, adepte du cosmo politisme, c’est un capital.

Avons nous les moyens et les projets d’aborder cette conjonction Espace Temps Cultures avec les enfants de Migrants en FRANCE. A travers des orientations de « counseling » ou même dans le cadre parfois de certaines disfonctions familiales, ce mutisme sur l’interaction entre les cultures est frappant. Tant au niveau de la génération des Parents qu’au niveau parfois des partenaires sociaux. Parler de cela, c’est parler de soi, du moins d’accepter d’entendre qu’on aura sûrement à argumenter nos jugements, nos analyses, nos propositions, nos indications. J’ai souvenir d’une rencontre avec un éducateur qui me demandait un éclairage culturel sur le comportement d’une jeune fille berbère d’origine marocaine dont il ne comprenait pas le « fonctionnement ». C’était un classique conflit entre la fille et le Père au sujet des sorties en « boum » et tout cela avait un peu trop vite dégénéré ayant nécessité la mise en place d’une A.E.M.O. (Action Educative en Milieu Ouvert. L’éducateur était un homme jeune, manifestement de son époque, et son aspect extérieur autorisait à penser que son regard sur l’autonomie d’un homme ou d’une femme dans une famille ne tolérait pas facilement l’idée d’une seclusion quelconque ou d’un interdit autour d’une adolescente quelque soit 1 1 alibi culturel.

Très vite, il a accepté de développer en toute sympathie son l’opinion personnelle », mais dit il qui n’a aucune influence sur l’exercice de son « métier » 1 Fallait il vraiment qu’il le dise. De toute façon, cela a permis à cette adolescente de lui faire un « cours » sur la place de la femme dans la culture berbère marocaine et les raisons pour lesquelles le père s’acharnait à préserver sa virginité. Elle racontait cela comme une leçon de choses culturelles, dans un rôle « d’éducatrice », tout en avouant que ce modèle, elle n’en voulait pas, mais qu’elle ne voulait pas non plus s’exclure du clan familial.

Pour moi, l’intérêt était d’avoir mené l’affaire sur le terrain de l’interculturel (le vrai, celui de l’interface entre deux personnes) souscrivant à des références culturelles qu’ils croient universelles).

La dynamique acculturative a ceci d’exceptionnel, c’est qu’elle est au centre des aménagements psychiques et sociaux et que lorsque le contexte l’autorise, elle permet à la différence culturelle de s’exprimer sans détours, avec une mobilisation d’énergie et un aspect décisionnel très utile. En l’explicitant, le contenu du propos est réintériorisé avec de nouvelles significations dont tout ce que l’on peut dire en termes clairs c’est qu’elles sont un matériau potentiel.

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